27.1.13

Celle-là est pour Plum'…

J'y dois bien ça, depuis son billet du 7 janvier.

J'attendais un adon. Son billet d'hier me l'a offert. Il y est question de toutes sortes d'affaires et d'énergumèneries, on y sent Diogène de Sinope puer incognito à travers son tonneauminium et on y entend Platon par échos anonymes (ces deux-là ne pouvaient vraiment ni s'entendre ni se sentir), et Plum' à travers le temps poursuit la noble quête. Ce volet-là, il l'intitule simplement: Mais qu’est-il donc advenu de la belle éloquence d’antan?

Bon, ben, je souligne d'emblée que je l'sais pas pantoute. Ceci étant, j'offre ce qui suit en appui à la noble quête d'Ole Plum'...


«Connais-toi toi-même»


    Me suis délesté les entrailles et gargarisé avec de l'eau saturée de sel. Ressentais des envies thymiques de grand soleil, jaune impérial japonais. Suis sorti faussement souple dans le sec froid blafard, accablé de solitude à la façon des ivrognes et des poètes et des adolescents, pour les trois minutes qui me séparaient du métro vibrant et chaud d'humanité floue. Ai croisé le voisin dans l'escalier, une espèce de général à la retraite qui sortait son bouledogue. Lui ai encore trouvé une tête à traiter son frère jumeau de fils de pute.
     Je marchais donc en m'interrogeant sur la nature de mes désirs, les motifs même de mon existence. Il me semblait entendre la voix chevrotante de Socrate me commander de me connaître moi-même...  
     Le berceau de notre civilisation n'est pas un petit (im)meuble; il est l'oeuvre expérimentale d'un fort contingent d'artisans méditérannéens. Moins qu'il n'en faudrait plus tard pour ériger les cathédrales de France, moins qu'il n'en défile au générique d'un film de Spielberg, peut-être même guère plus que le nombre total de passagers de troisième classe qu'on enferma à fond de cale pour leur interdire l'accès aux chaloupes tandis que le Titanic coulait comme un mouchard mafieux botté de béton, mais ça fait quand même pas mal de monde pour un seul berceau, qui de miniature devint très gros. 
     L'un de ces ouvriers fondamentaux, recteur-fondateur athénien du Gymnase, prof et philosophe, un jour qu'il ratiocinait dans sa vieille Grèce, s'avisa soudain que le semestre tirait à sa fin . 
     Or, le raffinement du système dont il avait eu l'olympienne intuition  quand une olive—tombée du martini de Zeus lors d'une orageuse chicane théogonique—lui avait atterri sur le crâne, le captivait tant et trop depuis lors qu'il négligeait honteusement ses autres devoirs, plus prosaïques, dont le moindre n'était pas de sodomiser chaque élève au moins une fois avant le terme de la propédeutique. 
     Conception antique de l'éducation, certes, mais n'oublions pas qu'à l'époque dont je parle, la plupart des antiquités étaient flambant neuves. 
     C'était comme ça et puis c'est tout: Athènes définissait le beau, le bon, le vrai, consacrant une portion inouïe de ses vastes ressources à sculpter le corps et l'esprit de sa jeunesse mâle, et la transmission des savoirs, la culture de citoyens mûrs, libres et souverains de la première république de l'Histoire à partir de boutures ignorantes et frivoles, ce passage initiatique immémorial, Athènes estimait qu'ils étaient fonction de l'étroitesse des liens affectifs entre le pupille et son tuteur. Il va sans dire que cela n'allait pas sans mal au début, surtout pour le pupille qui se dilatait. 
     Fatalement, les plus horribles rumeurs circulaient depuis des générations dans les cours d'écoles élémentaires où les morveux, entre deux parties de pelote troyenne, leurs toges rapiécées maculées de cette boue qui facilitait tant la glissade au troisième but, mettaient en commun les bribes de désinformation véhiculées par leurs grands frères. La nature et les aléas du resserrement des liens tuteur-pupille, quels qu'en soient les véritables tenants et aboutissants, n'atteignaient donc jamais la mesure d'inconfort que l'imagination épouvantée des écoliers appréhendait. Néanmoins, les légendes nées au temps d'Empédocle vinrent à s'enfler au-delà de la masse critique; dans un topo que les survivants du défunt cours classique ne sauraient manquer de reconnaître avec déplaisir (car l'éventail des pièges grammaticaux qu'il présente et le style ampoulé propre au boustrophédon en ont fait, depuis la fondation