25.9.08
Le prochain saut évolutif
Trois amis, enfin deux et demi, sont déjà et fort brusquement à même de constater que ça change. Elles filent fin août, fin septembre au plus tard.
Inquiétude, anxiété, humiliation, un gars tombe du ciel... Bon, alors faut crever l'abcès, guys. Je vous mets de la musique et je roule jusqu'au plumard.
24.9.08
Érections fédérales, eastern western et panamerican
Jack off and go to sleep, primitive philistines.
23.9.08
La danse des petits pains
La grosse nouvelle tribale automnale
Gom et sa blonde voulaient l'annoncer à leurs proches, leurs familles, leur agent Re-Max, avant qu'on puisse le proclamer sur l'internet comme ce serait civilisé!
Héhé. Ce vieux Gomeux (il se fait aussi appeler Guillaume Pâquet quand il trempe dans des trucs louches, comme publier dans Moebius ou donner du sang à la Croix-Rouge, histoire de rembourser celui qu'il fait couler sur les patinoires) vient enfin de lâcher le morceau sur l'air de rien, m'autorisant du coup à me découdre la mâchoire et utiliser le fil de fer pour réparer mes barniques.
Ils attendent un deuxième petit! Un pitchou, une pitchounette, on sait pas, mais c'est un flo lucky lucky.
Yeah, dude, I'll tell ya, that's a piece of fuckin good news, I think I can sleep now, and dream maybe, we'll be all right, the whole tribe will be fine...
22.9.08
Mea Culpa, Mea Culpa, mais ah! Y'est fou c't'hostie-là?
Ce monde-là va flipper pour Harper. Z'ont pas de kids, ou alors un gros empâté avec une ombre de moustache sous le nez qui n'aura jamais affaire à la police après qu'il aura vomi dans la chute de livres nocturne de la bibliothèque municipale au sous-sol de la salle paroissiale le soir de son bal de finissants, après il veut devenir arpenteur-géomètre.
Les coupures cultures, franchement, je m'en crissais pas mal, mais ça, no no no no no, pas d'expansion carcérale avec les ados comme clientèle-cible. Sont corrects, les kids, crisse, fallait voir en 70, en 80 même, en fait j'y suis allé une couple de fois avant mes 18 ans, c'est pas une place pour un gars de cet âge-là. Et puis, les 14-17 ans n'ont pas le droit de vote: il est inique et rétrograde d'imposer l'incarcération sans représentation. Qui veut d'autres David Milgaard, ou pire, des Steven Trustcott, condamné à mort par pendaison à 14 ans en 1959, libéré après dix ans et une commutation de peine, forcé de changer de nom, innocenté en 2007.
Y est fou c't'hostie-là. Et moi j'ai été aveugle. Qu'on en prenne acte.
Vais voter pour mes couilles.
Y a des drôles qui me trouvent parano, bout d'viarge.
Pas dix secondes, en six ans, et faut que ce soit ce soir que Dan Bigras choisit pour s'encadrer dans le screen. Y a le gars qui jouait MacPherson dans Le Temps d'une Paix, déguisé en Barbie ou en Dan version 1992.
Première affaire que j'entends Dan dire à trois kids qui répètent leur zizique: «Bienvenue dans le merveilleux monde artistique. C'est de même tout le temps. Tout le monde se fourre!»
Hors contexte? M'en calice!
ALOYZAS-VYTAS STANKEVICIUS
J'ai eu un différend financier il y a quelques années avec ALOYZAS-VYTAS STANKEVICIUS, rien de gros en dollars, 150 je crois, mais ça traînait et j'étais en fusil et j'avais raison. Depuis, je lui vouais un ressentiment qui embrassait toutes ses dimensions.
Tantôt, cherchant un renseignement pour répondre à un commentaire de Kevin qui évoque cet homme, je suis tombé sur un texte de lui qu'il m'a fallu une heure pour lire. Il est long, trop long, littérairement parlant, mais il a gommé le ressentiment et m'a rendu la fascination que j'éprouvais déjà pour son auteur quand j'étais tout gosse.
