30.3.11

Des nouvelles de KV


Mon frère Kevin Vigneau est un très drôle d'oiseau, comme ne sont pas sans le savoir ceux d'entre vous qui l'ont rencontré et comme ne peuvent l'ignorer les autres qui en ont seulement entendu parler, voire n'ont que lu à son propos, y compris ceux qui le prennent toujours pour un personnage de fiction.

Avant-hier, il s'est retrouvé dans une position pour lui aussi déconcertante que singulière: il n'avait rien à faire. Cela ne lui arrive jamais, il s'emploie comme un forcené à faire en sorte de n'avoir jamais rien à faire, mais on a beau faire, il arrive qu'il n'arrive rien. Soudain, un beau lundi matin, son fils étant rentré chez sa mère, sa maîtresse se remettant chez elle d'une appendicectomie, sa pile de livres étant lue et visionnée la cinquième saison de 24, son contrat de peinture dans une baraque de riches remis au lendemain, son téléphone inexplicablement silencieux alors qu'il ne cesse de sonner d'ordinaire, plein d'appels de disciples et de thuriféraires et de bons pauvres diables et de gangsters et d'entrepreneurs et de membres de la famille et parfois même de moi, le voilà désoeuvré à s'en ronger le sang, sans envie de cuisiner ni de relier une vieille édition de La Symphonie pastorale ni de l'écouter, il n'a même pas le goût de boire, ce qui lui fait prendre conscience de toute l'étrangeté de cette situation...

Inquiet, agité, bouillant de force inutilisée, il s'oblige à s'asseoir devant son Mac et le bat deux fois aux échecs. C'est un bon feeling, moins vif mais plus profondément satisfaisant que de gagner au poker en ligne contre des adversaires invisibles: certes, eux sont humains, mais quand il triomphe d'une intelligence artificielle, c'est lui-même qu'il a vaincu et surpassé, et ce n'est pas vanité de reconnaître que la chose est sacrément difficile...

Après les échecs, Kevin se retrouve au même point, sauf qu'il est dix heures du matin. Il se lève à cinq: d'habitude, vers dix heures, la moitié de sa journée de travail est faite. Comment, au nom du ciel, va-t-il pouvoir s'y prendre pour faire quelque chose de cet interminable lundi, ce trou noir, ce temps mort?

Alors, il lui revient qu'il est également écrivain, et qu'il a bu un pot la semaine dernière avec un producteur en quête de chansons. Il sort sa plume, son encrier, son papier, s'installe à son bureau, se relève pour feuilleter Fontes afin de visualiser des structures de chansons, puis s'assied pour de bon. Deux heures plus tard, il a accouché de ce qui suit, et à sa grande joie, il lui reste encore à le transcrire en Word avant de me l'envoyer: de quoi travailler au moins jusqu'à treize heures!

Ce texte n'a pas encore de titre. Son auteur est fort troublé de ce que je n'aie absolument rien trouvé à redire, à discuter, à suggérer, que je le trouve parfait comme ça. De son propre aveu, s'il ne me connaissait pas tant, cela lui semblerait faire preuve d'indifférence. Et il est vrai qu'ensemble, on ne rencontre pas souvent un texte, de lui ou de moi, dans lequel on ne trouve matière à révision: on y prend plaisir, ça fait partie du processus, on passe nos phrases à la tordeuse et en bout de ligne on est contents, satisfaits qu'on ne pouvait mieux faire et sachant exactement pourquoi chaque mot est là. Or, je n'avais rien à dire sinon que c'est très beau, sans compromis et pourtant propre à devenir une chanson populaire, substantiel sans lourdeur, j'ai même dit que j'en étais jaloux, tandis que Kevin déstabilisé s'efforçait de se critiquer lui-même en l'absence de ma coutumière contribution, comme s'il devait jouer les deux rôles dans un sketch de Jerry Lewis et Dean Martin un soir où ce dernier aurait omis de dessoûler à temps pour monter sur la scène du Cal-Neva.

