25.4.09

Bonne année grand nez!

Cyrano de Bergerac
(Edmond Rostand, 1897)

Deuxième Acte, Scène VIII



CYRANO

Et que faudrait-il faire ?
Chercher un protecteur puissant, prendre un patron,
Et comme un lierre obscur qui circonvient un tronc
Et s’en fait un tuteur en lui léchant l’écorce,
Grimper par ruse au lieu de s’élever par force ?
Non, merci. Dédier, comme tous ils le font,
Des vers aux financiers ? se changer en bouffon
Dans l’espoir vil de voir, aux lèvres d’un ministre,
Naître un sourire, enfin, qui ne soit pas sinistre ?
Non, merci. Déjeuner, chaque jour, d’un crapaud ?
Avoir un ventre usé par la marche ? une peau
Qui plus vite, à l’endroit des genoux, devient sale ?
Exécuter des tours de souplesse dorsale ? ...
Non, merci. D’une main flatter la chèvre au cou
Cependant que, de l’autre, on arrose le chou,
Et donneur de séné par désir de rhubarbe,
Avoir un encensoir, toujours, dans quelque barbe ?
Non, merci ! Se pousser de giron en giron,
Devenir un petit grand homme dans un rond,
Et naviguer, avec des madrigaux pour rames,
Et dans ses voiles des soupirs de vieilles dames ?
Non, merci ! Chez le bon éditeur de Sercy
Faire éditer ses vers en payant ? Non, merci !
S’aller faire nommer pape par les conciles
Que dans les cabarets tiennent des imbéciles ?
Non, merci ! Travailler à se construire un nom
Sur un sonnet, au lieu d’en faire d’autres ? Non,
Merci ! Ne découvrir du talent qu’aux mazettes ?
Être terrorisé par de vagues gazettes,
Et se dire sans cesse : "Oh, pourvu que je sois
Dans les petits papiers du Mercure François ? "...
Non, merci ! Calculer, avoir peur, être blême,
Préférer faire une visite qu’un poème,
Rédiger des placets, se faire présenter ?
Non, merci ! non, merci ! non, merci ! Mais... chanter,
Rêver, rire, passer, être seul, être libre,
Avoir l’œil qui regarde bien, la voix qui vibre,
Mettre, quand il vous plaît, son feutre de travers,
Pour un oui, pour un non, se battre, -ou faire un vers !
Travailler sans souci de gloire ou de fortune,
À tel voyage, auquel on pense, dans la lune !
N’écrire jamais rien qui de soi ne sortît,
Et modeste d’ailleurs, se dire : mon petit,
Sois satisfait des fleurs, des fruits, même des feuilles,
Si c’est dans ton jardin à toi que tu les cueilles !
Puis, s’il advient d’un peu triompher, par hasard,
Ne pas être obligé d’en rien rendre à César,
Vis-à-vis de soi-même en garder le mérite,
Bref, dédaignant d’être le lierre parasite,
Lors même qu’on n’est pas le chêne ou le tilleul,
Ne pas monter bien haut, peut-être, mais tout seul !

18 commentaires:

s.gordon a dit...

Fucking A!

Mistral a dit...

On n'est pas tous des anciens, salope!

Mistral a dit...

Tu me manques. Personne croit qu'on se connaît pas. Quoi faire docteure S?

s.gordon a dit...

Que faudrait-il faire ?
Se battre, -ou faire un vers !
Pro re nata et renouvelable à vie.
J'sais pas. Let's drink to nobody.

Gaétan Bouchard a dit...

J'adopte le programme et m'en retourne sur la lune avec ce Cyrano de tabarnak.

Mistral a dit...

Ce Bouchard qui en toute tourtière me précède...

Gaétan Bouchard a dit...

Je ne sais pas pour la tourtière, mais tant qu'à se prélasser dans les alexandrins et les vers aux rimes parfaites je mentionnerai le nom de Tristan Corbière. «Les amours jaunes» que ça s'appelle. Corbière est le moins triste des poètes maudits. Pour ce qui est de la grosseur de son nez ou bien de son zob, je n'en ai aucune idée.

Mistral a dit...

Ça aide d'avoir de quoi de gros pour être maudit. Pas tout le monde qui est béni comme toi, gros de pied en cap (en péninsule?).

Gaétan Bouchard a dit...

Je suis bénit en tabarnak, mets-en.

Mistral a dit...

Rien à mettre (suis béni aussi)!

Mistral a dit...

En termes délicats ces choses-là sont dites, mais y en a qui vont finir par s'apercevoir qu'on est juste une paire de gros lards.

Gaétan Bouchard a dit...

Louis Cyr était tout en lard et il vous levait un train d'une main.

Mistral a dit...

Ça l'aidait à se pogner du sweet pussy, tu penses? Même Sandy mouillerait pus là-dessus, un minotaure qui lève un train d'une main. À moins qu'il le dépose dans sa cour à scrap, mais là y a la cupidité qui corrompt la luxure pure.

Gaétan Bouchard a dit...

L'essentiel est invisible pour les dieux.

Mistral a dit...

Surtout quand ils voient pas plus loin que le bout de leurs nez!

Mistral a dit...

Coudonc, Butch, le don d'ubiquité c'est chouette? Ou alors c'est un vrai grizzly qu'on a d'enfermé chez Sandy...

Gaétan Bouchard a dit...

Leurs nez pas de s, même si c'est la bonne manière de l'écrire au pluriel, ça m'a l'air bizarre.

Peut-être mieux de dire leur nez au singulier. D'autant plus qu'ils n'en voient qu'un seul.

Comme dans «ils ne voient pas plus loin que le bout de leur nez». Mais pourquoi un z alors? Nèze, nose... whatever.

Qu'ils soient bénits ou maudits, c'est sûr que les dieux s'en crissent.

Mistral a dit...

Case in point, you overbearing arrogant Indjun! Figure-toi que j'ai hésité entre s ou pas de s, et que j'ai choisi. Get it?