20.3.03

Les premières frappes ont débuté il y a trois heures. C'est Steve qui m'en a informé, alors que j'étais absorbé dans ma conversation émouvante avec Bertrand, arrivé à l'improviste après son dernier examen de soudeur pour m'annoncer son succès.



M'a fallu tout ce temps pour allumer la télé. Steve encore, redescendu, m'apprend que Saddam Hussein s'exprime sur RDI. Je ne capte que les dernières minutes de son allocution, puis on passe aux experts. Trois têtes parlantes assemblées autour de Stéphane Bureau, et tout ce quatuor de s'interroger: «Venons-nous d'assister à un discours en direct? L'a-t-il enregistré avant? L'a-t-il improvisé?» Aucun de ces cracks ne remarque l'énorme paire de barniques épaississimes dont le tyran a chaussé son sémitique appendice nasal. Or, pour Saddam Hussein, selon Le Monde du 18 mars, «La faiblesse engendre le défi, le coup d'État. Il teint en noir ses cheveux gris et évite de lire avec des lunettes en public. Lorsqu'il doit faire un discours, ses conseillers lui fournissent un texte en lettres énormes, quelques lignes seulement par page.»



Ce soir, par contre, il farfouille dans ses feuilles, myope et binoclard, revient en arrière, récite de la poésie, et l'aéropage payé par vos impôts se demande pourtant toujours s'il s'est soigneusement préparé. Tirez vos glaives, indeed!



«Il faudra bien le capturer», ajoute-t-on savamment. Là, je sais pas. Moi, me semble, j'aurais choisi l'exil doré, mais la tyrannie, c'est comme la littérature, c'est comme n'importe quoi: le talent ne suffit pas. Faut vouloir à toute force être tyran, ou écrivain, ou soudeur, ou avocate, et ne vouloir que ça, pour réussir. Quand on a réussi, les nuances de la personnalité peuvent s'exprimer. Moi, la tyrannie, je suis assez doué pour, mais pas assez pour devenir un tyran: je ne veux pas suffisamment. Cependant, si j'avais oeuvré dans cette branche, je serais devenu plus un Duvalier qu'un Hitler, plus un Reza Pahlavi qu'un Mussolini, c'est-à-dire que je me serais tiré au soleil plutôt que dans la tête ou dans le pied en attendant qu'on vienne me pendre la poire en bas comme un pourceau. Hussein n'a pas voulu partir. Donc, soit il disjoncte au point de croire qu'il peut s'en sortir une fois encore, soit il songe à sa place dans les livres d'Histoire, ce qui me le rendrait déjà plus estimable, mais alors c'est qu'il entend se suicider. Un tel homme ne saurait se laisser prendre vivant. Un tel homme va au bout de sa logique. À mon sens, le discours de ce soir était son testament. Ma foi, on verra.



Inch Allah.



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