Romance du vin
«Ce poème de neuf quatrains a été écrit par un soir de mai 1899. C'est dans ce poème qu'il a investi sa rage et sa douleur d'être un poète incompris, ses sanglots de vivre. La société contribue à son malheur, à son rire sonore, à ses sanglots étouffés. C'est une réponse aux journalistes croque-morts, aux femmes qui rient de lui, aux hommes qui repoussent sa main. Jamais Nelligan n'avait-il crié aussi fort. Toutes les strophes du poème sont ponctuées d'exclamations. Dans un moment d'extrême isolement, la place revient au cri et à l'ironie. Rien de plus à propos que de jeter à la face de cette auguste assistance, la dure vérité qu'elle applaudit la poésie sans comprendre le poète.
C'est un diatribe adressée à la société, c'est un credo poétique. C'est l'inextricable ivresse d'être: affirmer son désir de vivre douloureusement et pleinement sa destinée d'artiste, dans l'effarante lucidité de son moi déréglé. Les énoncés et les images de ce poème convergent vers un état d'âme qui alterne les périodes d'excitation et de dépression. Il s'agit en effet, d'une alternance de gaieté et de tristesse, de gloire et d'échec, d'euphorie et d'apathie, de rire sonore et de sanglots... Ce fut le chant du cygne d'un homme meurtri, incompris et aigri.»
WYCZYNSKI, Paul, Biographie de Nelligan, 1987, p. 290.
Tout se mêle en un vif éclat de gaieté verte.
Ô le beau soir de mai. Tous les oiseaux en choeur,
Ainsi que les espoirs naguères à mon coeur,
Modulent leur prélude à ma croisée ouverte.
Ô le beau soir de mai, le joyeux soir de mai!
Un orgue au loin éclate en froides mélopées;
Et les rayons ainsi que de pourpres épées,
Percent le coeur du jour qui se meurt parfumé.
Je suis gai! je suis gai! Dans le cristal qui chante,
Verse, verse le vin! verse encore et toujours,
Que je puisse oublier la tristesse des jours,
Dans le dédain que j'ai de la foule méchante!
Je suis gai! je suis gai! Vive le vin et l'Art!...
J'ai le rêve de faire aussi des vers célèbres,
Des vers qui gémiront les musiques funèbres
Des vents d'automne au loin passant dans le brouillard.
C'est le règne du rire amer et de la rage
De se savoir poète et l'objet du mépris,
De se savoir un coeur et de n'être compris
Que par le clair de lune et les grands soirs d'orages!
Femmes! je bois à vous qui riez du chemin
Où l'Idéal m'appelle en ouvrant ses bras roses;
Je bois à vous surtout, hommes aux fronts moroses
Qui dédaignez ma vie et repoussez ma main!
Pendant que tout l'azur s'étoile dans la gloire,
Et qu'un hymne s'entonneau renouveau doré,
Sur le jour expirant je n'ai donc pas pleuré,
Moi qui marche à tâtons dans ma jeunesse noire!
Je suis gai! je suis gai! Vive le soir de mai!
Je suis follement gai, sans être pourtant ivre!...
Serait-ce que je suis enfin heureux de vivre;
Enfin mon coeur est-il guéri d'avoir aimé?
Les cloches ont chanté; le vent du soir odore...
Et pendant que le vin ruisselle à joyeux flots,
Je suis si gai, si gai, dans mon rire sonore,
Oh! si gai, que j'ai peur d'éclater en sanglots!
Merci à Big Butch (ne pas confondre ek Ti-Butch, son benjamin) pour l'idée.
6 commentaires:
ouin, ça m'arrive souvent d'être tellement ivre de gaititude, ré-merveillée que j'en braille un brin, en smilant, en faisant des tits hoquets.
merci pour ce cul sec là, pur plaisir Nelligan.
Tu es gaie, tu es gaie, t'as le spasme de vivre et j'en suis enchanté.
et la vodka amusée
et le café hurlant, bin soucré
et le ventre full soleil
et l,amour qui ne rentre plus. ouf. désenclavée. dé-exclavée, d'esesclavée.
louVe libre, ouiap, qui dans le tango in solo.
est bin contente la ma.damded.
et ... fuck, le steak peut bin brûler dans ' poéle.
miam. manque les patates.
s'lou.
m'en vas aux bois.
vider le puits.
smilz
J'adore ce poaime ! Récité par Robert Marien... vous l'avez entendu ! J'aimerais bien le trouver en clip !
Merci pour cette nostalgie
I drink to that.
Big Butch
"Je suis gai! je suis gai! Vive le vin et l'Art!...
J'ai le rêve de faire aussi des vers célèbres,
Des vers qui gémiront les musiques funèbres
Des vents d'automne au loin passant dans le brouillard."
C'est ben trop joli ! c'est pas croyable ! c'est criminel !
Même l'émule de Jaqueline de Romilly est ému.
(Sa voisine, frustrée sexuellement, je me suis laissé dire; et je ne m'empresserai pas de remédier à la situation, puisque, je trouve, elle a l'air méchante; et que je n'aime que les filles gentilles; doit aussi avoir eu un pincement à son coeur de pierre. Un pincement long et douloureux comme un cri au fond d'une caverne ;-).)
Giv'me'5 !
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