23.12.07

Come on, fuckers!

I'm ready. Me loves nothing and no one no more. I spit on my own blood, I take a dump on the french language, I piss on literature and friendship can suck my balls. Come one, come all, I'm ready to betray, I'm ready to cheat and hide, I'm ready to grab and run, I'm ready to swing this dead cat at the world! You want me out, come and get me, come on, fuckers, you don't have to take sides anymore, I've done it for you: see me there? You're on the wrong side!

I lost faith in God about twenty-five years ago, and that was a tough one, still hurts, but I could live with it. Now, when a man loses faith in Man, how’s he supposed to live with that, and can the world live with him? I foresee all kinds of unforeseen dangers...

I'll make your very names bleed. Come on, fuckers, daddy's waiting! Come before I go after the whole cowardly lot of ya!

Mélissa

J'en ai mon crisse de char de ses zigonneries. La cocotte va découvrir les vertus régénératrices de la vérité. Fini de la protéger. Chuis en train de la protéger jusqu'au brouillage avec un ami cher, et elle s'est arrangée pour en rencontrer d'autres hier. Ca va faire le niaisage! Ma blonde qui n'est pas ma blonde, no more!

Va y avoir la pluie du ciel maudit qui lave les crosses betôt! La sentez-vous? On me pendra par la poche avant que cette putain débarque en ville et se serve de moi pour s'immiscer en deux mois dans vingt ans de relations sociales. Et je vais ajouter un aveu: oui, la clique existe!

Hate speech

I think I hate just about everybody I love just now, and everybody that loves me hates my guts too. Fucking Christmas ain't even here yet, but wait and see what I can do from here to Boxing Day. There's gonna be fluids spilled on the goddamned cyberfloor.

Les seuls anonymes que j'aime


Les Souverains Anonymes. Et celui qui les anime, qui travaille à leur redonner leurs noms, depuis 1990 : Mohamed Lotfi.

Extrait de la dernière émission de l’année. J’ai pas la cruauté de souhaiter Joyeux Noël aux gars, mais Bonne Année, c’est indiqué, me semble…

Noël en prison, c'est rough en tabarnak. C'est beau, aussi. Même les screws sont plus doux, et il règne un silence quasiment recueilli dans les wings; les gars ont droit à quelques gâteries, mais ce qu'on sent surtout, ce qui suinte, même à travers les murs épais de Bordeaux par exemple, c'est ce silence lourd et privé, quand chacun pense à sa famille en même temps, celle d'aujourd'hui parfois mais rarement, le plus souvent celle d'autrefois, jamais celle du futur, ça fait trop mal...

Les honnêtes gens s'en crissent tant.

22.12.07

New hot hat/Nouveau chapeau chaud


C’est arrivé jeudi soir, vers vingt heures, et je n’ai pas trouvé les mots depuis pour en parler ici.

Ça frappait comme un huissier à l’huis du Bunker. À la troisième salve, j’ai répondu. C’était un messager porteur d’un sac-cadeau, avec des rubans frisés multicolores. Je suis retourné à mon chitchat coquin avec une délicieuse et j’ai dit que je venais de recevoir une bombe ou un colis d’anthrax.

À la vérité, j’aime me faire attendre, pour le sexe, la bouffe ou les cadeaux, ce qui revient au même. À la fin, n’y tenant plus, j’ai ouvert le paquet…

C’était une boîte de chez Henri Henri, chapeliers, maison fondée en 1932. Mon grand-père y achetait ses fedoras déjà à cette époque, moi-même depuis 1982, et j’y ai emmené mon fils dix ans plus tard. Et elle le sait.

Elle, c’est Soft. J’en ai parlé ici à mots couverts il y a quelque temps. Tout a toujours été couvert dans notre affaire, circonstances obligeaient, et voici qu’elle m’offre ce feutre magnifique, couvre-chef princier, qui vaut une fortune et témoigne des richesses de son tendre cœur. Rien n’indique d’ailleurs qu’il vienne d’elle, sinon ce poème/chanson glissé dans la boîte, qu’elle m’écrivit le 2 juillet 1998, qu’elle ne m’envoya jamais et que je ne garderai pas pour moi.