De plus, cette LETTRE À UN JEUNE IMMIGRANT s'applique largement à tout adolescent, et totalement à tous les Québécois en ces temps d'ajustements à l'altérité: il nous manque cruellement la perspective de l'autre, le nouveau, l'arrivant.
ALOYZAS-VYTAS STANKEVICIUS est mieux connu sous le nom d'Alain Stanké...
21.9.08
Double Dan
Vous souvenez quand j'ai pogné les nerfs le six septembre? Un billet, deux billets, trois billets. Or, je connais mon lectorat (c'est vous autres, ça), je vous connais pas personnellement, je connais les courbes de flux et de reflux, je sens quand vous attendez que je redescende et que vous vous dites il se paie une colère noire, chic chic chic, il est plein de pisse et de vinaigre et de drogue et de boisson, on va bien rigoler, et de fait ces jours-là les visites augmentent d'un tiers, je vous fais triper gratis pire qu'un cracheur de feu sur échasses Place Jacques-Cartier, pire parce que lui vous lui pitchez des trente sous et qu'il peut voir vos sales gueules. Et il y a les autres, ceux de vous que ça ne concerne pas, ce qui précède, depuis ceux qui ont déjà eu un mot gentil, jusqu'à ceux qui en ont souvent, la Tribu, et ceux aussi qui n'ont jamais écrit mais qui ne sont pas comme les regardeux d'accidents et les coureux d'incendies. Et ceux qui ne viendront jamais ici, ils sont légion, ils sucent le suc des mots comme des coquerelles sur des centaines de forums débiles et dégoûtants et décourageants et désâmants comme celui-ci, la Toile en est pleine, même la crisse de BIBLIOTHÈQUE NATIONALE émet cette fiche (1986-2006 [enregistrement sonore] : 20 ans de musique québécoise): quinze chansons, quatorze auteurs, un Bigras.
Les Québécois aiment les chansons à texte, même les kids qui sauteraient une coche si on les accusait de ça, qui croient triper sur la meusik pis la grosse guit au fond, dude, s'ils sont Québécois, ils répondent aux mots d'abord, c'est vrai des secrétaires et des truckers, c'est vrai des chauffeurs de taxi blacks et des barbiers italiens et de mon dépanneur coréen, sont Québécois francophones, Y TRIPENT TEXTE! Ces hosties de puants de zouaves qui grouillent sur les forums ne s'échangent pas des partitions, ni des mp3 instrumentaux, ils ne s'échangent même pas la voix des interprètes, les chansons ils les connaissent déjà, mais ils ne s'arrêtent pas au titre, ils s'émeuvent de chansons qui les ont touchés puis se les citent à pleines pages sans jamais faire la différence entre une toune de Richard Desjardins et une toune de Dan Bigras (sur ce forum, par exemple, vous trouverez deux morceaux grandioses de Gilbert Langevin qui constituent l'apogée, la somme de ce qu'il apprit de la poésie durant toute une vie consacrée à son art, sacrifiée à son art, bout de viarge! et attribués à Bigras). Vous voulez savoir comment il écrit, Bigras? En 1998 il enregistrait Le déserteur. Cherchez pas, c'est pas écrit qu'elle est de Boris Vian. C'est écrit Dan Bigras. Il écrit pourtant pas comme Boris Vian, Dan Bigras. mais c'est pas faute d'essayer. Il écrit comme ça, Dan Bigras, en 2003. Je trouvais ça chien, que les mongols de radio à Québec lui aient busté son gros contrat avec Canadian Tire, mais j'étais tellement soulagé de ne plus l'entendre que j'ai épongé une dernière fois le sang de mes oreilles et n'ai rien dit pour appuyer sa cause, ce qui ne me ressemble guère. Mais mon coeur et mon estomac me murmuraient de concert:«Qu'y mange de la marde!» La poursuite s'est évaporée, on a étouffé l'affaire à Montréal, le poème L'enfer du président est devenu la chanson Malbrook et le président (sa graphie phonétique pour le Marlbrough de la comptine: pas sa faute, c'est juste pas son truc l'écriture, mais quelqu'un aurait pu le lui dire) gravée sur l'album Fou en 2005. Le texte a un peu changé: Dan y introduit ce tampon entre lui et le message, ce Malbrook immatériel et vague, et surtout il modifie discrètement la fin qui lui a causé tant d'emmerdes, celle où il menaçait de tuer le président des États-Unis. À part ça, c'est la même toune fidèle au poème, héhé. Astheure, s'il y en a qui voient pas la différence entre un texte de Vian et ça, allez vous pendre s'il-vous-plaît.
