21.12.02

Il y a un type au Nord-Vietnam, du nom de Nguyen Khac Toan: il vient de se faire coller douze ans de taule dure par son gouvernement pour avoir diffusé des plaintes politiques sur le Net. Pour autant que je puisse en juger, il n'écrivait pas la moitié de ce que je me permets quotidiennement sans y penser. Et il m'arrive de me trouver courageux! J'ai honte, Saigneur, j'ai le goût de me taire, de me mordre la langue au sang sitôt que j'aurai terminé de me ronger les doigts. Douze ans! Et bien sûr, se taire est exclu, il faut bien au contraire parler plus, à mesure qu'on y croit moins, jusqu'au final mirage du prêcheur au désert qu'on découvre blanchi sur un erg, la langue exbouchée pustuleuse épaisse comme un battant de cloche. Pauvre cloche.



Cependant, un rapide survol de la presse d'aujourd'hui (oui, La grosse Presse juteuse et plate du samedi) fournit à quiconque s'en donne la peine ample matière à dégueuler.



Ainsi, une charogne puante et pétillante, pigiste de son état, frais émoulu de l'U de M où il signait de prudentes et laborieuses colonnes dans le journal étudiant, ce sinistre cireur de bottines, donc, inconscient des cinq raisons (jeune, arrogant, soumis, bourgeois déjà, candide, pressé de plaire et pas cher: je sais, ça fait sept, mais certaines se recoupent) qui lui valent cette tribune dont il s'enorgueillit pourtant, fier d'exhiber à ses parents sa griffe insignifiante dans le quotidien de la rue Saint-Jacques, ce cancrelat qui se vend pour peu et qui ne vaut rien commet aujourd'hui un article indigné sur l'accès au téléphone en prison. À quatre jours de Noël, cette saleté de journaleux fascisant s'avise qu'on devrait retirer aux détenus provinciaux le scandaleux privilège de rejoindre leurs proches à frais virés. Dans un papier manifestement télégraphié par des screws qui se foutent de sa gueule, le béat dactylollipop s'efforce de nous énerver le poil des jambes avec des perles sucrées style: D'un simple coup de fil donné de l'intérieur d'un établissement de détention où ils séjournent, les détenus sous l'autorité des Services correctionnels du Québec peuvent en toute quiétude commander, planifier et orchestrer n'importe quelle activité criminelle.



Les caractères gras ne sont pas de moi, ni la grossière indécence qui sous-tend ce brûlot sous couvert d'intérêt public. Le fait est que les gars en prison sont chanceux si quelqu'un dehors accepte encore les frais de leur appel à l'aide, la plupart n'ont personne, leur femme les dompe et leur mère capote et leurs chums s'évaporent à l'air libre et on a trois téléphones pour cent-cinquante hommes et on n'a pas le temps "d'orchestrer n'importe quelle activité criminelle", maudit twit, le premier qui outrepasse son temps de téléphone pendant que les gars font la queue en attendant leur tour se ramasse une baguette de pool en arrière de la tête. Ça, c'est pour une première offense. Je n'en ai jamais vu de deuxième. Et tu veux priver ces gars-là de téléphone dix minutes par jour? Et tu crois les screws qui t'ont dit que ce serait une bonne chose? Imagines-tu que ça les intéresse, les services correctionnels, de gérer des émeutes hebdomadaires et de revenir trente ans en arrière à la grande époque des sanglants bingos? Maudit niaiseux. Maudit scribouillard cheap de plumassier, en plus t'écris comme une envie de chier. Et tu feras une longue carrière, nul n'en doute, tu es de la graine de Michel Auger, tu traques la vérité au mépris du danger...



Remarque, tu es sûrement vexé maintenant mais ça va vite passer, ou peut-être pas, en tous cas je ne mentionne pas ton nom et c'est un peu pour te donner une leçon d'élégance: ta mère ne t'a jamais enseigné qu'on ne frappe pas un mec à terre?

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