de la Sorbonne en 1257 jusqu'à nos jours, l'outil de supplice favori des professeurs de grec ancien souhaitant punir le cancre de sa paresse et châtier le fort en thème pour quelque épigramme trop salace), le syndicat des mentors fit valoir aux membres de l'Aréopage—qui siégeait encore sur la colline d'Arès, je le mentionne pour situer tant soit peu l'époque en la distinguant de la suivante, où les sages de la cité déménagèrent leurs pénates sous le Portique Royal, au nord-est de l'Agora—la difficulté d'aborder les théorèmes euclidiens ou même la poésie d'Épiménide de Crète tout en galopant aux trousses de galopins callypiges qui détalaient à la vue d'une barbe comme si les flammes de l'Hadès, rouges langues de Minos, leur léchaient le derrière. 
     Quant à créer des liens affectifs à resserrer, il ne pouvait en être question sans user au préalable de liens moins spirituels, de préférence en solides lanières de cuir de vache. 
     Sensibles à la gravité de la situation, les sages chambardèrent leur ordre du jour- au point de reporter aux calendes grecques l'étude et l'adoption d'un projet de loi omnibus fort populaire qui aplanirait moult aspérités d'un seul gracieux coup de varlope républicaine: 
1. Décret: le monde est un vaste palet d'argile entre les mains du divin discobole et son centre est Athènes. Les insidieux sophismes relatifs à une quelconque rotondité de la terre étant de nature à troubler l'ordre public, quiconque sera trouvé coupable de les répandre sera frappé d'ostracisme, expulsé de la cité et condamné à marcher droit devant lui jusqu'à l'extrémité du monde pour s'y précipiter dans le vide.
2. Interdiction faite à l'équipe sportive féminine Les Pelotes Thessaloniciennes de rompre le contrat les liant au colisée de cette ville pour déménager à Lesbos dans le cadre de la prochaine expansion de la Ligue Nationale de Pelote Troyenne.
3. Mesure de stimulation  de l'industrie du verre et de la porcelaine: Lors de tout événement, fête publique ou privée, célébration religieuse, mariage, annonce de naissance, héritage, commémoration, etc. où l'on danse le sirtaki, les convives seront tenus de casser coupes ou assiettes aux pieds des danseurs à raison moyenne d'un morceau par convive.
4. Articles confidentiels (Ré: Commission Démétrios-Diogène, constituée l'an dernier avec mandat de trouver un honnête homme dans le grand-Athènes) Dépôt imminent: le rapport conclut à l'échec et recommande a) que la cité fasse une pension à vie au Commissaire Diogène pour services rendus à la République; b) que la cité exproprie le tonneau du Commissaire Diogène sis dans l'angle sud-est du dépotoir de la République, adjacent au quartier des lépreux, avec indemnisation préférentielle, lequel domicile fera partie de l'exposition permanente du musée des anachorètes hellènes d'Athènes après avoir été plongé dans un bain de vinaigre bouillant pour une période minimale de douze jours; c) que la cité acquière deux tonneaux neufs de forte contenance, lesquels seront déposés sur une fondation coulée dans le périmètre du terrain public des abattoirs rituels (zonage philo-boucherie) et offerts au Commissaire Diogène à titre gracieux - donation conditionnelle à l'approbation du Comité de salubrité, les grands-prêtres ayant déjà témoigné devant la Commission à l'effet que l'odeur dégagée par le Commissaire Diogène ne nuirait pas de façon significative aux opérations régulières de l'abattoir, après une raisonnable période d'adaptation (le comité des ressources éducatives étudie la possibilité de centraliser tous les stages en boucherie effectués par les ermites novices en fin d'études philosophiques aux abattoirs rituels, ce qui réduirait assurément le taux d'absentéisme pour cause de nausées chroniques prévu par les autorités religieuses suite à la relocalisation du Commissaire Diogène, du fait que les écorcheurs 3e classe- tâche: ablation des oreilles, de la queue et de l'appareil génital, ce qui les prive du masque olfactif familier disponible plus loin sur la chaîne de sacrifice, alors que les senteurs salées du sang se mêlent au fort fumet musqué montant des excréments, couvrant les ascétiques effluves distillés par les pores pestilentiels des intellectuels  dont l'aire de besogne est à proximité de l'appartement du Commissaire Diogène- auront déjà l'expérience du parfum de la philosophie ); d) le monopole d'État de l'huile d'olive fournira le carburant à lampe au Commissaire Diogène pour la durée de son existence en contrepartie de son autorisation pour l'usage perpétuel de son image de marque (incluant lampe, tonneau, mouches et peau de bête), son visage et son nom sur les étiquettes de bouteilles d'huile d'olive, qui sera renommée "Pure huile d'olive athénienne extra-vierge pressée à froid du Commissaire Diogène", de même que la permission d'utiliser le slogan :"Je cherchais un honnête homme, j'ai trouvé une extra-vierge!"