Le 6, vous disais-je. J'ai écrit au triumvirat qui gouverne La Presse de même qu'à la journaliste. Elle m'a répondu en premier, avec tant de tact et de gentillesse et de simple décence professionnelle (du seul fait qu'elle me répondait) que je me suis déclaré satisfait. Elle m'a bien raconté un truc très dur à gober, à l'effet que Dan avait mentionné que j'étais l'auteur des deux textes en cause mais que des contraintes d'espace avaient forcé une omission malheureuse. Je m'en suis dit plutôt surpris, vu qu'en seize ans Bigras n'a jamais dit ça, mais que pouvais-je faire? Si elle voulait le défendre, j'étais pas pour la traiter de menteuse.
Ça serait resté là. S'il n'y avait ce papier du 14 dans le J de M qui reprend la même crisse de chanson! Tabarnak! Ses succès, son oeuvre. Depuis quand Soirs de Scotch est-il un succès vocal de Bigras, calvaire. Non, pas de point d'interrogation, c'est une question rhétorique qui n'appelle pas de réponse. Renée Martel s’est laissée bercer par Soirs de scotch (que Dan Bigras avait écrite pour Luce Dufault). Hein? Kossé, calice? Keski dit encore, là?
Mon ciboire de joker. Écrire, moi je le sais, ce que c'est, Dan. Je le sais comme ton père le savait, en fait je le sais même mieux, et les guirlandes de mots que je vais te tresser autour vont éviscérer la balloune pourrie qui restera de ton imposture artistique quand tout le gaz qui la gonflait s'en sera échappé.
Fais donc des documentaires, mène des projets sociaux utiles, t'es génial là-dedans, tu dois rien à personne là-dedans, t'aime même pas chanter, t'as jamais aimé ça hostie!
Chu en beau sacraman pis la retenue avec toi revient à chier dans une contrebasse, faque filons un ou deux autres paragraphes, j'ai besoin de me fatiguer. T'as eu l'air d'un moyen cave d'essayer de faire fondre Louise Marleau hier soir après t'être aperçu que ton trait démagogique sur Trudeau tombait flat. C'est pas une de tes pitounes rockeuses, calvaire; si elle est sortie avec Trudeau y a quarante ans, c'est sans doute qu'elle le trouvait intéressant. Tu parles d'une hostie de goujaterie honteuse à sortir, toé. Chaque fois que tu passes à cette émission, le Québec des régions qui se méfie des artistes de Montréal chauffe le Net au rouge! Pis ta brillante stratégie d'envoyer chier flics et politiciens va beaucoup aider le climat dans Montréal-Nord!
Tu devrais vraiment, vraiment pas voler ton vieux chum. Malbrook indeed, Danny Boy. Malbrook indeed...
Fame
You want fame.
Well, fame costs
And right here is where you start paying
in sweat...
Si c'est pas clair encore: jeunes gens avides certains qu'une clique vous barre la route et se pistonne à gogo comme des pédés dans un buisson, trouvez ce film, visionnez-le, réfléchissez, suez un coup, ensuite venez, mais pas avant. Et relizer-vout! Coriger-vout! Tabarnak!
Peut-être suis-je antipathique après tout.
Keep ton cul hors de ma bibli, Kutlu!
La trouvez pas cool, cette cocotte bloke? Moi si.
Non, non et non. Il n'était pas fou. Faites-vous sacrer à l'asile par votre père 42 ans moins trois jours de répit et on reparlera.
20.9.08
Juste en cas
19.9.08
Ça parle au diable
16.9.08
Il est pas gros lui non plus: juste un peu enrobé...
Un jardin (à l') intérieur
Je bois à ça, ainsi qu'à toi et ton Divin Crachat.