Je te retrouverai

Dans le journal hier une photo
M’a ramenée en arrière quelques années plus tôt
Tu portes encore, je vois, ce vieux chapeau
Et ce sourire canaille qui depuis m'a manqué
Bien plus qu’on ne pourrait imaginer

Dans la rue un beau matin
Je te retrouverai
Ou bien dans un refrain
Je te retrouverai
Je te retrouverai
Je te retrouverai
Je te retrouverai


On s’était brouillé à cause d’une femme
C’est vrai que t’as toujours aimé les jeux de dames
Elles te l’ont bien rendu et sans compter
Moi-même d’ailleurs j’ai cru… mais ça n’a pas duré
L’amour vit moins longtemps que l’amitié

Refrain

Je me demande souvent c’que tu deviens
Si tu te souviens de ce refrain
Qui marquait toutes nos complicités
Je te retrouverai

Je porterai ce feutre demain, pour rencontrer ma famille et bénir ma nouvelle nièce. J’aurai chaud à la tête et Soft dans la peau.

20.12.07

Mon protégé

C'est un bien bizarre de mot, celui-là. Jamais su trop qu’en penser. Bien avant d’être fort, par un caprice de la nature, et de disposer de ressources et d’un certain pouvoir pour le faire, j’ai voulu protéger mes proches, mais je crois n’y être jamais arrivé, je me dis même de loin en loin qu’ils se porteraient mieux somme toute sans ma force, mes ressources, mon pouvoir, dérisoires.

Il y a quelqu’un dont je me suis abstenu de parler vraiment depuis deux ans, ce qui en a intrigué plusieurs. On s’est demandé ce qui nous liait, pourquoi je le couvrais, on a risqué les plus rectales rumeurs.

Le temps est venu de clarifier ce mystère tant soit peu, maintenant que Bastien touche au terme de sa troisième session universitaire en ville. Le fait est que je me sens responsable, que je suis grandement responsable de l’avoir attiré ici et encouragé sans le vouloir à sauter des étapes. Et je ne saurai peut-être jamais si j’ai fait plus de mal que de bien. Le jury délibère.

La lettre reproduite ici, sous forme de fac-similé, jettera quelque lumière sur ce qui s’est passé. Il n'est que de cliquer sur Goulatromba...

19.12.07

Pépère lamentable: la séquelle

Jamais vu encore un truc pareil. Une photo-bulle, qu'ils appellent ça. Pour ceux, et surtout celle, qui croiraient pas Le Devoir, faut visiter ce panorama pris hier par Jean-Pierre Lavoie pour le compte de La Presse.

Le plus beau, pour moi, c'est que de tous les endroits et les envers de Montréal, le mec a choisi précisément celui que j'ai montré à ma blonde qui n'est pas ma blonde au retour de la Rôtisserie Laurier.

Je commence à croire qu'elle a eu tort, en fin de compte. Et s'il y avait vraiment eu UNE TEMPÊTE DIMANCHE!

18.12.07

My boy, the funny f...

Ce garçon-là...

On s'entend mal, ces temps-ci, mais il me fait comprendre néanmoins que le ridicule ne tue que ceux qui le craignent. Comme moi, par exemple.

Il m'envoie ce trio d'elfes dansants: lui, ma bru, sa fille. My boy, the funny f...

I love that kid, God help me. Il ne comprend pas tout, ni moi non plus, mais bon, j'en sais quand même un peu plus long. Par exemple, il se figure que je le désirerais copie conforme de son vieux. Quelle drôle d'idée. J'ai toujours été au fait que je ne supporterais jamais de me rencontrer moi-même, et je suis fier qu'il ait développé sa propre personnalité, et j'aime les traits qu'il tient de sa mère, que j'aimais, après (et avant) tout.

Surtout, ce n'est pas Justin Trudeau, ce perroquet stérile et stupide qui se renie lui-même et nierait ma nation pour honorer la mémoire d'un père qui lui portera toujours ombrage.

17.12.07

Petit quatrain pour Mandy


Arrive, reviens des États-Unis!
Ramène-moi ton cul et ta folie,
Je t'attends, sans faute, demain midi,
Je veux tes lèvres arrondies sur mon vit.

Pépère lamentable

Alors c'est ça. Hier midi, on était tout contents d'avoir passé une semaine sans chicane, à se ménager, à avoir des prévenances. Même sur le Web, ça compte. Comme au téléphone.

Mais la tempête. Mais la tempête! J'étais aussi déçu qu'elle, probablement plus, parce que j'étais horny comme un lièvre alors que je venais de l'envoyer se branler luxueusement quinze minutes avant. Le Web, toujours.

Il ne tombait pas de neige à Sherbrooke. Donc il n'en tombait nulle part ailleurs. S'il fait du soleil en Estrie, il en fait partout! Et le monsieur des autobus, qui assurait qu'aucun départ n'était compromis! Elle m'en parlait encore à minuit. Et son envie à elle, urgente, impérative, que j'arrive de suite? Qu'étais-je, alors, sinon une fiotte? Y EN A PAS, DE TEMPÊTE!

