LES PAQUES A NEW YORK
Blaise Cendrars
Seigneur, la foule des pauvres pour qui vous fîtes le Sacrifice
Est ici, parquée, tassée, comme du bétail, dans les hospices.
D'immenses bateaux noirs viennent des horizons
Et les débarquent, pêle-mêle, sur les pontons.
Il y a des Italiens, des Grecs, des Espagnols,
Des Russes, des Bulgares, des Persans , des Mongols.
Ce sont des bêtes de cirque qui sautent les méridiens.
On leur jette un morceau de viande noire, comme à des chiens.
C’est leur bonheur à eux que cette sale pitance.
Seigneur, ayez pitié des peuples en souffrance.
Seigneur dans les ghettos grouille la tourbe des juifs
Ils viennent de Pologne et sont tous fugitifs.
Je le sais bien, ils t’ont fait ton Procès ;
Mais je t’assure, ils ne sont pas tout à fait mauvais.
Ils sont dans des boutiques sous des lampes de cuivre
Vendent des vieux habits, des armes et des livres.
Rembrandt aimait beaucoup les peindre dans leurs défroques.
Moi, j'ai, ce soir, marchandé un microscope.
Hélas! Seigneur, Vous ne serez plus là, après Pâques!
Seigneur, ayez pitié des juifs dans les baraques.
La rue est dans la nuit comme une déchirure,
Pleine d'or et de sang, de feu et d'épluchures.
je descends les mauvaises marches d'un café
Et me voici, assis, devant un verre de thé.
je suis chez des Chinois, qui comme avec le dos
Sourient, se penchent et sont polis comme des magots.
La boutique est petite, badigeonnée de rouge
Et de curieux chromos sont encadrés dans du bambou.
Ho-Kousaï a peint les cent aspects d'une montagne.
Que serait votre Face peinte par un Chinois ? ...
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