Suis en stand-by, so to speak, les poings massés et les jointures fédérées, paré à péter les palettes du fils de putain qui a osé causer du chagrin à Justine, sauf qu'elle refuse de me dire son nom, cette salope, j'ai l'air d'un con, et soudain le soupçon: si c'était moi? Si c'était moi, Saigneur? Serais-tu assez grand pour m'éclater les dents?
L'hebdomadaire Ici me passe commande de deux feuillets sur la folie. Surtout, ne pas en faire une affaire personnelle.
J'allais sortir pour me rendre à la clinique quand Denys Demers est apparu devant moi à contre-jour. «Juste l'homme que je cherchais!» s'est-il exclamé, et je l'ai reconnu à sa voix. Frais rentré d'Iqaluit, capitale du Nunavut, où il était monté s'enfouir le temps d'oublier Ginette. Du fric plein les poches, des idées plein la caboche, et tout lui souriant tellement qu'il en a un peu peur. Va pouvoir faire mes photos pour la jaquette de Vacuum.
À la clinique, on m'a dit de revenir à trois heures. Oublié de demander quel jour.
Ajouté Lara et Luce à ma liste d'envois. Ce soir, lancement du dernier numéro d'Estuaire dirigé par Jean-Paul Daoust. Vais faire la fête, et le deuil, au Saint-Sulpice.
En après-midi, s'il ne fait pas trop froid, irai me faire prescrire des timbres nicotinés.
Chaque fois qu'on cède au désir impérial, les institutions de la République se décomposent.
Éric débarque, écoeuré d'empiler des boîtes vides depuis deux jours, pressé de se changer les idées. «Content de vous voir, les gars!», soupire-t-il, et on sent qu'il est sérieux. Visite chez Steve pour prendre la poudre d'escampette et on s'installe devant la télé. Y a Bigras qui parle de son album-compilation. On croirait jamais que deux de mes tounes figurent dessus. Il réussit presque à nous convaincre qu'il a écrit les chansons de Léo Ferré.
Kevin arrive avec sa fameuse sauce-à-spag-de-fin-du-mois, portant une tuque parce que son crâne attendri ne supporte plus le contact du feutre. Mario écrit, inquiet, pour s'enquérir de la santé de notre ami. La tribu tout entière est en commotion.
Le Bunker devient une véritable petite fontaine d'industrie. J'ai envoyé un démo de chanson aux gérants de Marie-Chantal Toupin et Natasha St-Pier. Temps de remettre mes vers en circulation.
Ça ne traîne pas, chez Trait d'Union. J'ai envoyé le manuscrit dimanche à Turgeon, qui en a accusé réception quatre heures après, et trois jours plus tard je reçois un coup de fil d'Hélène Noël, éditrice adjointe, affairée à rédiger le contrat. Trois jours, c'est ce que Louis disait que ça devrait prendre, pas plus, quand je me plaignais du silence d'André.
Hier, zappant, je me suis attardé plus longuement sur le cas de ce stratège de guerre qui espère vivre davantage en s'alimentant strictement de fruits et de légumes, et en mangeant toujours moins, 1 500 calories par jour, soit environ le double des rations dans le ghetto de Varsovie, pour réduire la production de radicaux libres par son propre organisme. Radicaux libres, quel beau couple de mots pour désigner une réalité nuisible. Mais cette idée d'étirer une existence au prix du plaisir me donne à réfléchir.
Depuis que la machine à Mario s'est plantée, j'en suis revenu au point de départ avec mon vieux début de pièce. Il s'agit d'un texte clavigraphié sur lequel j'aimerais bien retravailler, mais je cherche un moyen d'obvier à la corvée de tout retaper sur Word. Doit y avoir une façon de saisir le texte électroniquement.
Dix-sept heures trente et des restants de soleil s'accrochent toujours au plafond de la ville. Les journées rallongent. Est-ce une bonne chose?
Il y a des jours où la pratique du solipsisme est plus ardue que d'autres. Le monde extérieur, provoqué comme un fauve édenté avec un bâton à travers les barreaux d'une cage, rugit et donne de la griffe.
Kevin est passé en sortant de l'hôpital. S'est fait une commotion cérébrale en partant d'ici l'autre soir. Yo ho ho et une bouteille de rhum! Perdu pied, puis perdu ses lunettes. Depuis, il crache du sang et se débat entre le vertige et la nausée. Le médecin a suggéré le régime sec pour une couple de semaines et Kevin l'a écouté! Doit vraiment s'être frappé fort.
J'avais onze ou douze ans quand j'ai lu Pierre Turgeon pour la première fois. Son livre, sa facture, la photo, tout est fort clair dans ma mémoire. Plus tard, je me suis présenté au tribunal pour lui offrir mon appui moral, quand des épiciers ont tenté de faire saisir ses textes. Maintenant, c'est lui qui me lit, sur manuscrit, et tout me porte à croire qu'on va s'entendre. Ah! Traiter avec un éditeur qui se préoccupe de vendre des livres!
Cela s'appelle arriver pile. Un long chaleureux courriel de mon fils Johnny Cee est venu rédimer les ordures que j'étais à digérer.
Me revient à point que pour Jean-Christian, André Vanasse sera toujours ce charmant monsieur qui lui a commandé son premier Virgin Caesar au Bistro Saint-Denis quand il avait huit ans.
Belle blanche tempête pesante et grasse.
Reçu un long courriel de Vanasse consacrant notre divorce. Par ailleurs odieux et tissé d'absurdes rationalisations mensongères, ce texte a dû être très dur à écrire pour un homme aussi sensible. L'Histoire s'arrangera avec lui, et lui avec elle. Je préfère conserver le souvenir d'un être qui m'a donné ma chance, au temps où sa passion pour la littérature primait sur tout le reste.
Cela étant, ma tristesse n'a d'égal que mon soulagement. Quinze ans, presque jour pour jour, ce n'est pas de la roupie de sansonnet, mais il était temps qu'on en finisse.
Si on me demande, je suis parti me cuiter d'aplomb.