Et ce phénomène, cette créature qui m'est chère et m'émeut parce que, hein? à chacun sa chacune; croyez-vous que l'article du Devoir d'aujourd'hui (signé Fabien Deglise) intitulé Le Québec sous le blizzard, qui recense les sorties de route, les problèmes d'autobus et d'avions, les conseils de rester à la maison, croyez-vous qu'une seule phrase là-dedans ou l'accumulation de toutes l'amènera à résipiscence, voire dans le proche voisinage? Think again. Parce qu'il n'y a pas eu de tempête hier. Me semble que c'est clair.

16.12.07

Escaping


I knew a girl once, or rather I tried to, but she was one-of-a-kind, a creature I'd never met before, nor had I encountered any of her traits in another woman in the course of my adult life. Twenty-five years since my first contract with a girl, such contract running anywhere from a single night up to marriage, and since then many more contracts than I would care to admit or could even remember, but resulting in what qualifies as experience, that awful, cynical thing, that point where you'd be a fool to expect anymore surprises.

And still, there she was, real as can be. She was a superbly, almost criminally talented poet, words seemed to dance right out of her fingers and straight to the screen where they placed themselves in harmony, and then sense and meaning grew out of the words, as if organically. It was really something.

Why then could I never get more than two or three sentences out of that girl, in the tens of hours we talked during the dozen times or so we met and the hundreds of times we chatted, more than two or three lines that were not moronic, futile, childlike, dishonest, sophistic, circular or downright hysterical?

She was fluid. No personality to speak of. Nothing solid, nothing concrete. Nothing resembling a moral center or a principle, nothing she could hold on to in times of distress, which were of course many. She let herself be a slave to her own unending petty desires, the satisfaction of which mobilized her entirely and carried her from one moment to the next, pushing further away the dreaded task to think, reflect upon her life, judge herself and make real decisions. That prospect scared her to no end, and I was powerless to help. She was never in one place, be it physical or emotional or frame-of-mind, long enough for me to connect. She made escaping each instant her main activity, not really aware that it consumed her, and also the energies of those around her. She went relentlessly through life asking, demanding, pleading, whining, begging, commandeering, like some sort of ancient mythological beast ravaging the country, demanding to be fed, endlessly. She could not give a thing in return, not even her body, since her pleasure obsessed her, devoured her soul, and her body was but a conduit to that end. another black hole from which no light escapes, no tangible matter, nothing, neither flesh nor sunday shoes. She thought herself a good, compassionate person, with a heart and everything, but the truth is she was sentimental, like most of her contemporaries, brought up on tv and movie magazines and slogans and sob stories, and she was naturally equating crying for herself with what she thought feeling for another might be like. She never could grasp the basics, risk a place in her chest to love and trust and cherish someone, not even for an hour. She just could not bring herself to stick a toe out in the rain. Had she not been such a gifted and inspired artist, one would have dismissed her as just another flaky brainless nutjob, but that poetry, the flat solid fact that she knew a place in herself where no fear entered, no primal lust nor hunger nor capriciousness nor dumb automatic defensive jibberish, a place where her mind could flourish like an orchid in a greenhouse, well, it shaked the shit out of my cozy boring certainties, forced me to revisit my experience, and I'm glad at least for that. That, and that I'm still sane after all.

What a character that girl was...

L’aveu aviné clarifie

Il n’a pas vu le mur venir
Un cul-de-sac en plexiglas
Dont il pressentait la présence
Au détour doux de chaque danse
Qu’il obtenait de sa promise
En moulant l’air mais la balise
Ne se laissait pas découvrir
Fluctuant invisiblement
Aux environs du no-man’s land
Et quand il heurta la paroi
Pissant le sang par les narines
Il put enfin marquer l’endroit
D’éclaboussures alizarine.

Scot salads


Je me demande ces temps-ci quand ce damné Kanienkehaka (Monsieur McComber pour les proches) se reposera de m’épater. Chaque jour qui passe, il se surpasse. Il nous a bien eus, tous, moi le premier, avec sa prose joual, qu’il travaillait si sérieusement, si amoureusement qu’on croyait fatalement que le gars n’avait pas le choix, qu’il serait incapable de torcher un feuillet classique si sa vie en dépendait, qu’il était sympathique et fanatique et authentique mais pas dangereux, littérairement, pour autant.

Eh bien, il a baisé tout le monde et c’est plaisir de voir ce beau sauvage nous sortir page après page de mots qui coulent comme un ruisseau en charriant du sens, de l’émotion, même un tranquille et sûr art de vivre. Il écrit le plus clair du jour et de la nuit, puis il se désennuie en faisant des jeux de mots, des jeux d’esprit. C’est Big Mac : first I take Manhattan, then he takes Berlin (ou Budapest, c’est pas sûr encore).

