27.11.11

Flashback

Cachés quelque part dans la Toile, il subsiste ici et là des fragments déjà plus très frais de mes écrits cybernétiques; certains, ne serait-ce que pour ça, y trouveront quelque intérêt.




VV
Non, pas Vortex Violet.
Va-vite.
Ce dimanche a commencé avec la seconde lettre de VLB dans La Presse. C'est Mélanie Vincelette qui me l'a envoyée. Comme la première.
La voici reproduite:

Le dimanche 25 avril 2004

Quand souffle le mistral


Victor-Lévy Beaulieu
La Presse
Trois-Pistoles

Le job du polémiste, c'est de frapper sur le bon clou et de taper assez fort pour qu'on en prenne acte. Les nombreuses réactions suscitées par mon article de février dernier sur les jeunes romanciers québécois disent bien que je ne me suis pas trompé sur l'essentiel : la nouvelle littérature est celle de grands adolescents dont les pères sont manquants et les mères manquées.

Face à cette vérité d'abord sociale, les jeunes romanciers se tournent vers eux-mêmes et se cherchent des raisons de vivre en exacerbant leur affectivité. Dès que le regard de l'autre les pénètre un tant soit peu, ils deviennent volontiers paranoïaques: ils sont tellement habitués de se considérer comme le centre de l'Univers que même la généralité, ils la prennent de façon personnelle. Enfants, ils ont trop écouté Passe-Partout qui nous les montrait tellement plus fins que les adultes.

Mais ces grands adolescents ne sont pas que le produit de pères manquants de mères manquées. Ils sont aussi les rejetons de Pierre Elliott Trudeau de sa charte des droits et libertés. Peu d'entre eux considèrent que vivre en société comporte un certain nombre de devoirs et d'obligations, par essence collectifs. Ils n'en ont que pour les droits individuels: je fais ce qui me plaît, comme ça me plaît et quand ça me plaît. Et ils croient dur comme fer que leur égocentrisme est un nouvel humanisme de gauche! Idéologiquement, ce sont des Bougon qui se prétendent anarchistes alors qu'ils ont plutôt la conscience sociale à zéro.

Je suis sans doute un vieux chnoque, mais je ne crois pas au salut individuel, surtout quand le propulse une spiritualité de pacotille. Le progrès et l'assomption de l'homme ne peuvent être que collectifs, d'où la nécessité d'un État-nation qui peut et doit en baliser les tenants et les aboutissants. En évacuant de leur discours celui de question nationale, nos jeunes romanciers nous convient à un destin suicidaire. Je n'ai pas besoin d'ajouter que seulement cela suffirait à creuser en canyon le fossé qui nous sépare. Philippe Jean Poirier rend fort bien compte de cette problématique dans La Tête de Philippi et L'Amour est un cargo sans pilote, ses deux premiers romans publiés en 2003. Poirier est sans aucun doute lemeilleur des jeunes romanciers que j'ai lus depuis longtemps puisqu'il fait le pont entre les soixante-huitards dont je suis et lagénération des Hamelin des Mistral.

Dans la réponse qu'il me fait, Mistral se montre frustré parce que je n'ai pas parlé de lui. Le problème de Mistral, c'est qu'il est encore trop jeune pour être un vieux chnoque de mon acabit, mais déjà trop vieux pour faire la bringue comme dans les premiers romans que j'ai lus.

Quant aux jeunes éditeurs qui ont pris part au débat, dont la naïveté m'a charmé et amusé, je leur conseille de lire les deux premiers tomes de l'Histoire de l'édition littéraire au Québec au XXe siècle, une magistrale leçon sur ceux qui ont contribué à rendre notre littérature dans ses grosseurs.

Ils y apprendront entre autres que les problèmes dont ils parlent ont été vécus avant eux par les Édouard Garaud, les Albert Lévesque, les Albert Pelletier et les Bernard Valiquette. Cette lecture-là une fois faite, je ne doute pas que se poseront alors pour eux les vraies questions et qu'ils perdront ainsi moins de temps à se croire les inventeurs de solutions soit-disant neuves alors qu'elles ont été expérimentées maintes et maintes fois par leurs aînés, et sans grands résultats, est-il besoin que je le précise.

Je souhaite à ces jeunes éditeurs de préserver leur enthousiasme. Tant d'autres virent casaque quand, après avoir compris le mode d'attribution des subventions gouvernementales, ils mettent la hache dans leur politique éditoriale pour publier n'importe quoi qui se vende. Parlez-en à Michel Brûlé, grand gueulard devant l'éternel lorsque étaient parcimonieuses les subventions qu'il recevait et bien silencieux maintenant que le ministère du Patrimoine lui octroie 250 000 $ par an!

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1.La Tête de Philippi, Éditions Stanké, 2003 et L'amour est un cargo sans pilote, de P. J. Poirier, Éditions Stanké, 2003.

2.Histoire de l'édition littéraire au Québec au XXe siècle(deux volumes), sous la direction de Jacques Michon, Éditions Fides, 1999 et 2003

> Victor-Lévy Beaulieu a accepté de participer à la rencontre qui aura lieu aujourd'hui, de 15 h 30 à 17 h, à la librairie Champigny-Renaud-Bray, 4380, rue Saint-Denis. Une rencontre animée par Jean Fugère qui accueillera aussi les jeunes auteurs Patrick Senécal et Melikah Abdelmoumen.

