30.8.08

OK, la gang, remuez-vous, j'ai besoin de vous autres.

Allez siouplè faire un peu d'animation de ce côté. Brassez pas trop de marde, pareil, ce monde là est pas accoutumé à nos manières...

Lemieux a compté pour moi, il compte toujours, c'est un peu ce que je lui écrivais il y a quelques semaines, vingt-cinq ans après. J'ai pas le texte, je l'ai rejoint par le biais d'un formulaire sur son site, j'ai pas le texte et c'est rarissime que yours truly n'ait pas le texte, I mean je suis celui qui conserve ses listes d'épicerie pour le futur bénéfice des exégètes, je suis celui qui dort avec un extincteur sous son oreiller, je suis le notaire barbare des temps éteints, celui qui épingle chaque éclat de sa vie comme un papillon tropical et qui documente, documente, archive, documente, documente, réitère trois fois le verbe pour s'assurer que c'est documenté, mais j'ai pas ce texte-là et c'est tant mieux, lui l'a, c'était privé, parfois j'ai du mal à tracer la ligne entre le public et le privé, je vais donc de mémoire me paraphraser: je lui exprimais, vingt-cinq ans après, que son invitation au restaurant quand j'avais dix-huit ans suite à ma lettre parue dans le courrier des lecteurs du Devoir m'avait durablement marqué, de plus en plus avec le temps. Il devait avoir l'âge que j'ai maintenant, il était une sommité dans son boulot en plus d'un essayiste publié en France, et il était passé par-dessus mon extrême jeunesse, à côté de mon écoeurante maladresse, il s'était intéressé à ce que pouvait avoir en lui le signataire de cette lettre. Or, au fil des ans et de ma propre carrière, je me suis retrouvé souvent, je m'y retrouve chaque jour davantage, dans la position de garder contact avec la jeunesse agissante et de retarder le naturel qui m'inciterait à contourner la jeunesse agissante, ces abrutis de boutonneux ignares qui m'encombrent, n'est-ce pas, ces ados maigres qui ne savent pas que tout a été soldé par Hamelin et moi et que rien ne sert d'écrire encore, ces innocents attendrissants qui nous regardent de travers dans les lancements parce qu'on tend à se parler entre nous, du bon vieux temps, comme si on était des croûtons, comme si on était...

Comme si on était Claude Beausoleil et Lucien Francoeur, quand Louis et moi avions vingt ans, et qu'on les regardait se jaser d'un temps avant nous autres, de partys auxquels on n'avait pas été invités, de nuits de la poésie qu'on ne pouvait appréhender que sur film, alors qu'eux y étaient, de Gatien Lapointe et de Vanier à quatorze ans, de Hubert et de Réjean... Cibole, c'est donc nous maintenant. On le voulait si fort, être eux et pas des gamins velléitaires, et Christ on l'a eu, ce qu'on a voulu, cela et plus, ça s'est passé si vite, comme dans un mix entre une fable de La Fontaine et un conte arabe...

C'est alors, dans ces occasions-là, que je me souviens de Pierre Lemieux, et chaque fois je trouve le goût et l'énergie de parler au sacraman de jeune qui monte. Ché pas si vous comprenez. J'ai de la misère à l'expliquer. En tout cas, c'est ce qu'il m'a donné, et à des jeunes qui ne le connaissent pas, à travers moi.

Cela dit, il a besoin d'une sweet dose de la tribu, et ce M. Vallée aussi. Secouez-les moi un peu.

28.8.08

En construction (Screw Derrida: je ne déconstruis pas)