     Les sages, donc, se penchèrent gravement sur la question et Diogène n'obtint jamais son nouvel appartement. 
     Leurs délibérations menaçaient de s'éterniser, verrouillées entre les tenants du classicisme et les réformistes chevelus qui se présentaient sur la colline vêtus de toges en étoffe de Nîmes. Bref, aucune solution à la frayeur des garçons ne se profilait à l'horizon; augures et aruspices, appelés en consultation, se plongeaient dans la lecture des entrailles de volaille et y perdaient leur latin. Quant à la pythie, elle prétendait que l'oracle ne lui retournait pas ses appels. 
     En désespoir de cause, on interrogea un sage de passage, originaire d'Adorectum et séjournant à Athènes dans le cadre d'un programme d'échange de sages, un certain Bacchus Adoralanus dont la méthode qui consistait à enseigner couché tandis que la classe restait debout faisait merveille à Rome (quoique l'on murmurât qu'à la vérité, il devait bien plutôt cette étrange innovation à l'initiative de ses épigones pour qui il était trop douloureux de s'asseoir-mais les gens murmurent toujours), et ce fut lui qui trouva la solution. Il suffit, dit-il, de remplacer la ration de lait de chèvre de vos élèves par une double mesure d'hydromel, et je veux bien qu'on lise les résultats du match dans mes tripes s'ils ne filent pas doux comme des agneaux (ici, un éclaircissement s'impose: le peuple à cette époque s'informait des nouvelles du sport par l'entremise des entrailles de rat, nombreux donc bon marché du fait que l'Égypte interdisait l'exportation des chats. Ce mass médium économique donnait tous les scores des rencontres de pelote avec une surprenante exactitude, sans s'embarrasser d'éditoriaux ou de politique étrangère, mais son principal inconvénient résidait dans le fait qu'il salissait les mains). Ce qui fut fait, et il faut croire que ça marcha, autrement la Grèce Antique ne serait pas le berceau de notre civilisation. 
     Tout ça pour dire que Socrate—car c'est bien de lui que je parlais tantôt, le prof et philosophe négligeant ses devoirs prosaïques— s'avisa en consultant la liste des inscrits qu'il en était à la lettre Pi. Sans enthousiasme, il s'en alla trouver le grand Platon qui, redoutant ce moment, faisait de son mieux pour se dissimuler sous son lit; peine perdue, bien entendu, car ses pieds dépassaient. On ne l'appelait pas le grand Platon pour rien. 
     Tandis que Socrate déroulait sa toge en le suppliant de sortir de là par égard pour son âge avancé, Platon, feignant l'ingénuité, lui demanda ce qu'il faisait. Le maître répliqua: "C'est pour mieux te connaître, mon enfant!", réponse qu'il faut naturellement interpréter au sens biblique. Sur ce, profitant de ce que le vieux se trouvait emberlificoté dans les verges de tissu, Platon tira sur le tapis, l'envoyant valser au plancher et, s'enfuyant par la fenêtre, cria par-dessus son épaule d'un ton moqueur: "Connais-toi toi-même!" (Oui, il s'agit bien de la sentence que les anglo-saxons traduisent par "Go fuck yourself"). C'était la première occurrence, mais bien sûr pas la dernière, d'une phrase attribuée à Socrate dont la paternité revient en fait à Platon.
     Et c'est ce à quoi je songeais en arrivant au métro. Peut-être n'est-ce pas une si bonne idée de se connaître soi-même. Il y a certains aspects de notre propre nature que l'on se porte d'autant mieux qu'on les ignore. 
     Chaque année, Thèbes comblait l'un de ses citoyens au-delà de tous ses voeux avant de l'expulser sans espoir de retour, et ainsi se purifiait. Or, quelque chose me soufflait que j'avais  la tête de l'emploi. Qui veut être l'entière souillure de Thèbes, son phallus gangrené? Pharmakon, après tout,  signifie à la fois remède et poison...