Il lui est aussi passé par l'idée, oh! il ne l'a pas dit mais je sais que ça lui a traversé l'esprit, que peut-être mes facultés littéraires s'émoussaient. Les facultés dont je parle dépassent de beaucoup la capacité d'écrire: elles sont une subtile et fragile mixture de technique et d'intuition, d'oreille interne et d'autisme, de candeur et d'intransigeance, et de passion, cela qui meurt en premier. Or, mon frère voit mieux que quiconque, parce que de plus près et depuis plus longtemps, les mille petites usures qui s'additionnent en moi au fil des ans, et je sais que ça lui cause autant de peur que de peine: il a besoin de moi fort, vibrant et en grande forme. C'est pourquoi la fugitive notion que je ne sache plus lire comme avant lui a voilé le regard en traversant sa belle caboche d'oiseau rare, avant de ressortir et se volatiliser.

Ce texte-là est parfait comme ça, et faudra se lever tôt, plus tôt encore que Vigneau, pour me démontrer le contraire.

Kevin Vigneau
28 mars 2011
Texte


Il y a des printemps plus sombres
Que les matinées de septembre
Des sciences noires aussi des nombres
Où l’on cherche encore à s’entendre

Des nuits de veilles et de fuites
À suivre le couchant et l’aurore
Les embrassades et les poursuites
Le clair-obscur quand on s’endort

Mais je te promets un prochain épisode
Comme un nouvel éveil
Une vieille histoire qui se répète
Un chant, un hymne, une ode
Quelque chaleur sous le soleil

Nous aurons eu tous les visages
La peur, la faim et la richesse
Vécu mensonges et mirages
Camouflé les jours de tendresse

Mais je te promets un prochain épisode
Comme un nouvel éveil
Une vieille histoire qui se répète
Un chant, un hymne, une ode
Quelque chaleur sous le soleil

Repose-toi, encore, doucement là
Vois ce qui vient et qui éclaire
Repose-toi, et regarde… là…

Je te promets un prochain épisode
Comme un nouvel éveil
Une vieille histoire qui se répète
Un chant, un hymne, une ode
Quelque chaleur sous le soleil

Bon anniversaire, Monsieur mon Fils!

Il y a vingt-neuf ans, je te contemplais à travers la vitrine de la Maternité de l'hôpital Saint-Luc: cette nuit-là, 28 enfants étaient nés, dont 24 garçons, qui tous ressemblaient à Winston Churchill hormis un petit Italien pourvu d'une tignasse épaisse, noire et frisée à faire peur. N'empêche, des 23 Winston qui restaient, tu étais le plus beau, le plus fort, le plus joyeux de vivre, tu étais le mien et je t'ai reconnu sans difficulté.

Depuis trente ans (je compte le temps de t'avoir désiré puis conçu puis attendu), tu m'as procuré un profond bonheur, un sentiment d'intime, d'intense satisfaction, une mesure d'accomplissement que mon travail seul ne suffisait pas à m'apporter. Je te remercie d'être venu au monde, mon fils.

Papa

2.3.11

La vie, quoi!

Comme si une Précieuse post-moderne ne sentait pas non plus le diable quand elle pète et qu'elle pue, quand elle chie et qu'elle sue, comme si les contes de fées bus dans son enfance et les récits pornos vus plus tard s'assemblaient en sapience de ce qu'est la vie pure, la vie vraie, la vie propre et désirable. Une vie qui ne serait pas merde, sang, sperme et pus et chiendent, traversée parfois d'éclairs propres et lumineux, de temps en temps, mais pas souvent. La vie, quoi!

Les pillés atterrés

Elle m'a laissé la version richement reliée d'un roman qu'elle me recommandait depuis longtemps, conservant pour sa part une édition de poche. Nous devions, paraissait-il, les lire de concert. Ce n'étaient que mensonges et remises à plus tard. Mais le roman est bon, fulgurant et plein d'excitation: s'y trouvent une supposée sorcière aimant mieux l'idée de la mort que celle d'abandonner l'homme auquel elle s'est consacrée, et une soi-disant noble dame disposée à se livrer sans amour aux sévices de l'argent, de la sécurité, de la reproduction et de la souveraine raison.