Là, si le miracle s'ébruite, il y aura foule sous ton balcon! :-)
Une Germaine Lauzon inouïe
Lecture-hommage bien particulière de la pièce de Michel Tremblay au Théâtre du Rideau Vert
Montréal, le 28 août 2008 — Le Théâtre du Rideau Vert célèbre les 40 ans de la création de la pièce Les Belles-Sœurs de Michel Tremblay, en organisant une lecture publique pleine de surprises et d’originalité, un projet initié par l’animatrice Monique Giroux, bien connue pour son engagement envers la création et toutes les formes d’art d’expression française.
Plusieurs personnalités issues des milieux artistiques, culturels et médiatiques ont rêvé d’interpréter cette pièce de Michel Tremblay. Elles monteront sur les planches … et joueront le jeu! En tout, quinze femmes bien connues du public québécois seront réunies : Monique Giroux, Jocelyne Cazin, Diane Lemieux, Suzanne Lévesque, Marie-Christine Trottier, Ariane Moffat, Dominique Poirier, Nathalie Petrowski, Isabelle Maréchal, Marie-Élaine Thibert et plusieurs autres surprises! Grâce à l’idée originale de Monique Giroux, elles auront le plaisir d’interpréter les personnages de cette pièce et seront dirigées par Denise Filiatrault, directrice artistique du Théâtre du Rideau Vert, qui connaît parfaitement la pièce et l’univers de Tremblay, notamment pour avoir fait partie de la distribution originale de la pièce il y a 40 ans!
Seulement deux représentations de cette lecture-hommage auront lieu : le dimanche 9 novembre prochain à 16 h et 19 h 30. Les billets pour cet événement sont en vente au prix de 100 $, et sont disponibles directement au guichet du Théâtre du Rideau Vert, par Internet à l’adresse www.rideauvert.com ou par téléphone au (514) 844-1793. Les abonnés du Théâtre du Rideau Vert ont la priorité d’achat pour cet événement jusqu’au 15 septembre, date où les billets seront mis en vente au grand public. Les recettes de ces lectures aideront à soutenir les nombreuses activités du Théâtre du Rideau Vert, le plus vieux théâtre professionnel au pays, qui fête cette année ses 60 ans.
Rappelons que c’est le 28 août 1968, au Théâtre du Rideau Vert, que la pièce Les Belles-Sœurs de Michel Tremblay, une œuvre marquante de la dramaturgie québécoise, a été présentée pour la première fois.
Oui. Monique Giroux en Germaine Lauzon. C'était pas son idée, c'est celle de Filiatrault, et Giroux a presque regretté d'avoir de l'initiative! Mais attendez: elle va être fantastique.
Et je rêve d'autres lectures de d'autres classiques sur les lieux de la première. Peut-être pas à cent piasses la pop, peut-être plus adapté aux bourses étudiantes.
14.9.08
Quand la pédagogie n'est pas une science, mais un humanisme
Bruno Roy, ayant pris connaissance du billet que j'ai signé plus haut et plus tôt aujourd'hui, m'adresse un courriel que j'ai demandé à publier, à titre exceptionnel, parce qu'il contient matière à réflexion, voire à inspiration pour ceux qui font le beau métier d'enseigner. Il m'y autorise et je l'en remercie de tout coeur.
C'est intégral, trucs personnels et tout: écrire une lettre, c'est vraiment comme baiser, y a des quickies sur le bord du bureau et des caresses sur vélin qui durent jusqu'à l'extinction des chandelles et le monde entre les deux, et parfois des préliminaires, parfois du cuddling, parfois fuck all that, tout dépend du message et du désir, de ce qu'on veut offrir et prendre.
