Les psys le savent, les flics le savent, les profs le savent, tout le monde le sait mais personne n'en parle: tôt ou tard, et plutôt tôt que tard, ça va péter grave dans une école primaire ou secondaire, un garçon va revenir avec un gun et tirer dans le tas. Un gars que l'école aura laissé se débrouiller seul durant des années avec des bullies, ou un gars qu'on aura ritalinisé en première année et castrouillé jour après jour jusqu'en secondaire trois, jusqu'à ce qu'il décroche et s'enfuie dans la sauvagerie dehors pour essayer d'y voir clair.
Ils le savent et se préparent, comme qui dirait. Ils pourront se défendre de n'avoir rien fait.
23.11.11
22.11.11
J'ai réagi trop vite
Je m'acharne, dit-il, et il me plaint.
Fâché, je réponds que cela, ce n'est pas m'acharner, c'est me réchauffer.
Sauf qu'il a raison. Je m'acharne. Depuis le 10 mars 1988, quand Vamp a été publié et que je suis entré officiellement dans l'arène littéraire. En ai-je fait, des bêtises et des saloperies et des grotesques conneries et en ai-je commis des honteuses merdasses et des erreurs débiles. Assez pour trois vies d'homme, je dirais.
Mais rien qui tache mon oeuvre et ma carrière littéraire. Rien. Pas un iota de salissure. Je serais pas si pauvre autrement. Oui, je me suis acharné, et O Sainte Vierge que je ne le regrette pas. La joie de pouvoir envoyer chier n'importe qui aujourd'hui qui oserait remettre en question mon intégrité artistique. Ça vaut si cher. Ça vaut si foutrement tout l'or du monde.
Tu t'es pas acharné. Tant pis. Je te plains pas, l'arrogance me manque, mais j'aurai bien tout tenté pour t'éloigner de l'escalier des gémonies.
Et pis non, j'écris pas ainsi parce que je suis soul, abruti. J'ai pas dessoûlé depuis mai 1980.
Fâché, je réponds que cela, ce n'est pas m'acharner, c'est me réchauffer.
Sauf qu'il a raison. Je m'acharne. Depuis le 10 mars 1988, quand Vamp a été publié et que je suis entré officiellement dans l'arène littéraire. En ai-je fait, des bêtises et des saloperies et des grotesques conneries et en ai-je commis des honteuses merdasses et des erreurs débiles. Assez pour trois vies d'homme, je dirais.
Mais rien qui tache mon oeuvre et ma carrière littéraire. Rien. Pas un iota de salissure. Je serais pas si pauvre autrement. Oui, je me suis acharné, et O Sainte Vierge que je ne le regrette pas. La joie de pouvoir envoyer chier n'importe qui aujourd'hui qui oserait remettre en question mon intégrité artistique. Ça vaut si cher. Ça vaut si foutrement tout l'or du monde.
Tu t'es pas acharné. Tant pis. Je te plains pas, l'arrogance me manque, mais j'aurai bien tout tenté pour t'éloigner de l'escalier des gémonies.
Et pis non, j'écris pas ainsi parce que je suis soul, abruti. J'ai pas dessoûlé depuis mai 1980.
Première tournée mentale tribale. Pas la dernière.
On se donne, mettons, une semaine. Vous me faites savoir votre idée, en privé: par le biais des commentaires, mais ils ne seront pas publiés, je serai le seul à en prendre connaissance, comme si je les modérais.
Question: Quel dossier traiter en premier parmi ces trois-là: Denise Bombardier, Réjean Ducharme, l'analphabétisme québécois. Pas besoin de vous dire qu'il s'agit de choisir entre trois impostures. Choisir, ça m'est si malaisé! Alors allez, j'ai besoin de vous. Vais tout de même pas tirer à tête ou bitch, et pis comment faire ça quand y a trois possibilités anyway.
Question: Quel dossier traiter en premier parmi ces trois-là: Denise Bombardier, Réjean Ducharme, l'analphabétisme québécois. Pas besoin de vous dire qu'il s'agit de choisir entre trois impostures. Choisir, ça m'est si malaisé! Alors allez, j'ai besoin de vous. Vais tout de même pas tirer à tête ou bitch, et pis comment faire ça quand y a trois possibilités anyway.
J’ai pas envie de discuter avec toi. Mais du bunker, qu’en sais-tu, du campement des indignés?
Ben, ma foi, j'en sais assez, mettons autant que la plupart des gens intéressés, à moins qu'on n'ait pas le droit de se faire une idée si on n'y est pas allé. J'y suis pas allé. Chu allé au campement de Québec. J'aurais trouvé ça trop fif pour un Cliqueux du Plateau tel que moi d'aller agir socialement à dix minutes d'ici, dans le seul campement au Canada qui n'a subi aucune violence municipale. À Québec, dude, c'est pas des tentes en plastique qui sont en cause, c'est leur cuisine qui se fait raser: la bibliothèque populaire offerte par les écrivains désintéressés, incandescents sans condescendance, ameutés sur Twitter par un Moïse improvisé, pendant que les Indignés sont busy à démonter leur camp entre deux averses, c'est indigne, c'est visqueux, c'est illégitime comme de raison puisque ça prétend représenter les écrivains, ou une partie des écrivains, et que les écrivains ne représentent qu'eux-mêmes quand ils sont de vrais écrivains, pas des aspirants qui écrivent.
Écrire droitier
Extrait d'un entretien accordé par Bruno de Cessole à Emmanuelle De Boysson:
La bonne littérature serait, d’après vous, de droite – vous en expliquez les raisons. N’est-elle pas une affaire de talent ? Qu’en est-il de nos jours ?
Je ne fais que confirmer l’assertion du grand critique de l’entre-deux-guerres, Albert Thibaudet, qui affirmait que la pente naturelle de nos lettres est à droite dans la mesure où la pente politique est à gauche. Paraphrasant Gide, je dirais volontiers qu’on ne fait pas plus de bonne littérature avec de bons engagements qu’avec de bons sentiments. Bien sûr que la vraie littérature est affaire de talent, mais il se trouve que ce talent s’est davantage réparti, du début du XIXe siècle à la mi XXe siècle chez des écrivains que l’on peut classer à droite. De nos jours, la pente littéraire serait plutôt à gauche, j’en veux pour preuve la prolifération de romans et d’essais vertueusement moralisateurs ou hygiénistes, animés par la haine de soi, le ressentiment et la repentance, sur tous les sujets de société dits porteurs : la discrimination, l’immigration, la disparité hommes-femmes dans le travail, les violences conjugales, la Seconde Guerre Mondiale, les anciens conflits coloniaux, etc… Et sans doute est-ce la raison de sa médiocrité endémique, à quelques exceptions près. En ce qui me concerne, je souscris des deux mains à l’aphorisme d’Ortega y Gasset, « S’affirmer de droite ou de gauche n’est qu’une des innombrables façons qui s’offrent à l’homme d’être un imbécile »
La bonne littérature serait, d’après vous, de droite – vous en expliquez les raisons. N’est-elle pas une affaire de talent ? Qu’en est-il de nos jours ?