21.1.13

Mais où est Sabrina?


La police de Montréal demande la collaboration du public afin de retrouver une adolescente âgée de 15 ans qui a disparu samedi matin, dans le nord de Montréal, présumément après avoir tenu des propos suicidaires.
Sabrina Beaubien a quitté sa résidence du quartier Ahuntsic vers 10h30.
La jeune fille mesure 1,70 m, pèse 47,5 kg, a les cheveux bruns avec des mèches rouges et les yeux bruns. Au moment de sa disparition, Mlle Beaubien portait un manteau de couleur noire, un chandail gris et un pantalon noir.
Sabrina Beaubien s'exprime en français. Elle n'aurait aucune carte d'identité ou de paiement avec elle.




Bon. Êtes-vous contents, là? Est partie un samedi matin, ça fait 48 heures, elle a 15 ans, mais faut déjà qu'on capote. Les filles sont portées disparues au moment où elles quittent leur résidence, le surlendemain elles font l'objet d'une battue publique avec photo, nom et mensurations, trois jours de plus et elles sont en vedette sur les pintes de lait, malgré qu'elles soient revenues l'avant-veille.

Pendant ce temps, dix gars du même âge crissent le camp. On n'en entend jamais parler, sont jamais publiquement portés disparus, ils ont jamais présumément tenu des propos suicidaires, et personne ne se soucie qu'ils portent un manteau de couleur noire, un chandail gris et un pantalon noir. Ils sont pas perdus, juste égarés, on sait qu'on va les retrouver, d'ici deux ou trois ans, dans la rue, magannés, acculés, interpellés, arrêtés: quand la police sera intéressée.

Pour Plum: l'oulipomachine à faire chialer mémère

C'est quasiment du Ionesco, que ça génère!

Pour Danger pis Vieux G.



PAGE D'ÉCRITURE

Deux et deux quatre
quatre et quatre huit
huit et huit font seize…
Répétez ! dit le maître
Deux et deux quatre
quatre et quatre huit
huit et huit font seize.
Mais voilà l’oiseau-lyre
qui passe dans le ciel
l’enfant le voit l’enfant
l’entend l’enfant l’appelle :
Sauve-moi joue avec moi oiseau !
Alors l’oiseau descend
et joue avec l’enfant

Deux et deux quatre…
Répétez ! dit le maître
et l’enfant joue
l’oiseau joue avec lui…
Quatre et quatre huit
huit et huit font seize
et seize et seize qu’est-ce qu’ils font ?
Ils ne font rien seize et seize
et surtout pas trente-deux
de toute façon et ils s’en vont.

Et l’enfant a caché l’oiseau dans son pupitre
et tous les enfants entendent sa chanson
et tous les enfants entendent la musique
et huit et huit à leur tour s’en vont
et quatre et quatre et deux et deux
à leur tour fichent le camp
et un et un ne font ni une ni deux
un à un s’en vont également.
Et l’oiseau-lyre joue
et l’enfant chante
et le professeur crie :
Quand vous aurez fini de faire le pitre !
Mais tous les autres enfants écoutent la musique
et les murs de la classe s’écroulent tranquillement.
Et les vitres redeviennent sable
l’encre redevient eau
les pupitres redeviennent arbres
la craie redevient falaise
le porte-plume redevient oiseau.


Jack Prévert, in Paroles.

Son poème aux surdoués qui s'emmerdent à l'école.

Le Dada facile, sans sac et sans ciseaux, sans bon sens et sans besoin de copie consciencieuse au fur et à mesure qu'on sort les coupures.

C'est pas souvent que j'y fais des misères, à ma Blue. Dans un billet, je veux dire. Même que c'est la première fois. Cette histoire de Dada, de Tzara et de cut-ups, tous ingrédients hâtivement jetés dans la casserole pour improviser une sorte de soupe, ça m'a gossé du début. Blue a coutume de creuser soigneusement ses trouvailles et nous les faire découvrir ensuite. Sauf quand son enthousiasme chauffe à en péter la chaudière: là, la coutume prend congé.

