Les courriels de Noël commencent d'arriver. Un peu tôt, dira-t-on, mais il s'agit probablement d'une survivance de l'ancien réflexe, quand il fallait poster ses cartes de voeux le vingt au plus tard, sous peine de rater le coche (du postillon).
L'initial vient de ce précieux, ancien (mais pas vieux!) ami, Jean-Paul Daoust. Chaque année que le Christ renaissant ramène, où que je me ramasse, les souhaits festifs de JP sont toujours les premiers à me trouver et à me faire un petit velours.
Du même souffle, il m'annonce la publication d'un mien texte dans le numéro d'Estuaire de février, et qu'il quitte la direction de la revue. «T'expliquerai ça plus tard», ajoute-t-il, et cela me suffit, et si même il n'en trouvait jamais le temps où l'inclination, je ne m'en formaliserais aucunement, ce qui est bien peu dans ma nature. C'est qu'à une époque, Jean-Paul Daoust fut l'un des rares à ne pas réviser sa conception de moi selon ce que publiaient les gazettes, et cela, je ne saurais l'oublier. En fait, j'ai coutume de dire que si plus de straights étaient des hommes de sa trempe, on serait moins encombré de moumounes ici-bas. C'est beaucoup à son contact que j'ai compris, jeune homme, la différence entre un homosexuel et un fif. À son contact et à celui, contrasté, de tous les fifs, les lâches, les moumounes, les guenilles invertébrées que j'ai connus et qui ne couchaient pourtant qu'avec des filles.
Une fois, il y a longtemps, le chum de Jean-Paul m'a un peu cassé la gueule. Pour autant que je m'en souvienne, je l'avais amplement cherché. Joyeux Noël à toi aussi, preux chevalier.
Trent Lott, leader Républicain de la majorité au Sénat états-unien, après avoir louangé le programme politique pro-lynchage du centenaire Strom Thurmond (mis de l'avant lors des présidentielles de 1948), s'est excusé à cinq reprises en autant de jours, chaque fois de façon plus abjecte, chaque jour se tordant un peu plus les poignets et déchirant son manteau davantage (quand on profère de telles énormités anachroniques, de celles qui coûtent une carrière, ne vaut-il pas mieux au moins y croire assez pour n'en pas demander pardon?), ce qui ne l'a pas empêché de se faire virer comme une ordure, et j'y veux voir le présage de la fin de ces affligeants, hypocrites et larmoyants actes de contrition publics que les Puritains affectionnent presque autant que les marxistes-léninistes et qui remontent des boues australes comme une infection aérosol vers nos latitudes.
It's the virility, stupid! Le leader de la majorité avait des couilles en beurre manié, le prochain sera plus doux encore, plus avenant, plus diplomate, et l'Irak va se ramasser une méchante purée de poudre et d'acier dans la gueule et j'enrage d'être complice de ce carnage.
Éric accepté à l'école de botanique. Parcourt la ville depuis trois jours en une campagne effrénée de levée de fonds pour acquitter les droits d'admission aujourd'hui. Pas pu faire grand chose pour lui.
Visite nocturne de Larry Lorca, après son quart de dynamitage dans le tunnel du futur métro de Laval. Avons discuté entre trentenaires introspectifs jusqu'à l'aube.
Trouvé le moyen de payer le loyer à vingt-quatre heures du deadline. La Régie, ce sera pour la prochaine fois!
Je n'aime pas trop allumer la tévé pour m'y faire tutoyer par Justin Trudeau. Je suis assez vieux pour me rappeler sa naissance, et certainement trop pour m'enrôler dans Katimavik (visiter le Canada? Retourner aux études? Trouver un emploi?).
Je suis pour l'avortement. L'avortement de la réalité. Comme dans les scènes oniriques des pièces de Billy Shakespeare.
Beaucoup d'émoi à Québec depuis le démantèlement d'un réseau de prostitution juvénile (des petites fougueuses, selon le lapsus de l'Alexandre Dumas de Radio-Canada, de 15 à 17 ans). L'un des accusés est animateur de radio et on n'a jamais tant entendu parler de présomption d'innocence sur les ondes d'État. J'ai compris depuis longtemps qu'on est présumé innocent jusqu'à ce qu'on passe à la tévé. Hier, les flics parlaient d'actes «qui dépassent toute imagination» (la leur) et de «preuve en béton». Résultat, les commanditaires, de bons bourgeois qui ne songeraient jamais à défier sexuellement leur propre imagination, désertent en masse l'émission de l'accusé. Ameublements Tanguay ne mange pas de ce pain-là!