On n'en est plus au temps des gros beus, et c'est tant mieux. Le grand gros cop était le même à Boston, Chicago, Montréal et Mexico City: il opposait une force bête et brute à une force bête et brute, il poliçait de massifs arrivages de population affamée, il jouait un rôle civilisateur selon l'idée que nous nous faisions de la civilisation. Encore enfant, à la fin des années 1960, je vivais au temps des beus, des interrogatoires menés avec un gourdin de caoutchouc et un annuaire téléphonique, des flics qui fermaient les yeux sur les infractions à la circulation pour le prix d'un journal ou d'une cup de café quotidiens, des jokes de chiens, véhiculées comme eau courante par la population honnête (du genre «Faut une douzième année pour entrer dans la police, c'est pour ça qu'ils en mettent deux par char») : quand on nous ramone avec le bon vieux temps, je n'ai pas l'humeur à rigoler, car c'est un temps fini et bien fini j'espère, qui a fait son temps: le beu, aussi révolu que le télégraphiste et le maréchal-ferrant. Pas un seul policier contemporain, pas même le plus épais taré du plus consanguin village du trou du cul de l'Alabama, ne souhaiterait qu'on réinstaure ce paradigme: le policier est né en même temps que le poète dans le même quartier, ils sont allés à l'école ensemble, ils tripent sur les mêmes actrices au cinéma et ne vont pas à la messe et jouent avec leurs enfants exactement de la même façon. Si on pouvait se figurer ça, autant ces abrutis de poulets que ces tapettes de poètes, si on pouvait s'échanger des services, puisque la police a besoin des poètes et que les poètes ont besoin de la police, que les deux ont besoin de légumes et de disques de Johnny Cash, que tout le monde a besoin d'autre monde un de ces jours pour jeter de la terre sur nous et combler le trou et mettre une pierre dessus, si on s'enfonçait ça dans le crâne, c'est pourtant pas sorcier, y a des malades qui deviennent thanatologues et des dégénérés qui font actuaire et des aberrations de la nature qui deviennent flics et des handicapés sociaux-émotifs qui se font écrivains, et y a des fermiers, aussi, pour les légumes, une belle bande d'illuminés ceux-là, et y a des gouines et des curés des astronautes et des conseillers municipaux, des filles qui tonitruent et d'autres qui la prennent dans le cul en gazouillant, y a de tout dans cette humanité chassée du paradis, juste ici y a des siciliens au teint cuit par les pierres sans pitié de leur patrie même après trois générations de neige, y a des dépanneurs coréens courtois comme un coussin de soie qui empoignent leur bat de baseball et t'éclatent la gueule si t'es un petit braqueur armé d'un automatique penché comme dans les clips et qui veut les douze dollars dans la caisse, y a des romanciers nègres géniaux qui ont commencé dans le taxi et qui pourraient pas conduire une bagnole pour sauver leur vie, y a des canadiens-français ahuris, la lie de l'occident pensant, qui s'imaginent issus de trois trappeurs, deux agriculteurs et une centaine de mythiques et virginales Filles du Roy. Si on les pousse un peu, ils finissent par céder sur le chapitre de la virginité, parce qu'on leur a en effet parlé de gourgandines autrefois, ils savent pas où, ils savent pas quand, et c'est fascinant de voir que ton peuple, six millions et quelques de lascars issus comme toi du dix-septième siècle en Nouvelle-France, préfère penser que ses mères fondatrices étaient des putains et des souillons édentées ramassées dans les caniveaux pestilentiels du quartier des Halles et shippées ici pour procréer, plutôt que d'admettre qu'il descend majoritairement d'indiennes franches, vertueuses et vigoureuses. Vertueuses parce que c'était pas des putains, pas parce qu'elles aimaient pas fourrer leur mari. Les Boomers nous ont tellement farci le crâne avec leurs horribles histoires de curés, de grande noirceur, de joug clérical, pour mieux faire ressortir qu'avant eux le Québec n'était qu'une succession de générations débiles à peine capable de se reproduire en attendant leur avènement, ils nous ont tant bourré le mou qu'on a oublié d'où on vient. Laissez-moi vous le rappeler. Nos ancêtres, ceux qui partirent de France, les troisièmes fils, n'étaient pas le genre de monde à qui on dit quand et qui ou quoi baiser et pour quelle raison et pour combien de temps. On a même oublié l'immensité de notre nouveau monde, et ce dont il avait l'air quand ces gars-là arrivèrent. M'en vais le dire encore une fois pour le bénéfice des obtus créationnistes: les gars ont pas attendu ces Filles du Roy de conte de fée qu'on vous a narrées. Ils ont marié des sauvages, paradoxalement beaucoup mieux léchées qu'eux et qui les dégrossirent à la longue. Ils les ont mariées sans curé, dans le bois, et ils sont revenus chaque saison, et ils furent heureux, enfin je l'ignore, et ils eurent beaucoup d'enfants, ça on le sait, et quand un Jésuite passait il les remariait et il baptisait la sauvage avec un beau nom chrétien et ça c'était votre lointaine aïeule, et la seule chose qui me retient de traiter tout mon peuple d'enfant de putains, bordel, c'est justement que ça l'arrange trop. Mon peuple est un enfant de sauvages! Voilà qui est mieux et dont on peut tirer fierté. On vaut mieux que ces Australiens qui s'aristocratisent astheure selon le plus ancien ancêtre bagnard déporté qu'ils peuvent se trouver ou s'inventer. Parce que même ces râclures de galères de la société Anglaise n'épousaient pas d'aborigènes. Ici, la vérité choquante mais cool est qu'on a fait la révolution française cent-cinquante ans avant Paris, et sans verser une goutte de sang bleu dans la poudre de perruque tombée sous le couperet. On a seulement crissé notre camp. Nos ancêtres étaient des Français que la France faisait royalement déféquer, ils ont décidé de la laisser s'anéantir à coups de langue et de mousquet, de plume et de calembours, et d'aller ouski fait frette et neuf et beau, et vaste et silencieux, nom de Dieu! Histoire de se dégourdir le gras.