Drop-in d'Éric, venu se faire absoudre d'avoir aidé un de ses frères à jeter l'autre dehors.
N'a pas trouvé ce qu'il cherchait. Dropped right out.
Elle portait une robe gothique en peaux cousues à l'alêne, avec des lanières de cuir. Quand elle replacait une mèche de ses cheveux, c'était pour exposer à mon regard libidineux un triangle affolant de son aisselle nue.
Elle a parlé beaucoup. Beaucoup trop à mon goût. Je n'ai pas ce qu'il faut pour jouer le public passif captif. Ce qu'elle disait m'intéressait, mais pas assez pour abdiquer le contrôle de la conversation. Il faudrait se lever de bonne heure.
Elle a dit: «Je ne pourrai pas coucher avec toi si tu ne changes pas mon nom.»
Je ne lui avais rien demandé, sinon peut-être avec mes yeux, mais je plaidai quand même. «Luana, dis-je, irrité, j'ai déjà changé ton nom. Il n'y a que toi, Kevin, Justine et moi qui sachent que Luana n'est pas ton nom. Pourquoi irais-je donner un pseudonyme à un pseudonyme dans le journal de ma vie? Je ne m'y retrouverai plus dans mes mensonges, et mes lecteurs s'en rendront compte...»
Elle voulait que Luana soit celle qui soupe avec moi, et que l'autre, celle qui couche, s'appelle autrement. J'ai essayé de lui faire comprendre les terribles conséquences que cela aurait pour ce journal: un jour ou l'autre, je serais obligé d'écrire que j'avais soupé avec une fille avant d'en baiser une deuxième et, qu'ayant dormi près de celle-ci, je déjeunais avec celle-là.
C'est une exquise créature, Luana, et ses secrets doivent être doux.
Rejoint le KV. «Il fallait que mon texte pour la Honte fût accepté alors que je baigne dans ce sentiment.» Il a dormi 36 heures entrecoupées de dégueulis et se sent, j'en suis sûr, la tête comme un instrument contondant.
Dormi vingt heures et des poussières. Mes idées sont mêlées comme des enfilades de lumignons de Noël, quand on les ressort du grenier le 20 décembre.
Moebius a retenu le texte de Kevin pour son numéro sur la honte. KV l'ignore toujours: j'essaie d'entrer en rapport avec lui. Mon téléphone est activé, ce qui devrait faciliter les choses.
Conversation fascinante avec Louis l'autre soir, sur certains problèmes structurels qu'il rencontre avec son prochain roman. Jusqu'où peut-on introduire la fiction dans la trame historique? Je crois qu'on a fait des progrès et qu'il est parti avec des possibilités nouvelles en tête.
Mardi, en remplissant un mandat-poste, j'ai carrément oublié quelle année on est. Levant les yeux, je détaillais les gens alentour en cherchant une formulation pour demander à quelqu'un sans passer pour un fou. N'en ai trouvé aucune. Ai dû ajouter mon âge à ma date de naissance pour arriver à 2003.
Ce soir, soupe avec Luana.
Pas refermé l'oeil après l'avoir ouvert mardi midi. Getting too old for this, quoique pas assez vieux pour admettre enfin l'influence de la pleine lune sur le slam-dance qui se déchaîne ici-bas tous les mois.
Mon p'tit Louis a abouti d'Abitibi en début de soirée, le Vigneau a suivi quelques minutes plus tard; Mario était là depuis trois ou quatre heures.
Il m'a patiemment écouté lui raconter comment j'avais, entre huit et onze heures du matin, retrouvé la piste de mon père naturel, puis découvert qu'il était mort. Tout le reste de ce jour mauve, ma foi, je ne serais pas autrement surpris qu'il ait...
Oui, bon, cette venelle-là ne mène nulle part, surtout si j'ai les yeux bandés par le sommeil. Le clavier va encore me servir d'oreiller, ou de cendrier, ou les deux.
Les petites filles pressentent très tôt ce qu'elles seront plus tard: croqueuses ou contemplatives, angéloïdes ou bien cornues, disciplinées ou insoumises ou juste un coquet brin mutines, végétariennes ou carnivores, mastiqueuses ou avaleuses-tout-rond, musicales ou visuelles, fiévreuses ou tièdes, pécheresses enthousiastes ou maîtresses d'elles-mêmes jusqu' au martyre béatifique, et ainsi de suite les notions se déversent dans leurs tamis, passées au crible de leurs désirs et à l'orée de la forêt, toujours, un grand loup attend patiemment qu'elles grandissent en se pourléchant les mâchoires.
On dit des fous qu'ils s'obstinent à refaire les mêmes gestes en espérant chaque fois un résultat différent.
Vendredi, je dois finalement revoir Luana. Pourquoi j'ai accepté, je n'en suis pas certain. Peut-être parce que je suis un homme et que je ne suis pas encore mort. Peut-être parce qu'elle est superbe et brillante et que sa vie est un roman.
Mais pourquoi serait-elle différente des autres, ou en quoi aurais-je assez changé pour que l'issue diffère des précédentes? Je vais à ce souper comme un condamné, résigné à voir son regard s'allumer avant de ternir sous le contrecoup de l'inéluctable déception.
Reçu le gros chèque bleu. Soulagement ou crise de nerfs, a fallu que j'ouvre la fenêtre pour prendre l'air et j'ai vomi sur le balcon.
Suis d'avis qu'on devrait cesser, kyrie eleison, de s'acharner sur Michael Jackson. Mais je viens de le voir donner le biberon à son bébé en tremblant comme une feuille parkinsonienne, et ne peux m'empêcher de penser que somme toute, je n'étais pas un si mauvais père que ça.
Justine a reçu son premier chèque du DPP, «modeste mais réjouissant», et n'est pas autrement pressée de l'encaisser. J'en suis touché, et plein d'espérance pour demain, quand j'irai à mon tour chercher mon courrier. Lors du show des Francouvertes, lundi dernier, Fred Fortin expliquait: «Quand t'es artiste, des fois, tu vas chercher ton courrier, pis entre les comptes d'électricité pis de téléphone, tu trouves une enveloppe de la SOCAN. Faque tu prends le chèque qu'il y a dedans, pis tu vas payer les comptes...»
