12.2.08

Chronique pilote (1)

Il a été, l'automne dernier, vaguement question que je remplace tel choniqueur dans tel hebdo montréalais. J'avais produit une couple de prototypes pour aider les décideurs à se faire une idée de ce à quoi ça ressemblerait. La décision tarde à m'être communiquée, et j'écris pas pour les tiroirs, faque voici le premier de ces échantillons.

Chronique pilote
Christian MISTRAL
2 novembre 2007

Une de deux : L’alinéa

A/S : Sylvain PREVATE
Cc : Maxime CATELLIER
Caractères (espaces compris) : 4 146

Objet : Ce que serait ma première chronique si j’avais dû la torcher ce soir. Te donner, Sylvain, matière tangible à te faire une idée.




Ma première chronique, j’avais dans l’idée qu’elle porte sur la disparition de l’alinéa, mais ça devra attendre, pour un tas de bonnes raisons et d’autres aussi. Par exemple? Par exemple, je n’en sais pas encore assez sur la question, à part que j’ai appris à écrire avec et qu’on ne m’a prévenu de son obsolescence (qui est un peu la mienne) qu’après-coup. En plus, c’est une assistante de direction qui m’a mis au parfum, m’enseignant du même coup qu’il n’y a plus, non plus, de secrétaires. Alinéa, secrétaire, même évaporation soudaine. Mais bon, a linea signifie s’écarter de la ligne, et s’écarter de la ligne, ce n’est plus cool du tout. Pour ce qui est de la secrétaire, je voyais bien qu'elle existait toujours, puisque je couchais avec : elle avait seulement changé de nom. Mais l’alinéa, basta! Effacé d’abord de la correspondance commerciale, il s’est naturellement estompé des effets épistolaires électroniques privés (certains disent même e-mails, courriels ou autres barbarismes exotiques). Les journaux l’évacuent aussi à toute voile et subtils coups de pied en poupe. L’alinéa, pour autant que je puisse en juger, se réfugie chez les éditeurs de littérature adoubés, ceux-là mêmes qui sont tant occupés à mourir. Busy, busy… Moi, je voudrais en parler à Foglia avant de me faire une idée, parce qu’il écrit mieux que personne, bien entendu (quoiqu’il serait plus juste de dire que personne n’écrit mieux que lui) mais aussi parce qu’il a été typographe, qu’il a vu tout un corps de métier soufflé de la surface de notre époque en quelques années à peine, comme les maréchaux-ferrants au tournant du vingtième siècle, et qu’il doit pouvoir nourrir ma réflexion sur l’alinéa. L’ennui, c’est que j’ai peur de parler à Foglia. Pourquoi fucker le chien quand tout va bien? On ne s’est jamais parlé, jamais achalé, et c’est pas l’alinéa, condamné anyway, qui va me faire rompre un pacte tacite de non-intersection aussi durable et aussi fécond. Pourquoi fécond? Pasque c’est le contraire de stérile.

Ceci, c’est comme qui dirait une chronique-pilote. Comme le pilote d’une émission de tévé. C’est destiné à donner une idée du produit à celui qui est susceptible de l’acheter. Ce n’est à peu près jamais diffusé. Ça sert aussi à faire des ajustements de dernière minute, du fine tuning. On ne m’a pas demandé de l’écrire, et ça m’aurait insulté qu’on le fasse, après douze livres, you know, mais si Brando a pu auditionner pour le rôle du Parrain et se bourrer les gencives de coton hydrophile, je me dis que je ne suis pas au-dessus de fournir gracieusement un aperçu du genre de réflexions que j’envisagerais de partager dans ce journal.

Je l’ai dit à trois personnes, qu’il n’était pas impossible que je m’efforce de boucher le trou laissé ici par l’Avard. Aux deux premières, j’ai dû préciser qu’il ne s’agissait pas de celui de Molière, mais de l’autre, celui de Gratton. La troisième m’a accusé d’appartenir à la mafia maskoutaine. En effet, Avard et moi sommes issus tous deux des entrailles triomphantes du Séminaire de Saint-Hyacinthe, qui a prospéré cent-cinquante ans à travers incendies, corruption, consanguinité de sa clientèle héréditaire, réputation surfaite et vocation vacillante, prospéré donc et attendu qu’Avard et moi et tous les types de notre temps passent par là pour disparaître.