C'étaient de sacrés gars.

Vieux motard que j'aimais

Ché pas pantoute comment ça se fait que le blog de Gom est pas dans la liste icitte à côté, j'ai dans l'idée depuis au moins six mois qu'il y est et ça m'a tout l'air que j'ai pensé à le faire mais que je l'ai pas fait, le père Mistral en perd des bouttes, je me sens voleur en plus parce que je le fréquente assidûment ce blog-là, bref si j'étais chez-nous et moins soul je réparerais cette omission: d'ici là, je crisse le lien ici.

Pour vous donner une idée: c'est un des plus chers amis de Big Mac. En partant, on sait donc déjà que c'est pas une moitié d'homme et qu'il écrit intéressant. Mais le bougre ne se contente pas du minimum syndical...

23.8.08

Céline sur le lieu de la Défaite

Les Plaines d'Abraham ont retenti hier de meuglements nasillards dont nous pouvons être fiers. Éric Lapointe agenouillé devant Céline, je n'oublierai pas de sitôt, ni Bigras qui la surplombe en la suppliant de le tuer si elle s'en va. Ferland qui veut battre le record de Georges Guétary (Lambros Worloou) en matière de tournées d'adieu, et Reno qui veut meugler plus fort et plus longtemps que le divan.

Le Graal païen

La posture féérique, la maîtresse tyrannique.

19.8.08

Test

C'était un test, à moult égards, et j'écrirai dessus plus tard, quand toutes les cigarettes seront fumées, toutes les tonsures consommées, toutes les fourchettes tordues et reconstituées comme si de rien n'avait jamais été. Mais d'ici là, avec la permission des principaux intéressés, je peux enfin vous offrir une idée son et images de ce soir-là au Lion d'Or. Le dépucelage public d'une chanson, avec des ah! et des hon! et de vraies émotions avant que la radio ne s'en empare, puis les pharmacies et les supermarchés, puis les ascenseurs et les taxis, puis le métro depuis Laval jusqu'à la station Angrignon, puis la tradition.

Tripe, Tribu.

18.8.08

Labourer l'amour

Aux dernières nouvelles, The Misfits était toujours le film favori de mon vieux Louis. On l'a regardé deux ou trois fois ensemble en vingt ans, et j'ai jamais compris vraiment pourquoi ce chef-d'oeuvre était plus touchant ou signifiant qu'un autre, mais Hamelin étant Hamelin, je n'ai jamais douté qu'une raison existait, et étant ce que je suis, que je la trouverais.

Par ailleurs, je n'ai jamais bandé sur Marilyn Monroe, et pas seulement parce que ses os pourrissaient déjà dans la terre avant ma mise bas. Jean Harlow ne me fait ni plus chaud ni plus froid, pourtant elle fut inhumée vingt-cinq ans avant l'autre, et Brigitte Bardot c'est pareil, qui respire encore. Comme quoi une bobine de celluloïd et un frigidaire jetés dans le vide ne tombent pas à la même vitesse, mais je digresse.



Dans ce film, Les Désaxés en français (ils ne perdront jamais la main, les Français, pour dénaturer un titre), il est question d'un tas de choses dont je n'ai ni l'envie ni la liberté de parler, ce qui était aussi le cas du scénariste, Arthur Miller, sauf qu'il se servit de ces contraintes pour écrire le film.

Quand je retranche la part d'envie et la part de liberté sur ma parole, il en reste encore, les bons jours. Ceci en est un, et voici ce qui reste:

J'ai cherché d'instinct un extrait du film pour répondre à cette femme que j'aime contre toute raison (elle m'avait laissé des pistes cybernétiques odoriférantes comme urine de biche aux coins ronds de la Toile, des appels, et qui donc voudrait aimer autrement que contre la raison?), d'instinct je le répète, parce que rien en Monroe ne m'excite alors que cette femme suscite le vif et le bon en moi, et que ce film en noir et blanc et gris est en teintes qu'elle n'a pas, elle qui est en couleurs, et j'ai pensé que peut-être c'était la figure de Gable qui m'achalait la mémoire, et oui, c'était un peu ça aussi, mais surtout...

Surtout, j'ai réalisé qu'il y a Cynthia dans le personnage de Roslyn Taber, celle qui insiste en pleurant pour que Gaylord abandonne ses laitues aux lapins plutôt que de tuer les lapins. Et il y a Kevin dans l'incompréhension de Gable, qui voudrait un peu de respect aussi pour ce qu'il est, lui, et qui n'est pas un lapin. Et là, il y a moi, qui ai compris Louis, et qui me suis senti comme ça aussi, souvent, sans jamais le sens de l'écrire ou d'en parler, ni même de m'en rendre compte.

