29.11.07

Mettre en contexte pour se mettre en train (2)


Le douze novembre, tout seul chez nous, sans chercher le trouble, je me suis assis devant l’ordi et j’ai relevé mon courrier. Routine. Un message Google m’informait que mon nom était paru sur le Net ce jour-là. Routine. Dans un texte de Richard Martineau…


Pas la routine.

Depuis vingt ans, cette anguille humaine a pris un luxe de précautions inouï pour éviter de confronter quiconque serait susceptible de se défendre. Jamais on ne l’a vu débattre : ni dans un journal avec ses lecteurs qui soumettaient des réactions articulées, ni sur le web, ni à la télé, ni à la radio, ni au Dollarama, ni dans les magazines imbéciles qu’il a dégradés davantage avec cette insouciance tâcheronne qui le caractérise, et qui déguise pourtant bien pire : l’impuissance de cet homme-là, sa crainte permanente d’être démasqué (imprimée dans sa face, trahie par ces yeux furtifs et cet intarissable trou qui lui sert à dégoiser), et son hostilité sournoise envers sa propre société. Je ne connais pas de spécimen plus dégénéré, aussi nuisible que ce tartuffe parmi ce que ma génération avait de mieux à offrir et qu’elle aura produit de pire. Jean-Luc Mongrain croit au moins en quelque chose, et son discours est constant, et son action suit son discours. Gilles Proulx est un amuseur inoffensif sur cette échelle. Arcand est un journaliste. Mais qui, quel démagogue sans foi ni loi ni le moindre scrupule se mesure à Martineau dans notre génération? On a dit, un peu tôt, Jeff Fillion. Liquidé, Fillion, malgré les vœux de son auditoire. Un porc, ajoute finement Madame Martineau. Or, Fillion n’a jamais été, tant s’en faut, pernicieux comme ce bouffon avide, ce parvenu dévorant qui a aidé à l’éliminer. Combien de journalistes recoivent de la merde sous enveloppe au bureau de la rédaction et s’en vantent comme s’ils étaient le jeune Jean-Pierre Charbonneau se faisant tirer en plein Devoir pour stopper son enquête sur le crime organisé?

Précautions luxueuses, disais-je : l’homme s’y entend pour éviter plus fort que lui, aussi quand un Dany Laferrière l’estourbit d’un bref et brillant trait d’esprit à TLMEP, eh bien, tout le monde en parle. Encore et toujours. Il n’échappera jamais à ces mots qui le ligotent et le résument et le cuisent carbonisé : "Richard Martineau vit intellectuellement au dessus de ses moyens. Il dépense plus qu’il ne possède. Un jour, il fera faillite!". Il ne s’est trouvé personne, pas une seule voix pour prétendre que le coup était moche, même pas son ami Patrick Lagacé, nettement plus sérieux et d’une loyauté touchante, qui consacre de plus en plus de son espace rédactionnel à défendre l’indéfendable. Martineau s’en était pris à Laferrière avec son pitoyable arsenal ordinaire de majuscules, de citations juxtaposées, de questions rhétoriques et d’invectives atones. Plusieurs ont compris ce jour-là qu’il venait de basculer hors de sa zone pusillanime naturelle, qu’il se croyait enfin un redoutable intervenant intellectuel, bref qu’il divorçait du réel. Moi, je l’admets, j’ai eu pitié. Jeune, il écrivait fort et pensait jusqu’au bout d’une chronique. Sa corruption n’a rien de réjouissant pour nous autres qui sommes de la même fournée

Ça ne lui a pas servi de leçon, évidemment. Et de l’immonde gâchis de sa rencontre télévisée avec Dieudonné, qui l’a croqué comme un mulot, Louise Cousineau a fait un compte-rendu. La bataille a pogné. Je me suis retrouvé au milieu, mon nom lancé comme un caillou par ce saltimbanque paniqué en direction de sa critique.

Lisez cet article. On l’a altéré. Il finissait par crisse de folle. J’ai écrit à Louise Cousineau pour regretter à sa place la conduite inqualifiable de Martineau. C’est resté sans réponse. Mais l’injure à la journaliste a disparu, le Premier Ministre a eu droit à un Mea Culpa, et je me ramasse avec les sales majuscules du guignol qui se fout bien des conséquences.

Ma foi, il est peut-être temps de lui rappeler ce qu’on peut faire avec un clavier. Mais laissons-le se lamenter qu’on le poursuive, laissons-le revenir de son ébahissement. Quoi! Lui? Responsable?

C’était le 12. Johnny m’a conseillé de laisser couler. Je l’ai écouté. Il m’a aussi envoyé un enregistrement qui, m’a-t-il dit, méritait davantage mon attention. Grave. Dommageable. Cela, je ne l’ai pas écouté. Mais j’anticipe…