Il m’autorise à reproduire cette histoire, publiée en commentaire de son blog ce soir…

Ce Niçois, donc, il me racongte, tu vois, il me dit comme ça :

— Si tu passe par ce coing, eng bicyclette, faudra bieng faire attengtiong, le mating. Avang de partireeeu, qu'y a pas trop de vengt. Parce si tu fais pas gaffe, tu vas te faireuh jeter au bas de la falaise. Faudra bieng te méfier du Mistral.

Je luis dis :
— Blebeeehh non. C'est mon pote.

Il me dit ensuite, et c'est assez ahurissant :
— Quangd y se lève, le Mistral. C'est pour trois, six, ou neuf jours. Jamais moings. Y se lève jamais pour une seule journée. Il est comme ça.


Putaing...

15.12.07

Anne Archet est une fille, et autres considérations sur la guerre.

Il n’y a aucun, aucun, absolument aucun doute possible sur le sexe d’Anne Archet. Et, by the way, elle n’est pas non plus un combo de Zhom/Lady Guy. Comment je le sais? Elle me l’a dit, et Lady ne m’aurait pas menti.

Archet est une fille parce qu’elle trouve que c’est une bonne idée, que je laisse tomber ma guerre. Elle a peur pour moi. Elle croit que je peux pas gagner contre la calomnie (ce en quoi elle n’a pas tort, but that’s not the point). Elle suggère que je traite ça par le mépris. Bref, c’est une fille. Et quelle fille! Je l’adore.

Eh bien non. J’y songeais, c’est vrai, à faire des déçus et des soulagés, parce que je n’ai pas coutume de demeurer fâché durant des semaines, que je déteste ça, que je ne suis plus endurable, que je me chicane avec ceux qui me sont les plus chers.

Tout ce temps, y a que ma blonde qui n’est pas ma blonde, parmi les filles qui m’aiment un peu, beaucoup ou passionnément, depuis peu ou depuis longtemps, y a qu’elle qui ne m’ait pas poussé à abandonner, Dieu la bénisse, et quand je lui ai fait part plus tôt ce soir de mon hésitation, elle a répondu d’accord, mais alors faudra faire une note! She’s a mean mama, between you and me…

J’ai des amis qui fourbissent leurs fusils en Charente, en Gironde, en Parc-Extension, en Estrie, en UQAM, en UNEQ, en toge, en tabarnak tous. Prêts à m’accoter, mais qui comprendront si je décide de slacker.

Franchement, avant ma conversation avec Anne, j’étais prêt à le faire. Maintenant, je me donne encore le temps d’y penser davantage. Péan, Dutrizac, Marie-Françoise TAGGART : ce serait vraiment trop injuste qu’ils s’en tirent comme ça, juste parce que je suis un bon gars.

11.12.07

Dimanche soir, ou comment tirer du sang d’une affiche, ou ne réveillez pas le Gmail Chat qui dort.

Elle: Mais je crois que la chose la plus moche que j'ai faite...
Je suis sortie de la salle de bain
Je regardais ton poster où tu es tout mimi
et je t'en ai étampée une câlisse de droite sur le nez
vraiment fort
Tsé
des affaires de gens saouls.
Lui: Tu te souviens, hier soir?
Elle: De quoi?
Lui: Je t'ai dit qu'au bar, avec Kevin, je me suis mis à saigner du nez.
[nose smile]
Elle: Han?
Wow.
C weird.

8.12.07

Livre de faces dans le dos

Avec Vigneau, OldCola est l'ami en qui j'ai la plus grande confiance. J'appuierais sur quasiment n'importe quel piton sans réclamer d'explication si l'un de ces deux-là le demandait. Mais quand Cola m'a invité sur FaceBook, j'ai pas voulu. Sais pas pourquoi au juste. J'avais rien lu encore de si terrible à propos du gizmo, mais l'instinct, les vibrisses du vieux chat de gouttière...

J'ai un pote, écrivain brillant et guerrier de la liberté, qui s'en est rendu compte et a tout nettoyé ce qu'il pouvait de lui-même là-dessus après quelque temps, et j'ai un autre pote, écrivain brillant et amant de la liberté, qui a fait pareil. Et j'ai ce pote, Tony Tremblay, poète brillant et incarnant la liberté, qui nous dit ici pourquoi c'est une bonne idée.

C pour câlin

Jeudi, enregistré Cabine C de peine et de misère. Christiane Charette m'a dit que j'avais l'air paf et m'a fait un gros câlin. Pu serrer la main de Daniel Pinard, que j'admire.