Je ne fais que confirmer l’assertion du grand critique de l’entre-deux-guerres, Albert Thibaudet, qui affirmait que la pente naturelle de nos lettres est à droite dans la mesure où la pente politique est à gauche. Paraphrasant Gide, je dirais volontiers qu’on ne fait pas plus de bonne littérature avec de bons engagements qu’avec de bons sentiments. Bien sûr que la vraie littérature est affaire de talent, mais il se trouve que ce talent s’est davantage réparti, du début du XIXe siècle à la mi XXe siècle chez des écrivains que l’on peut classer à droite. De nos jours, la pente littéraire serait plutôt à gauche, j’en veux pour preuve la prolifération de romans et d’essais vertueusement moralisateurs ou hygiénistes, animés par la haine de soi, le ressentiment et la repentance, sur tous les sujets de société dits porteurs : la discrimination, l’immigration, la disparité hommes-femmes dans le travail, les violences conjugales, la Seconde Guerre Mondiale, les anciens conflits coloniaux, etc… Et sans doute est-ce la raison de sa médiocrité endémique, à quelques exceptions près. En ce qui me concerne, je souscris des deux mains à l’aphorisme d’Ortega y Gasset, « S’affirmer de droite ou de gauche n’est qu’une des innombrables façons qui s’offrent à l’homme d’être un imbécile »
Le monde selon Garp
C'est un grand roman, marquant, déterminant l'évolution de la littérature yankee, laquelle a su écrire le vingtième siècle: Proust a muré barré parachevé conclu comme le calice l'écriture dix-neuvième, et Céline est le seul écrivain novateur sérieux en France ensuite. John Irving, vrai, a écrit ben de la marde. Mais Garp shit no, Garp ain't no crap, Garp est un grand roman, comme quiconque le lit s'en rend compte.
Pas facile pour moi de contredire ainsi mon vieil ami, vieux du temps d'avant qu'on soit connus. Mais faut. Fini le silence, je l'ai dit, j'ai pas le temps no more, chaque instant compte pour le sablier qu'il me reste. Je partirai pas en mentant. Le monde selon Christian.
Pas facile pour moi de contredire ainsi mon vieil ami, vieux du temps d'avant qu'on soit connus. Mais faut. Fini le silence, je l'ai dit, j'ai pas le temps no more, chaque instant compte pour le sablier qu'il me reste. Je partirai pas en mentant. Le monde selon Christian.
Voilà pourquoi je lui ai pas prêté 1000$
Seulement 500$, à fonds perdus.
À cause que fatalement quand vient le temps de rembourser, il répond: «Je vais en faire des confettis, de ton argent, en petits morceaux dans une enveloppe. Le temps de recoller les morceaux, tu y verras peut-être clair.»
À cause que fatalement quand vient le temps de rembourser, il répond: «Je vais en faire des confettis, de ton argent, en petits morceaux dans une enveloppe. Le temps de recoller les morceaux, tu y verras peut-être clair.»
You Aint Seen Nothing Yet
Écrivains indignés et autres Twitshits
Sont allés. S'indigner. Se sont invités au party comme la SSJB plus tôt et d'autres groupes sans demander s'ils étaient bienvenus. Twitters excités. Jean Barbe et Bertrand Laverdure, wow, représentant les écrivains, misère. Laverdure dur de comprenure en se figurant qu'il serait égal à Jean dans l'oeil du Kodak. Tous ces gens se mêlant de DIRE à la place des Indignés. Écrivains mon cul, et certes pas représentatifs de moi. Je les connais tous, et leurs saloperies personnelles: qu'ils rentrent chez eux dormir au chaud avant qu'on les dénonce.
20.11.11
«Extra pepperoni!»
«Le plus beau, c'est que la pizza est ici dans trente minutes ou moins, autrement la livreuse ne coûte rien!»
17.11.11
Elefthéria-Psômi-Paideia
Depuis 1973, le 17 novembre a cessé de signifier pour les Grecs la même chose que pour le reste du monde (un jour insignifiant situé entre le 16 et le 18 novembre). Il marque un moment déterminant de leur histoire, et déchirant pour ceux qui sont assez vieux, qui l'ont vécu, au pays ou pire, en exil. Paradoxalement, plus passe le temps, plus l'évènement prend valeur universelle: chaque jeune génération partant protester contre le pouvoir et l'oppression y trouvera quelque chose qui lui parle.
En attendant, la Grèce universelle, pour moi, est incarnée dans l'absolu personnel: un homme, un seul, un Grec, l'ami total définitif qui le resterait même si l'amitié décédait, pour qui je suis cela aussi, un Grec public omniprésent sous cent visages cybernétiques et dont pourtant personne ne pige un traître iota de ce qu'il est. Quand quelqu'un n'exprime jamais en mots un seul morceau d'émotion sur des centaines et des centaines de pages, cela ne saute-t-il pas au visage qu'il s'agit de pudeur, et de respect pour le caractère privé, sérieux, sacré des sentiments, les siens aussi bien que ceux des autres, dans un monde où l'on galvaude le coeur en étalant ses douleurs comme les putains d'Amsterdam s'exposent en vitrine, où l'on pleure et gémit collectivement gratuitement mais où faire autrement coûte cher...
Antonios Vekris, c'est ma Grèce, et aussi sa Nikki, maintenant qu'ils se sont retrouvés. Ce 17 novembre a un sens encore plus singulier pour eux deux: il n'en sera pas question ici.
Vekris, son ami d'adolescence est resté sur le pavé à cette époque, éternellement figé dans sa robuste beauté de jeunesse, son idéal, son ignorance du cynisme, dans le coeur et l'esprit d'Antonios qui lui ne s'absoudra jamais tout à fait d'avoir vécu, vieilli, appris la mécanique du monde. Chaque 17 novembre lui est plus douloureux, pas moins.
C'est en hommage respectueux à l'âme de mon ami, et à travers lui saluant l'âme de toute la Grèce, que je souligne ce jour.
En attendant, la Grèce universelle, pour moi, est incarnée dans l'absolu personnel: un homme, un seul, un Grec, l'ami total définitif qui le resterait même si l'amitié décédait, pour qui je suis cela aussi, un Grec public omniprésent sous cent visages cybernétiques et dont pourtant personne ne pige un traître iota de ce qu'il est. Quand quelqu'un n'exprime jamais en mots un seul morceau d'émotion sur des centaines et des centaines de pages, cela ne saute-t-il pas au visage qu'il s'agit de pudeur, et de respect pour le caractère privé, sérieux, sacré des sentiments, les siens aussi bien que ceux des autres, dans un monde où l'on galvaude le coeur en étalant ses douleurs comme les putains d'Amsterdam s'exposent en vitrine, où l'on pleure et gémit collectivement gratuitement mais où faire autrement coûte cher...
