30.4.02

La passion du bonheur et celle du courage se méprisent.



Proverbes
TROIS avis de livraison de lettres recommandées déposés dans mon casier par Postes Canada! Alors, je vous le demande, et soyez francs: quelles sont les chances qu'il s'agisse de bonnes nouvelles?



I wanna be free

I wanna be FREEEEE!

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Hier, donc.



Kevin nous a rejoints chez Érika après s'être décrotté. On piratait gaiement tout en cherchant des mots contenant sc, avec le c doux. O' a téléphoné de Paris, épuisée mais ravie (fallait-il que l'on s'aime et qu'on aime la vie). Puis, on a mis le cap sur le Bunker; K est monté préparer son ragoût de maquereau tandis qu'Érika et moi cherchions une boîte rouge pour y jeter les cartes postales d'O'. On s'est tapé la cloche avant de glisser Marius dans le magnétoscope. Vers onze heures, K est parti pour nous laisser faire des choses. Pour sa part, Mario avait démissionné beaucoup plus tôt.



Je crois qu'Érika s'est ennuyée de son lit d'eau. L'ai réveillée avec Je t'attendais, de Daniel Hétu. Mon Capri, c'est fini à moi.

29.4.02

Mario débarque avec des tubes et du tabac.



«Faut que tu m'arrêtes! Je travaille, je travaille comme un malade! Le roman, le lexique, le site sur Germaine Guèvremont...»



«T'es pas content? Je donnerais une couille pour avoir le goût de travailler.»



«Oui, mais moi, ça m'énerve. J'ai un talent pour le farniente qui confine au génie!»



Qu'est-ce que vous vouliez que je dise? Là, il m'apprend qu'il est décidé à se serrer la ceinture pour acheter une encyclopédie sur CD-ROM. Comment pourrait-il possiblement s'astreindre à plus de frugalité? J'écris à Érika qui en possède une et elle s'empresse de lui offrir de la graver. Mario va lui refiler un dico virtuel. On passe chez lui le chercher. Grimpant l'escalier, le cell sonne. C'est Kevin. «Je suis devant chez toi avec une bouteille de bagosse des Îles!»



«Ben, viens nous rejoindre, mon vieux! Chez Mario! On montera tous chez Érika...»



«Non, non, ça fait quatre jours que j'ai le même linge sur le dos. J'arrive d'une ferme, Christian! Tu sais que je suis pas un apôtre du chlore, Dieu m'en est témoin, mais même moi, j'ai un seuil...»



«Oui, je sens ce que tu veux dire. D'ici.»



Il arrive chez Mario alors qu'on finit de bouffer les bines de sa mère. K nous sert une gnôle douce et sucrée, âgée de deux ans, titrant à 20 degrés: «Prête à boire!», annonce-t-il, fier, non sans raison, de cet élixir que les Madelinots inventèrent pour pallier les pénuries hivernales. «La pisse de Dieu! L'urine divine! Goûtez-moi ça.»



C'est fait avec des légumes, de la levure, du sucre blanc, du sucre brun et du sirop de maïs, et que je sois pendu si ça goûte pas la pomme!



Pas piqué des vers...
Le mot du jour:



FUSCINE: n.f.- 1413; lat. fuscina. Antiq. rom. Fourche à trois dents des pêcheurs de l'Antiquité, emblème de Neptune, dieu de la mer. => trident.
Circius me fait une scène parce que j'ai parlé de lui à Script ce week-end. Furieux. «Comment espères-tu que je puisse t'aider à présent, espèce de taré, égoïste, grande gueule, branleur de merde!!!»

28.4.02

Érika travaille à sa page et O' sort sous la neige saluante acheter du sirop d'érable pour sa soeur et poster des cartes qui arriveront après elle et je me passe Grease. À la fin, les finissants de Rydell High chantent We go together et l'eau me monte en traître aux yeux: où es-tu Patrice? Où es-tu Luc? Où es-tu Marie-Claude? Où es-tu Jean? Où es-tu Natali? Où diable êtes-vous donc tous passés?
Festin somptueux dans l'antre d'Érika; Kevin et O' jouant à se plaire, guère le temps de faire plus, l'avion décolle à seize heures aujourd'hui. Ma belle et moi beaucoup plus sérieux, jouissant d'un luxe de temps, impatients pourtant, retirés tôt vers sa couche d'eau et résolvant la vague avec férocité, avides de nager l'un vers l'autre de s'accrocher à nos corps-souches ainsi que de joyeux naufragés. Petit matin de confiture Pétales de rose. «Crois-tu qu'on puisse éclater, mourir d'être content?» demande-t-elle, soudain sérieuse. J'augmente le volume des haut-parleurs: «The answer, my friend, is blowing in the wind, the answer is blowing in the wind...»