J'ai jamais pu blairer Samy Rosenstock, il empestait déjà le fumiste à plein nez quand mon pif de seize ans, quoique jeune et au top olfactif mais néanmoins sans science ni expérience, le reniflait à soixante ans de distance. Quant au Dada, c'était pire qu'une vue de l'esprit, pire qu'une imposture artistique ordinaire en Europe, c'était l'invention d'une religion, sectaire et décérébrante, visant à fédérer les forces vives des jeunes créateurs contestataires internationaux sous le leadership de Tristan Tzara. Ça sentait pas bon, en fait ça puait fort. L'odeur du Livre de Mormon, l'odeur de Joseph Smith.

Anyway, pour en finir with that whole Dada bullshit, suivra le mien, de poème, et comment on s'y prend: le procédé dicté par Tristan est respecté sans triche, seuls les instruments sont modernisés, genre batteur électrique au lieu du pilon à patates.

Pour faire un poème dadaïste

Prenez un journal
Prenez des ciseaux
Choisissez dans ce journal un article  ayant la longueur que vous comptez donner à votre poème.
Découpez l'article
Découpez ensuite avec soin chacun des mots qui forment cet article et mettez-le dans un sac.
Agitez doucement
Sortez ensuite chaque coupure l'une après l'autre dans l'ordre où elles ont quitté le sac.
Copiez consciencieusement.
Le poème vous ressemblera.
Et vous voilà "un écrivain infiniment original et d'une sensibilité charmante, encore qu'incomprise du vulgaire"

Tristan Tzara, Manifeste sur l'amour faible et l'amour amer

+++

Mon article-source: Pub sociétale, blogue de Richard Martineau, journaldemontreal.com, 18 janvier 2013.

La SQ a décidé d’exposer la carcasse d’un véhicule accidenté au Salon de l’auto.

On peut pas avoir la paix, des fois? C’est quoi, la suite? Une affiche géante d’une femme qui s’est fait manger la face par ses chiens au Salon des animaux de compagnie? Le cadavre d’un noyé au Salon nautique? Des photos de gars saoûls qui se pissent dessus sur les bouteilles de vin?

Je comprends qu’on veuille nous sensibiliser, mais peut-on juste avoir du fun, des fois?

D'emblée, je réponds à ce que vous pensez: non, figurez-vous donc, j'ai pas choisi un texte de Martineau parce qu'en général il fournit du Dada déjà fait. Je l'ai choisi, celui-là, parce que pour une fois il me plaît: si surréaliste occurrence que j'y ai vu un signe.

Mon poème:


La décidé La l’auto. de au accidenté SQ d’exposer d’un Salon a carcasse véhicule
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Sensibiliser, mais comprends fun, des juste fois? du nous peut-on veuille Je avoir qu’on

+++

Le raccourci technologique, astheure: Il est là. Des heures et des heures de plaisir insignifiant, d'infinies créations stériles, du Dada produit en masse à peu de frais.

Monologue d'aïeule qui ferme jamais sa yeule (extrait)

Ton grand-père, il ne reviendra plus car si tu veux faire mieux, va falloir t'y mettre. Le bar était fermé alors il a fini dans la chambre !

Ton hamster, il n'aime pas quand tu t'en occupes un peu trop et il sera toujours le meilleur, contrairement à toi ! Et la pauvre Janine, tu sais qu'elle est partie dans les toilettes !

Ton ordinateur, il s'est marié lui en tout cas, il sera toujours le meilleur, contrairement à toi ! Et la pauvre Janine, tu sais qu'elle est partie en regardant Star Academy !

Ton frère, il s'est marié lui en tout cas, c'est comme ça qu'il a réussi lui ! Il en avait tellement marre de Denise qu'il est parti au bistro du coin !

Ton chat, il n'aime pas quand tu t'en occupes un peu trop et je ne vois pas comment tu pourrais faire mieux. Et Jano, il a fini la soirée au bistro du coin !

Ton grand-père, il s'est marié lui en tout cas, il travaille lui contrairement à certains... Il en pouvait tellement plus d'entendre Denise qu'il a fini en regardant Star Academy !

Ton hamster, il a pris un bateau histoire de prendre le large car si tu veux faire mieux, va falloir t'y mettre. Et la pauvre Janine, tu sais qu'elle est partie dans la chambre !

Ton petit frère, il ne fait jamais rien car je ne vois pas comment tu pourrais faire mieux. Et pépé, il a bu comme un trou et il a fini la soirée dans les toilettes !