Une école polyvalente de Saint-Jérôme (programme international enrichi, élèves de 16 ans), après réception d'une seule plainte formelle d'un parent, a accepté de retirer du programme Le grand cahier, d'Agota Kristof. Bestialité! Inceste! «Ça va nous permettre de rafraîchir nos outils pédagogiques.»
Choisi la photo de Jacques Grenier devant figurer en quatrième d'Origines. Victor-Lévy me voulait posé devant le frigidaire, mais ces clichés-là m'ont fait frémir d'horreur.
Je l'ai perçue féconde et juteuse comme le Brésil, et blonde et gueuse malgré ses sous, et folle comme je les aime, folle à m'avoir fait souffrir quand j'étais fou à force de raison, éprise d'art et de belles lettres et sensible à mon hommitude, mais je suis un grizzly, un grizzly pauvre et pas joli, et je repousse l'instant de la revoir.
Par ailleurs, l'autre soir, maman et moi, on a soupé au Bâton Rouge (Kevin: «Était-ce aussi cher que je l'imaginais?» Moi: «Pire!»). J'ai commandé un combo de poulet et côtes levées, et ma mère m'a dit: «Je vais te prendre une côte. Cette fois, c'est moi qui serai Ève!» Issue de la côte d'Adam, ça va sans dire, mais maman me rappelait aussi que c'était moi qui avait surgi de la sienne. Pour autant qu'il m'en souvienne, je ne l'ai jamais oublié, mais c'était bon de ressentir l'air vif de son esprit.
Puis nous avons parlé de sucre et de métabolisme, cependant que j'attaquais mon repas, une côte en moins. Elle m'a appris que les gênes gouvernent tout, en cette matière, mais malgré son sincère désir de m'instruire, elle n'a pu me livrer qu'une moitié de mes perspectives d'avenir.
Plus tard, côte à côte, nous regardions/écoutions Gilda supplier son bouffon de paternel de lui parler de sa mère disparue. De lui donner juste son nom. De lui révéler si elle était le fruit de l'amour. Ça semblait très important pour elle. Kevin dit qu'il faut se laisser porter par l'opéra, sans y chercher la moindre apparence de réalité.
Hier, dans l'ascenseur, j'ai demandé à CGDR s'il s'en allait marcher pour la paix. «Non, a-t-il répondu, je crois que cette guerre de dix minutes devrait avoir lieu au plus sacrant et qu'on passe enfin à autre chose. Vas-tu parler de moi à la radio?»
Il blaguait, bien entendu, mais ça m'a fait réfléchir. Et si la stratégie washingtonienne était d'atermoyer jusqu'à user la résistance de l'opinion publique, dont on se doute qu'elle ne descendra plus dans la rue dès le printemps venu et la mode passée?
Et Kevin d'ajouter: «CGDR? Si tu prononçais son nom à CIBL, Lemay te soupçonnerait de promouvoir une station concurrente!»
Il fut un temps où William Faulkner, Ernest Hemingway et Vardis Fisher étaient considérés sur le même pied. Vardis Fisher? Que diable s'est-il passé? Quelque part en chemin, quelque chose s'est passé qui n'avait rien à voir avec le talent. Quelque chose s'est passé, ou ne s'est pas passé. Quelque chose.
Aujourd'hui, aurions paraît-il battu le record de froid établi en 1963, soit encore avant mon temps. Me sens rajeunir, à force de ne pas me souvenir.
Plusieurs heures encore à plancher sur le texte définitif d'Origines. Kevin va venir m'aider à boucler tout ça, sitôt sa journée finie.
God, I love this job! Kyrie eleison, c'est mon travail qui me façonne, même si j'ai parfois le processus profondément enfoncé dans le sigmoïde. La littérature est la moelle du monde.
Cependant, Goth ne me vient toujours pas, et j'attends qu'un kobold me montre le chemin du riche filon doré.
Reçu des nouvelles de mon fils. Difficile de démêler le vrai du faux, mais serait-il mien s'il en était autrement?
Depuis que j'ai présenté Lili à Justine, les choses entre elles marchent rondement, et il n'est pas impossible que celle-ci publie celle-là.
Chaque fois qu'arrive un courriel, la machine s'éclaire et se met à gronder, on se croirait revenu au bon vieux temps, que je n'ai pas connu, du pneumatique.
Rentré de l'opéra pour trouver la maison voisine en feu. Rien n'est immobile, ni l'immobilier, ni la dona...
Ressenti un grand frisson spinal quand Rigoletto a beuglé «La malédiction!»
Retour de CIBL, avec Justine et Kevin. Une heure envolée comme un souffle. François Lemay est un fameux interviewer, sachant orienter sans limiter, capitaine de son studio.
Temps de me faire beau pour Rigoletto.
N'ayant pas le don d'ubiquité, je ne pourrai participer à la marche pour la paix cet après-midi et me trouver dans les studios de CIBL en même temps. Faute de mieux, j'envoie une photo à ma place, prise lors de la dernière par Indymedia.
À force de polir son ironie, elle devient trop polie.
Quelques courriels reçus me donnent à croire que je me suis mal exprimé en semblant louer la substitut Trudeau, que je ne connais pas personnellement au demeurant. Ceux qui auraient compris que je la loue sont dans le champ. Sa fonction m'irrite et sa décision m'écoeure. Est-ce clair?
Par ailleurs, Phaneuf me radote qu'ayant visité l'échafaud bordelais en première année de droit (circa le début des sixties, je suppose), il ne m'a pas vu lisant dessous, et me rappelle que je n'étais pas né. Moi qui l'aime, je me réjouis qu'il ne soit manifestement pas retourné là-bas depuis. Car le balcon fatal y est toujours, on ne l'a pas démantelé le jour où la peine de mort fut abolie, les screws l'entretiennent amoureusement au cas où les Progressistes-Conservateurs ou l'Alliance Canadienne prendraient le pouvoir, et c'est la première affaire que voit le petit nouveau quand on l'intronise à Bordeaux.