Femme en furie, © 2001 Kevin Vigneau




Femme en furie, © 2001 Kevin Vigneau

27.4.02

Envies mongoles de kimono safran et de pâté chinois, féroces de vin de pleine lune bu a la coupe de sa bouche, boisson de prune Gekkeikan et chips Miss Vickie's:Temuchin devenant Gengis Khan by the minute...
J'ouvre une boîte de soupe et j'en mijote le contenu à petit bouillon juste pour la voir dedans; quand la soupe tiédit dans le bol, je la réchauffe, pour la revoir. Dans ma soupe.



La revoir sortir de l'Église Saint-Irénée et venir à ma rencontre, deux minutes avant le concert de La Nef, Perceval, la quête du Graal, ses jambes gainées de cuir et son regard mousseux; Kevin s'imagine qu'il s'agit d'une amie, que je la connais déjà. Il n'a pas tort.



La revoir plus tard dans la pénombre stroboscopique de l'Ex-Centris, une perle sur la joue lorsque Moreau/Duras est submergée d'émotion en écoutant Capri, c'est fini. La revoir me regarder marcher, comme pour prendre ma mesure, embrasser tout le paysage que mes épaules lui dissimulent. Retrouver son regard qui approuve, l'air de songer En vérité, cela est bon.



Érika m'enchante, et le plus étrange, le plus inaccoutumé, est que j'ai le sentiment de l'avoir méritée. Elle caresse mes paumes de la pulpe du doigt, les trouve douces et je songe: Comme j'ai bien fait de ne jamais travailler!

26.4.02

Kevin venu corriger, puis imprimer son devoir sur Blanchot avant de le livrer en catastrophe à l'Université. «À peine croyable, lance-t-il, dégoûté. Ce gars-là n'a pas de critiques, que des disciples!» Ça parle de dédoublement dans Thomas l'Obscur, c'est plein de chiasmes et de négations de la négation, des trucs qui donnent soif, alors K me charge d'aller négocier la vente des Oeuvres complètes de René Char (dans la Pléiade) avec Blackburn, dans l'espoir d'en tirer 25 billets.



Je croise Érik devant la librairie, en chemin vers son lunch, et lui explique le coup. «Je sors une fille ce soir, je dis. Besoin de fric...» Érik examine le bouquin. J'ajoute: «Elle est vraiment très chouette!» Alors il m'en offre vingt-trois et je dis oui, ça va, et il rentre avec moi pour aviser son employée.



Adieu, René! We barely knew ye...
D'ordinaire, on voit les gens avant d'apprendre à les connaître. Contenant d'abord, contenu ensuite. Je veux dire, ça a toujours été comme ça. Ce qui m'arrive est profondément déroutant. Le monde à l'envers. Mes engrammes grincent. Quand elle m'écrit, je sens venir le courriel dans l'instant qui précède le son annonçant son arrivée. Déroutant. Et cet esprit qui me ravit si puissamment!
Mon vieux Mac s'éveille en grondant, à croire qu'il se râcle la gorge, et le compteur du Journal affiche 666! Beaucoup de regards dans l'ombre. Heureusement, je me rends dans une église ce soir et j'en profiterai pour faire un croche par le bénitier.



Engoncé dans mes pantoufles neuves, je songeais hier soir à Mamie qui à chaque anniversaire de ma vie m'en envoyait une paire par la poste, chaque année plus longue d'un pouce, longtemps après que ma croissance se fût achevée je recevais encore ces skis en phentex, et j'y songeais en mangeant distraitement les oeufs de Pâques en chocolat récupérés sur le tableau de bord de la fourgonnette de ma mère, oubliés là le soir de notre voyage à Saint-Georges, et j'avais le pénultième fondant en bouche quand je me suis rappelé que Mamie me les avait donnés, et que c'étaient peut-être, vraiment, les derniers.



25.4.02

Maman venue à la rescousse des Arts. Le frigo craque aux pentures et gémit comme un estomac vide trop vite rempli. J'enrichis le patrimoine et c'est la matriarche qui casque. L'Histoire du monde.



Sorti marcher dans le soir détrempé. Au retour, la petite madame gentille en-bas m'a remis des pantoufles tricotées juste pour moi. Plus jeune, je ne vivais jamais assez longtemps au même endroit (sans parler que je ne savais pas vivre) pour faire partie d'un village...