Ton écureil, il ne reviendra plus car c'est vraiment trop horrible pour mes oreilles. Il en pouvait tellement plus d'entendre Denise qu'il a fini dans les toilettes !

Ton écureil, il n'aime pas quand tu t'en occupes un peu trop et c'est un bon moyen de gagner sa vie, non ?! Et la pauvre Janine, tu sais qu'elle est partie dans les toilettes !

10.11.12

Ho-no-ra-bes!

Lonorabe juge Jacques, lonorabe avocat RoyMartel, lonorabe enfant de chienne Morasse ont pitché toutes les roches possibles sur le très honorable Gabriel Nadeau-Dubois.

On verra ben, on verra ben. Tas de verrats. Tas de chiens.

Mère de la Croix d'argent

Va chier!

Viens pas brailler à la tévé la veille du 11 novembre! T'as laissé ton fils aller se faire tuer outre-mer for nothing, pis t'acceptes une médaille, pis son père est où? Il a pas de peine, son père? Elle est où, sa médaille, au père?

T'as vu ça, aux nouvelles?

L'hostie de vieux crisse de pourri de boomer de péquiste à marde, préconisant de s'en prendre à Québec Solidaire aux prochaines élections? Des ennemis, qu'il dit? Vieille charogne obsessionnelle. Puante ordure après moi le déluge. Ce sera un tel soulagement de vous jeter dans la fosse publique. On vous couvrira de chaux que vous ne méritez pas.

Em Circius: à quoi ressemble-t-il?

Il ressemble à Rip Torn. OK?

Il arrachera la trachée de quiconque me veut du mal.

Il est un poète et un vaste cochon alcoolique.

Il est l'ami total.

L'ignoble morue: son vrai visage


Elle retarde la cause des femmes en politique de plusieurs années. Première première ministre? OK, tu l'as. Astheure peut-on songer à du calibre? Combien de femmes comme Françoise David sont-elles disponibles?

C'est du joli, ce gouvernement. Ce Maka Kotto à la Culture. Ce LBB de vingt ans avec un diplôme de Cégep comme député. Ce free for all de déclarations et d'annonces aussitôt rétractées. Cette bonne femme insignifiante.

6.11.12

Circius en quatre temps

Emmanuel Circius est de passage en ville. Il voulait m'interviewer, comme c'est notre coutume depuis vingt-cinq ans, vu qu'il est le seul à connaître les bonnes questions ainsi que les réponses à l'avance. Mais cette fois je lui ai demandé d'inverser le processus en renversant les rôles: il se passe ici des choses graves et j'ai voulu interroger sa lucidité sans peur et sans attaches à propos de quatre d'entre elles: Gérald Tremblay, Léo Bureau-Blouin, Gabriel Nadeau-Dubois, Joe Di Maulo.

OK, dit-il. Parce que c'est toi. Mais dans quel ordre?

Je comprends ce qu'il veut dire. Quatre sujets, tous reliés, tous importants, mais tous devant être traités équitablement. C'est à dire en tirant au hasard l'ordre de leur traitement.

Quatre, réponds-je. Coeur Carreau Pique Trèfle, disons?

Yup! convient-il. Et il va droit là où je conserve mon vieux jeu de cartes, que je n'ai pas sorti depuis dix ans, la dernière fois c'était avec lui qu'il avait servi, j'avais oublié que j'en possédais un.

On sort les quatre as. J'inscris les quatre noms sur une feuille et j'attribue sa couleur à chacun.

On mélange les as, on les aligne incognito sur le bureau entre nous deux.

Je sors un huard de ma poche: on tire à pile ou face pour savoir qui choisira la première carte.

Circius et moi ne jouons pas à pile ou face comme la plupart des gens. Celui des deux qui a misé sur le côté qui se révèle effectivement, celui-là gagne le privilège de ne pas se salir en premier dans les eaux du hasard.

Étant donné que nous jouons ainsi depuis quarante ans, il va sans dire que nous n'avons nul besoin de choisir pile ou face à chaque fois: il joue pile, je joue face, on lance la pièce et alea jacta est.

Le huard tombe face. Selon notre code, ça signifie qu'il est désigné pour choisir la première carte.

La seconde sera ma responsabilité, la troisième la sienne: la quatrième ne sera plus l'objet d'un choix.