Cet enfoiré d'Aphane me dame encore le pion. Moi, le célébré chantre du pâté chinois, y ai-je jamais soupçonné le mystère des trois personnes de Dieu? Aurais-je songé à parler de ce plat protéiforme à l'infini comme du secret trinitaire?
C'est l'histoire d'un conseiller municipal qui saute à la gueule d'un autre conseiller municipal, à propos d'une oeuvre de Riopelle. Laquelle? La Joute. Ça s'invente pas, ces affaires-là. Vous mettez ça dans un roman, on vous met au rancart.
Lui saute à la gueule, donc. Littéralement. Lors d'un meeting à huis-clos (qui n'est jamais si clos que ça, en fin de compte: les murs ont des oreilles, et les portes une fâcheuse tendance à sortir de leurs gonds). Lui pète la tête sur un chambranle, le traite de noms mettant la vertu de sa mère en cause, l'assaille au point qu'il faut deux autres conseillers municipaux pour les séparer. Bref, rien que de très normal dans une semaine ordinaire pour Kevin ou pour moi ou la plupart de nos relations, mais nous ne sommes pas conseillers municipaux.
L'agressé l'est, lui, et porte plainte deux jours (!) plus tard. Résultat: l'agresseur, qui l'est aussi (conseiller municipal) est averti judiciairement...
Moi qui m'y connais pourtant, et pour cause, en jargon judiciaire, je veux bien qu'on me pende par les valseuses au même gibet que Coffin (il existe toujours, à la prison de Bordeaux; j'allais chaque après-midi lire un peu à l'ombre de la trappe), je veux bien qu'on m'y pende, dis-je, si je comprends quoi que ce soit à ce concept. Cyberpresse le rapporte ainsi: Le conseiller municipal Ivon Le Duc n'aura pas à se défendre devant les tribunaux pour avoir agressé son collègue Richer Dompierre en raison de la faible gravité du geste. La substitut en chef du procureur (Me Marie-Andrée Trudeau) a plutôt décidé de traiter l'infraction de voie de fait simple par un procédé non judiciaire.
Où était cette substitut quand j'ai eu besoin d'elle? Qui eût cru que de telles substituts existaient ici-bas, pleines de réserve et de bon sens? I guess she was en vacances. Je ne veux pas imaginer qu'elle croupissait dans un cul-de-basse-fosse comme le Masque de fer tandis qu'une salope arriviste et sans scrupules se substituait à elle, la substitut authentique. Ce serait à en perdre la foi. Dans le système. Perdre la foi dans le système, Gosh! Dieu m'en préserve.
M. Le Duc s'en tire donc sans poursuite criminelle, mais cette mesure reconnaît néanmoins qu'une infraction a été commise et que les preuves étaient suffisantes pour porter une accusation.
Selon Me Trudeau, cette décision a été prise parce que la preuve était suffisante pour porter des accusations criminelles, mais qu'il s'agissait d'un crime isolé, non prémédité et qu'il s'agissait d'un «coup de sang». L'absence d'antécédent judiciaire et la nature des blessures (des rougeurs) ont aussi guidé son choix.
Chère substitut, ces nouvelles considérations jettent une lumière si fraîche et si crue sur le processus judiciaire que je me vois mal ne pas vous réclamer un nouveau (trois, en fait) procès. Please answer asap.
Levé les yeux de mon écran pour la première fois depuis des heures et là, devant moi, plein nord, la lune, juste en face, fromagée, orange et presque pleine, me guette et me fait des reproches, une grosse lune crasseuse juste là, en face, au septième étage, et toute proche, impossible à ignorer plus longtemps, mais déjà cependant que j'écris sur elle et que je la raconte, elle clignote et s'efface, le moment passe, et c'est ainsi je suppose que j'ai perdu mes femmes, quoi qu'elles...
Partie.
Sera-ce la même qui reviendra demain soir, ou seulement une qui lui ressemble?
Guère un jour sans qu'on intensifie la guerre à la pédophilie; or, d'ici à ce qu'elle arrive en ville, je serai si vieux qu'aussi bien me coffrer maintenant, malgré qu'elle ait vingt-et-un ans.
Par ailleurs, le Kev remplace le Ric sur le sofa: nous fîmes tous trois moult assauts d'insignifiances, nous raccourcîmes les pailles et tirâmes dans le tas jusqu'à ce que le plus fragile soit mangé. Que ses os blanchissent dans l'aube avec notre bénédiction conjuguée.
La Ginette va déjeuner de flocons d'avoine dans un joli bock givré. De mon côté, je fume pensivement le Montecristo que Justine m'a offert en cadeau: là-bas, dans les Antilles, elle se l'était sauvagement et de fort vulgaire façon passé entre les cuisses pour narguer la vendeuse arrogante, et elle l'a refait ici en me mimant l'anecdote, et on aura beau dire que parfois un cigare n'est qu'un cigare, parfois aussi c'est davantage.
Victor Hugo interdisait que l'on «déposât de la musique le long de [s]es vers»; il faillit pourtant changer d'avis en découvrant le Rigoletto de Verdi, inspiré de son drame Le Roi s'amuse. Après avoir écouté le quatuor du troisième acte «Bella figlia dell'amore», il déclara: «Ah! si je pouvais, moi aussi, faire parler simultanément quatre personnages d'une manière telle que le public en perçoive les paroles et les divers sentiments, et obtenir un effet égal à celui-ci!…»
Ginette Desmarais m'assure qu'elle s'amuse bien à faire du lèche-vitrine dans ma boutique virtuelle.
Il y a quelque chose d'hilarant à voir votre effigie par ailleurs (faussement) impassible sur ces objets. Toujours à l'avant-garde, vous damez le pion au fédéral en devenant le "Big Brother" de vos lecteurs. Du grand Mistral ! Encore un que les anglais n'auront pas ! ;-) Surveillance dans la chambre à coucher (chemise de nuit), dans le bureau (tapis de souris), à la cuisine (tasse), il reste la salle de bains qui n'est pas couverte. Grave lacune.