J'en ai quasiment lu la moitié.

Vézina versus Brûlé: la querelle des gros Michel

Je connais MB depuis vingt-cinq ans, et dans l'intérêt de la transparence je précise qu'en un quart de siècle je ne suis jamais arrivé à le sentir. J'ai essayé, j'ai tout tenté, mais rien à faire: je peux pas le sentir. Toujours dans l'intérêt de la transparence: je crois que c'est réciproque.

MV, c'est différent. On est en froid depuis un certain temps, depuis la mort de Nelly pour tout dire en transparence, mais je n'ai jamais cessé de l'estimer, même si et peut-être parce qu'il ne me rend pas toujours la chose facile.

Brûlé a mis le feu sous les pieds des hebdomadaires Transcontinental et leur chroniqueur, Michel Vézina, les sommant de se rétracter, de s'excuser, de lui baiser le cul ou de lui creuser une piscine à Saint-Jean-des-Meumeux, enfin on croit piger qu'il se sent diffamé.

Il les a eues, ses excuses. Officielles. Pas de Big Mike en personne, ni signées de son nom, mais émises en son nom, oui, avec sa permission, par Transcontinental. Ça a dû être très dur pour lui, mais faut gagner sa vie, qui est celle de sa famille. Vézina est un gars qui flôbait ses chèques de BS autrefois pour nourrir des oiseaux dans le bois: il n'a rien à prouver à personne quand il est question d'avidité et de son contraire.

C'était, je crois, le 17 décembre dernier que les paroles en cause ont paru. Évidemment, je les reproduis ici, juste au cas où elles disparaîtraient ailleurs.

J’ai toujours dit que la lecture aidait à développer les connaissances et le savoir : la culture. Michel Brûlé est la preuve vivante que ça peut être faux. Quiconque dirait de Brûlé qu’il est crétin, imbécile ou que son cerveau a pris la taille et la forme d’un vieille gourgane sèche – voir chronique précédente –, aurait tort. Brûlé a lu. Beaucoup lu. Enfin, on imagine qu’il a lu : il est quand même détenteur d’une maîtrise en littérature… et éditeur.
S’il faut observer le monde en tenant compte d’une complexe série de paramètres – ce que font très rarement les économistes – il faut envisager, pour comprendre le cas Michel Brûlé, de se référer à la psychanalyse. En matière de complexe, il vaut certainement le détour d’une longue observation : un exemple rare de complexe de supériorité!
Non content de faire un fou de lui de manière régulière (et de nous, par conséquent, puisqu’apparemment ses vidéos et ses chansons sont fortement appréciées en Allemagne, où il braie avec fierté ses origines), non content de s’être accroché les pieds dans les fleurs de tous les tapis de tous les domaines dont il a tâté – sauf l’édition, bien sûr, où il fait quand même figure d’exemple – le voici maintenant qui se découvre des vertus de politicien, et ce avec nulle autre rêve que celui de devenir maire de Montréal, puis premier ministre du Québec.
Le pire, c’est que ça risque de marcher.
Surtout si la Presse continue d’en faire son pain : j’hallucine encore de l’attention glorificatrice que le quotidien de la rue Notre-Dame lui a porté à l’annonce de sa candidature. Deux pages pleines…
Comment justifier cela? Difficile à dire. Très difficile à dire…
Du spectacle, encore. Du grand spectacle. Tout n’est que spectacle. Toutes les questions, tous les gestes, toute la machine, tout : du crisse de spectacle. Et en ce sens, le projet de loi C-32 dont on ne parle pas assez pousse plus loin encore cette logique suffocante : notre monde n’a plus besoin d’auteurs.


Brûlé ne sait pas ce que c'est que la diffamation: je me fais fort de le lui démontrer, s'il y tient.

Tout à l'envers

C'est peut-être le peuple, à poil, qui devrait guider la Liberté bien habillée, au lieu du contraire.