Je sais, c’est une longue phrase, un peu lourde, un peu compliquée, mais elle est correcte, so live with it. Stop whining. People whine all the time. On lit un journal gratis dans un pays qui ne nous oblige ni à lire ni à ne pas lire et on trouve le moyen de chialer comme des cochons de lait intolérants au lactose. Trop longues, les phrases? Too damn bad. À l’Échange, y a une pile de Martine à la plage. En solde.

Vous autres, les autres, ceux qui n’ont pas frémi de chienne en parcourant ce qui précède, je suis sacrément content d’entamer ce continuum textuel avec vous. Je n’aimerais pas parler tout seul. J’en verserais des larmes d’instruction passive, d’un méchant coloris, ce serait pas joli, ce serait, je sais pas, genre épave et violet d’automne drogué, tirant moitié sur le full brun, moitié sur le full planche, comme?

11 commentaires:

Danger Ranger a dit...

Hahaha!
Évidemment, ce texte a paru trop trop agressif pour le nid douillet qu'est ICI.

Mistral a dit...

Tu penses? C'est doux comme tout!

J'aime bien les gens d'ICI, moi. La plupart. J'aurais pas de problème éthique à travailler là.

Gomeux a dit...

Je vois qu'une ou deux explication:
-Phrases trop longues
oubedon
-Ils attendent la réponse d'un comique, genre LJH, ou un du genre qui coute moins cher.

gaétan a dit...

Avec le phénomène de la standardisation qui succèdera bientôt à la mondialisation peut-être a-t-on trouvé subversif de votre part de nous rappeler l'existence de l'alinéa et son côté particulier d'où l'indifférence à votre égard concernant ce projet-pilote.
Tant qu'à moi je compte bien m'amuser avec la chose pour quelques écrits cibole, le temps de me rappeler mes folles années à l'école Mère d'Youville où les dictées et ses alinéas étaient fort prisés.
Je vous lirais sûrement.

magoua a dit...

Ça a pas rapport, mais saviez vous que Christian Mistral est l'auteur de La détresse et l'enchantement : http://www.radio-canada.ca/radio/christiane/combat2008/livre_5.shtml
Faites une capture d'écran ça durera pas longtemps

Mistral a dit...

Ouaaaaaaahhhhh! LYES...

Bacchus a dit...

C'est bien un peu d'agressivité, au mieux ça donne envie de répliquer, au pire ça fait réagir. Dans tout les cas, c'est mieux qu'être plate.

Mais mettons, juste mettons, que j'attrape un Ici dans le métro et que je me mets à lire les gros titres. Le chapeau ne fit pas (je sais que c'est juste un pilote là), le premier paragraphe ne dit rien, le deuxième à peine plus.

Si j'avais envie de lire de quoi d'intelligent, je lirais un blogue. Là, je ne veux que me divertir facile, comme un petite vite. Je veux de quoi de l'fun, qui se digère d'un coup comme un shooter de pop culture...ben, il n'y a que le troisième paragraphe qui convient et il est trop court pour une chronique, et il arrive trop tard.

Ça devrait être le premier paragraphe. Ensuite, ta position personnelle...plus colorées, plus agressive du genre no-nonsense pis suck my balls if you don't like it. Fait que tu mets l'avant dernier et le dernier en deuxième et troisième position.

Là, on sait à quoi s'attendre pis tu bullshit pas ton lecteur avec l'affaire des alinéas. Le bon lecteur va lire jusqu'au bout. Le reste on s'en crisse.

Mistral a dit...

Ils coûtent cher, tes cours d'écriture? J'en prendrais pour trois kilos.

Mighty Mélissa LeBlanc a dit...

C'est mwâ la détresse et l'enchantement de Christian Mistral :-P

Mistral a dit...

Et elle le dit, en plus!

Mighty Mélissa LeBlanc a dit...

Ah bin fuckall, j'ai cassé le party.
Tu penses y zavaient peur qu'on se rentre mutuellement des fourchettes (en plastique) dans les bras ou qu'on les force à mâcher de la plasticine?
Crisse de calisse!
Partez pas :-C
Je vous ai préparé des nids dans des vieilles boîtes de kleenex... Quoi? bin c'était assez bon pour mes bébés souris!