Oui, eh bien, on étudie la possibilité de lancer une gamme de papier de toilette.
Éric a passé la nuit sur le divan. Ne s'est pas présenté au cours de botanique. On a donné sa place à un autre. Sa blonde l'a viré à coups de pied au cul assortis de deux claques sur la gueule.
Mardi, suis descendu chez XYZ pour voir où en est la construction du site. Encore une couple de semaines, m'assure Nick, et ça y sera. Vais peut-être pouvoir me mettre à vendre des livres, après tout.
Ma mère m'invite à voir et entendre Rigoletto samedi, dans sa loge à l'Opéra de Montréal. Vais consacrer une heure aujourd'hui à lire sur la question.
Samedi, c'est aussi le jour où je visite l'émission de François Lemay (Tout le monde s'en fout...pas!) à CIBL (101,5 FM, la radio libre de Montréal) de 13:30 à 14:30.
Aphane est un crack! Hier, son site renvoyait au texte original des articles of impeachment rédigés par Ramsey Clark, l'ex-Procureur général des États-Unis. Qui m'a tant impressionné par la robustesse de son langage que j'ai suggéré à mon vieux pote de le traduire en promettant de le publier simultanément sur nos deux blogs. Aidé par AL, Aphane ne s'est pas trop fait prier et voici le résultat. Étonnant!
Articles de mise en accusation :
du Président George W. Bush;
du Vice-président Richard B. Cheney;
du Secrétaire à la Défense Donald H. Rumsfeld; et
du Procureur général John David Ashcroft.
Le Président, le Vice-président et tous les fonctionnaires civils des États-Unis seront destitués de leurs fonctions sur mise en accusation et condamnation pour trahison, corruption ou autres hauts crimes et délits — Article 2, section 4 de la Constitution des États-Unis d'Amérique.
Les faits qui requièrent la mise en accusation du Président George W. Bush, du Vice-président Richard B. Cheney, du Secrétaire à la Défense Donald H. Rumsfeld et du Procureur général John David Ashcroft sont, entre autres :
1) D'avoir ordonné et dirigé une guerre d'agression dite «de prévention» ou «de première frappe» contre l'Afghanistan causant indistinctement la mort de milliers de personnes dont un grand nombre de non-combattants, laissant des millions de gens sans foyer ni nourriture en plus d'établir un gouvernement d'inspiration américaine à Kaboul.
2) D'avoir autorisé des intrusions quotidiennes d'avions militaires américains dans l'espace aérien de l'Irak en violation de sa souveraineté, ainsi que des attaques aériennes en sol irakien sur des installations et des gens, tuant indistinctement des centaines de personnes, d'abord sous le prétexte mensonger de légitime défense bien qu'aucun avion américain n'ait été, en onze ans, touché ou endommagé par le tir irakien tout en reconnaissant plus tard qu'ils visaient des installations défensives de l'Irak lors des préparatifs de guerre qu'ils avaient ordonnés.
3) D'avoir autorisé, ordonné et toléré des attaques directes sur des civils, des installations civiles et des lieux où les pertes civiles seraient inévitables.
4) D'avoir menacé l'Irak d'attaque dite «de prévention» ou «de première frappe» et de guerre d'agression avec une puissante et écrasante force militaire et notamment, l'utilisation d'armes nucléaires au moment où ils procédaient à une militarisation massive dans les pays et les eaux entourant l'Irak.
5) D'avoir mis en danger l'indépendance et la souveraineté de l'Irak en proclamant de façon belliqueuse leur intention de changer son gouvernement par la force tout en se préparant à attaquer l'Irak dans une guerre d'agression.
6) D'avoir autorisé, ordonné et toléré des assassinats, des exécutions sommaires, des enlèvements, des détentions secrètes ou illégales de personnes, des tortures et des pressions physiques et psychologiques sur des prisonniers en vue de soutirer des déclarations mensongères sur des faits et intentions de gouvernements et de personnes, et d'avoir enfreint sur le territoire des États-Unis les droits de la personne prévus aux premier, quatrième, cinquième, sixième et huitième Amendements à la Constitution des États-Unis, à la Déclaration universelle des droits de l'homme et au Pacte international relatif aux droits civils et politiques, et d'avoir autorisé les forces américaines et leurs agents à les enfreindre à l'étranger.
7) D'avoir autorisé, dirigé et toléré des mesures de corruption et de pression sur des gouvernements et des personnes dans le but de les détourner de leurs devoirs et de la loi, notamment, en vue du maintien et du resserrement des sanctions économiques contre l'Irak, contribuant ainsi à augmenter le taux de mortalité des nouveaux-nés, des enfants et des personnes âgées; en vue d'attaquer et de tuer des personnes ou des groupes de personnes ciblés; en vue de permettre l'utilisation du territoire, des installations, des eaux territoriales ou de l'espace aérien pour des attaques américaines en Irak; en vue d'obtenir un vote, une abstention ou un appui public à une attaque contre l'Irak par les É.-U. ou l'ONU; en vue d'obtenir une défection de l'Irak, ou des accusations mensongères de caches d'armes dans le but de contrecarrer toute opposition à une guerre d'agression américaine; et en vue d'un refus de ratifier le Traité instituant la Cour pénale internationale ou de le soustraire de sa juridiction sur les États-Unis.
8) D'avoir fait, ordonné et toléré des déclarations et des propagandes mensongères sur la conduite de personnes et de gouvernements étrangers ainsi que sur les faits du personnel du gouvernement américain; d'avoir manipulé les médias et les gouvernements étrangers par des renseignements mensongers; d'avoir dissimulé des renseignements essentiels à la discussion publique et à la formation d'un jugement éclairé sur des faits, des intentions et des possessions, ou des tentatives de possession, d'armes de destruction massive dans le but de créer un faux climat de peur et de contrecarrer toute opposition aux guerres d'agression et aux attaques de première frappe de la part des États-Unis.
