3.4.02

Nous voici de retour à 1984, le film, avec John Hurt et Richard Burton, d'après George Orwell. Discutant de l'élaboration de la novlangue, l'un des confrères de Winston Smith s'extasie: «Vous vous rendez compte comme ce sera merveilleux: en 2050, plus personne ne pourra tenir de conversation de ce genre!» Et il emploie le mot vestige. Or, essayez de prononcer le mot vestige à Montréal ces jours-ci dans l'espoir d'être compris. Le mot vestige est un vestige. Il faut, selon Kevin, dire un restant...



1984. Les parallèles avec la situation post911 donnent mal au coeur. «Selon les principes de la double-pensée, peu importe que la guerre ne soit pas réelle, ou si elle l'est, que la victoire ne soit pas possible. La guerre ne vise pas la victoire. Elle vise à être continuelle...»Ça ne vous rappelle rien? L'allié d'hier devenu l'ennemi juré d'aujourd'hui, les orgasmes collectifs cathartiques de haine envers un Autre culturel lointain dont on ne sait rien, le révisionnisme historique (on a découvert que le New York Times avait altéré ses archives web au lendemain du 11 septembre, substituant à un article critique pour la Maison-Blanche un autre plus coulant), l'hélico-espion en tout point semblable à celui qui survole Montréal lors d'événements spéciaux, comme l'été par exemple...



«Je crois à l'Histoire», pense Winston. Laquelle? Laquelle, Kevin? Dis-moi ça. Dis-moi si tu trouves pas terrifiant, à 24 ans en 2002, de tout savoir sur l'Antiquité latine et d'entendre parler pour la première fois des procès staliniens? Quelqu'un quelque part t'a baisé, mon frère. En te confinant à la virginité historico-contemporaine, on t'a baisé brutal.



Appelle-moi Goldstein.

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