Antonios Vekris, c'est ma Grèce, et aussi sa Nikki, maintenant qu'ils se sont retrouvés. Ce 17 novembre a un sens encore plus singulier pour eux deux: il n'en sera pas question ici.
Vekris, son ami d'adolescence est resté sur le pavé à cette époque, éternellement figé dans sa robuste beauté de jeunesse, son idéal, son ignorance du cynisme, dans le coeur et l'esprit d'Antonios qui lui ne s'absoudra jamais tout à fait d'avoir vécu, vieilli, appris la mécanique du monde. Chaque 17 novembre lui est plus douloureux, pas moins.
C'est en hommage respectueux à l'âme de mon ami, et à travers lui saluant l'âme de toute la Grèce, que je souligne ce jour.
Ça commence à paraître, j'espère.
Ce blog n'est plus Vacuum 2. Il est en phase 3.
Ce n'est plus un scrapbook. C'est un brouillon de testament, au cas où ma longévité s'avérerait abrégée: c'est un recensement urgent de ce que j'aurai voulu faire si je n'en ai pas le temps. C'est la fin de ma patience, de mon silence et de ma complaisance: vingt ans de cette politique ont prouvé sa futilité.
Le défi, pour moi, est d'écrire en conséquence sans rien sacrifier de ce que mon écriture a systématiquement sans exception scrupuleusement suivi depuis que j'écris: le principe de bonne foi, le souci d'équité, l'intégrité, la subordination des passions à la raison, le gouvernement du réfléchi sur le senti, de l'esprit sur les nerfs, du grand respir nasal sur la petite colère anale. Le défi, c'est d'écrire encore sans donner prise aux boueuses réactions ordinaires qui voudront fuser. Vingt-cinq ans qu'elles échouent à trouver une brèche: ce serait trop bête de la leur fournir astheure gratos, par négligence ou pire, par usure ou pire encore, par ce qui définit un écrivain fini: la satisfaction de son appétit, l'oubli de la faim, le sentiment de sa sécurité, la lassitude de la guerre, la perte du pur plaisir de battre les bâtards, jeunes et vieux!
Bon. On va continuer tranquillement pas vite alors, ici, à révéler mollo les axes nouveaux. M'a semblé essentiel d'en toucher dès maintenant mot aux Tribaux.
Ce n'est plus un scrapbook. C'est un brouillon de testament, au cas où ma longévité s'avérerait abrégée: c'est un recensement urgent de ce que j'aurai voulu faire si je n'en ai pas le temps. C'est la fin de ma patience, de mon silence et de ma complaisance: vingt ans de cette politique ont prouvé sa futilité.
Le défi, pour moi, est d'écrire en conséquence sans rien sacrifier de ce que mon écriture a systématiquement sans exception scrupuleusement suivi depuis que j'écris: le principe de bonne foi, le souci d'équité, l'intégrité, la subordination des passions à la raison, le gouvernement du réfléchi sur le senti, de l'esprit sur les nerfs, du grand respir nasal sur la petite colère anale. Le défi, c'est d'écrire encore sans donner prise aux boueuses réactions ordinaires qui voudront fuser. Vingt-cinq ans qu'elles échouent à trouver une brèche: ce serait trop bête de la leur fournir astheure gratos, par négligence ou pire, par usure ou pire encore, par ce qui définit un écrivain fini: la satisfaction de son appétit, l'oubli de la faim, le sentiment de sa sécurité, la lassitude de la guerre, la perte du pur plaisir de battre les bâtards, jeunes et vieux!
Bon. On va continuer tranquillement pas vite alors, ici, à révéler mollo les axes nouveaux. M'a semblé essentiel d'en toucher dès maintenant mot aux Tribaux.
16.11.11
L'indignation des écrivains, ou l'art du piggyback
C'est en visitant le site de Mac que j'aperçois, du coin de l'oeil droit, ce nouveau gadget twitteux semblable aux fils de presse, et le nom de Johnny Bee.
De fil en aiguille, semble qu'un rassemblement d'écrivains se prépare pour dimanche prochain, Place du Peuple ou Place des Peuples, personne a l'air certain, anyway Square Victoria. Et ça se garroche pour répondre «Présent!», oh c'est de toute beauté. Ça va lire, ça va appuyer, ça va exprimer la solidarité des écrivains en belles phrases complètes. Ça va, bref, voler le show et se mêler d'autre chose que ses affaires, qui sont ÉCRIRE!
C'est aux Indignés de se définir, de choisir leurs mots pour leur cause et convaincre le monde.
Kessé qu'une gang d'écrivains, des bons et des pourris, ne représentant personne à part eux, et certainement pas les écrivains, kessé qu'ils ont d'affaire là s'ils sont pas prêts à coucher dehors?
De fil en aiguille, semble qu'un rassemblement d'écrivains se prépare pour dimanche prochain, Place du Peuple ou Place des Peuples, personne a l'air certain, anyway Square Victoria. Et ça se garroche pour répondre «Présent!», oh c'est de toute beauté. Ça va lire, ça va appuyer, ça va exprimer la solidarité des écrivains en belles phrases complètes. Ça va, bref, voler le show et se mêler d'autre chose que ses affaires, qui sont ÉCRIRE!
C'est aux Indignés de se définir, de choisir leurs mots pour leur cause et convaincre le monde.
Kessé qu'une gang d'écrivains, des bons et des pourris, ne représentant personne à part eux, et certainement pas les écrivains, kessé qu'ils ont d'affaire là s'ils sont pas prêts à coucher dehors?
Vieux G: l'heure juste
C'est pour moi une grande joie régulièrement renouvelée de voir s'affermir et s'épanouir le talent de Guillaume Lajeunesse. Celui qu'ici on appelle affectueusement Vieux G.
Comme tous les rares authentiques possesseurs du Don qui publient à mesure qu'ils apprennent, il traverse pendant qu'il travaille à le maîtriser une multitude d'opinions. Dont il est seul à pouvoir faire le tri.
Attention aux félicitations trompeuses. À être aimé pour les mauvaises raisons. Tu viens de publier trois textes coup sur coup, deux sont encensés, or ils sont trop longs, trop compliqués, et c'est le troisième qui montre ce style que tu es en train de trouver, celui qui est juste à toi, qui est toi. Ce texte-là:
Comme tous les rares authentiques possesseurs du Don qui publient à mesure qu'ils apprennent, il traverse pendant qu'il travaille à le maîtriser une multitude d'opinions. Dont il est seul à pouvoir faire le tri.