9) D'avoir enfreint et subverti la Constitution des États-Unis d'Amérique en tentant de commettre impunément des crimes contre la paix et contre l'humanité ainsi que des crimes de guerre pour des guerres «de prévention», des attaques de première frappe et des menaces d'agression contre l'Afghanistan, l'Irak et d'autres pays, d'avoir assumé des pouvoirs impériaux soustraits à la loi et d'avoir usurpé les pouvoirs du Congrès, du système judiciaire et du peuple des États-Unis dans le but de favoriser l'exercice illégal de la puissance militaire et de pressions économiques contre la communauté internationale.
10) D'avoir enfreint et subverti la Charte des Nations unies et le droit international en tentant de commettre impunément des crimes contre la paix et contre l'humanité ainsi que des crimes de guerre dans des guerres et des menaces d'agression contre l'Afghanistan, l'Irak et d'autres pays, et d'avoir usurpé les pouvoirs des Nations unies et des nations membres par des mesures de corruption, de pressions et autres malversations, des rejets, violations et entraves au respect des traités dans le but de contrecarrer toutes les mesures du droit international et des institutions visant à prévenir, gêner ou juger le recours à la puissance militaire et économique américaine contre la communauté internationale.
Ramsey Clark
Ancien Procureur général des États-Unis d'Amérique
15 janvier 2003
Comme on dit, ça fesse dans le dash.
Suis monté chez KV tard hier soir, pris d'un urgent besoin de lui parler, d'essayer des idées, de lui montrer mes corrections (violet) des corrections (rouges) à Origines, afin qu'il les corrige.
En fin de compte, il a révisé vingt-trois pages et presque tout éliminé le rouge qui restait; on aurait dit une carte stratégique du Vietnam en 1963, revue et corrigée par le Général Harkins. Trop de rouge. Beaucoup trop de rouge! QU'ON REDESSINE UNE CARTE MOINS ROUGE, NOM D'UNE PIPE!
Ai remballé mon manuscrit, me suis taillé en pleine nuit, pour le laisser dormir. Suis rentré en taxi. Ai négocié un prix.
Plus tôt, j'avais causé avec sa mère au téléphone. Voulais depuis longtemps lui laisser mon adresse, des fois qu'il arriverait quelque chose à ce téméraire homme-enfant, qu'il ait besoin de moi ou qu'on l'enterre à mon insu. Elle venait de relire tout Liber et, de là, avait suivi le lien jusqu'au Journal, dont la lecture donne une assez bonne idée de la saga de son fils depuis un an. Dorénavant, nul doute que j'aurai une fidèle lectrice de plus.
Comment espérer entreprendre l'écriture de Goth tant que je n'aurai pas réussi à respecter mon héros? Je tâtonne, je tourne autour, je m'approche et le touche à la joue, puis je recule pour l'observer en perspective, et j'éteins la grosse lampe et j'allume une chandelle et je plisse les paupières, mais chaque fois la lumière m'échappe. Je ne trouve aucun éclairage qui lui soit favorable. Plus j'essaie, plus il est laid. Je ne prendrai pas à bras-le-corps un roman dont la personnalité du principal protagoniste me pue au nez. Toutes mes recherches dans la matière de cette sorte de jeunesse que j'aspire à dépeindre m'emplissent d'un mépris voisin de la nausée.
CNN/CIA s'excite le poil des jambes et authentifie un enregistrement sonore d'Osama Ben Laden à mesure qu'il défile en direct sur les ondes d'Al-Jazeera. Quand on songe que le dernier crotté d'imitateur québécois peut accéder au pape ou à la reine d'Angleterre ou même à Brigitte Bardot en se faisant passer pour Jean Chrétien, ça donne mal au coeur de n'avoir qu'une seule voix.
J'aurais dû prévoir que BL serait le premier à commander un pack de cartes postales. D'abord, il est dingue, et puis c'est le seul de mes amis qui travaille, à part Justine.
Il m'écrit une belle lettre, et je lui demande la permission d'en citer des extraits. «Cite ce que tu veux, répond-il, j'assume tout ce que je dis.»
Nonobstant, je déguiserai deux noms pour protéger les innocents (surtout Bertrand):
Cher Christian,
C’est complètement débile ta boutique Mistral ! Mais en même temps, c’est complètement génial ! (...) Tu viens de franchir un tabou suprême du pacte auteur sérieux/lecteur sérieux ! Tu fais entrer par la grande porte du merchandising l’écrivain considéré-comme-littéraire dans le cirque des vedettes médiatiques et mercantiles! Je ne suis même pas cynique quand je dis ça. Ça devait arriver un jour ou l’autre.
Je préfère de beaucoup que ce soit un écrivain de ta trempe qui se soit trempé le premier dans cette "mare à bidules cheap qui promeuvent une vedette littéraire", que "M.F." ou "M.L.".*
Ça donne au tout un parfum insane d’ironie, de rébellion et de charité-qui-n’en-a-pas-l’air tout à fait ambigu et jouissif !!!
Je crois que je vais t’acheter un paquet de cartes avec cendrier mistralien et attributs mistraliens de base...
Dingue, dis-je. Cendrier? Pas de danger: les produits sont fabriqués en Californie. T'en offrirai un avec mon profit.
*(Cryptonote de CM: les premières initiales sont celles d'un homme dont le vrai nom commence par M.-A. P. et les secondes sont celles d'une femme qui s'est tourné le poignet à force de dédicacer ses livres dans les salons).
Justine vient luncher. Vais foutre une tourtière au four et réserver ma meilleure table.
Tel que prévu, mon incursion incongrue dans l'univers du dérisoire en déconcerte plus d'un. Hormis Aphane qui trouve que c'est une très bonne idée («le besoin crée l'organe!») et Kevin qui s'en tient les viscères à force de rire, le courrier furieux commence à débouler. Une lectrice: «Ça donne le goût de se désabonner... C'est ton écriture que j'aime, ta façon spéciale de t'exprimer, tes idées (sauf celle-ci), pas ta tête... Alors, vends des livres!»