J'ai fait la vie, comme on dit, mais elle m'a fait aussi, et ça tombe rudement bien parce qu'il est sur le point de se passer des choses dans la mienne. S'en passe déjà, pour tout dire sans vendre la mèche.
«Et maintenant, deux ans plus tard, ton dernier grand chef-d'oeuvre émerge de cet immonde égoût qui te sert d'appartement et où tu transformes toute la souffrance d'autrui en or, en or littéraire. Tu t'empares du malheur d'autrui, tu le provoques même, et par ta misérable alchimie, tu le transformes en or, comme un foutu sorcier maléfique!»



Une ex-maîtresse promue personnage de roman

à Woody Allen (Harry dans tous ses états),

qui répond: «Lâche-moi un peu...»



Tout juste mangé du foie de veau VOLONTAIREMENT! Qu'est-ce qui ne va pas avec moi?



Faut dire que c'était un petit plat préparé fraternellement par Mario, que j'ai ajouté du sucre comme faisait ma mère pour déjouer notre palais et que j'ai imaginé dévorer le foie fumant de la grosse baveuse croisée à la BNQ mardi.
Ophélia, où que tu sois (je savais, j'ai oublié), je t'emprunte ce beau gris de plomb poudreux pour rédiger mon Journal. Le code, #666666, chiffre de la Bête bis, m'enchante au carré.
La grande nouvelle, c'est que depuis hier, la porte est ouverte à la vente de hot dogs au coin des rues de Montréal. Hot dogs, souvlaki, pourquoi pas des marrons chauds aussi, et des crêpes, comme à Paris? Réjouissant.
Truc pour venir à bout de toute sa vaisselle sale dès l'aube sans sortir du demi-sommeil : la veille, cacher la cafetière sous l'amas, au fond de l'évier!

24.4.02

Mots du jour:



épistaxis, n.f. Saignement de nez. Comme dans J'te mens pas, bonhomme, j'ai coké jusqu'à l'épistaxis.



hébéphrénie, n.f. Forme de démence précoce. Psychose considérée comme une forme de schizophrénie. Comme dans Max Cockrell est atteint d'hébéphrénie en plus de se prendre pour un autre.



Lu dans Time magazine: un article sur Star Wars dans lequel George Lucas s'en prend aux gars de 37 ans qui passent tout leur temps sur Internet. De qui il parle, là?
Enfin des nouvelles de Louis, depuis son exil boréal! Il écrit, certes, mais j'ai surtout l'impression qu'il vit, ce qui s'appelle vivre. Hamelin heureux? On a vu plus étrange.
Hélène n'a pu débloquer les fonds pour le 29. C'est la dernière d'une longue liste de nouvelles financières catastrophiques qui me sont tombées dessus hier. Il faut que je me rappelle, comme un mantra, que quand y en n'a plus, y en a encore.



À l'exposition hommage à André Goulet, hier soir, à la Bibliothèque Nationale, j'ai fait une observation fort intéressante. Une lettre autographe de Jacques Ferron, rédigée comme toujours à l'encre rouge et datée du 31 octobre 59. Ce qui m'a frappé, c'est justement la forme de cette date, identique à celle qu'utilise Victor-Lévy: le 31 sur le 10 sur le 59, séparés par des traits, le tout en bas à gauche comme un bloc de temps compact. Nul doute que VLB ait emprunté cette façon à Ferron suite à la réception d'une missive, mais je me demande s'il s'en souvient. Lui en parler à la première occasion.



Au chapitre des tristes nouvelles, Linda Lovelace s'est tuée dans un accident de bagnole. Elle avait 53 ans et quand on a vu ce qu'elle pouvait accomplir en 1972, on frémit à l'idée de ce qu'elle savait faire trente ans plus tard. Son vrai nom était Boreman et lui allait très mal. À l'époque de Deep Throat, en plus de ce que nul n'ignore, elle s'est aussi fait enculer avec ce film qui ne lui a rien rapporté tout en amassant des profits de 600 millions de dollars. So long, Linda, et si Saint-Pierre te fait des misères, sois gentille avec lui.

23.4.02

Dites-moi seulement qu'elle n'est pas moche. Dites-moi que son oeil brille et que sa chevelure pèse et qu'elle n'est ni maigre ni grosse et que jolie fêlure n'est pas folie qui dure et je l'aimerai, l'aimerai avec tout le reste de moi comme je l'aime déjà de mon ample âme prudente.
Ce cher Aphane, ce diable dans l'eau bénite, me fait parvenir un poème de Thérèse d'Avila où elle assimile avec une vibrante émotion ses chairs à une prison.



Anniversaire de mon "accident". Le péroné m'élance. Quelque chose me dit que je devrais rester couché, même si je lance Lignes de métro à midi.

22.4.02

Plusieurs courriels de copains Français qui demandent s'il reste de la place ici. Les nerfs, cousins!