A la fin, le plus important de tout a surgi. Je n'avais pas erré dans mon esprit en songeant à la femme de mon coeur en conjonction avec ce film. Je n'avais pas d'emblée réalisé pourquoi elle m'y faisait penser...

Entre elle et moi, la langue a toujours été très près du coeur et du cul, et quand nous en usions pour parler, il arrivait que nous recourions à l'anglaise. La langue anglaise offre un mot, feral, qui lui est exclusif. Aucune traduction ne lui fait justice. Et ce mot est le nôtre, à elle et à moi, pour toujours grâce au plaisir et la complicité qu'il nous a procurés.

Les chevaux, métaphoriques de l'humain moderne, qui sont capturés dans Misfits ne sont pas des mustangs. Pas des chevaux sauvages. Ce sont des feral horses, retournés à la nature après un passage par la domesticité. Ils me plaisent davantage que les innocents sauvages et me paraissent autrement plus dangereux. Kunta Kinte avait appris l'anglais et l'hypocrisie nécessaire à la survie quand il fallut lui couper la moitié du pied. Le cheval feral refuse d'être ferré, et il faut se lever tôt pour l'expédier à la fabrique de colle...

Elle, c'est le cheval. Feral. C'est Roslyn qui parle sans réfléchir et sans calcul et qui gâche en proposant de le payer le cadeau des cinq chevaux que Gaylord allait lui offrir, voire se donner à lui aussi. C'est aussi Marilyn Monroe ayant la peau de Clark Gable dans le désert du Nevada à force de folies: il s'est traîné jusqu'en Californie et a claqué douze jours après la fin du tournage. Même Scarlett O'Hara n'avait pu faire tourner Rhett Butler en bourrique comme ça. Ni la tragédie de perdre Carole Lombard ni ses missions aériennes en pleine guerre ni ses trois paquets par jour durant trente ans n'avaient eu raison de lui. Il fallait Monroe. Pourquoi n'a-t-il pas quitté le Plateau? Il pouvait pas plus que moi, je suppose...

15.8.08

Intense vieille joie

Passé la soirée au Bunker avec Kevin. À qui se demanderait pourquoi mon blog manque de dynamisme et de substance vitale depuis qu'il ne vient plus, eh bien, c'est parce qu'il ne venait plus.

Please, une loupe.

Mon assistante me fait part d'une proposition: des bumper stickers that read Let Misty be Misty!

Tentant, mais je déchiffre pas les petits caractères du contrat, so please, une loupe.

Montréal-Nord (suite)

Ensuite de ça, créons une vraie police communautaire d'urgence, une escouade spécialisée, menée par un de ces superflics hyperinstruits bardés de doctorats dont on nous dit qu'ils existent et qui finissent toujours par se présenter à la mairie de Montréal. Qu'il établisse un vrai rapport avec la communauté et que la presse lui crisse la paix pour au moins un an. Que cette police soit constituée d'hommes aguerris et mûrs, pas des bleus qui dégainent sous l'insulte et pas des femmes de cinq pieds six qui se font saisir à la gorge quand elles roulent des mécaniques. Que cette police agisse avec une ferme bienveillance, qu'elle ferme les yeux sur le Yo qui crache sur le trottoir, et qu'elle aborde chaque citoyen avec respect en le vouvoyant, le temps de voir s'il se mérite une balle dans la gueule. Que les citoyens du quartier se sentent protégés et ne craignent plus d'appeler la police.

Un quartier en santé ne repousse pas les pompiers à coups de pierres quand les incendies ragent. Les pompiers ne l'ont pas dit, pour ne pas jeter de l'huile sur le feu, mais c'est la faute du climat policier, et c'est sérieusement menaçant.

Montréal-Nord

Commençons par en changer le nom. Qui veut vivre et prospérer dans l'adjonction d'une entité? Surtout pas des jeunes hommes pleins de talent et de testostérone. Saint-Léonard et Saint-Michel sont surgis de rien sinon les efforts d'Italiens travailleurs à qui l'opportunité de construire était offerte. Oui, la Mafia aussi. Ça en a fait partie. C'est pas grave.

Changeons le nom de Montréal-Nord, calvaire, parce que plusieurs l'appellent déjà le Bronx, voire Montréal-Noir. J'ai mon Plateau, vous avez votre Mile-End ou votre Parc-Extension ou votre Faubourg à m'lasse ou votre Petite-Patrie, je vous en prie n'insistons pas monsieur le maire pour que ces gens s'identifient par un nom satellitaire.

Villanueva: encore (et j'ai pas fini d'en parler).