Qu'est-ce qu'elle a, ma gueule? Et puis des livres, des livres, je veux bien, mais mon éditeur va faire une syncope. Quant à son site, ça fait quatre ans qu'il est en construction. Non, la seule chose que j'aie encore le droit de vendre, c'est ma tête: même mon âme est lourdement hypothéquée.
De Paris, Fred m'écrit: «J'y crois pas. C'est quoi, des cossins?»
Réponse: des gugusses, des bébelles, des patentes-à-gosses qui servent à rien.
De Mario, rien encore: il est occupé à retranscrire mes vieux débuts de pièces dactylographiés.
Ce matin, je me contente de retranscrire un extrait d'une dépêche de la Presse Canadienne. Libre à chacun de tirer ses conclusions. Libre pour l'instant, mais mieux vaut se dépêcher!
Une coalition d'organismes de défense des droits de la personne dénonce des projets de loi fédéraux susceptibles d'entraîner la surveillance des communications électroniques et des déplacements des particuliers au pays.
Le Collectif sur la surveillance électronique, que pilote la Ligue des droits et libertés du Québec, a lancé lundi une campagne visant à sensibiliser la population québécoise et canadienne aux implications des projets de loi antiterroristes présentement envisagés par le gouvernement fédéral.
Le collectif s'en prend notamment au projet de supercarte d'identité biométrique lancé par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, Denis Coderre, et à la surveillance des habitudes de fréquentation d'Internet, des courriels, des déplacements et des conversations par téléphones cellulaires des particuliers.
André Paradis, le directeur exécutif de la Ligue, estime qu'en plus d'une intrusion dans la vie privée des Canadiens, ces mesures constituent une atteinte à la liberté d'expression et d'association des citoyens. «Les gens vont se sentir sous surveillance, et auront peur de s'exprimer librement», a-t-il déclaré en conférence de presse.
À peine croyable, mais l'an dernier, le 14 février, quand on a lancé le site, j'ai dit à la blague: «Le jour où on passe le cap des cent lecteurs quotidiens, j'ouvre une boutique!» Circius et Mario se marraient comme des bossus. Or, j'ai inauguré le business cet après-midi et ce soir, pour la première fois, le compteur a pété les 100.
Reçu et corrigé les corrections au manuscrit d'Origines. Comme d'habitude, cela consiste surtout à écrire Stat un peu partout pour supprimer les italiques dont le bon usage abuse. Mais plusieurs remarques en rouge sont très judicieuses et rehaussent l'ensemble. Reste à trouver des timbres pour renvoyer tout ça à Trois-Pistoles.
Ça y est, j'ai sauté le pas pour me lancer en affaires. Être de son temps, voilà ma devise (en dollars états-uniens). La cyberboutique Christian Mistral est en ligne depuis 14:00 cet après-midi. On y trouve divers cossins plus ou moins utiles pour le littéraire qui a tout. Une onzaine de produits chic&swell à mon effigie attendent qu'on les achète deux fois. Consternez vos amis! Devenez un mécène! De l'ourson en peluche au bock givré, en passant par l'horloge murale et le tapis de souris, on peut désormais s'équiper Mistral mur à mur. Krusty le clown n'a qu'à bien se tenir après son pacemaker.
Mal aux cheveux. Kevin s'est levé la tête la première. Quant à moi, j'ai rêvé que je piquais une portefeuille et, après avoir couru, hors d'haleine, j'ai ouvert les yeux pour inspecter mon butin.
Journée parfaite hier. On est allés au studio avec Justine. Joie de la voir expliciter son esthétique et ses choix littéraires avec une telle aisance réfléchie. Le rhum doux nous entrait dans les veines comme une femme soyeuse dans un bain chaud.
Plus tard, on est montés chez Claude et Sarah et la petite-en-train, et on les a ramenés au Bunker. On n'arrêtait pas de tomber sur d'anciennes blondes de Claude, au dépanneur, au coin de la rue, mais il ne les reconnaissait pas et s'excusait avec un sourire gêné: «J'ai oublié mes lunettes», mais la vérité est qu'il ne voit plus que Sarah.
À qui s'étonne de l'exiguïté de mon Bunker, je réponds que je vis dans ma tête; le studio, c'est seulement pour manger et dormir.
Bigras a retenu deux de nos chansons pour son album-compilation intitulé Tout(sic): La bête humaine et Pourquoi tu veux.
Justine va passer après son entrevue à la radio. M'apportera du rhum et un barreau de chaise, et on papotera dans la boucane épicée. Retourne me coucher, rêver de carnaval.
Claude et Sarah ont conçu! Ce sera, selon l'échographie, une petite Israélite, à moins que le pénis ne soit caché derrière la cuisse. Un petit poisson d'avril.
Kevin voulait m'emprunter des guenilles pour aller au BS. Finalement, a transformé son manteau pour lui donner l'aspect d'une redingote de robineux.
Pâté chinois au four. On biberonne piane-piane devant un film de Stallone.
Mes aïeux, quelle soirée! Mario avait l'air d'un ministre hypercool ou du PDG de Virgin Records, et Kevin d'un diable physicien philosophe sur les bords. Quant à Justine, elle signait de la senestre et imprimait ses lèvres sur chaque page de garde. Quand elle s'est levée pour lire, un rare silence s'est fait. Alors a débuté le récit délirant d'une charmante cochonnerie comique, et les mecs rougissaient et les nanas gloussaient de science et de complicité avec l'auteure. Il y avait là des femmes à estourbir un chrétien, une blonde exotique à la peau dorée comme du sucre filé, et une brune à l'oeil vert qui posait sur mes joues de sanglier de bouillants petits baisers. Après ça, on a déménagé au Cherrier, et Justine m'a prêté des sous pour payer les frites de ma tribu. Elle était radieuse, et le coeur sur les lèvres à force d'angoisse.
On teste encore ce damné système d'alarme. Une heure et demie que ça dure. À force de crier au loup de cette façon à tous les dix ou quinze jours, on finira par avoir une catastrophe. La sirène va retentir au milieu de la nuit et personne ne se donnera même la peine d'enfiler ses bottes tandis que les flammes lécheront les murs.