Ils semblent croire que le corps électoral gaulois a le cancer des couilles et se désespèrent de devoir voter pour un Chirac prébendé.
Je connais un gars (il a requis l'anonymat) qui, après des heures de dur travail intellectuel, se défoule en effoirant les drosophiles qui infestent son appartement. Il les aplatit à grands coups de Res Publica (Platon).
Voilà-t-il pas que la France vote pour Le Pen à hauteur de 17,2% au premier tour. Une carte de l'Europe révèle au premier coup d'oeil que s'ils continuent à galoper vers la droite, les Français se réveilleront bientôt en Allemagne.

21.4.02

Il y a dix jours, ce gars-là aurait été bien en peine de distinguer une métabalise d'un carburateur, or il fallait le voir hier soir, tripatouillant comme un gosse dans le code HTML avec l'aisance et la détermination d'un satyre au couvent. On en a mis un sacré coup jusqu'à minuit. Il va de soi qu'il me crèverait sans la moindre hésitation si je révélais déjà l'URL de sa suite poétique et des images qui l'accompagnent, de superbes monotypes, des peintures et des encres, mais Kevin ne se fâchera pas si je lui emprunte celle-ci pour illustrer mon propos.



encre1.jpg (© Kevin Vigneau 2001)


(© Kevin Vigneau 2001)




C'est pas mêlant, il vient de se réveiller à l'instant et c'est lui qui m'aide à mettre l'image en ligne.



Avant de dormir, on s'est passé une cassette de Star Trek TNG, l'épisode In theory dans lequel Data s'efforce d'entretenir une liaison amoureuse. Ça nous a fait réfléchir sur notre propre programmation envers les femmes.

20.4.02

Mario Lemoine, un véritable ex-journaliste celui-là, vient d'arriver avec un supplément d'information: l'épicentre du séisme était à Granby, son intensité atteignait 5,5 à l'échelle de Richter et le peu de dommages s'explique par la profondeur de l'onde de choc, soit 4 km sous terre.



Voilà. Vivement la fin du lock-out à Radio-Canada.



Ma chère Script, après s'être réveillée dans un lit qui vibrait dangereusement, m'informe avoir appris qu'il s'agissait bel et bien d'un tremblement de terre à la lecture de ce Journal, ce qui m'en fait reconsidérer la nature sous un angle neuf: serais-je redevenu journaliste sans le vouloir?
Ajouté tant soit peu à Origines. Me demande si ce n'est pas le tremblement de terre à 6:42 ce matin qui m'a remué les puces.



Loin d'être sûr de mon idée (alterner notes et souvenirs), mais me fie à mon instinct. Hemingway appelait ça le "détecteur de merde intégré" sans lequel toute bonne écriture est impossible.

Cette nuit, 3:32.



Un de mes amis sonne à ma porte. Je sais qu'il s'agit d'un ami parce qu'il ou elle utilise le code convenu entre nous. Distribué à une poignée de personnes fiables et chères à mon coeur, il assure que j'ouvrirai quelle que soit l'heure.



Jusqu'à cette nuit. Parce que j'en ai marre qu'ils débarquent après le last-call. Je me suis levé, j'ai trébuché jusqu'à la porte, j'ai allumé, j'ai presque posé le doigt sur le buzzer, j'ai soupiré «fuck...», j'ai éteint, je suis retourné au lit. On a sonné à nouveau, et puis plus rien.



C'était la première fois de ma vie que je faisais ça, manquer à mon propre code, et c'est très significatif, quoique je ne sois pas trop sûr de quoi au juste, et je me dis que c'est peut-être bien le début de la fin.

19.4.02

Je sortais de la Maison des Écrivains quand une fourgonnette s'est arrêtée à ma hauteur. «Excusez, a fait le conducteur en baissant le volume de sa radio, vous sauriez pas où je peux trouver les quatre points cardinaux?»



J'ai jeté un regard soupçonneux alentour, cherchant la caméra cachée. «Pardon?» j'ai demandé.



-Les quatre points cardinaux, vous connaissez?



Bon, me suis-je dit, aussi bien jouer le jeu. «Eh bien, j'ai dit en me grattant le crâne, attendez un peu que j'y pense. Voyons, il ya le sud, oui, le sud, et puis l'est, et aussi le nord, et un autre dont le nom m'échappe en ce moment...»



Ses lunettes noires ont glissé jusqu'au bout de son nez. «Vous vous fichez de moi?» qu'il a dit.



-Désolé, mon vieux, mais c'est vous qui avez commencé.



-Aux Quatre Points Cardinaux! La boutique de cartes topographiques! Vous sauriez pas où c'est, par hasard?



Aaah! Fallait le dire! Un peu plus loin sur Ontario, près de Saint-Hubert. De rien, monsieur, le plaisir est pour moi. Pas trop désorienté?