Ensuite, suis allé aux danseuses, première fois en vingt ans. Ai ramené Alice au Bunker, une sauterelle de ma connaissance. La nature a suivi son cours (d'éducation sentimentale).

Elle m'a vidé. J'ai dormi.

5.12.07

Lapointe: la vraie fiction

OK. Tout est résolu, net et réglé comme mon étrange cousine Maïté (je peux bien vous le dire, ce n’est pas un secret, c’est même sa fierté de n’avoir jamais saigné une minute en retard chaque mois de sa vie depuis l’âge de quatorze ans jusqu’à son cinquante-deuxième anniversaire, et de s’être privée d’homme pour ne jamais troubler ce sacerdoce calendaire).

Résolu, dis-je. Le texte sur Lapointe a bel et bien été publié, dans Moebius, en 2005. Sous le titre Puzzle, toutefois, et Bastien m’a aidé en se rappelant l’avoir vu dans cette revue, mais guère en oubliant quel numéro (107) et quel thème («Écrire la ville»). J’ai fouillé ma bibliothèque et l’ai débusqué, mais il n’est pas dans la mémoire de mon ordinateur, qui s’appelle Memory Babe III, parce que Memory Babe II m’a claqué à la gueule avant que j’aie pu tout archiver. Alors, hein, j’ai appelé Raymond Martin, le dernier des trois fondateurs de Triptyque, au poste depuis trente ans, un peintre amant de poésie qui publie, qui publie, un air de Hells assagi, une voix rare mais belle d’animateur radio nocturne, un chic vieux loup qui voit à tout, et comme de juste il avait ça dans sa machine, je l’ai reçu dans la minute.

J’étais à répondre au courriel d’un jeune apprenti-écrivain, j’essayais de le soulager de la hantise que l’édition est noyautée par une clique (d’abord parce qu’en pratique ce n’est pas vrai, ensuite parce que si même cela était, un artiste déterminé ne se laissera pas ralentir pour si peu, au contraire il aura l’instinct d’accélérer), je relisais ma réponse quand mon regard a accroché la liste des contributeurs au Moebius 107, imprimée en quatrième. Éric McComber. Kevin Vigneau. Et une lettre de Geneviève Robitaille à Jean Barbe.

Mac et moi, on se connaissait moins, à cette époque, et je n’avais jamais lu la présentation de Robert Giroux en tête de numéro. En lisant ceci, j’ai ri avant de recommencer mon mail au jeune auteur. «Éric McComber et Christian Mistral, eux, sans doute des citoyens de plus louche fréquentation, nous entraînent dans l’univers des rues nocturnes, des petites putes, des bars, de la musique, parmi ces «chanteurs qui ont la vie molle», ricane Mistral.

Les petites putes, je veux bien en partager la responsabilité avec Mac, même s’il n’y en a pas dans mon texte : après tout, il aurait aussi bien pu y en avoir. Mais ce ricanement qui m’est prêté, je n’aime pas, pas du tout, pas plus que cette intention d’insulter Lapointe en public qu’on s’est complu à m’attribuer pour exciter les passions, alors même qu’à l’évidence je ne souhaitais rien de tel.

C’est pourquoi je suis content de déposer ici cette dernière pièce et de la laisser à l’appréciation de chacun.

Puzzle


L’hiver d’avant celui qui passe, après ceux-là déjà passés, vers la fin sèche de 2003 (un soir crasseux, venteux et froid), Lapointe m’a téléphoné.

Avais-je des textes à lui montrer ? Qui parleraient de Montréal, la putain sale et transversale, et puis de crime et puis de vin ? Quelque chose de joli, de fatal et d’urbain, qui passerait à Cité Rock Détente comme une cuillerée de Benylin?

J’ai dit Éric, es-tu malade ? Tu t’es trompé de numéro, ou bien t’es chaud. Moi chuis Mistral, chuis pas Tabra. Il a dit non, je me trompe pas. Il a dit oui, chuis chaud un peu, mais c’est pas à Roger que je veux parler, c’est à toi, mon vieux. J’ai dit bon bon, je vous connais depuis longtemps, tu t’es pris le bec avec lui ou lui avec toi, ou quelque chose comme ça, en tout cas tu te réconcilieras et j’en serai pour ma peine. Il a dit non, final bâton, basta Tabra, on vient de travailler un an et il a scrapé notre ouvrage et faut que je reparte en neuf.