Jour de lancement pour Justine. Des papillons extravagants font la java dans son estomac. Angoisse unique, couronnement d'un an d'ouvrage et qu'on maudit quand elle est là.
Cet après-midi, je reçois le docteur Sylvie Pierron, qui monte de Québec pour venir m'interroger sur ma pratique des dictionnaires, dans le cadre d'une recherche post-doctorale au Centre de Recherche en Littérature Québécoise de l'université Laval.
«J'entamerai à partir de ces entretiens une réflexion sur la relation de l'écrivain actuel avec sa langue d'écriture au Québec, dans un va et vient avec l'analyse stylistique des oeuvres, dans le but de confronter différentes pratiques des dictionnaires avec différents choix esthétiques en matière de travail et de représentation de la langue.»
Eh bien, par exemple, va et vient prend deux tirets. Je viens de vérifier dans le petit Robert. Mais il est vrai que c'est un vieux dictionnaire.
Suis pas resté longtemps. Pierre Turgeon m'invite à l'ouverture de sa filiale anglophone à Toronto. C'est fort gentil, mais je suis une trop petite nature pour aller jusqu'à Toronto. Paris, Bangkok, Moscou, n'importe quand, mais pas Toronto.
PT me redemande aussi quand je lui apporterai un manuscrit. Si André savait ça, il piquerait une crise.
Lili m'a fait tourner la tête en m'apprenant combien elle va gagner l'été prochain en tant qu'auteur de la pièce présentée à Trois-Pistoles.
Finalement, s'agit du livre sur Pierre Péladeau. Vais y aller, je pense. Kevin trop frileux, et redoute la présence d'hommes d'affaires. Jeunesse d'aujourd'hui.
Lili Gulliver m'avise d'un lancement ce soir à la BN. Lancement de quoi? Aucune idée. Free booze, anyway. Mes téléphones sont morts, mais j'ai écrit à Kevin, lui demandant de passer un coup de fil pour en savoir plus. Les hauts et les bas de la vie d'un pique-assiette.
Rédigé des éléments pour le communiqué d'Origines. De toutes les corvées, celle-là est toujours la plus pénible.
Pourquoi diable le Réseau de l'Information de Radio-Canada a-t-il chargé un interprète de doubler en français le ministre des affaires étrangères de la France? Dominique de Villepin s'exprime assez clairement, merci.
Colin Powell vient de terminer la présentation de ses preuves devant les Nations Unies. Une tentative de réitérer le coup de théâtre d'Adlai Stevenson en 1962. Seulement, Stevenson s'exprimait au nom d'un Washington pré-Watergate, dont on croyait encore qu'il ne pouvait mentir. Aujourd'hui, on pourrait presque trancher le scepticisme à la baïonnette.
Émile! Ma vitre est un jardin de givre...
Bouffé des tas de trous de beignes. Ineffable destin de la pâte sucrée: abaissée un petit peu à gauche, hop! tu deviens un beigne. Un petit peu à droite, hop! tu deviens un trou.
Fin de la séance. Crevant, de se rentrer le bide pendant vingt minutes. Me suis souligné le regard au khôl pour détourner l'attention.
Jacques Grenier, photographe au Devoir et vieil ami, a reçu de VLB la commande de me croquer devant mon frigo.
Dormi quinze heures. Quel jour on est?
Autre coup de fil, d'un monsieur Morin, sbire du boss de Trois-Pistoles: «Quand peut-on espérer recevoir vos corrections?» Je lui explique que je n'ai pas les épreuves, qu'on les a livrées ailleurs. «Et le projet de communiqué?» Quel projet de communiqué? Personne ne m'a rien demandé.
Coup de fil d'un monsieur DesRoches ayant reçu les épreuves corrigées d'Origines par erreur. Voulait mon adresse pour me les acheminer. Je lui ai mitraillé l'information parce que ma carte Fido pré-payée était sur le point d'expirer.
Renaud, mon voisin d'en-haut, m'informe qu'il a vu mon trophée de plâtre (décerné par la radio pour La lune, une des 10 chansons les plus jouées cette année-là) pendu aux cimaises d'un pawn shop sur Mont-Royal. Vais demander à Kevin d'aller le racheter. Coûtera moins cher que si j'y vais moi-même.
Suis tombé sur une mauvaise méchante batch de tabac pleine de copeaux de bois.
Pensées printanières. Va me falloir une femme bientôt. Intelligente, futée, sachant écrire et baiser. Pour égayer ce Bunker et secouer ma tribu et me forcer à faire un peu de ménage et m'inspirer un grand livre.
Vendredi, appel de Hans, depuis la gare d'autobus à Québec. Attendait sa correspondance pour Baie Saint-Paul. Venait de relire Vautour et tenait à me dire que le livre tient le coup.
J'ai, paraît-il, une mauvaise influence sur sa fille Fauve, qui songe à devenir écrivain.
Me suis endormi sur le clavier après la rumba avec Mario, Éric et Kevin. Brûlé la barre d'espacement avec mon mégot. Justine va s'en vriller la moelle à son retour de St.Martin/St.Maarten.
Résolu le mystère du drôle d'air que m'a fait Kevin la semaine dernière, quand je lui annonçai le titre de mon recueil. Faciès, c'est ainsi que s'intitule la nouvelle qu'il a soumise à Moebius il y a deux mois, et je l'avais complètement oublié!
Me fallait donc un autre titre. D'abord songé à Façons, puis me suis décidé pour Fontes, avec le triple sens de caractères d'imprimerie, de dégels et de sacs à fusils.
Columbia s'est crashée, juste en surplomb de Palestine, Texas. The debris could have toxic consequences.
Plus il s'en passe, moins on a de temps pour relater ce qui se passe.
Mario ronflait pire qu'une fournaise, échoué comme un orque sur le lit. Quant à Éric, il cuvait sur le sofa, gelé dur, cependant qu'avec KV je discutais littérature, et le nouveau voisin, téméraire, tapait comme un sourd inconscient dans le mur.