Il est un autre motif au fait troublant que tous les témoins et participants à la mort de Fredy V soient déjà interrogés, sauf trois (les policiers, parce qu'ils sont policiers, et Fredy parce qu'il est mort). Les Yankees appellent cela contaminate the jury pool. En l'absence de déclaration de celui qui a tiré et de sa compagne, en l'absence de déclaration de leur fraternité ou de la SQ, en l'absence de tout et en présence de rien sauf les efforts de journalistes et la discussion qui s'échauffe en blogosphère, chaque minute qui passe fait peser la balance vers la sainte innocence de nos preux chevaliers bleus et l'éloigne de ces sales nègres avec des patronymes hispaniques qui se croient libres de jouer aux dés comme ça au Parc Henri-Bourassa sans qu'on leur tire dessus.

Mot du vendredi : émétophilie.

Le cœur d’un homme est une longue et vaste table de banquet qu’il ne lui est pas donné de faire rase, ni dans le regret, ni dans la détresse du désespoir, ni dans le désir de renouveau, pas même lorsque le temps use sa mémoire et sa raison et le rend pareil à un petit enfant : les reliefs du repas de sa vie demeurent, fantômes de miettes et de meules entamées, de vins tirés et bus, de venaisons fumantes et de riches sauces désormais anonymes et mélangées les unes aux autres.

Mais il est, autour de la table, des places qu’occupèrent telles femmes, parfois assises, souvent allongées, à genoux ou érigées sur de hauts talons, des places désormais vides et qui le resteront, et bien que cela soit triste comme un grand soulagement, il nous revient aussi que les Romains n’ont jamais vraiment eu de vomitorium attenant à la salle à manger, et que l’Histoire est souvent mensongère.

Naturel

On s'étonne un peu partout de ce que la SQ, dans l'enquête sur la mort de Fredy Villanueva, n'ait pas encore interrogé les deux policiers en cause. Quoi, pourtant, de plus naturel? Comment les pauvres pourraient-ils accorder leurs versions, et concocter un scénario susceptible d'emporter le bénéfice du doute en leur faveur, s'ils ne sont pas d'abord en possession des autres témoignages? Après tout, ça se passe toujours de même, toujours, sans exception. C'est naturel.

14.8.08

Le mot du jeudi

bas-bleu n. m.

• 1821; dans un contexte angl. av. 1786; trad. de l'angl. blue stocking 

¨ Péj. Femme à prétentions littéraires; intellectuelle pédante. Des bas-bleus. « Vous me faites pérorer comme un bas-bleu » (Loti). — Adjt Elle est intelligente, mais un peu trop bas-bleu. Þ pédant.

De la démocratie en Amérique, Alexis de Tocqueville, 1835-1840

Prenez tout votre temps. Cela fut écrit en 1835, ou dimanche soir dernier, qui sait, qui s'en souvient, qui s'en soucie... Remplacez Nègre par Québécois, Sauvage par Nègre, et Québécois par Paul-Émile, puis recommencez, permutez, c'est long longtemps mais c'est si amusant!

Non, c'est pénétrant. Humain, Effilé. Prophétique. Écrit sans jargon ni citations de psys ni spinning policier. 1835, et frais comme un mammouth arraché au pergélisol hier, débité ce matin, servi à midi.

La tâche principale que je m’étais imposée est maintenant remplie ; j’ai montré, autant du moins que je pouvais y réussir, quelles étaient les lois de la démocratie américaine ; j’ai fait connaître quelles étaient ses mœurs. Je pourrais m’arrêter ici, mais le lecteur trouverait peut-être que je n’ai point satisfait son attente.

On rencontre en Amérique autre chose encore qu’une immense et complète démocratie ; on peut envisager sous plus d’un point de vue les peuples qui habitent le Nouveau Monde.

Dans le cours de cet ouvrage, mon sujet m’a souvent amené à parler des Indiens et des Nègres, mais je n’ai jamais eu le temps de m’arrêter pour montrer quelle position occupent ces deux races au milieu du peuple démocratique que j’étais occupe a peindre ; j’ai dit suivant quel esprit, à l’aide de quelles lois la confédération anglo-américaine avait été formée ; je n’ai pu indiquer qu’en passant, et d’une manière fort incomplète, les dangers qui menacent cette confédération, et il m’a été impossible d’expo­ser en détail quelles étaient, indépendamment des lois et des mœurs, ses chances de durée. En parlant des républiques unies, je n’ai hasardé aucune conjecture sur la permanence des formes républicaines dans le Nouveau Monde, et faisant souvent allusion à l’activité commerciale qui règne dans l’Union, je n’ai pu cependant m’occuper de l’avenir des Américains comme peuple commerçant.

Ces objets, qui touchent à mon sujet, n’y entrent pas ; ils sont américains sans être démocratiques, et c’est surtout la démocratie dont j’ai voulu faire le portrait. J’ai donc dû les écarter d’abord ; mais je dois y revenir en terminant.