Attention aux félicitations trompeuses. À être aimé pour les mauvaises raisons. Tu viens de publier trois textes coup sur coup, deux sont encensés, or ils sont trop longs, trop compliqués, et c'est le troisième qui montre ce style que tu es en train de trouver, celui qui est juste à toi, qui est toi. Ce texte-là:
Rien et tout se chatouillant
De volubiles errances vipérines
Un coeur clochard qui s'expie en
Grogne musclée qui salive
Des tempêtes de fumée
S'enfumant de sève bactérielle
Des mitraillettes d'atomes pour
Des meurtres du hasard
Des pays sans noms
Provisoirement habités
Par des mygales totalitaires
Des cathédrales chimiquement hallucinées
Où l'on écrase des fouilles archéologiques,
Piétine les dents qui souriaient autrefois
Des femmes-monstres qui ont dans
Leurs entrailles
Des laboratoires de fleurs de feu
Des débâcles mathématiques
Scientifiques empalés par des pieux d'infini
Des songeurs carrés se défénestrant
Dans le théorème de Fermat
Des pianistes qui s'endorment la face
Sur le clavier en l'accord de leur vie
Ils s'éveillent en sursaut sont médiocres à nouveau
Un coeur clochard qui s'expie en
Grogne musclée qui salive
Des tempêtes de fumée
S'enfumant de sève bactérielle
Des mitraillettes d'atomes pour
Des meurtres du hasard
Des pays sans noms
Provisoirement habités
Par des mygales totalitaires
Des cathédrales chimiquement hallucinées
Où l'on écrase des fouilles archéologiques,
Piétine les dents qui souriaient autrefois
Des femmes-monstres qui ont dans
Leurs entrailles
Des laboratoires de fleurs de feu
Des débâcles mathématiques
Scientifiques empalés par des pieux d'infini
Des songeurs carrés se défénestrant
Dans le théorème de Fermat
Des pianistes qui s'endorment la face
Sur le clavier en l'accord de leur vie
Ils s'éveillent en sursaut sont médiocres à nouveau
Guillaume Lajeunesse
Pitchounette, Pox party et Lollipops
La petite a fait ça comme une grande, elle et ses huits copains ont campé deux nuits dans le salon de Circius, et sont immunisés à vie contre cette saloperie de varicelle.
Depuis hier, elle lèche des dizaines de suçons pour l'exportation. Passez vos commandes. Notez que le transport par avion est obligatoire, malgré le prix: par bateau, ça prend six semaines, le virus crève en route.
En stock, il reste d'autres saveurs lollipopulaires: la rougeole, les oreillons, la rubéole et la gale. Premiers arrivés, premiers servis.
Depuis hier, elle lèche des dizaines de suçons pour l'exportation. Passez vos commandes. Notez que le transport par avion est obligatoire, malgré le prix: par bateau, ça prend six semaines, le virus crève en route.
En stock, il reste d'autres saveurs lollipopulaires: la rougeole, les oreillons, la rubéole et la gale. Premiers arrivés, premiers servis.
12.11.11
La kette du sein troll
Non? Toujours aucune réaction? Savez pas trop quoi dire?
Une belle kette, un pompier quotidien, une paire de flics en visite hebdomadaire, c'est-y pas le bonheur?
Tas de Tribaux timides. Rougissants jusqu'aux sourcils comme des gamines. Détournant le regard. Allez donc jouer ailleurs.
Une belle kette, un pompier quotidien, une paire de flics en visite hebdomadaire, c'est-y pas le bonheur?
Tas de Tribaux timides. Rougissants jusqu'aux sourcils comme des gamines. Détournant le regard. Allez donc jouer ailleurs.
11.11.11
Seront jamais vétérans...
Le prix du sang que coûte notre alliance avec l'impérial voisin du dessous.
J.P. van Noppen
Une traduction du poème
"In Flanders Fields"
de Lt.-Col. John McCrae
LES CIMETIÈRES FLAMANDS | |
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J.P. van Noppen
Une traduction du poème
"In Flanders Fields"
de Lt.-Col. John McCrae
Chu trop sentimental, chu tanné d'avoir mal en voyant l'amour des autres
Tel celui-ci. Simple, charnel, terrien: Carolorégien, quoi.
Lyes...
Sortir de la salle de bains presque tout nu: DSK tout craché.
On a presque pitié des flics: c'est pas pour ça qu'ils sont devenus flics. Eh ben ça leur apprendra à devenir flics. La kette, toujours la kette.
8.11.11
Sacré vieux Bozo I love you so
Se peut que vous l'appreniez ici, vu que les gazettes semblent dans l'ensemble peu empressées à y voir matière à nouvelle (Chantal Guy, évidemment, a écrit un papier substantiel, mais pour le trouver sur La Presse en ligne, faut chercher en chien: pas vous autres, craignez rien, le Big Dog vous le refile ici): Victor-Lévy Beaulieu a remporté hier le prix Gilles-Corbeil. Kessé ça? Oh, pas grand chose, presque rien, seulement le prix littéraire le plus richement doté en Amérique. 100 000$. Pas de quoi bousculer l'agenda du téléjournal.
Il m'a écrit vendredi. Je serai en ville lundi, on pourrait se voir. On m'a invité à la remise du Prix, j'ai répondu que j'y assisterais avec plaisir...
Ben oui. Lévy, on n'a qu'à l'inviter à une remise de Prix à Montréal, un lancement, un vernissage, une inauguration de centre d'achats, et il viendra, comme ça, c'est son genre, genre. NOT!
Quitter Trois-Pistoles, crisse, il lui en faut gros pour s'y résoudre. Quand je dis gros, c'est gros: il informe régulièrement au dernier moment qu'il ne sera pas présent à un événement qui dépend de lui et organisé autour de lui et annoncé depuis longtemps sur sa confirmation. Parlez-en aux deux cents personnes qui l'attendaient chez Renaud-Bray pour assister au débat qu'il avait suscité, parlez-en aux deux autres personnes sur scène qui devaient débattre avec lui, héhé.