18.4.02

Arrestation de Robert Blake, Live on CNN: les journaleux se pourlèchent, mais aucun ne mentionne encore qu'il a 68 ans, surtout pas Larry King, un contemporain, qui n'a pas voulu le reconnaître lorsque les cochons l'ont sorti menotté de chez lui, malgré la caméra qui lui entrait pratiquement par les narines depuis l'hélico, pas voulu le reconnaître parce qu'il était chauve et/ou n'avait pas eu le temps de se teindre les cheveux et/ou n'avait pas eu le temps de coiffer sa perruque.



Breaking News! Blake arrive au poste de police et émerge du char blanc: qu'on me cloue les schnolles au H d'Hollywood s'il ne porte pas une casquette bleue sur une chevelure de jais!



In cold blood all over again. Dix contre un que Truman capote.
I don't say I'm no better than anybody else,

But I'll be damned if I ain't jist as good!

Oklahoma!

(Rodgers & Hammerstein II)
Opération Enduring Freedom (hmpfff!...): quatre bidasses canadiens définitivement débarqués de ce monde par le largage d'un ou deux missiles intelligents par un pilote états-unien qui l'était moins. Friendly fire, I think it's called.



Pendant ce temps, la CIA permet finalement aux familles des crashés du 11 septembre d'écouter les bandes: l'épouse du type qui lui avait passé quatre coups de cell avant d'assaillir le cockpit au-dessus de la Pennsylvanie (flight 93) peut se faire une raison. Son mari est sans doute un héros américain. L'héroïsme lui fut-il inspiré par les films de Bruce Willis? Voilà ce que j'ignore. N'empêche, c'est mieux à mes yeux que la trâlée de fifs qui prit lentement la fuite, à la queue-leu-leu, de cette salle de cours à l'École Polytechnique, il y a douze ans, sur l'ordre de Marc Lépine, laissant les filles se faire faucher sans intervenir. Parlez-moi d'une génération Passe-Partout.



Pauvres gars, je les plains presque: un ou deux d'entre eux doivent souhaiter aujourd'hui être morts ce jour-là, je l'espère, ou alors c'est à désespérer du monde et à exiger l'existence d'un autre enfer, sérieux celui-là, émanant de celui-ci.
Devoir revu, corrigé, imprimé, en voie d'être livré par un KV aux pieds ronds comme des balles, à l'oeil hors-focale, épuisé mais ravi.
Coup de fil de K, matinal et vaseux: a mis le point final à son devoir, arrive avec deux bières pour l'imprimer. Et c'est reparti comme en 14. Je vais à l'université par procuration. Hier, Hélène m'a retenu pour rencontrer ses étudiants le 29. Viennent de lire Sylvia. Des années que je n'ai fait ça. N'y couperai pas. Rouillé?

17.4.02

Dans la viande jusqu'aux coudes. On s'est séparé la bidoche achetée hier et Kevin est reparti vers Ovide.

16.4.02

Kevin avait dormi deux heures la nuit dernière. Une de plus que d'habitude, mais faut dire qu'il a aidé Zeffino à déménager une baignoire XIXe en fonte et qu'en descendant l'escalier, il se l'est presque prise dans la gueule. Or, prendre un bain, dans la gueule ou autrement, je le maintiens, c'est malsain.



Quoiqu'il en soit, il roupille à cette heure, ce vieux KV, tout évaché sur le divan mauve. Empli de paix et de tourtière et de maïs en crème et de sécurité. Une seule bouteille l'a achevé, allongé pour le compte, et je veille sur son sommeil comme sur celui de mon fils s'il venait jamais dormir ici.



Kevin m'a envoyé des photos digitalisées de la tribu par courriel et s'est envoyé lui-même peu de temps après par autobus, avant de repartir chercher des thunes chez lui et là on boit, après avoir corrigé sa Métamorphose de l'élégie chez Ovide.
Ajouté une page à Origines. Les feuilles mortes se ramassent peut-être à la pelle, mais la mémoire vive, c'est un octet à la fois.

15.4.02

Mâchonne un sandwich oeufs/oignons/sel & poivre & mayo selon la recette de Guigui Vigneault afin que nul(le) ne s'approche trop, tout en écoutant Suicide is painless.
Cet après-midi, tout compte fait, le gouvernement fut gentil et ses sbires, jolies...



Arbitraire! ARBITRAIRE!
Douze minutes pour finir la bouteille. Faut pas faire attendre le gouvernement.
That son of a bitch (Babs) Bush is the fucking antichrist. Jésus, à n'en pas douter, était un imbécile heureux, aussi pourquoi sa contrepartie ne participerait-elle pas d'une pareille nature?



