Laïc, agnostique ou athée? Rien de ces trois trucs-là n'est le même, et on n'a toujours pas abordé les différences religieuses.
Pour ma part, j'ai abjuré la foi catholique au début de la vingtaine, parce que l'idée d'avoir été coopté avant l'âge de raison m'enrageait, mais surtout parce que je ne croyais plus en Dieu. Or, quand on a mûri depuis le berceau jusqu'à l'adolescence avancée dans une certaine idée du divin, un contexte culturel, familial, personnel, rituel, paramétrés par le concept d'une Création, d'un sens à la vie et d'une suite à la mort, ne plus croire en Dieu est une infiniment pénible perte. Personnelle. Une peine d'amour sèche, sale et sciante. Ce vide, à la rigueur, peut toujours se combler à grands renforts d'intellect: une pelletée de philosophie par-ci, un gros tas de raison pure par-là. Mais la soudaine, insondable solitude, elle, ne se soigne pas. La nature, dont la science a démontré qu'elle a horreur du vide, ne remplit pas celui-là. Dieu n'est probablement pas affaire de nature, mais de culture, alors. Eh bien, justement...
On n'a cessé, ici, de condamner l'alibi des Yankees pour leurs guerres d'agression: instaurer la démocratie, l'économie de marché, l'égalité, la liberté!
Parce que, vrai, c'est un processus. Ça prend du temps.
Or, c'est pareil pour nous. Qu'est-ce qui presse tant? N'avons-nous pas abattu assez de nos symboles historiques dans l'hystérique feu de joie qu'allumèrent les Boomers dans la seconde moitié des sixties, un incendie qui leur a échappé et qu'ils ne se sont jamais souciés d'éteindre ensuite, un brasier criminel, qui a presque tout consumé ce qui les a précédés? De cette terre brûlée, calcinée, le printemps dernier nous a donné l'espoir qu'une nouvelle germination de bleuets pourrait surgir...
Il faut comprendre les Canayens choqués par l'intervention de Djemila Benhabib. J'ai l'impression qu'elle-même les a compris. C'est un processus. Le crucifix, le drapeau, la croix du Mont-Royal, le reliquat de la foi de nos grand-mères, les églises immenses et magnifiques bâties partout sur notre territoire au prix d'efforts et de sacrifices inouïs: la Foi était vraie, authentique, nos parents n'étaient pas des imbéciles ni des victimes du Vatican sous la botte du clergé et de l'Union Nationale.
Jean Tremblay, ce qu'il dit, à mon avis, et qui a résonné sans conteste en un tas de monde comme un battant dans une cloche qui sonne les Vêpres, c'est: «Eh! Chose! La nouvelle! OK, OK, mettons que notre mère était une putain: c'est pas une raison pour que t'en jacasses sur le perron de la Cathédrale pendant qu'on procède aux funérailles en famille...»