Il a fait le coup au Salon du Livre de Québec (cette fois-là, il pouvait pas laisser ses moutons seuls), il l'a fait souvent partout, moi j'en ris en complice et ami depuis que j'ai cessé de m'en vexer, héhé, mais bon, ce qui est vraiment vexant, c'est que personne n'a l'air d'avoir pigé un pattern, là. On préfère penser qu'on connaît VLB, un ours imprévisible capable de toutes les colères impolies, un sauvage, un fouteur de merde qui mange avec les doigts et se torche la barbe avec la nappe du dimanche. Pas important qu'il soit rigoureusement impossible de trouver nulle part le moindre incident, le plus infime fait anecdotique à l'appui de cette idée reçue, ni sur le net, ni nulle part. Certainement pas depuis qu'il a cessé de boire, et ça fait très longtemps, et ses quelques légendaires colères datent de bien avant, du temps de Montréal, là où se bâtit la légende, pour le meilleur d'abord mais toujours pour le pire pour finir: qui était là pour s'en rappeler qui vit toujours? Y aurait Turgeon, y aurait Godbout, y aurait qui d'autre des débuts, quels journalistes, y aurait Martel y aurait Marcotte y aurait pas ben d'autre monde que ça, pas tant qu'il soit si vieux, seulement paskils étaient tout seuls, à cette époque, à écrire vraiment... Lévy, dans le texte que je vais vous relayer, évoque Ducharme. Aurais-je oublié Ducharme dans ma short list ci-haut? Fuck no. Simplement, j'ai tenu à n'énumérer que des gens qui y étaient et, je le répète, qui vivent toujours: Réjean Ducharme ne pouvait y être, et il est mort depuis vingt ans. Chu même pas sûr que VLB le sache, ça.
Le texte qui vient, c'est celui qu'il a livré hier après réception du Prix. Un très beau, très sincère, très doux et tendre texte. VLB est tendre, sincère et doux, il l'a toujours été, cette barbe sert à le protéger, l'alcool servait à le protéger, à lui donner de quoi rugir et repousser les assauts incessants des petits des méchants des insignifiants, comme une torche tient les loups et les hyènes et les rats hors du périmètre de campement.
Il sait plus trop pourquoi il a décidé d'être écrivain à quatorze ans. Il sait cependant que moi, quand j'ai pris la même décision au même âge (suivie d'action, de résultats et toujours inaltérée trente-trois ans plus tard), c'était grâce et à cause de lui: 1978, première des trois saisons de Race de Monde à Radio-Canada, Abel Beauchemin, tout mon destin tenait déjà dans le générique du début, une main traçant au stylo-feutre des mots en lettres carrées dans un cahier ligné et une bouteille de St. Leger juste à côté. La plupart des gens qui entreprennent d'être écrivains partent avec aussi peu: une image, un fantasme. C'est pourquoi la plupart sont déçus tôt ou tard, et que quasiment aucun ne devient écrivain. Si ma décision n'avait tenu qu'au seul téléroman de VLB, je serais probablement devenu flic ou avocat en début de vingtaine. Faut plus, beaucoup plus qu'un fantasme pour soutenir une vie vouée à écrire. Et c'est découvrir l'auteur du téléroman et son oeuvre et surtout avant tout et en tout et partout sa conception de l'Oeuvre, du Grand Roman, de l'absolu littéraire comme honorable et valable échine d'une vie, c'est ça que je lui dois, et je suis content qu'il le sache, ce grand vieux Joual Féral dont on ne fera jamais une ganache de son vivant, ni de la colle après sa mort, et oui je sais que féral est un anglicisme, mais quand les Français comprendront qu'on traduit pas un mot comme ça qui signifie sauvage par un mot comme marron, je voudrai bien coopérer. Tas de ploucs.
JE CRIE, J’ÉCRIS, JE DÉCRIS
Je ne suis pas accoutumé à me retrouver devant l’une de mes grandes feuilles de notaire, mon stylo feutre à la main, pointé vers le ciel plutôt que vers le papier. C’est que je ne trouve pas quoi dire, surtout pas pourquoi, à l’âge de 14 ans, j’ai décidé que je serais écrivain. Peut-être est-ce au fond très simple : je n’ai pas eu à choisir, puisqu’on n’écrit pas par choix, mais parce qu’on n’a pas le choix.
Rien ne me destinait à l’écriture : je suis le sixième d’une famille de treize enfants, pour laquelle la simple survie exigeait tant de labeur que toute son énergie vitale y passait. Le seul livre de mon enfance dont j’ai gardé mémoire est la première édition des Poésies d’Émile Nelligan qui trônait, solitaire, sur le piano chez mes grands-parents paternels. Pourquoi cet ouvrage était-il là et pourquoi ma grand-mère mettait-elle entre les pages ces coupures de journaux dans lesquelles il était question du poète? Parce que la mère de Nelligan, née Hudon dit Beaulieu, était apparentée à notre famille et qu’on compatissait au chagrin qu’elle avait éprouvé quand on dut interner son fils. Seule ma grand-mère avait le droit de prendre et d’ouvrir l’ouvrage de Nelligan. L’a-t-elle lu? Je suis certain que non. Et pourquoi ne l’a-t-elle pas fait? Parce que c’est en écrivant que Nelligan était devenu fou et que cette maladie-là, comme tant d’autres, pouvait être contagieuse. Même sans lire ou écrire, certains membres de notre famille ne vacillaient-ils pas sur leurs pieds et ne risquaient-ils pas de passer, furieusement, de l’autre côté du miroir?
Je commençai à lire à mon adolescence quand, laissant le petit village de Saint-Jean-de-Dieu derrière nous, nous nous retrouvâmes, ma famille et moi, à Morial Mort. Je n’ai pas besoin d’expliquer pourquoi je lus d’abord la poésie québécoise avant de découvrir Léo-Paul Desrosiers, Félix Leclerc, Yves Thériault et Jacques Ferron. J’aurais bien aimé devenir poète, je m’y suis essayé, mais en vain : comme l’a si bien dit Miron le Magnifique, il n’y a pas de poème quand celui-ci n’est pas l’objet d’une seule idée, d’une seule métaphore. Je n’étais pas de ce côté-là des choses : les poèmes que j’écrivais, alors que j’avais quatorze ans, faisaient deux cents pages! Aucune idée poétique, aucune métaphore poétique ne peut avoir deux cents pages!
Mais dans un roman, tout cela est possible. Je l’ai compris en lisant Les Misérables et Les travailleurs de la mer de Victor Hugo. Je me souviens de ce que ma mère me disait quand je déballais les gros ouvrages du bonhomme Hugo sur la table de la cuisine : « Si tu lis toutes ces folleries-là, tu vas finir tes jours à Saint-Jean-de-Dieu! » Je répondais alors à ma mère : « Lequel, Mam? Le Saint-Jean-de-Dieu qui est un asile dans le bout de l’île du Grand Morial ou l’autre, ce petit village du Bas-du-Fleuve où tu es née? »
Quand je fus atteint par la poliomyélite à l’âge de dix-neuf ans, dans la partie gauche de mon corps, celle avec laquelle j’écrivais, mes parents auraient voulu que je voie cela comme un avertissement que le ciel m’envoyait. J’y vis plutôt le signe que je devais me consacrer totalement à l’écriture. On ne savait pas en ce temps qu’elles pouvaient être, à long terme, les conséquences de cette maladie, sauf qu’elle risquait de vous clouer à un fauteuil roulant, et dépouillé de toute énergie vitale, une fois le cap de la quarantaine dépassé.