Dans un autre ordre d'idée, voici mon plan à moyen terme pour mieux respirer (car enfin, si j'étouffe, ce n'est pas seulement à cause de la bêtise ambiante; mon ventre y est aussi pour quelque chose): d'abord, trouver une carte de crédit dans ma boîte à malle. Ensuite, faire provision de vin en vrac et renoncer à la bière indéfiniment. Enfin, suivre ma propre version du régime Montignac, soit ne manger que des fèves de Lima en boîte, mouillées d'huile d'olive et de jus de citron, en pétant pour passer le temps tandis que fondent les kilos.



I'm a goddamned genius!
Rendez-vous avec le gouvernement à quinze heures, ce qui m'en laisse quatre pour me recuire copieusement. J'ai même pas soif. Le gouvernement me pousse à la boisson! Pas question de discuter avec lui à jeun.

13.4.02

Elle m'a reconnu du premier coup. C'est moi qui ai failli passer à côté sans la voir...



Journée magique avec maman, «dans la bulle» de son véhicule. Les yeux pleins d'eau et le sentiment d'appartenir à quelque chose de plus étrange et compliqué que moi, qui a vécu avant et vivra plus longtemps que moi. Écouter La Traviata dans la bulle et la voix de ma mère qui pose le décor et m'explique l'action.



Un samedi comme un grand soupir de soulagement.
Maman tient parole et vient me chercher pour accomplir le pèlerinage tant espéré à Saint-Georges. Sera là dans dix minutes. Pas le temps de raser mon bouc. Pourvu que grand-mère soit dans un bon jour.



Pourvu qu'elle me reconnaisse...

12.4.02

Me suis endormi au milieu d' Autant en emporte le vent, à peu près au moment où Frank Kennedy commence à s'arracher les rouflaquettes. Kevin, dont c'était la première fois, a regardé jusqu'au bout.



Spécial, K. Ne vient-il pas de nous faire cuire des steaks pour petit déjeûner? «Avec ça, lance-t-il après sa première mordée, on affronte le monde. Emmenez-en, des Warriors!»

11.4.02

Reçu un chouette courriel de mon cousin Jean-François Moran. Après avoir réalisé le CD de sa compagne, Angel Forrest, il semble prêt à se concentrer sur sa propre carrière et, lui-même un remarquable parolier, JF me demande néanmoins un texte un peu spécial.



«Je voudrais que le thème soit inspiré par le manque... les besoins et les manques.... le cul, la drogue, l'alcool, le cash, une espèce de délire sur la vie... la structure n'a pas besoin d'être conventionnelle au sens où le refrain naîtra de lui-même s'il y a lieu, un peu dans le genre de la chanson que tu m'as fait écouter, Le jardinier du couvent... Une histoire plus qu'une chanson, un texte, quoi! Peut-être une suite d'idées plus qu'une histoire, une déclaration... une réflexion, comme tu voudras...



Ça peut écorcher, ça peut être lourd et complexe... quelque chose de jamais fait par personne d'autre... je suis fou d'excitation simplement à l'idée d'oser "l'inosable"!»



Je te comprends. Donne-moi quelques jours, cousin.







Je sors acheter un pain, et du diable si je ne me fais pas draguer par un gentil petit pédé plateau-nique! Vingt ans que ça ne m'est pas arrivé. Au début, je croyais qu'il avait un tic de la bouche. Flatteur, va.
Éléments oniriques familiers: suivant mon propre chemin dans l'intention de rejoindre les autres plus tard, voire d'arriver avant eux, j'en suis séparé; mon raccourci est un cul-de-sac, rétrécissant comme un entonnoir, barré par des obstacles fabriqués de main d'homme (le plus souvent un savant embrouillamini de barbelés et de béton) et je me retrouve coincé dans une maison labyrinthique où je ne suis pas le bienvenu...



Cette fois-ci, les murs sont recouverts de viande humaine encore rose et l'endroit appartient à un certain monsieur Screwball qu'une hystérique alerte à pleins poumons.

10.4.02

Circius alterne entre brailler et dégueuler («Ta belle toilette toute fraîche propre! Bon Dieu, chuis vraiment une raclure immonde! S'cuse-moi, Mistral, mais toute cette invitante porcela...BREEEUH!»). Qu'est-ce qui m'a pris d'appeler ce moulin un bunker? Là-dessus, Marlène m'appelle, toute gentille, et je comprends qu'il vaut mieux tout remettre à plus tard.



Entre deux éclaboussements, j'essaie de remonter le moral d'Emmanuel en lui démontrant, chiffres à l'appui, que la fréquentation du site a augmenté de 59,1% depuis la publication du journal, soit une dizaine de jours.