Coeur sera Di Maulo. Carreau sera Tremblay. Pique sera Bureau-Blouin. Trèfle sera Nadeau-Dubois.

L'exercice ne sera pas entièrement objectif, puisque j'ai choisi les quatre sujets: ils ne sont pas sortis d'un tirage effectué au moyen d'un ordinateur.

Mais l'exercice, justement, sera aussi honnête qu'un dialogue humain, donc subjectif, peut s'efforcer de l'être.



Circius pose son majeur droit sur l'une des quatre cartes. Je la retourne.


7.10.12

Mêmes animaux

Moran lancera son prochain album, intitulé Sans abri, mardi prochain.

Comme les précédents, il comprend une pièce de mon cru écrite spécialement pour lui: Mêmes animaux. La voici.





Mêmes animaux
Christian Mistral


Ce que je voudrai t’enseigner,
Ce n’est pas tant ce que je sais
Que ce que je sens nécessaire
Pour que la vie soit un repas,
Un banquet riche, un festin gras
Depuis l’entrée jusqu’au dessert…

Je t’apprendrai le goût des mots,
Celui qu’ils auront eu pour moi
Sur les papilles de mon cerveau,
Toutes les saveurs de l’émoi ;
Toi la prunelle de mes yeux,
Petite fille ensemble allons
Là où la voix a feu et lieu,
Là où les sons sont des ballons.
T’apprendre le goût de ta langue
Parce que c’est la mienne aussi,
Voilà ce dont j’aurai envie
Avant qu’elle ne soit exsangue ;
Les appétits de la parole
Seront ton plus bel héritage :
Je les ai reçus en partage
Et tu sauras cette faim folle…

Je n’aurai pas beaucoup d’argent
À te laisser en trépassant
Mais tu garderas mes repères,
Les verbes et les vers de ton père.

Je te conterai des histoires,
Des vraies, des fausses, d’autres aussi,
Quand tu auras peur dans le noir,
Et de la nuit, et de la vie.
Je te dirai le goût des mots,
Celui qu’ils ont eu dans ma bouche,
Pour que tu saches quelle est ta souche,
Toi et moi : mêmes animaux !

12.9.12

La chefferie du parti libéral du Québec

Danger: Raymond Bachand teste ses appuis. Qu'un leader aussi charismatique, au magnétisme sexuel aussi agissant sur les foules, avec une telle maestria de l'imagination populaire, qu'un homme de cette trempe songe au pouvoir fait déjà trembler tous ses éventuels adversaires et me fait chier dans mes culottes.


Les sondages à l'interne le donnent déjà gagnant, à condition que la jambe de bois de Lucien Bouchard ne se présente pas.


6.9.12

Johnny Bee: les mots

Il est bien des choses. Entre autres, un grand écrivain.

Les mots
Jean Barbe


Bien sûr, leur chambre est un bordel sans nom et souvent ils préfèrent l’usage de leurs doigts à celui de la fourchette. Bien sûr, il faut leur rappeler matin et soir de se brosser les dents, et s’il n’en tenait qu’à eux, ils se conteraient la plupart du temps d’une diète composée exclusivement de chips au vinaigre, de bonbons et de crème glacée pour les temps chauds.
Mais ils s’intéressent à des choses qui ne sont pas de leur âge et, hier soir, mon fils m’a demandé de choisir pour eux des films d’Alfred Hitchcock, qu’il ne connaît pas encore, mais dont il sait qu’il est un grand du passé. Et Kubrick aussi. Il voudrait voir The Shinning.
– C’est d’après un livre de Stephen King, non ? – Oui. – Comme La ligne verte ? C’était tellement bon, La ligne verte.
C’est l’aîné. Il aura 13 ans dans deux semaines et déjà il m’arrive aux sourcils.
Bien sûr, il se chicane avec sa soeur, et parfois ça dégénère. Sans doute ont-ils appris un peu tôt l’art du sarcasme et de la dérision. Ils savent mettre les mots dans la plaie, frapper juste et sec, au défaut de l’armure, dans le noeud fragile des contradictions de l’autre. Ils font mal, les mots, quand ils sont affûtés, choisis pour blesser.
Mais ils savent aussi bercer, soigner, panser, soulager, les mots, quand ils se font doux et caressants avec la même précision. Et mes enfants se blessent parfois et s’entendent pourtant à merveille, et s’aident et s’aiment et savent aussi se le dire.
Et ils le disent non pas avec des mots que je leur ai mis en bouche, mais avec des mots qu’ils ont lus et compris.
Les mots de leurs lectures.