Bon. Sur ce qui précède, je ne m'étendrai guère, surtout parce que je ne suis pas vraiment mis en cause dans cette affaire, depuis le début. Le titre m'étonne, je dirai ça. Parce qu'il ne me semble pas refléter le contenu du texte. Quant au bref paragraphe qui m'interpelle, je dirai que je reprochais au moins autant à Victor-Lévy de ne pas parler de lui que de passer par-dessus moi.
Ma méthode ayant fait des petits, le courriel de Mélanie, adressé à toute sa liste, a suscité des réactions en chaîne qui n'ont pas tardé à débouler dans autant de boîtes courrielles, dont la mienne. Sans trahir le caractère semi-privé de ces correspondances en circuit-fermé, je peux révéler qu'elles contenaient saine grogne et saintes colères. Plusieurs signataires annonçaient leur intention d'aller brasser de la marde chez Champigny à trois heures et demie. Et c'est ce qui m'a décidé, une semaine après l'invitation de Jean Fugère («Avec ou sans ta gang»), à y aller aussi. En spectateur. Parce qu'on sentait qu'il allait se passer quelque chose.
J'ai appelé Kevin, qui est tombé d'accord. On est arrivés là trois minutes avant l'heure. Au haut de l'escalier, arborant ce sourire de sphinx que je connais si bien, celui qu'il a quand il sait quelque chose que j'ignore, se tenait Guillaume, flanqué d'un libraire-cerbère qui semblait tout autant s'amuser. «Veux-tu savoir la meilleure?» a fait Guigui avant d'enchaîner: «Il est pas là. Il vient pas...»
VLB s'était décommandé. Par fax. Deux heures plus tôt. Pour cause de, je cite: «laxiste va-vite».
La place était pleine, faisait chaud, y avait des lecteurs et des auteurs et seul Jean Fugère pouvait faire avaler cette absence à ces gens pompés à bloc sans se faire lyncher ni qu'on en veuille à VLB. Mieux: l'événement a eu lieu quand même, suscitant une conversation et une cristallisation des conceptions littéraires et sociales des principaux acteurs de ce théâtre. Ce que je ne me souviens pas d'avoir vu auparavant, jamais, ni de loin ni de près.
Avec Guillaume, on est restés derrière, en observateurs, souhaitant très fort ne pas être conscrits et appelés à témoigner au micro, et on partait, discrets, quand Fugère a dû voir mon chapeau se diriger vers la sortie, et voilà, il m’a conscrit.
J’ai gardé ça court. J’ai juste relevé que le mot Boomer n’avait pas été prononcé depuis une heure, même si on ne parlait en fait que de ça, même si c’était au coeur de la question. Fugère a suggéré que VLB n’est pas un Boomer. J’ai laissé couler. À quoi bon souligner qu’il est né en septembre 1945? Plus tard, au Bunker, Kevin, tout surpris quand je le lui ai dit, m’a confié qu’il lui donnait soixante-dix ans. Ceci explique cela, je suppose.
J’ai gardé ça court pour ne pas m’emporter et discourir sur l’homme in abstentia. Déjà, mes prédécesseurs au crachoir s’étaient lamentés de ne pouvoir lui parler entre quat-z-yeux, avant d’exposer ce qu’ils lui auraient dit. C’est leur prérogative, mais ce n’est pas mon genre.
J’ai gardé ça court. Ils ont ri, m’ont applaudi et puis je suis parti. Guig nous a ramenés dans sa nouvelle Volvo.
Je crois que ce dimanche marquera peut-être une date: la suite de l'oeuvre de ces jeunes écrivains le dira.Avant et après la fois où VLB eut le va-vite...

1:14 PM

4 commentaires:

gaétan a dit...

Je le trouve frais moi ce fragment de 2004. Et pis suis allé prendre connaissance de ta discographie pour y retrouver le Verra des derniers jours sur ton site.
Bon dimanche

Mistral a dit...

Ma discographie, c'était surtout pour montrer combien peu de place la musique occupe ici. J'y suis pas très sensible.

Verra, héhé: comme dans «Qui vivra...», genre?

Tu me rappelles: quand grand-père était pompé, il lâchait un gros «Verrat!», pis quand y étais vraiment en tabarnak, c'était «MAU-DIT-VER-RAT!»

La cabane shakait. M'as peut-être ressusciter ça, gériboère...

J'aurais cru que c'est les Bee Gees que t'aurais traqués dans ma liste, GeeBee.

gaétan a dit...

héhé les Bee Gees sacrament...Bon j'avoue. J'écoutais parfois la musique des frères Gibb dans le sous-sol de la maison paternelle quand j'arrivais avec une pitoune le samedi soir pis k'mes parents étaient absents. Mais bon j'étais pas pour leur faire jouer Black Sabbath :-)

Mistral a dit...

Les Bee Gees c'est trop bon pour les pitounes: Y a qu'Emcée en trente ans qui a pu écouter avec une oreille neuve et comprendre. Les gars, j'en ai jamais connus non plus qui disent aimer ça, à part moi. Ché ben pas qui a acheté leur mezik pendant quarante ans alors, au point de leur donner un number one hit par décennie, record absolu pas près d'être battu, même les Stones en sont loin. The BeeGees, dude: c'est pas de la Commedia del'Arte genre Black Sabbath. What the fuck does that mean anyway, Black Sabbath, Rolling Stones, The Doors, c'est des compagnies, Marque déposée, capital action, tu peux remplacer n'importe qui, même le lead singer, Gabriel quitte Genesis, c'est pas la fin de Genesis, c'est le début de Phil Collins. Les BeeGees, Maurice meurt, Les BeeGees meurent.

Black Sabbath, c'est super pour la pitoune qui fait le ménage, par contre. A danse, à tripe, à se défoule. Pour fourrer, ça vaut pas d'la marde.