«KwaAAA? Tu veux dire que ces... ces... tu veux dire qu'ils... après tout le travail que j'ai fait? La présentation, ta biographie, ta putain de biblio interminable et l'entretien de la Saint-Valentin, quand tu m'as pratiquement jeté dehors, et le référencement, les constantes mises à jour, le... le... tu veux dire que ces busards se précipitent maintenant que tu tiens UN JOURNAL? T'appelles ça un journal? Ce que t'as lu sur un banc de Parc en revenant du BS?»
Vu sur un banc de parc près d'une école, rue Rachel, angle Franchère (au marqueur noir): «tu me traite encore de petit je te tue! avec le sabre d'Éric Houle»...



Lu dans Voici l'homme, de Michael Moorcock, aux éditions L'Atalante: «Piégé. Coulant à fond. Peux pas être moi-même. Transformé en ce qu'attendent les autres. Est-ce le destin de tout le monde? Les grands personnages étaient-ils le produit de leurs amis qui désiraient pour ami un grand personnage?»
Briqué les chiottes. Ma corvée de la journée. Du diable si je comprends comment elles se salissent si vite. Je prends pourtant bien soin de pisser dans le lavabo!
Dors mal. Dors pas. Cauchemarde au max. Rêvé à ma soeur avec des bacchantes...



Réveillé par ma propre voix vociférant des imprécations.

9.4.02

Lancement collectif hier soir à la BNQ; hydre à vingt têtes, dont la moitié sont des amis. J'ai eu le vin triste et me suis mis à chiâler sur Sherbrooke sitôt après. Mario est allé livrer mes quatre chansons chez Sébastien, des Respectables (Seb m'a déjà expliqué qu'on appelait ainsi les courtisanes du Siècle des Lumières); Kevin m'a ramené au Bunker par les ruelles. Je lui apprenais Amazing Grace à tue-tête et au retour, j'ai mis Father ans Son de Cat Stevens, «pour nous quatre» (lui, moi, nos fils) et on a rechiâlé de concert.

8.4.02

Retrouvé la trace de Gil-France tout à fait par hasard. Un article vieux de trois ans qui la dit enceinte. Il fallait que ce soit aujourd'hui que la vie ma rappelle combien je l'ai ratée.
Me demande sourdement s'ils me la fileront, ma carte de crédit. Après tout, je fais pratiquement partie d'un ordre contemplatif.
Recensement des bouteilles: une vide, une gravide, mais j'y travaille, à celle-là.
Un journal dans lequel on consigne ses intentions, n'est-ce pas plutôt un agenda?



Quoiqu'il en soit, je m'en vais de ce pas vendre deux livres, Vamp et Vautour, que je convertirai en quilles de broue cheap que j'écluserai avant d'appeler le banquier de Toronto qui m'a laissé un message gémissant ce matin.

7.4.02

Mario venu moissonner ses courriels. S'est réveillé en rêvant une idée: Je devrais utiliser comme canevas romanesque le périple en dix-huit roues de l'été dernier, avec CGDR, ma patte plâtrée, mes idées noires... Lui ai offert l'anecdote.

6.4.02

Si vous voulez mon avis, aucun génie ne vaut qu'on souffre trop pour lui.

Woody Allen

Accords et désaccords



Mes plus grands défauts, la fanfaronnade et le bluff, m'ont fourni un nombre incalculable d'avantages.

Heinrich Schliemann



4.4.02

Deux charmantes jeunes femmes sonnent à la porte du bunker. C'est pour m'offrir un forfait téléphone. J'explique d'emblée que l'enquête de crédit pourrait poser problème. Elles proposent de vérifier quand même, on sait jamais. Dix minutes plus tard, les voilà qui reviennent avec une nouvelle bouleversante: mon crédit est bon. En tout cas, pas mauvais...



Maintenant, je me sens tout drôle, comme si on m'avait annoncé que mon père est le Prince de Galles: je n'ai pas changé, mais je ne suis plus tout à fait le même.
Réussi à dénicher tous les fichiers cachés sur mon Mac, à les expurger, à les renouveler, à me revirginiser. Kevin, inquiet de me voir si excité: «C'est des trucs compromettants pour toi?». Moi, amer et narquois tout à la fois: «Ça dépend aux yeux de qui...»



Et mon vieux Kevin se rassura aussitôt: qui que soient ces qui que j'évoquais, il savait qu'il n'en ferait jamais partie. Pour lui, ça ne dépendraitde rien. Jamais.





Brosse du feu de Dieu. On vient de décoller les yeux.