J’ai donc vécu avec cette angoisse-là tout le temps de ma jeunesse, ce qui m’a imposé ce sentiment d’urgence qu’il me fallait tout dire, et le plus rapidement possible, avant que ne s’effondre mon énergie vitale. Et j’en avais beaucoup à crier, à écrire, à décrire, bien davantage que je ne le pensais moi-même. Par ailleurs, j’ai toujours cru que pour réussir dans quoi que ce soit, il faut d’abord naître sous une bonne étoile. Je suis venu au monde le jour même de la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand Américains et Japonais ont mis bas les armes, ce 2 septembre 1945, à 7 h 43 précisément. J’imagine le soulagement que cela a dû être pour ma mère et pour mon père d’entendre à la radio une telle nouvelle tandis que je poussais mes premiers cris. Bien sûr, nous resterions pauvres, mais l’est-on vraiment et absolument quand la paix, si improbable, redevient réalité?
Mon enfance, je l’ai traversée comme on la traverse quand on est né sous une bonne étoile, au milieu d’une nombreuse famille pour laquelle le Québec était son pays depuis 1637. Cette famille-là me donna 276 cousines et cousins. C’était dans un monde tricoté serré, du genre de celui que porte la mémoire profonde des choses. Et les gens de ma famille avaient une mémoire phénoménale et j’ai eu ce grand privilège d’en hériter. Je n’avais pas besoin d’apprendre, puisque ça se savait déjà; je n’avais pas besoin de retenir, puisque ça se détenait déjà.
Je n’ai donc pas de mérite à avoir écrit autant : c’était simplement là, au cœur de la mémoire familiale, et ça ne demandait qu’à surgir. Il en est des écrivains comme des cours d’eau : il y a des ruisseaux, des rivières, des lacs, des fleuves et des océans. Pas plus que les cours d’eau ne choisissent la nature de ce qu’ils sont, les écrivains ne choisissent la nature de leur écriture : ça s’écrit ainsi parce que ça ne peut pas s’écrire autrement.
Jacques Ferron m’a appris que nous venons tous d’un bout de rang, d’une petite rue, d’un semblant de village, d’une ville qui est parfois même une métropole, d’une province et, quand tout cela se lie et se relie, d’un pays. Toujours parce que je suis né sous une bonne étoile, j’ai vécu là où tous les Québécois ont vécu, de l’arrière-pays abandonné à lui-même au cœur d’un Grand Morial en effervescence. J’ai aussi voyagé, dans la réalité de pays que je voulais connaître, dans l’imaginaire de pays que je n’étais pas en mesure de connaître. Les oblats missionnaires de ma famille m’ont initié à l’Afrique et à la Papouasie, les sœurs missionnaires de ma famille m’ont initié à l’Amérique du Sud, les tantes et les oncles aubergistes de ma famille m’ont initié à l’Irlande, à l’Écosse et à la Bretagne, les migrants de ma famille m’ont initié à l’Ouest canadien, à la Nouvelle-Angleterre, au Colorado et à la Louisiane.
Vous comprendrez que venant d’une telle famille, je n’ai jamais compris qu’on ait pu parler du temps de mes ancêtres, du temps de ma mère et de mon père, du temps de mon enfance et de celui de mon adolescence, comme étant ceux de l’enfermement, pour ne pas dire ceux de la Grande Noirceur. S’il n’y avait pas eu dans ma famille cette curiosité par-devers l’étranger, curiosité qu’on a su me transmettre, croyez-vous que j’aurais été autant fasciné par Victor Hugo, Jack Kérouac, Herman Melville, Léon Tolstoï, James Joyce et, maintenant, Friedrich Nietzsche? À l’origine de tout pays, le cannibalisme est une nécessité, comme l’enseigne ce dieu grec que fut Dionysos. En dévorant les autres, on se les approprie, on élargit le champ de sa conscience qui, seule, est en mesure d’apporter une plus grande beauté au monde dans lequel on vit.
Cette plus grande beauté-là, c’est par le langage qu’elle s’exprime dans toute sa puissance. Réjean Ducharme nous en a fait la démonstration exemplaire. Pour ma part, je n’ai jamais cessé de croire que la langue québécoise est d’une grande richesse, qu’elle a son propre génie, sa propre sonorité et sa propre musique, et qu’il est de la responsabilité de l’écrivain de la bellement faire chanter et danser. Je n’aurais contribué par mon écriture qu’à lui ajouter quelques notes manquantes que je n’aurais aucun regret à avoir écrit les cinquante mille pages qui sont venus de ma main gauche et de mon stylo feutre bleu depuis cinquante ans.
Quand je suis né en 1945, nous étions deux millions et demi de Québécois. Aujourd’hui, nous sommes presque trois fois plus nombreux. Quand je suis né en 1945, la population mondiale était d’un peu plus de deux milliards d’individus. Aujourd’hui, la race humaine est de sept milliards de femmes, d’hommes et d’enfants. Nous savons moins que jamais de quoi sera fait l’avenir et s’il y aura même un avenir. Si je ne cesse pas d’écrire, c’est que je ne crois pas à l’éternité de l’enfer, pas davantage pour le monde en général que pour le Québec en particulier. La vie a plus d’un tour dans son sac, sa volonté de puissance va bien au-delà de tout ce que, comme individu et comme écrivain, je pourrais bien imaginer. À l’âge de quatorze ans, j’ai dit oui à la vie, celle du monde en général et celle du Québec en particulier. Pour changer les choses, pour leur redonner leur beauté manquante, il faut d’abord savoir dire oui à cette vie dont les racines pleines de sève ne demandent qu’à devenir l’arbre sacré de ce très grand poète que fut Paul-Marie Lapointe – cet arbre sacré qui porte ces pommes d’or qu’au Québec, comme partout dans le monde, on appelle liberté, égalité et fraternité.
Il m'a écrit vendredi. Je serai en ville lundi, on pourrait se voir. On m'a invité à la remise du Prix, j'ai répondu que j'y assisterais avec plaisir...
Ben oui. Lévy, on n'a qu'à l'inviter à une remise de Prix à Montréal, un lancement, un vernissage, une inauguration de centre d'achats, et il viendra, comme ça, c'est son genre, genre. NOT!
Quitter Trois-Pistoles, crisse, il lui en faut gros pour s'y résoudre. Quand je dis gros, c'est gros: il informe régulièrement au dernier moment qu'il ne sera pas présent à un événement qui dépend de lui et organisé autour de lui et annoncé depuis longtemps sur sa confirmation. Parlez-en aux deux cents personnes qui l'attendaient chez Renaud-Bray pour assister au débat qu'il avait suscité, parlez-en aux deux autres personnes sur scène qui devaient débattre avec lui, héhé.