Quand y a des préliminaires, faut montrer la scène au complet, sinon la pénétration décontextualisée opère un glissement de sens, et on n'a pas le temps de se mettre en oeuvre assez pour venir quand c'est le temps, le film est fini et y aura pas de rencontre. Je sais pas si la plupart des gens comprennent, ou sentent à tout le moins, comment un texte est bâti. Probablement pas plus que je sais ce qu'il y a derrière le gypse de mon bunker. À l'école, on apprend les notions de plans, d'exposition et de noeud et de conclusion, puis on analyse des poèmes, des chansons , des films, pour étudier leur mécanique. Mais un auteur aguerri comme Bruno ne fait plus rien de ça avant d'écrire une lettre: ce qu'il fait, il ne s'en aperçoit même pas, c'est structurer son texte à mesure qu'il s'élabore et s'assemble dans sa tête, quelques lignes à l'avance comme une émission en direct moins sept secondes, le temps pour le censeur de couper si quelqu'un dit Stéphane Dion ressemble à la bite de Chrétien quand il sort de l'eau froide, un peu aussi comme les différents angles de vue qui s'offrent au réalisateur en simultané, parmi lesquels il pige et choisit et compose une émission. Non, les gens savent pas, et nous ignorons qu'ils l'ignorent, d'où les Hymalayas d'incompréhension et de malentendus qui s'empilent et se bousculent.
Christian,
J'en ai encore des frissons. Le boomer que tu aimes est ému. Profondément. Touché jusqu'à l'os. J'ignorais ce que je représentais pour toi, alors que tu étais ti-cul dans ce collège où ce sont les profs qui faisaient la différence, non la pédagogie du milieu. Certes, tu me l'as déjà rappelé. Mais cette fois-ci, même si chez moi, le souvenir est réel mais vague, j'ai souvenir de t'avoir dit « Tiens ! On a le même nom... » Aujourd'hui, nous pratiquons le même métier, celui d'écrire. C'est comme si à l'époque, nous nous étions reconnus. Ainsi que tu le dis, tu « devais toujours envisager cet ours d'homme en contre plongée » Petite anecdote. J'ai longtemps fait des camps de vacances. Un jour, un campeur dont je me souviens du prénom, Gary, m'avait dit : « Ton visage est une forêt dans laquelle il y a un ours. » Voici que l'ours persiste dans la représentation qu'on se fait de moi. Ton texte dit que j'ai « le regard doux » de ceux « qui n'écoeurent pas ».
Lorsque j'enseignais, j'avais cette douce volonté de dire ce que je pensais en sachant parfaitement − à ta manière d'écrivain allais-je découvrir − que je soulevais des débats. Je provoquais mes élèves de 5e secondaire en partageant leur vivacité intellectuelle car, ils savaient d'instinct, comme ton premier contact avec moi, que mon dire n'avait rien de doctrinaire. Persuadés que mes élèves ne sont pas dupes, je me devais de ne pas faire semblant. C'est probablement ce que tu as deviné puisque, contrairement aux adultes qui savaient en profiter, je ne te rendais pas nerveux. Avec mes élèves, je ne négociais rien, je transmettais une vision des choses jamais neutre et qu'ils avaient droit de réfuter. J'ai toujours conçu mon enseignement comme une tâche de transmission de la culture. Tant au plan humain qu'au plan pédagogique, je me sentais responsable de cette transmission. Responsable et passionné. Aucun doute. Je n'ai jamais « anonné » mon cours. Par ailleurs, j'ai toujours été convaincu que le bon élève est celui qui est disposé à se laisser surprendre, à se laisser étonner, déjà disponible à ce qu'il veut devenir un jour. Permettre la découverte, voilà ce qui m'animait. Et qui, en fait, était la découverte de lui-même.
En lisant ce que tu m'as écrit, tu me rappelles qu'une dizaine d'élèves du Mont-Saint-Louis à qui j'ai enseigné ont publié principalement des recueils de poésie. Carle Coppens, Cynthia Girard, Sylvain Campeau, Frédérique Marleau pour ne nommer que ceux-là. Bien que je ne t'aie jamais enseigné et compte tenu de ce que tu m'as écrit aujourd'hui, je vais te considérer de la « gang » de mes anciens étudiants. Sache, toutefois, que c'est plus pour me glorifier que par reconnaissance.
Je veux te remercier d'avoir pris le temps de lire mon dernier bouquin « du boomer qui n'a rien de l'esprit haïssable qui corrompt toute histoire que cette engeance touche. »
Je t'embrasse.
Bruno
Y a des Boomers que j'haïs pas. Y en a même une couple que j'aime.
