Éric est revenu, sans pansement, sans souliers, ses patins aux poings. Son nez va très bien, et son oeil s'améliore. Bon pied, bon oeil, bon nez: on a téléphoné à Yvon Boucher pour lui demander ce qu'il espérait en fait de textes pour sa nouvelle revue. «Entre deux et trente feuillets. Une nouvelle? Pas obligé. Ça ou ce que tu veux. On change de format et de papier à chaque numéro. Le prochain est bouclé, celui sur la paresse. L'autre, celui qui sort pour le Salon du livre, c'est sur le meurtre. Tu me fais quelque chose sur le meurtre. C'est qui, le nouveau poète que tu me dis, déjà? Éric Drouin? Attends, j'écris ça. Attends, j'ai pas de crayon. Drouin? Oui, oui, bien sûr, envoie-moi ça...»
L'Éric est reparti plein de pep dans les roulettes, la revue sous le bras. Il m'avait dit (je veux tout savoir): «J'ai vu Claude cet après-midi!», puis, plus tard: «J'ai vu Jean-Christian aussi!», sauf que tous deux étaient trop loin pour le voir lui, comme par hasard, à moins qu'il ait préféré ne pas être vu d'eux. «T'as tourné tes talons à roulettes, non? Tu voulais pas avoir à expliquer ton...»
«Ben, un shiner comme ça, ouais, je sais pas, ça fait looser, tu trouves pas?»
«Fuck'em!», j'ai lâché, oubliant que je parlais de mon fils et d'un ami cher, puis je me suis repris. «T'es beau, t'es un mec, t'as des couilles comme des pastèques, t'as rien à prouver à personne, depuis le temps, mais c'est vrai: vaut mieux attendre que ça guérisse.»
Reparti, dis-je, plein de pep dans les roulettes et d'idées de (poèmes sur le)meurtre dans la tête.
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