28.6.02

J'aurais aimé pouvoir lui expliquer pourquoi je ne peux pas, ne dois pas, ne pourrais plus de toute façon jouer le jeu de l'amour, pourquoi ce doit être l'amour sérieux, celui des grandes personnes, ou rien du tout. Les grandes personnes savent la valeur de ce qu'elles ont et ne le compromettent pas à tout bout de champ au gré de leurs humeurs.



J'ai mis des années à rassembler les morceaux de mes vies—la privée, la publique, la professionnelle, la platonique, la passionnée—, ceux-là que j'ai pu rescaper des décombres après le choc et l'après-choc sismiques qui ont brutalement tout envoyé valser. Si elle savait la terreur de glace que m'ont causée crescendo ses trois retournements, je crois absolument qu'elle ne s'y serait pas abandonnée. Mais elle ne le sait pas parce que je ne peux pas le lui faire comprendre. Terreur de glace, c'est ce que j'ai trouvé de mieux pour dessiner mon sentiment, mais ce n'est pas, hein, tant s'en faut, une explication très porteuse de sens et de nuances; c'est une approximation codée au moyen d'un langage commun dans le dessein de transférer l'information d'une mémoire à une autre, et c'est là un domaine où les humains sont désespérément moins efficaces que les ordinateurs.



J'ai pesé les choses. Dans ma balance telle qu'elle est maintenant, faite de l'alliage des métaux extraits de ma vie aux scories minées tout au fond de ma carrière; cette balance, elle penche résolument du côté de la sérénité. Le plus léger plateau contient pourtant tout mon désir d'elle et d'une belle grande intégrale permanente histoire d'amour, de celles dont les protagonistes ne connaissent jamais le fin mot parce qu'elles durent très précisément jusqu'au dernier soupir du dernier à mourir. Il contient, ce plateau, outre ce que j'ai [ ]







J'en peux plus. Pas capable de finir le paragraphe. Presque 72 heures. Toujours pas dormi sauf les clous que je cogne huit secondes à la fois. J'arrête là avant de foutre le feu—je m'assoupis un mégot à la main et la brûlure me réveille. Je veux plus avoir peur. Je m'en fous s'il faut que je m'enferme pour être à l'abri des désirs chaotiques du dehors. Liberté. De s'enfermer. Ça reviendrait à ça, en fin de compte? À qui nous incarcère, d'autrui ou de soi? Je vais mourir, mais quand? Dans dix minutes, dix jours, dix ans?

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