Je connais Bruno Roy depuis plus de trente ans. Comme j'en ai quarante-trois, on se figure aisément qu'à l'époque, je devais toujours envisager cet ours d'homme en contre-plongée. L'étrange est qu'il a peu changé. La barbe a blanchi, mais peu et depuis peu, et son pas est toujours souple et dynamique, son rire contagieux, son regard doux, sa carrure est toujours celle d'un gars qu'on n'écoeure pas.
Il enseignait au Collège Mont-Saint-Louis, aux élèves plus âgés qui portaient des vestons bleus. Le mien était vert. Mais j'avais su qu'il avait publié un livre. Sur la chanson québécoise. Je l'ai lu, mais le sujet ne m'intéressait pas plus qu'aujourd'hui. Ce qui m'intéressait, c'était le livre comme livre, et l'homme en chair et en os qui l'avait publié, que je voyais chaque jour à la cafétéria au milieu de ses étudiants qui l'adoraient, ce type, cet écrivain.
Je me suis mis à lui tourner autour. Treize ans, seul vert dans un bouquet de bleus qui me poussaient du coude, essayant d'accrocher son regard, comme s'il avait pu ne pas me voir.
Ça a pris du temps, je ne sais pas combien au juste, ni même vaguement, le temps ne passait pas au même rythme en 1978, en tout cas pas pour moi. Mais un jour il s'est présenté un moment, une percée, les grands se sont dispersés en même temps, sauf deux ou trois, et à celui qui allait lui parler il a fait signe d'attendre une minute sans me quitter des yeux, je crois qu'il m'a dit: «Bonjour. Comment tu t'appelles?»
Je lui ai tendu la main, hardi: «Christian Roy, Monsieur.»
Il a souri. «Tiens! On a le même nom...»
«Je sais! J'ai votre livre...»
Je fouillais dans mon sac, je trouvais rien, il attendait, c'était un pédagogue dont émanait chaleur et sécurité, je me souviens m'être calmé juste comme ça, et d'avoir été surpris: les adultes me rendaient nerveux, le savaient et en profitaient.
Bruno est un ami très cher depuis vingt ans. Il n'a pas semblé stupéfait de me retrouver, juste ravi, quand j'ai publié Vamp et qu'à son tour il levait les yeux pour me regarder, comme s'il savait que j'arriverais quand je serais grand. Et notre relation est passée sans heurt aucun de mon enfance à notre amitié d'hommes où j'ai moi aussi parfois des choses à lui apporter.
Il vient de publier un bouquin fascinant et très beau sur l'Osstidcho (Bruno Roy, L’Osstidcho ou le désordre libérateur, XYZ Éditeur, 2008, 200 p.), un bouquin de Boomer qui n'a rien de l'esprit haïssable qui corrompt toute histoire que cette engeance touche. Bruno Roy était un «orphelin de Duplessis», il est peut-être le seul à avoir pu s'arracher à la misère intellectuelle et physique et aux séquelles psychologiques incapacitantes, ce pour quoi il a parlé pour eux tous des années durant, et je crois qu'ils seront toujours sa tribu de référence, pas la génération entière comme pour les autres. Je ne l'ai même jamais entendu dire grande noirceur, je n'ai jamais entendu un poncif sortir de sa bouche, jamais lu un lieu commun sous sa plume. Pour ça que ce livre est digeste pour nous, puis passionnant, il l'a écrit pour transmettre la mémoire et expliquer, mais ils disent tous ça et finissent par se flatter la bedaine en évoquant Woodstock, sauf que lui, ben, il le fait.
Longtemps que j'ai pas recommandé un livre ici, et un auteur. Monique Giroux le recevait en mai à Radio-Canada: l'entretien est là.
Un de ces cinq épices, je parlerai d'un autre de ces jeunes vieillards magnifiques près de mon coeur, ces gars qui ne vous bassinent pas avec la révolution tranquille qui n'a jamais eu lieu, ces hommes libres dans le brouillard de la raison. Il s'appelle Daniel Pinard. J'ai pas assez d'essence pour me rendre jusqu'au bout, je remets à plus tard. À sa prochaine laryngite, comme ça je pourrai en placer une.