Le territoire occupé de nos jours, ou réclamé par l’Union américaine, s’étend depuis l’océan Atlantique jusqu’aux rivages de la mer du Sud. À l’est ou à l’Ouest, ses limites sont donc celles mêmes du continent ; il s’avance au midi sur le bord des Tropiques, et remonte ensuite au milieu des glaces du Nord.

Les hommes répandus dans cet espace ne forment point, comme en Europe, autant de rejetons d’une même famille. On découvre en eux, dès le premier abord, trois races naturellement distinctes, et je pourrais presque dire ennemies. L’éducation, la loi, l’origine, et jusqu’à la forme extérieure des traits, avaient élevé entre elles une barrière presque insurmontable ; la fortune les a rassemblées sur le même sol, mais elle les a mêlées sans pouvoir les confondre, et chacune poursuit à part sa destinée.

Parmi ces hommes si divers, le premier qui attire les regards, le premier en lumière, en puissance, en bonheur, c’est l’homme blanc, l’Européen, l’homme par excel­lence ; au-dessous de lui paraissent le Nègre et l’Indien.

Ces deux races infortunées n’ont de commun ni la naissance, ni la figure, ni le langage, ni les mœurs ; leurs malheurs seuls se ressemblent. Toutes deux occupent une position également inférieure dans le pays qu’elles habitent ; toutes deux éprouvent les effets de la tyrannie ; et si leurs misères sont différentes, elles peuvent en accuser les mêmes auteurs.

Ne dirait-on pas, a voir ce qui se passe dans le monde, que l’Européen est aux hom­mes des autres races ce que l’homme lui-même est aux animaux ? Il les fait servir à son usage, et quand il ne peut les plier, il les détruit.

L’oppression a enlevé du même coup, aux descendants des Africains , presque tous les privilèges de l’humanité ! Le Nègre des États-Unis a perdu jusqu’au souvenir de son pays ; il n’entend plus la langue qu’ont parlée ses pères ; il a abjuré leur religion et oublié leurs mœurs. En cessant ainsi d’appartenir à l’Afrique, il n’a pourtant acquis aucun droit aux biens de l’Europe ; mais il s’est arrêté entre les deux sociétés ; il est resté isolé entre les deux peuples ; vendu par l’un et répudié par l’autre ; ne trouvant dans l’univers entier que le foyer de son maître pour lui offrir l’image incomplète de la patrie.

Le Nègre n’a point de famille ; il ne saurait voir dans la femme autre chose que la compagne passagère de ses plaisirs, et, en naissant, ses fils sont ses égaux,

Appellerai-je un bienfait de Dieu ou une dernière malédiction de sa colère, cette disposition de l’âme qui rend l’homme insensible aux misères extrêmes, et souvent même lui donne une sorte de goût dépravé pour la cause de ses malheurs ?

Plongé dans cet abîme de maux, le Nègre sent à peine son infortune ; la violence l’avait placé dans l’esclavage, l’usage de la servitude lui a donné des pensées et une ambition d’esclave ; il admire ses tyrans plus encore qu’il ne les hait, et trouve sa joie et son orgueil dans la servile imitation de ceux qui l’oppriment.

Son intelligence s’est abaissée au niveau de son âme.

Le Nègre entre en même temps dans la servitude et dans la vie. Que dis-je ? sou­vent on l’achète dès le ventre de sa mère, et il commence pour ainsi dire à être esclave avant que de naître.

Sans besoin comme sans plaisir, inutile à lui-même, il comprend, par les pre­mières notions qu’il reçoit de l’existence, qu’il est la propriété d’un autre, dont l’intérêt est de veiller sur ses jours ; il aperçoit que le soin de son propre sort ne lui est pas dévolu ; l’usage même de la pensée lui semble un don inutile de la Providence, et il jouit paisiblement de tous les privilèges de sa bassesse.

S’il devient libre, l’indépendance lui paraît souvent alors une chaîne plus pesante que l’esclavage même ; car dans le cours de son existence, il a appris à se soumettre à tout, excepté à la raison ; et quand la raison devient son seul guide, il ne saurait recon­naître sa voix. Mille besoins nouveaux l’assiègent, et il manque des connais­sances et de l’énergie nécessaires pour leur résister. Les besoins sont des maîtres qu’il faut com­battre, et lui n’a appris qu’à se soumettre et à obéir. Il en est donc arrivé à ce comble de misère, que la servitude l’abrutit et que la liberté le fait périr.

L’oppression n’a pas exercé moins d’influence sur les races indiennes, mais ces effets sont différents.

Avant l’arrivée des Blancs dans le Nouveau Monde, les hommes qui habitaient l’Amé­rique du Nord vivaient tranquilles dans les bois. Livrés aux vicissitudes ordi­naires de la vie sauvage, ils montraient les vices et les vertus des peuples incivilisés. Les Européens, après avoir dispersé au loin les tribus indiennes dans les déserts, les ont condamnées à une vie errante et vagabonde, pleine d’inexprimables misères.