Évidemment, Kevin ne supporte pas la période de Noël.
Quand on est coupé de la femme qu'on aime, les pubs télévisées de supermarchés santaclausiques ont tendance à porter sur les nerfs. S'il n'en tenait qu'à lui (s'il en avait les moyens financiers et physiques), vous le verriez se transformer en Rip Van Winkle d'ici au début de janvier.
Reçu de Hans une invitation à célébrer la Saint-Sylvestre, Kevin et moi, chez son ex-femme, la mère de ses enfants, anyway tout cela est fort moult compliqué, mais j'ai dit oui évidemment, on y sera comme un seul homme, comme l'an dernier et l'an prochain, et je parie que Marlène viendra malgré ses protestations du contraire, en tous cas je connais un fauve qui n'aurait rien contre.
Suis monté rembourser 10$ à Steve. Grand-père prétendait toujours qu'on est riche quand on ne doit rien, mais ça m'a constamment semblé une doctrine plus aisée à appliquer quand on en a les moyens.
Encaissé un chèque de la SODRAC au montant de 82,38$. Espère que Luce Dufault n'a pas trop de mal à payer son loyer.
Larry King à Donald Rumsfeld: «À propos de ce bouclier anti-missiles prohibitif dont tout le monde dit qu'il ne fonctionne pas: croyez-vous qu'il soit logique d'espérer la fin d'une guerre contre le terrorisme dans un avenir prévisible alors qu'il naît probablement un terroriste en cet instant même?»
Rumsfeld: «Écoutez, on construit des postes de police et des stations de pompiers; est-ce dans l'espoir réaliste de vaincre le crime et de triompher du feu?»
Ce salaud-là souriait. Avant, il dirigeait une compagnie pharmaceutique. «Hey, there's always a high percentage of failure at first!»
Quand mon fils est né, j'ai souhaité que le monde ne l'envoie pas se faire tuer lorsqu'il aurait vingt ans. Maintenant qu'il a vingt ans et que le monde n'a plus besoin de lui pour se faire tuer, je ne songe qu'à protéger Junior de son Grand Frère.
Kevin a déboulé vers minuit, noir comme une pelle à feu, cherchant sommeil et réparation qui tous deux se sont obstinés à le fuir. À l'aube, le vilain matou de gouttière s'en est allé comme une panthère en quête de népenthès.
Monsieur mon fils s'est finalement manifesté, après que j'aie réclamé sa présence lors du 91e anniversaire de son arrière-grand-mère. «Merci du message, Père.»
Parfois on fait une fin, parfois on fait un début.
Tandis que Blackburn remplissait le formulaire d'achat, je me suis penché vers lui et j'ai marmonné: «Autrement?»
Sous-entendu: «Comment ça va?» Sauf qu'il a compris: «Et ton roman?»
«Je l'ai crissé aux vidanges!» a-t-il répondu en s'esclaffant à la question que je n'avais pas posée. Ce livre, il y travaillait depuis des années. Je ne savais que dire, j'étais triste et il riait, jaune. J'ai dit: «Si tu fais vite, peut-être que les vidangeurs ne sont pas encore passés...»
Il a cessé net de rigoler. «Ça fait longtemps qu'ils sont passés», a-t-il dit, rembruni, avant de changer de sujet en demandant des nouvelles de Kevin. A bien fallu que je lui dise qu'il lâchait ses études pour se mettre au roman...
Les administrateurs du building ont pris l'injonction de Hans de me foutre la paix au pied de la lettre et le pauvre homme doit maintenant recevoir les appels du concierge qui réclame son loyer.
C'est à la bibliothèque, dans ce silence synthétique consensuel, que je réalise à quel point je tousse, et combien sec, et combien creux.
Suis descendu chez XYZ pour téléphoner tranquille à Fido, où un préposé à la clientèle m'a assuré que selon son ordinateur, mon cellulaire fonctionnait à merveille.