Le désennui
Ils n’étaient que de petites choses maladroites, bondissant partout sur leurs jambes boudinées, que déjà je leur disais :
– Je n’ai pas été mis sur terre pour vous désennuyer !
Ils étaient à l’âge où, en garderie, on ne leur laissait pas un instant de répit ; toute la journée planifiée, des activités aux demi- heures, pas question de les laisser trop longtemps contempler le ciel pour trouver des formes aux nuages. Alors, pendant les week- ends et les vacances, je m’efforçais de les désintoxiquer de ces horaires trop chargés qui deviennent comme une fuite en avant.
Je suis à cet égard décidément d’un autre temps. Ou d’une autre culture. Oh, mes enfants ont des activités, oui, cours de batterie, de natations, de nage synchronisée, de tennis. Mais jamais plus d’un à la fois, et, Bon Dieu, pas tous les jours, pas tout le temps !
Alors, forcément, parfois, ils ne savaient que faire, avec moi, en vacances, en week-end, à la campagne.
– Je n’ai pas été mis sur terre pour vous désennuyer !
Et je leur montrais les livres qui tapissent chez moi les murs et qui s’empilent en désordre un peu partout, et les livres qui me suivent toujours comme une meute fidèle. Et je leur racontais ce que m’avait dit, voilà près de quarante ans, une bibliothécaire émue en me tendant ma toute première carte d’abonné :
– Ceux qui aiment lire ne s’ennuient jamais.
Peut-être que ça n’a rien à voir avec ça. Peut-être que ça n’a rien à voir avec cette bibliothécaire, ni avec moi. Mais mes enfants lisent, beaucoup, d’abondance. Peut-être que ça n’a rien à voir. Mais le fait est que j’ai voulu qu’ils s’ennuient, parfois, afin qu’ils puissent apprendre à écouter le silence, le murmure de leurs pensées. Et dans l’espoir que, un jour, ils tendent la main vers un livre, pour ne plus le lâcher.

Penser, panser
Au cours d’une discussion, voilà quelques semaines, mon fils s’est soudain arrêté de parler. Nous attendions, ma fille et moi, en le regardant.
– Attendez un peu, je réfléchis à ce que je pense, a-t-il dit en guise d’excuse.
Nous avons éclaté de rire, sur le coup. Depuis, cette petite phrase ne cesse de m’impressionner.
Et voilà que nous pouvons partager les mêmes lectures, mes enfants et moi. J’ai lu les Hunger Games que ma fille a dévorés en quelques jours, et je viens tout juste de terminer le premier tome du Trône de fer dont mon fils a lu les 800 pages en deux semaines de vacances pourtant agrémentées de nombreuses expéditions et jeux et baignades…
Ce ne sont pas des livres simples même s’ils sont divertissants. Le trône de fer, surtout, qui est également une somptueuse série télé (Game of Thrones). S’y révèle toute la méchanceté humaine, sa cruauté, sa soif de pouvoir, sa complexité.
On y lit que les héros peuvent mourir avant la fin du premier livre et que les plus méchants savent survivre en se rendant indispensables. On y comprend qu’il n’y a pas de justice absolue, et que le chaos règne si on n’y prend garde. On y apprend que les convictions ne sont rien sans les actions qui les incarnent, mais que nos convictions peuvent se heurter à celles des autres, tout aussi légitimes.
Ce n’est pas un livre pour enfant. Justement.
Peut-être que ça n’a rien à voir avec moi. Peut-être.
Mais cette petite phrase, comme j’aimerais l’entendre plus souvent, à la télé, à la radio. Comme j’aimerais la lire plus souvent dans les journaux, sur le net.
Une toute petite phrase, qui nous permettrait peut-être d’échapper à la fuite en avant, à la bêtise de la simple réaction aux événements. Une toute petite phrase qui nous permettrait peut--être d’échapper à cette course folle, les deux mains sur le volant, qui ne conduit qu’à la désolation. Une toute petite phrase pour panser le monde et peut-être le guérir.
«Je réfléchis à ce que je pense.» La phrase de mon fils, qui a trouvé, dans les livres, les mots pour la dire.