J’ai dit O.K., j’ai quelques textes, où c’est que t’es ? Il m’a dit où, c’était un bar pas loin d’ici. J’ai raccroché, j’ai respiré, j’ai téléphoné à Vigneau. J’ai dit choisis un tien poème qui pourrait faire une bonne chanson pour ce garçon, j’ai dit pars de Parc-Extension et rejoins-moi là-bas tantôt, dans une heure et quart environ, j’ai dit arrête de râler, je sais fort bien qu’il se fait tard et qu’on congèle, mais c’est pas tous les mardis gras qu’Éric s’offre à la poésie. J’ai imprimé dix inédits et puis je suis monté voir Steve et puis ma foi je n’ai pas vu le temps passer : quand mon cellulaire a sonné, c’était Vigneau comme de raison, disant que le bar était vide, hormis la serveuse et Lapointe qui ronflait sur une banquette. J’ai dit j’arrive, j’y vais j’y vole, surtout tente pas de le réveiller.

J’ai débarqué, j’ai dit la fille saura y faire, Éric s’endort seulement s’il connaît les gens qui l’entourent, et comme de fait, la fille au bar c’était sa blonde, et elle l’a extrait du sommeil d’une sweet façon.

Il était plus frais que jamais, ni chaud ni froid, ni brûlé ni gelé, ni fripé ni farci, ni mauvais ni ami, et je mesurais confusément d’un coup tout le chemin qu’il avait parcouru seul, et le progrès de notre singulier rapport. Car Lapointe et moi n’avions jamais entretenu quoi que ce fût qui ressemblât à des relations chaleureuses ; or, cette hostilité-là, franche, épidermique, naturelle et sans raison, cette intransigeance chargée de menace qui gâchait chacune de nos rencontres impromptues depuis le début, en des lieux illégaux et à des heures indues, ces feelings acides, en somme, qui sont des empêchements à la fraternité facile, avaient fini à notre insu par nous servir : Éric me laissait voir sa vérité, ce qu’il ne fait qu’avec effort, y compris à son propre examen, et cela tenait en grande partie à ce que je ne lui avais jamais menti. Je n’attendais de lui rien qu’il n’eût envie de fournir et il ne voulait rien de moi, puisqu’il avait Tabra.

J’ai mis longtemps à deviner pourquoi il aimait qu’on se casse et qu’on s’encaisse de loin en loin mais jusqu’au fond. Le deviner, l’imaginer, le déduire : écouter quand il me l’expliqua un matin mou déjà ancien. Il venait de conclure une conversation téléphonique avec son gérant, marchant de large en long dans sa chambre immense tandis que je picolais à la cuisine ; quand il revint, catastrophé, la face crampée d’un tourment mystérieux, j’ai été curieux, et quand j’ai fini, une heure plus tard, par savoir ce qui se passait, j’ai été pris d’une grosse tendresse pour cet homme-là, ce Lapointe, et d’un respect très clair enfin, et d’autres sentiments aussi, dont le regret qu’on ne soit pas amis. Ce qui s’était passé, pour faire court, c’était que son gérant lui avait parlé en gérant, plutôt qu’en pote intime d’avant la gloire qu’il était aussi, aux temps miséreux héroïques du cégep. Éric répétait : « C’était le dernier. Le dernier... » Le dernier humain en dehors de sa famille, homme ou femme, qui l’aime et l’entoure depuis les jours d’avant ce succès plein de surprises empoisonnées. Il était seul, ce matin-là, cet artiste adulé, comme peu d’hommes l’ont été, puisqu’il n’avait que moi en qui verser sa confiance, moi doté de sa certitude que je ne l’aimais pas. Il préférait cela, cette absence d’ambiguïté, dans la cuisine, le temps de se resituer dans un monde sans amis sûrs et désintéressés, le temps de respirer sans songer à séduire, égoïstement, et ça n’a pas duré longtemps, bien sûr, mais après ça on n’a plus pu jouer au jeu de s’écœurer. On a préféré s’éviter. On ne connaissait pas d’autre jeu.

Jusqu’au fameux soir froid crasseux où je l’ai rejoint dans ce bar avec mes textes et ceux des autres et mon Vigneau d’humeur sceptique. Éric a lu le tas entier, toute une pile de papier à grave voix d’écorce vive, de gueule de bois et de charbon, cherchant l’os et palpant la chair des strophes sages en rangs serrés, démontrant un sens aiguisé de la musique innée des mots en plus d’un flair de chat sauvage pour les trucs louches et les ficelles et la bullshit et les patchages, tous ces procédés innocents auxquels ont recours les auteurs depuis toujours et même avant quand il s’agit d’enfiler plein de perles en colliers cohérents, ces rustines et ces bouche-trous qu’on ne voit n’entend ni ne sent et tous ces vers en or à fou ces cuillerées de sirop doux qui font passer la médecine quand on se mêle d’écriture et de maîtriser la métrique, il voyait clair à travers ça et dégageait les idées fortes, il autopsiait la poésie tout en lui marquant du respect, chassant le beau le franc le dur, mêlant les mots à l’inaudible rythme soûl et personnel de son propre esprit créateur.

