6.12.02

Petit courriel de Justine:



Christian, j'ai une demande spéciale. J'aimerais une page de ton journal qui ne soit dédiée qu'à l'amour. Rien d'autre que l'amour. Celui que tu n'as pas, celui qu'on t'a donné, qu'on veut t'enlever, que tu as oublié, que tu caches, dont tu rêves... Pour toutes les femmes qui te lisent. Pour toutes celles qui n'osent pas te le demander. Un cadeau d'avant Noël.



Je veux bien essayer, Justine, ma douce. Mais sais-tu bien ce que tu demandes?



Enfin, allons-y. J'ai aimé et j'ai été aimé. Il faudra que je parle au passé parce que je n'éprouve plus les choses comme avant, avec confiance et advienne-que-pourratisme, et l'innocence qui est de l'ignorance bienheureuse.



Quand le ciel juridique m'est tombé sur la tête, j'ai commis l'erreur de protester que j'aimais les femmes, et on m'a cruellement tourné en dérision pour cela. Or, le temps a passé et force m'est de reconnaître que je ne les aime plus autant qu'avant, en grande partie parce qu'elles s'aiment rarement elles-mêmes.



Mais bon, j'ai aimé, hein, faut pas croire. Aimé si douloureusement que l'émail de mes dents se fendillait comme un vitrail de cathédrale dans un tremblement de terre. Et puis légèrement, béat, en d'estivales orgies de chair joyeuse et aussi parfois l'hiver, engoncé avec elles dans la chaleur du foyer.



Celui que je cache, je n'en parlerai pas. C'est toi, celui que je cache! Et puis je suis un drôle d'écrivain, car j'ai appris très tôt à ne rien mettre par écrit des choses de l'amour. Plus homme qu'artiste, disons.



Celui dont je rêve trempe mon lit la nuit. À mon âge, c'est pas mal.

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