Passé voir Blackburn, liquider quelques bouquins. M'offrait vingt-deux. J'en voulais vingt-quatre et on s'est entendu sur vingt-trois. «Tout ce qui excède vingt, ai-je expliqué, c'est ce que je mange!»
Il riait encore quand je suis sorti.
Annie dresse des listes comminatoires de choses à faire, me diffame à tour de bras et me cocufie avec ses amants imaginaires.
Ma liste à moi, celle qui gouverne ma semaine, se lit comme suit:
-Amende (payer 50$ au gouvernement);
-AT&T 27(appeler ces chiens corporatifs qui me facturent un téléphone inactif);
-SOCAN (vérifier les comptes: le débit gonfle comme le groin d'une truie en rut);
-Pièce CAT (récupérer manuscrit prêté à Catherine);
-F&F (Fange & Furie: K le photocopie et je l'achemine à Laverdure);
-Pile (en acheter une, AA, pour l'horloge murale qui retarde);
-Mémoire (de Maîtrise: redemander à Kevin de me le dégoter);
-Show (prendre une douche);
-SODRAC (Where the fucking shit is my check?!);
-Humeurs (intégrer ce texte à la trame d'Origines?);
-Biblio (renouveler emprunt de bouquin d'ici le 19);
-Inukshuk (intégrer notion à Origines: «Pour montrer que nous sommes passés ici!»)
Si ce qui précède était un film recensé par TV Hebdo, on pourrait lire ensuite: Étude de caractères intéressante et amusante. Ton de douce cruauté. Certains passages très réussis. Interprétation un peu forcée.
Peu de gens savent que mon grand-père paternel est un joueur de haute volée, ce que la mafia appelle méchamment un degenerate gambler et que j'appelle illusoirement un descendant des princes de steamboats remontant le Mississippi.
Grand-père sera fort fâché de la fermeture annoncée de trois hippodromes québécois sur quatre.
L'avantage d'une rage de dents perpétuelle, c'est qu'un sac de biscuits aux brisures de chocolat dure sacrément plus longtemps.
Les producteurs ne renouvelleront pas l'option sur Vago. Suis dans la mouise jusqu'aux narines.
Vendredi, Mario puis Justine ont débarqué les bras chargés, comme le père Noël et sa gonzesse qui seraient divorcés.
Mario a livré l'étiquette de bagosse. Juste à temps: il restait deux bouteilles de lie.
Eu connaissance de l'existence d'un mémoire de 122 pages récemment déposé à l'Université de Montréal par Maude Laparé: L'inscription du littéraire dans Vamp de Christian Mistral et La Rage de Louis Hamelin. Chargé Kevin de mettre la main dessus. Apprendrai peut-être quelque chose.
Le silence de mon enfant me tourmente, cela ne va pas nécessairement sans dire. Des tas de choses ne vont pas sans dire, quand on y pense; surtout les nécessités. Donc, le silence de ce petit salaud me blesse et je n'ai pas le caractère qu'il faudrait pour le dissimuler. Pas la force de faire semblant que je m'en fous, ce qui l'inciterait à changer de tactique au cas où. Il me manque et tant pis si ça lui fait plaisir.
Cela dit, m'est avis qu'il requiert un respect à sens unique que je suis bien incapable de lui donner. Je n'ai jamais donné de respect à personne. Petit, ma mère exigeait le respect et je refusais de le lui accorder, comme ça, à l'oeil. A fallu qu'elle le gagne, et aujourd'hui je serais bien en peine de nommer quelqu'un ici-bas que je respecte plus que ma mère. Alors, hein, moi qui ne pouvais même pas respecter ma propre mère gratis, je le ferais pour mon fils?
Au jeune poète qui m'écrit: Nous marchons ensemble quelque part le long d'un caniveau, avec des ailes qui nous font faire des bonds d'extase: Si nous marchons ensemble le long d'un caniveau (dedans, c'est toujours le long de), il ne saurait s'agir du même. Ainsi, je porte l'ancien anneau d'un citoyen romain, le même que ce citoyen portait, pourtant ce n'était pas l'ancien anneau d'un citoyen romain pour ce citoyen romain, c'était juste son anneau. Les caniveaux, c'est pareil. Quand on en part pour s'élancer, c'est un caniveau. Quand on y retombe après avoir léché les étoiles, c'est un autre caniveau. Même si c'est le même caniveau.