Aphane veut savoir ce que mange en hiver la citation incluse dans le fichier signature de mes courriels: «L'opéra n'est pas fini tant que la grosse femme n'a pas chanté».



Eh bien, voici.



En fait, cette maxime fait partie de ma collection de proverbes texans. À l'époque de la ruée vers l'or noir, des fortunes se firent faire par des péquenots analphabètes dont les épouses les convainquirent d'acquérir de la culture à grand prix. C'est ainsi qu'on vit Sarah La Divine Bernhardt effectuer une tournée du Far-West, et des pianistes et des pianos traverser monts et vaux en chariot, et, oui, des cantatrices.



Traînés à l'opéra par leurs dondons endimanchées, les rednecks se retiraient entre eux à l'entr'acte pour allumer un cigare et sacrifier au bourbon. Immanquablement, l'un se mettait à gémir: «When will it end? Darn if I know what those eye-talians are screaming about!» Et un autre, plus âgé, répondait: «Well, as far as I can figure out, it ain't over till the fat lady sings...»





Visionné des Star Trek jusqu'à 4 du mat'. Prétexte: pédagogique. Kevin est incapable de dormir la nuit comme un honnête homme, tout tordu sur le sofa, et c'est un excellent moment pour lui d'apprendre l'anglais. Enfin, excellent, j'exagère peut-être un peu, mais en tout cas pas pire qu'un autre. Que, mettons, le jour.



Quelqu'un là-haut déverse des tombereaux d'eau de vaisselle glacée sur ma ville. Me suis levé pour lire le Journal de Script. Le Devoir attendra. M'en retourne dare-dare au plumard.

3.4.02

Nous voici de retour à 1984, le film, avec John Hurt et Richard Burton, d'après George Orwell. Discutant de l'élaboration de la novlangue, l'un des confrères de Winston Smith s'extasie: «Vous vous rendez compte comme ce sera merveilleux: en 2050, plus personne ne pourra tenir de conversation de ce genre!» Et il emploie le mot vestige. Or, essayez de prononcer le mot vestige à Montréal ces jours-ci dans l'espoir d'être compris. Le mot vestige est un vestige. Il faut, selon Kevin, dire un restant...



1984. Les parallèles avec la situation post911 donnent mal au coeur. «Selon les principes de la double-pensée, peu importe que la guerre ne soit pas réelle, ou si elle l'est, que la victoire ne soit pas possible. La guerre ne vise pas la victoire. Elle vise à être continuelle...»Ça ne vous rappelle rien? L'allié d'hier devenu l'ennemi juré d'aujourd'hui, les orgasmes collectifs cathartiques de haine envers un Autre culturel lointain dont on ne sait rien, le révisionnisme historique (on a découvert que le New York Times avait altéré ses archives web au lendemain du 11 septembre, substituant à un article critique pour la Maison-Blanche un autre plus coulant), l'hélico-espion en tout point semblable à celui qui survole Montréal lors d'événements spéciaux, comme l'été par exemple...



«Je crois à l'Histoire», pense Winston. Laquelle? Laquelle, Kevin? Dis-moi ça. Dis-moi si tu trouves pas terrifiant, à 24 ans en 2002, de tout savoir sur l'Antiquité latine et d'entendre parler pour la première fois des procès staliniens? Quelqu'un quelque part t'a baisé, mon frère. En te confinant à la virginité historico-contemporaine, on t'a baisé brutal.



Appelle-moi Goldstein.

2.4.02

Kevin est venu se réparer. Plein de fatigue et de Platon. On est allés chercher mon exemplaire du Céline des écrivains au Bouquiniste, où Blackburn l'avait gracieusement recouvert de mylar (la proximité de ma bibliothèque au poêle jaunissait déjà la couverture). Puis, j'ai mitonné un souper avec rien et on a glissé 1984 dans le magnétoscope. Ce diable roux s'est endormi avant la fin du générique.
Aujourd'hui, appris à composer des courriels en HTML et à signer en couleurs et à insérer un papillon qui volette. Il y a peut-être trop d'heures dans une journée.



Mis en forme et livré le texte définitif pour Moebius 94. Laverdure était ravi et Phaneuf a rougi.
Me redis que ce serait bien de toujours garder les chiottes propres comme si une fille venait souper. Doit être le printemps qui m'inspire de si hauts idéaux.

1.4.02

Retrouvé mon vieux fichier bibliographique planqué chez Geocities! Toute la liste de mes contributions à autant de revues depuis dix ans, que j'étais trop vache pour reconstituer, n'en déplaise à Circius et tant pis pour le site officiel! Voilà, c'est en ligne à présent, juste à temps pour les derniers devoirs de Cégep.



Vais me récompenser. Emprunter quatre billets à la concierge et m'offrir une quille.