Ça frappait comme un huissier à l’huis du Bunker. À la troisième salve, j’ai répondu. C’était un messager porteur d’un sac-cadeau, avec des rubans frisés multicolores. Je suis retourné à mon chitchat coquin avec une délicieuse et j’ai dit que je venais de recevoir une bombe ou un colis d’anthrax.
À la vérité, j’aime me faire attendre, pour le sexe, la bouffe ou les cadeaux, ce qui revient au même. À la fin, n’y tenant plus, j’ai ouvert le paquet…
C’était une boîte de chez Henri Henri, chapeliers, maison fondée en 1932. Mon grand-père y achetait ses fedoras déjà à cette époque, moi-même depuis 1982, et j’y ai emmené mon fils dix ans plus tard. Et elle le sait.
Elle, c’est Soft. J’en ai parlé ici à mots couverts il y a quelque temps. Tout a toujours été couvert dans notre affaire, circonstances obligeaient, et voici qu’elle m’offre ce feutre magnifique, couvre-chef princier, qui vaut une fortune et témoigne des richesses de son tendre cœur. Rien n’indique d’ailleurs qu’il vienne d’elle, sinon ce poème/chanson glissé dans la boîte, qu’elle m’écrivit le 2 juillet 1998, qu’elle ne m’envoya jamais et que je ne garderai pas pour moi.
Je te retrouverai
Dans le journal hier une photo
M’a ramenée en arrière quelques années plus tôt
Tu portes encore, je vois, ce vieux chapeau
Et ce sourire canaille qui depuis m'a manqué
Bien plus qu’on ne pourrait imaginer
Dans la rue un beau matin
Je te retrouverai
Ou bien dans un refrain
Je te retrouverai
Je te retrouverai
Je te retrouverai
Je te retrouverai
On s’était brouillé à cause d’une femme
C’est vrai que t’as toujours aimé les jeux de dames
Elles te l’ont bien rendu et sans compter
Moi-même d’ailleurs j’ai cru… mais ça n’a pas duré
L’amour vit moins longtemps que l’amitié
Refrain
Je me demande souvent c’que tu deviens
Si tu te souviens de ce refrain
Qui marquait toutes nos complicités
Je te retrouverai
Je porterai ce feutre demain, pour rencontrer ma famille et bénir ma nouvelle nièce. J’aurai chaud à la tête et Soft dans la peau.