Les nations sauvages ne sont gouvernées que par les opinions et les mœurs.

En affaiblissant parmi les Indiens de l’Amérique du Nord le sentiment de la patrie, en dispersant leurs familles, en obscurcissant leurs traditions, en interrompant la chaîne des souvenirs, en changeant toutes leurs habitudes, et en accroissant outre mesu­re leurs besoins, la tyrannie européenne les a rendus plus désordonnés et moins civilisés qu’ils n’étaient déjà. La condition morale et l’état physique de ces peuples n’ont cessé d’empirer en même temps, et ils sont devenus plus barbares à mesure qu’ils étaient plus malheureux. Toutefois, les Européens n’ont pu modifier entièrement le caractère des Indiens, et avec le pouvoir de les détruire, ils n’ont jamais eu celui de les policer et de les soumettre.

Le Nègre est placé aux dernières bornes de la servitude ; l’Indien, aux limites extrê­mes de la liberté. L’esclavage ne produit guère chez le premier des effets plus funestes que l’indépendance chez le second.

Le Nègre a perdu jusqu’à la propriété de sa personne et il ne saurait disposer de sa propre existence sans commettre une sorte de larcin.

Le sauvage est livré à lui-même dès qu’il peut agir. A peine s’il a connu l’autorité de la famille ; il n’a jamais plié sa volonté devant celle de ses semblables ; nul ne lui a appris à discerner une obéissance volontaire d’une honteuse sujétion, et il ignore jusqu’au nom de la loi. Pour lui, être libre, c’est échapper à presque tous les liens des sociétés. Il se complaît dans cette indépendance barbare, et il aimerait mieux périr que d’en sacrifier la moindre partie. La civilisation a peu de prise sur un pareil homme.

Le Nègre fait mille efforts inutiles pour s’introduire dans une société qui le repousse ; il se plie aux goûts de ses oppresseurs, adopte leurs opinions, et aspire, en les imitant, à se confondre avec eux. On lui a dit dès sa naissance que sa race est naturellement inférieure à celle des Blancs, et il n’est pas éloigné de le croire, il a donc honte de lui-même. Dans chacun de ses traits il découvre une trace d’escla­vage, et, s’il le pouvait, il consentirait avec joie à se répudier tout entier.

L’Indien, au contraire, a l’imagination toute remplie de la prétendue noblesse de son origine. Il vit et meurt au milieu de ces rêves de son orgueil. Loin de vouloir plier ses mœurs aux nôtres, il s’attache à la barbarie comme à un signe distinctif de sa race, et il repousse la civilisation moins encore peut-être en haine d’elle que dans la crainte de ressembler aux Européens[1].

A la perfection de nos arts, il ne veut opposer que les ressources du désert ; à notre tactique, que son courage indiscipliné ; à la profondeur de nos desseins, que les ins­tincts spontanés de sa nature sauvage. Il succombe dans cette lutte inégale.

Le Nègre voudrait se confondre avec l’Européen, et il ne le peut. L’Indien pourrait jusqu’à un certain point y réussir, mais il dédaigne de le tenter. La servilité de l’un le livre à l’esclavage, et l’orgueil de l’autre à la mort.

Je me souviens que, parcourant les forêts qui couvrent encore l’État d’Alabama, je parvins un jour auprès de la cabane d’un pionnier. Je ne voulus point pénétrer dans la demeure de l’Américain, mais j’allai me reposer quelques instants sur le bord d’une fontaine qui se trouvait non loin de là dans le bois. Tandis que j’étais en cet endroit, il y vint une Indienne (nous nous trouvions alors près du territoire occupé par la nation des Creeks); elle tenait par la main une petite fille de cinq à six ans, appartenant à la race blanche, et que je supposai être la fille du pionnier. Une Négresse les suivait. Il régnait dans le costume de l’Indienne une sorte de luxe barbare : des anneaux de métal étaient suspendus à ses narines et à ses oreilles ; ses cheveux, mêlés de grains de verre, tombaient librement sur ses épaules, et je vis qu’elle n’était point épouse, car elle por­tait encore le collier de coquillages que les vierges ont coutume de déposer sur la cou­che nuptiale ; la Négresse était revêtue d’habillements européens presque en lambeaux.

Elles vinrent s’asseoir toutes trois sur les bords de la fontaine, et la jeune sauvage, prenant l’enfant dans ses bras, lui prodiguait des caresses qu’on aurait pu croire dictées par le cœur d’une mère ; de son côté, la Négresse cherchait par mille innocents artifices à attirer l’attention de la petite créole. Celle-ci montrait dans ses moindres mouvements un sentiment de supériorité qui contrastait étrangement avec sa faiblesse et son âge ; on eût dit qu’elle usait d’une sorte de condescendance en recevant les soins de ses compagnes.

