Je l'ai perçue féconde et juteuse comme le Brésil, et blonde et gueuse malgré ses sous, et folle comme je les aime, folle à m'avoir fait souffrir quand j'étais fou à force de raison, éprise d'art et de belles lettres et sensible à mon hommitude, mais je suis un grizzly, un grizzly pauvre et pas joli, et je repousse l'instant de la revoir.
Par ailleurs, l'autre soir, maman et moi, on a soupé au Bâton Rouge (Kevin: «Était-ce aussi cher que je l'imaginais?» Moi: «Pire!»). J'ai commandé un combo de poulet et côtes levées, et ma mère m'a dit: «Je vais te prendre une côte. Cette fois, c'est moi qui serai Ève!» Issue de la côte d'Adam, ça va sans dire, mais maman me rappelait aussi que c'était moi qui avait surgi de la sienne. Pour autant qu'il m'en souvienne, je ne l'ai jamais oublié, mais c'était bon de ressentir l'air vif de son esprit.
Puis nous avons parlé de sucre et de métabolisme, cependant que j'attaquais mon repas, une côte en moins. Elle m'a appris que les gênes gouvernent tout, en cette matière, mais malgré son sincère désir de m'instruire, elle n'a pu me livrer qu'une moitié de mes perspectives d'avenir.
Plus tard, côte à côte, nous regardions/écoutions Gilda supplier son bouffon de paternel de lui parler de sa mère disparue. De lui donner juste son nom. De lui révéler si elle était le fruit de l'amour. Ça semblait très important pour elle. Kevin dit qu'il faut se laisser porter par l'opéra, sans y chercher la moindre apparence de réalité.
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