Yeux pleins d'eau et d'émotions démodées.
Demain, Kevin doit passer ses deux derniers examens, en plus de remettre une lettre au prof qu'il apprécie le plus dans laquelle il expliquera pourquoi il échoue à livrer la marchandise échue, et tout son subit affaissement me porte à croire que l'ancien gardien de but bantam s'apprête à donner son 50%. Certes, c'est toujours 50% de plus que ce que j'ai fourni moi-même à l'époque où j'ai décidé de tout laisser tomber, mais ça demeure moitié moins que ce que j'attends de lui.
De quel droit attends-je cela? Fuck! Du droit de celui qui aime. Du droit du raté sage. Du droit de celui à qui on n'a rien dit garçon et qui n'écoutait rien de toute façon. Du droit du mentor à qui on a menti autrefois et qui veut rompre le cycle et réparer.
Le soulagement! Le grand flatulent OUF!Je le connais intimement, cet allégement de l'être entier, quand on a décidé de larguer ses devoirs sans ameuter les populations... Mais le regret aussi, je le connais, ce germe d'incertitude attaché à la facilité, qui croît en un long doute rongeur visqueux, qui mine les fondations mêmes de la décision et des réussites ultérieures, le ferment du syndrome de l'imposteur!
D'une part, mon fils imite mes plus irritants exemples: partir, durcir, férir (les murs); le kid se fait une idée du métier d'homme loin de moi, il se guide sur des impressions romantiques et des souvenirs désincarnés.
D'autre part, Kevin constate tout de ma misère de visu, misère émotive, intellectuelle et financière, allant jusqu'à la partager de bon coeur, or qu'a-t-il trouvé à retenir des cent matins où je me suis levé pour lui percoler un café avant de rectifier sa cravate et le regarder partir pour l'école? Cet abruti sanguin de Madelinot du christ n'a rien trouvé de mieux à retenir que le goût de faire pareil et d'embrasser la misère romanesque.
Enfin, demain, il fera néanmoins de son mieux, parce que je le lui ai demandé et qu'il l'exigera donc de lui-même une dernière fois. Cinquante pour cent de son mieux, c'est encore assez pour obtenir la note de passage. Mais je songe à ces légions de doués qui décrochent chaque année, épuisés de solitude, écoeurés de ramer dans un carré de sable: la plupart ne prennent pas cette sérieuse tangente (cf. Petit Robert: Fig. Prendre la tangente, s'échapper par la tangente, se tirer d'affaire adroitement en éludant la difficulté par un faux-fuyant) entre deux sessions, dans la sérénité. La plupart plongent à deux semaines des examens finaux, écrasés par une réalité soudaine dont ils ne soupçonnaient ni le poids ni la sournoiserie. C'est une tragédie sans cesse renouvelée qui n'est pas reflétée dans les chiffres des ministères. Et merde!
Et merde...
Bon, eh bien, c'est comme ça, il veut être écrivain, qu'il le soit, mais alors qu'il soit bon, qu'il devienne le meilleur en second (pour le premier la place est prise), et qu'il ait la chance quand sa foi faiblira de trouver quelqu'un sur son chemin qui lui sera ce qu'il est pour moi.
Mon doux cousin est passé m'embrasser et glisser quarante dols dans mon poing.
Le monde est laid, mais tant qu'il reste du beau monde... Le monde est mauvais, mais tant qu'il reste du bon monde... Le monde est...
Ouais, bon, vous comprenez ce que je veux dire.
Aucun commentaire:
Publier un commentaire