Accroupie devant sa maîtresse, épiant chacun de ses désirs, la Négresse semblait également partagée entre un attachement presque maternel et une crainte servile ; tandis qu’on voyait régner jusque dans l’effusion de tendresse de la femme sauvage un air libre, fier et presque farouche.

Je m’étais approché et je contemplais en silence ce spectacle ; ma curiosité déplut sans doute à l’Indienne, car elle se leva brusquement, poussa l’enfant loin d’elle avec une sorte de rudesse, et, après m’avoir lancé un regard irrité, s’enfonça dans le bois.

Il m’était souvent arrivé de voir réunis dans les mêmes lieux des individus appar­tenant aux trois races humaines qui peuplent l’Amérique du Nord ; j’avais déjà reconnu dans mille effets divers la prépondérance exercée par les Blancs ; mais il se rencon­trait, dans le tableau que je viens de décrire, quelque chose de particulièrement tou­chant : un lien d’affection réunissait ici les opprimés aux oppresseurs, et la nature, en s’effor­çant de les rapprocher, rendait plus frappant encore l’espace immense qu’a­vaient mis entre eux les préjugés et les lois.

12.8.08

Une petite tranche de Rousseau avant d'aller dormir

Le premier qui, ayant enclos un terrain, s'avisa de dire, Ceci est à moi, et trouva des gens assez simples pour le croire, fut le vrai fondateur de la société civile. Que de crimes, de guerres, de meurtres, que de misères et d'horreurs n'eussent point épargné au Genre humain celui qui, arrachant les pieux ou comblant le fossé, eût crié à ses semblables : Gardez-vous d'écouter cet imposteur; vous êtes perdus si vous oubliez que les fruits sont à tous et que la Terre n'est à personne.

Jean-Jacques Rousseau
Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les hommes

À Lutèce.



Drette-là, à Paris, hostie, c'est pas compliqué, tu vires à gauche pis tu tombes dessus.

...

Quand les interventions du SPVM tournent au vinaigre

Émilie Bilodeau

La Presse


9 août 2008
Fredy Villanueva, 18 ans, est tué par un policier de Montréal dans le stationnement du parc Henri-Bourassa.

14 octobre 2007
Quilem Registre meurt à l'hôpital trois jours après avoir reçu une décharge de pistolet électrique d'un agent du SPVM. L'homme de 38 ans était d'origine haïtienne.

9 juillet 2007
Vianney Charest, 51 ans, a été abattu dans l'arrondissement Montréal-Nord. L'homme tentait de fuir après avoir volé le tiroir-caisse d'un motel.

1er décembre 2005
Mohamed Anas Bennis, 25 ans, meurt après avoir reçu deux coups de feu tirés par un agent du SPVM. Selon les policiers, Anas aurait poignardé un agent «sans motif connu». La famille estime qu'Anas, qui sortait d'une mosquée, a plutôt été victime de profilage racial.

14 novembre 2005
Une adolescente de 14 ans meurt dans une poursuite policière qui se termine en accident dans Hochelaga-Maisonneuve.

20 juillet 2005
Un couple d'octogénaires perd la vie dans une collision avec une fourgonnette du SPVM. Selon les policiers, les victimes avaient brûlé un feu rouge.

4 juillet 2005
Un quinquagénaire est tué par le tir d'un policier sur le Plateau-Mont-Royal. Selon des témoins, l'homme menaçait les agents avec une barre de métal.

20 juillet 2004
Des agents de l'équipe tactique SWAT tentent d'intercepter Benoît Richer, 28 ans, et le tuent alors qu'il cherche à s'enfuir. Le suspect faisait l'objet d'un mandat d'arrestation pour tentative de meurtre sur un policier.

24 juin 2004
Un homme de 36 ans, soupçonné d'avoir volé un véhicule, est abattu par un agent du SPVM au coin du boulevard Gouin et de la 19e Avenue.

21 février 2004
Rohan Wilson, Noir de 28 ans, meurt après avoir été arrêté par six agents du SPVM. Il se cogne la tête à plusieurs reprises sur le trottoir durant l'intervention policière.

4 septembre 2002
Michel Morin, sans-abri de 43 ans, meurt lorsque des agents le menottent à plat ventre dans un café de la rue Saint-Denis.

8 février 2001
Michael Kibbe, 19 ans, fait une chute mortelle de huit mètres alors qu'il est sous la surveillance de deux policiers du SPVM.

18 juillet 2000
Sébastien McNicoll, 26 ans, meurt après avoir été aspergé de gaz poivre par un agent du SPVM.

16 juillet 2000
Luc Aubert, 49 ans, meurt d'une crise cardiaque après avoir été aspergé de gaz poivre par quatre agents du SPVM.

Source: Collectif Opposé À La Brutalité Policière