Il a fait le coup au Salon du Livre de Québec (cette fois-là, il pouvait pas laisser ses moutons seuls), il l'a fait souvent partout, moi j'en ris en complice et ami depuis que j'ai cessé de m'en vexer, héhé, mais bon, ce qui est vraiment vexant, c'est que personne n'a l'air d'avoir pigé un pattern, là. On préfère penser qu'on connaît VLB, un ours imprévisible capable de toutes les colères impolies, un sauvage, un fouteur de merde qui mange avec les doigts et se torche la barbe avec la nappe du dimanche. Pas important qu'il soit rigoureusement impossible de trouver nulle part le moindre incident, le plus infime fait anecdotique à l'appui de cette idée reçue, ni sur le net, ni nulle part. Certainement pas depuis qu'il a cessé de boire, et ça fait très longtemps, et ses quelques légendaires colères datent de bien avant, du temps de Montréal, là où se bâtit la légende, pour le meilleur d'abord mais toujours pour le pire pour finir: qui était là pour s'en rappeler qui vit toujours? Y aurait Turgeon, y aurait Godbout, y aurait qui d'autre des débuts, quels journalistes, y aurait Martel y aurait Marcotte y aurait pas ben d'autre monde que ça, pas tant qu'il soit si vieux, seulement paskils étaient tout seuls, à cette époque, à écrire vraiment... Lévy, dans le texte que je vais vous relayer, évoque Ducharme. Aurais-je oublié Ducharme dans ma short list ci-haut? Fuck no. Simplement, j'ai tenu à n'énumérer que des gens qui y étaient et, je le répète, qui vivent toujours: Réjean Ducharme ne pouvait y être, et il est mort depuis vingt ans. Chu même pas sûr que VLB le sache, ça.
Le texte qui vient, c'est celui qu'il a livré hier après réception du Prix. Un très beau, très sincère, très doux et tendre texte. VLB est tendre, sincère et doux, il l'a toujours été, cette barbe sert à le protéger, l'alcool servait à le protéger, à lui donner de quoi rugir et repousser les assauts incessants des petits des méchants des insignifiants, comme une torche tient les loups et les hyènes et les rats hors du périmètre de campement.
Il sait plus trop pourquoi il a décidé d'être écrivain à quatorze ans. Il sait cependant que moi, quand j'ai pris la même décision au même âge (suivie d'action, de résultats et toujours inaltérée trente-trois ans plus tard), c'était grâce et à cause de lui: 1978, première des trois saisons de Race de Monde à Radio-Canada, Abel Beauchemin, tout mon destin tenait déjà dans le générique du début, une main traçant au stylo-feutre des mots en lettres carrées dans un cahier ligné et une bouteille de St. Leger juste à côté. La plupart des gens qui entreprennent d'être écrivains partent avec aussi peu: une image, un fantasme. C'est pourquoi la plupart sont déçus tôt ou tard, et que quasiment aucun ne devient écrivain. Si ma décision n'avait tenu qu'au seul téléroman de VLB, je serais probablement devenu flic ou avocat en début de vingtaine. Faut plus, beaucoup plus qu'un fantasme pour soutenir une vie vouée à écrire. Et c'est découvrir l'auteur du téléroman et son oeuvre et surtout avant tout et en tout et partout sa conception de l'Oeuvre, du Grand Roman, de l'absolu littéraire comme honorable et valable échine d'une vie, c'est ça que je lui dois, et je suis content qu'il le sache, ce grand vieux Joual Féral dont on ne fera jamais une ganache de son vivant, ni de la colle après sa mort, et oui je sais que féral est un anglicisme, mais quand les Français comprendront qu'on traduit pas un mot comme ça qui signifie sauvage par un mot comme marron, je voudrai bien coopérer. Tas de ploucs.
JE CRIE, J’ÉCRIS, JE DÉCRIS
Je ne suis pas accoutumé à me retrouver devant l’une de mes grandes feuilles de notaire, mon stylo feutre à la main, pointé vers le ciel plutôt que vers le papier. C’est que je ne trouve pas quoi dire, surtout pas pourquoi, à l’âge de 14 ans, j’ai décidé que je serais écrivain. Peut-être est-ce au fond très simple : je n’ai pas eu à choisir, puisqu’on n’écrit pas par choix, mais parce qu’on n’a pas le choix.
Rien ne me destinait à l’écriture : je suis le sixième d’une famille de treize enfants, pour laquelle la simple survie exigeait tant de labeur que toute son énergie vitale y passait. Le seul livre de mon enfance dont j’ai gardé mémoire est la première édition des Poésies d’Émile Nelligan qui trônait, solitaire, sur le piano chez mes grands-parents paternels. Pourquoi cet ouvrage était-il là et pourquoi ma grand-mère mettait-elle entre les pages ces coupures de journaux dans lesquelles il était question du poète? Parce que la mère de Nelligan, née Hudon dit Beaulieu, était apparentée à notre famille et qu’on compatissait au chagrin qu’elle avait éprouvé quand on dut interner son fils. Seule ma grand-mère avait le droit de prendre et d’ouvrir l’ouvrage de Nelligan. L’a-t-elle lu? Je suis certain que non. Et pourquoi ne l’a-t-elle pas fait? Parce que c’est en écrivant que Nelligan était devenu fou et que cette maladie-là, comme tant d’autres, pouvait être contagieuse. Même sans lire ou écrire, certains membres de notre famille ne vacillaient-ils pas sur leurs pieds et ne risquaient-ils pas de passer, furieusement, de l’autre côté du miroir?
Je commençai à lire à mon adolescence quand, laissant le petit village de Saint-Jean-de-Dieu derrière nous, nous nous retrouvâmes, ma famille et moi, à Morial Mort. Je n’ai pas besoin d’expliquer pourquoi je lus d’abord la poésie québécoise avant de découvrir Léo-Paul Desrosiers, Félix Leclerc, Yves Thériault et Jacques Ferron. J’aurais bien aimé devenir poète, je m’y suis essayé, mais en vain : comme l’a si bien dit Miron le Magnifique, il n’y a pas de poème quand celui-ci n’est pas l’objet d’une seule idée, d’une seule métaphore. Je n’étais pas de ce côté-là des choses : les poèmes que j’écrivais, alors que j’avais quatorze ans, faisaient deux cents pages! Aucune idée poétique, aucune métaphore poétique ne peut avoir deux cents pages!