Des dix, un texte alluma son regard et enfla sa voix plus que les autres. C’était un morceau fort et fiévreux composé au terme d’une nuit consommée à jaser avec CGDR, inspiré par ses confidences et que je lui avais offert. J’avais hésité un instant avant de l’inclure dans le lot : Christian-Gilles le chantait déjà lors des modestes et sporadiques engagements qui, à cinquante-cinq ans, lui permettaient de patienter jusqu’à ce qu’on découvre son talent. Allais-je lui reprendre ce présent fabriqué avec son passé pour le confier à Lapointe, seulement parce que l’artiste en moi étouffait l’honnête homme? Foutre non. Il me fallait une meilleure raison que ça.

L’idée m’a traversé l’esprit qu’à vingt ans, ces considérations me seraient passées douze pieds par-dessus la tête : je n’aurais jamais songé sérieusement à peser mes mots et mes amis sur les plateaux d’une même balance, cela n’aurait rimé à rien, puisque les mots pesaient plus lourd, toujours, plus que l’humain et que l’honneur et que la vie, que la famille et que l’amour, que la santé, le bonheur et le reste de ces abstractions illusoires auxquelles un monde frileux accordait tant de prix. À vingt ans, oui, mais non plus aujourd’hui que j’approchais du double. Il me fallait une meilleure raison que ça. Deux fois meilleure au moins. Meilleure deux fois que l’ambition légitime de diffuser mon œuvre au mieux, de la servir, la planter dans une terre grasse et l’arroser en masse et lui donner du soleil. Cette raison miraculeuse, qui doublerait l’ancien modèle, cette formule améliorée capable d’englober, de contenir les dimensions inflationnaires de mon cas de conscience, cette métaraison, je me fis fort de la trouver sur le chemin du rendez-vous avec Éric, mais il faut croire que je marchai trop vite car il achevait déjà sa seconde lecture que rien ne me venait encore. Alors, pris d’un soudain mordant dégoût, comprenant que j’allais dépouiller mon ami CGDR en son absence et me déshonorer du même élan et mettre ça, ce geste froid de carriériste avide, sur le dos de l’idéal artistique, je rétrogradai sans ralentir, je crus sentir cramer le caoutchouc de mon cœur élastique, grincer la machine en surchauffe, mais rien n’y parut cependant que j’embrayais sur le sujet de la chanson, soit CGDR lui-même, et je brossai un tel portrait du personnage, tandis que Vigneau jouait fin seul au pool, qu’Éric en perdit tout intérêt pour les textes qu’il déposa sur la table voisine sans me quitter des yeux, réclamant d’en savoir davantage.

Quelques semaines plus tard, quand CGDR l’alla voir avec son CD maison et trois brouillons jetés au Bic sur des napkins, il fut reçu à bras brûlants. En quelques nuits blanchies d’alchimie chansonnière, ces deux improbables compères accouchèrent d’un hit brillant sous toutes ses faces de furieux feux, un engin calibré au rasoir, plein d’énergie féroce et d’images excitantes, et c’est déjà pas évident à faire tout seul, mais à deux ça devient carrément rarissime, et du premier coup ça ne se voit pour ainsi dire jamais. J’étais soufflé, admiratif, envieux, sur le cul, toutes valeurs confondues mais deux oreilles sous mon sommeil. CGDR, à ma demande mendiante, se renseigna discrètement sur le sort de mes textes et m’informa l’automne suivant, fort embarrassé, que Lapointe n’en retiendrait aucun. Trop poétiques. Pourquoi il m’a pas rappelé ? Trop occupé. Pourquoi j’ai pas su le toucher?

Trop débranché.

J’ai revu Éric hier, cette nuit en fait, ce sept mars 2005, au même bar susdit pas loin d’ici, en plein Plateau, rue Rachel, ça s’appelle le Tap Room pour ceux que ça intéresse. Paraît que des gens se font tatouer sa face dans le dos. C’était écrit dans le journal et il trouvait ça très drôle. Anyway, je lui ai fait faire une ligne, il s’est écrasé au pool, pour me remercier, j’imagine, ou parce que les chanteurs ont la vie molle. Il était un morceau de la ville, et moi un autre, et futé serait celui qui adjoindrait deux pièces du puzzle immense sans savoir à quoi c’est censé, ultimement, ressembler.

