25.7.03

Semaine dernière. Guig débarque avec son portable, un Mac G4 monstrueux de puissance. Pour quelques heures, cet engin est devenu le coeur palpitant du Bunker. Son propriétaire a réquisitionné mes haut-parleurs pour les débrancher de Memory Babe (mon ordinateur) et les relier à Capharnaüm IV (le sien), et ce truc s'est transformé en juke-box de salle de danse de terrain de camping en 1973. Puis, et simultanément, Guig a enclenché le logiciel de montage vidéo et ce truc s'est transformé en studio de post-production: tout le film des Fêtes à Saint-Placide a défilé, clip après clip fondus ensemble sans trace de couture et le plus léger pesait 250 mégaoctets. Puis ce truc s'est transformé en album de photos à faire pâlir de jalousie la bibliothèque d'Alexandrie. Puis ce truc a fait place aux cent premières pages du roman en chantier, et j'ai pu m'asseoir pour les lire, Guig sirotant une Heineken à côté. «Tu te souviens, j'ai dit, quand tu m'as montré Memory Babe la première fois? Il s'appelait encore Capharnaüm, en ce temps-là. Tu n'arrêtais pas de répéter, émerveillé: "Regarde-moi ce tracteur. Non mais, REGARDE-MOI CE TRACTEUR!" Hein, tu t'en souviens? Eh ben mon vieux, regarde-moi ce tracteur, aujourd'hui, à côté de ton char d'assaut...» L'espace d'un instant, j'ai presque cru le voir gêné, comme si c'était sa faute, le progrès. J'ai replongé dans son manuscrit, au titre selon mon coeur et à la gravité pleine d'humour et au ton juste à point et aux types masculins familiers et au personnage féminin poignant, dessiné comme une étude de Kevin, et je suis tombé sur une scène en flash-back qui se déroule au Grand Café, et cet après-midi, passant devant ce qui est aujourd'hui une succursale du Commensal, j'ai senti un subit moton m'éclore dans la gorge comme une fleur empoisonnée.



Memory Babe, indeed. Capharnaüm, indeed. Coeur palpitant, indeed...

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