Mais dans un roman, tout cela est possible. Je l’ai compris en lisant Les Misérables et Les travailleurs de la mer de Victor Hugo. Je me souviens de ce que ma mère me disait quand je déballais les gros ouvrages du bonhomme Hugo sur la table de la cuisine : « Si tu lis toutes ces folleries-là, tu vas finir tes jours à Saint-Jean-de-Dieu! » Je répondais alors à ma mère : « Lequel, Mam? Le Saint-Jean-de-Dieu qui est un asile dans le bout de l’île du Grand Morial ou l’autre, ce petit village du Bas-du-Fleuve où tu es née? »
Quand je fus atteint par la poliomyélite à l’âge de dix-neuf ans, dans la partie gauche de mon corps, celle avec laquelle j’écrivais, mes parents auraient voulu que je voie cela comme un avertissement que le ciel m’envoyait. J’y vis plutôt le signe que je devais me consacrer totalement à l’écriture. On ne savait pas en ce temps qu’elles pouvaient être, à long terme, les conséquences de cette maladie, sauf qu’elle risquait de vous clouer à un fauteuil roulant, et dépouillé de toute énergie vitale, une fois le cap de la quarantaine dépassé.
J’ai donc vécu avec cette angoisse-là tout le temps de ma jeunesse, ce qui m’a imposé ce sentiment d’urgence qu’il me fallait tout dire, et le plus rapidement possible, avant que ne s’effondre mon énergie vitale. Et j’en avais beaucoup à crier, à écrire, à décrire, bien davantage que je ne le pensais moi-même. Par ailleurs, j’ai toujours cru que pour réussir dans quoi que ce soit, il faut d’abord naître sous une bonne étoile. Je suis venu au monde le jour même de la fin de la Seconde Guerre mondiale, quand Américains et Japonais ont mis bas les armes, ce 2 septembre 1945, à 7 h 43 précisément. J’imagine le soulagement que cela a dû être pour ma mère et pour mon père d’entendre à la radio une telle nouvelle tandis que je poussais mes premiers cris. Bien sûr, nous resterions pauvres, mais l’est-on vraiment et absolument quand la paix, si improbable, redevient réalité?
Mon enfance, je l’ai traversée comme on la traverse quand on est né sous une bonne étoile, au milieu d’une nombreuse famille pour laquelle le Québec était son pays depuis 1637. Cette famille-là me donna 276 cousines et cousins. C’était dans un monde tricoté serré, du genre de celui que porte la mémoire profonde des choses. Et les gens de ma famille avaient une mémoire phénoménale et j’ai eu ce grand privilège d’en hériter. Je n’avais pas besoin d’apprendre, puisque ça se savait déjà; je n’avais pas besoin de retenir, puisque ça se détenait déjà.
Je n’ai donc pas de mérite à avoir écrit autant : c’était simplement là, au cœur de la mémoire familiale, et ça ne demandait qu’à surgir. Il en est des écrivains comme des cours d’eau : il y a des ruisseaux, des rivières, des lacs, des fleuves et des océans. Pas plus que les cours d’eau ne choisissent la nature de ce qu’ils sont, les écrivains ne choisissent la nature de leur écriture : ça s’écrit ainsi parce que ça ne peut pas s’écrire autrement.
Jacques Ferron m’a appris que nous venons tous d’un bout de rang, d’une petite rue, d’un semblant de village, d’une ville qui est parfois même une métropole, d’une province et, quand tout cela se lie et se relie, d’un pays. Toujours parce que je suis né sous une bonne étoile, j’ai vécu là où tous les Québécois ont vécu, de l’arrière-pays abandonné à lui-même au cœur d’un Grand Morial en effervescence. J’ai aussi voyagé, dans la réalité de pays que je voulais connaître, dans l’imaginaire de pays que je n’étais pas en mesure de connaître. Les oblats missionnaires de ma famille m’ont initié à l’Afrique et à la Papouasie, les sœurs missionnaires de ma famille m’ont initié à l’Amérique du Sud, les tantes et les oncles aubergistes de ma famille m’ont initié à l’Irlande, à l’Écosse et à la Bretagne, les migrants de ma famille m’ont initié à l’Ouest canadien, à la Nouvelle-Angleterre, au Colorado et à la Louisiane.
Vous comprendrez que venant d’une telle famille, je n’ai jamais compris qu’on ait pu parler du temps de mes ancêtres, du temps de ma mère et de mon père, du temps de mon enfance et de celui de mon adolescence, comme étant ceux de l’enfermement, pour ne pas dire ceux de la Grande Noirceur. S’il n’y avait pas eu dans ma famille cette curiosité par-devers l’étranger, curiosité qu’on a su me transmettre, croyez-vous que j’aurais été autant fasciné par Victor Hugo, Jack Kérouac, Herman Melville, Léon Tolstoï, James Joyce et, maintenant, Friedrich Nietzsche? À l’origine de tout pays, le cannibalisme est une nécessité, comme l’enseigne ce dieu grec que fut Dionysos. En dévorant les autres, on se les approprie, on élargit le champ de sa conscience qui, seule, est en mesure d’apporter une plus grande beauté au monde dans lequel on vit.
Cette plus grande beauté-là, c’est par le langage qu’elle s’exprime dans toute sa puissance. Réjean Ducharme nous en a fait la démonstration exemplaire. Pour ma part, je n’ai jamais cessé de croire que la langue québécoise est d’une grande richesse, qu’elle a son propre génie, sa propre sonorité et sa propre musique, et qu’il est de la responsabilité de l’écrivain de la bellement faire chanter et danser. Je n’aurais contribué par mon écriture qu’à lui ajouter quelques notes manquantes que je n’aurais aucun regret à avoir écrit les cinquante mille pages qui sont venus de ma main gauche et de mon stylo feutre bleu depuis cinquante ans.
Quand je suis né en 1945, nous étions deux millions et demi de Québécois. Aujourd’hui, nous sommes presque trois fois plus nombreux. Quand je suis né en 1945, la population mondiale était d’un peu plus de deux milliards d’individus. Aujourd’hui, la race humaine est de sept milliards de femmes, d’hommes et d’enfants. Nous savons moins que jamais de quoi sera fait l’avenir et s’il y aura même un avenir. Si je ne cesse pas d’écrire, c’est que je ne crois pas à l’éternité de l’enfer, pas davantage pour le monde en général que pour le Québec en particulier. La vie a plus d’un tour dans son sac, sa volonté de puissance va bien au-delà de tout ce que, comme individu et comme écrivain, je pourrais bien imaginer. À l’âge de quatorze ans, j’ai dit oui à la vie, celle du monde en général et celle du Québec en particulier. Pour changer les choses, pour leur redonner leur beauté manquante, il faut d’abord savoir dire oui à cette vie dont les racines pleines de sève ne demandent qu’à devenir l’arbre sacré de ce très grand poète que fut Paul-Marie Lapointe – cet arbre sacré qui porte ces pommes d’or qu’au Québec, comme partout dans le monde, on appelle liberté, égalité et fraternité.
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