Dix ans moins dix-huit jours

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4.12.07

Mettre en contexte pour se mettre en train (3)

Ce retour aux affaires devrait s’appeler Vacuum III : Redux. Mais tout changer, adresse et modèles et liens, c’est vraiment trop compliqué. On attendra la version papier.

Je sais, je sais. Je n’ai rien ajouté au survol, depuis jeudi, et les plus enthousiastes soupirent aussi, se surprennent à douter… Et s’il n’avait cédé qu’à un vilain sursaut d’humeur, le Mistral? Un drogué, un soûlon, un sanguin, un rustre barbare, un pithécanthrope, un gougnafier et un fichu poseur par-dessus le marché : comment savoir avec ces bêtes-là, ces reliques d’un âge obscur où les landes au-delà de la clôture appartenaient aux loups, aux ogres, aux égorgeurs et aux escarpes, aux possédés qui savent leurs lettres et vont chassant les âmes simples avec de doux sons sur la bouche et le malin dans la prunelle, aux Gilles de Rais et aux Villon, peut-on jamais vraiment savoir? Et s’il n’avait aucune idée de là où il souhaitait aller?

S’il n’était plus que vent, désormais, dissipé avec l’ultime fumée du vin cuvé…

Et les faux culs, les pharisiens, les fourbes, se prennent à respirer plus librement pour absolument les mêmes raisons.

Sauf que non. On ne dort guère, en temps de guerre. C’est fortement déconseillé. Sun-Tzu n’en parle pas beaucoup, Von Clausewitz non plus, de ce qu’une armée d’un seul homme est supposée prioriser : stratégie, tactique, logistique, discipline et moral se disputent l’attention, l’énergie d’un seul esprit dans un seul corps, qui ne peut se reposer sans péril et qui, sans repos, perdra pourtant assurément.

Il va falloir prendre patience encore un peu. Rien de ceci n’aurait de sens si ma voix s’adressait au silence, à moins de consciences qu’il n’en faut pour atteindre la masse critique, le strict minimum de bonnes volontés qu’il faut pour avoir une chance de résister aux forces démesurées que je vais dénoncer, pour empêcher ce qui arrive d’aller plus loin, non par principe ni par orgueil mais pour sauver mon envie même de continuer à vivre et à écrire, deux mamelles d’une seule bête-mère. Je suis armé de mots, bien sûr, mais aussi d’une durable réputation de franchise et de dédain pour le faux, le conditionné, le politiquement rectangle, et mon dernier recours est de faire appel aux derniers de mes semblables encore libres, capables de penser par eux-mêmes et de se faire une opinion propre.

Ce blog est inactif depuis trois ans. Je visais en le rouvrant un retour minimal au taux de fréquentation antérieur, qu’il m’avait fallu un an pour atteindre, et je me donnais une semaine pour ce faire, à défaut de quoi je m’y mettrais quand même, car ceci ne peut attendre.

Or, en deux jours, ce chiffre a été atteint, doublé puis triplé. Triplé! Jamais eu autrefois, cependant, tant de visites singulières depuis la Franche-Comté, encore moins une telle affluence accourant de Colombie-Britannique, à croire que l’Alsama n’existe pas, que le pays s’est rabougri comme peau de chagrin ou un scrotum après le surf. À croire que des gens, là-bas, sont soudain saisis d’un grand désir de suivre le blog d’un écrivain Québécois. N’est-ce pas curieux?

Mon courriel initial aux gens de mon réseau, leur demandant de passer le mot (parents, amis, nerds, collègues, étudiants, journalistes influents, certaines catégories se recoupant), puis les blogueurs de notre tribu soufflant sur les étincelles, puis deux chroniqueurs web au lectorat immense, aux conseils respectés, tous deux rencontrés sur la Toile aux temps héroïques et devenus des chums pour moi et moi pour eux, ces deux-là faisant ronfler la fournaise au naphta, font qu’on va pouvoir s’y mettre sous peu.

À mon rythme, cette fois, et sur le champ que j’ai choisi, ainsi que je l’ai promis à l’inénarrable Stanley Péan la semaine dernière. Faudra d’abord finir mon bref survol, puis je passerai à Stanley, qui est un homme très occupé comme chacun sait et qu’il serait grossier de trop faire attendre (pas un instant de plus, je m’y engage, qu’il n’en faudra à mon conseiller pour finir d’étudier les éléments rassemblés et m’exposer mes options).

Ensuite, eh bien, je pourrai enfin entrer dans le vif du sujet et confronter une bonne fois le démon blond au cœur empoisonné de l’hydre : le moyen que je vois, c’est une douche écossaise, mais misère, ce sera délicat, sans doute le texte le plus difficile que j’aurai jamais eu à construire.