26.9.09

Pierrot

J'en suis à mon dixième brouillon scrappé depuis la barre du jour, pas dormi depuis mercredi, Pierre est mort à l'aube et s'il doit y en avoir un troisième demain, il se peut bien que ce soit moi!

Je reprendrai mes brouillons quand mes neurones seront sans crasse et sans mélasse, l'ordi aussi pédale dans la garnotte, les lumières dehors clignotent péniblement, l'air pue comme s'il charriait quelque malsain poison parasitaire organisé en malveillante masse arrivée jeudi sur l'île et qui passe ombre pâle en semant sa vapeur d'angoisses et de douleurs...

Les brouillons sur la glace et les fenêtres closes, je poste ceci seulement ce soir, un fascinant document, premier essai de Pierre Falardeau qui est alors anthropologue, assisté de son ami d'enfance Julien Poulin. Cinquante ans après leur rencontre au pensionnat sans que jamais la vie ne les ait séparés comme elle en a l'art et la coutume, c'est la mort qui est passée faire la cruelle et triste besogne.

Qu'elle ne tue plus personne demain! Je ne tiendrai pas longtemps s'il me faut ne rédiger que des notices nécrologiques!

Paix, mon ami. Tu as réussi, tu t'es rendu au bout en te battant debout, soixante-deux rounds et jamais un instant à genoux. C'était ton Graal, vivre et mourir en homme propre, ton intégrité intacte et ton coeur pur de compromis. Je souhaite que t'aies eu le temps de partir content, il ne faut à la fin qu'un instant sans douleur, du moins veux-je le croire; une seule, lucide et sereine seconde suffit, à mesurer sa vie: je crois que tu auras souri.

25.9.09

La vie est liesse ou valse aux sanglots longs des violons de l'automne...

Cela serait vain, et vague, mais tenter malgré tout d'évoquer ce que j'éprouve avec les mots qu'il faut pour le véhiculer au mieux, ça ressemblerait à un croquis sur le vif, un cliché relevant de la radiographie, cela rassemblerait peu de mots et en exclurait cent. Il y serait question de peine et de stupéfaction, de spleen sourd, de mélancolie recueillie, des sentiments silencieux traversés de pensées surgissant comme des soupirs et que je renonce à démêler ce matin après trois heures d'essais stériles, l'expérience absolument sans précédent pour moi du langage impuissant, insuffisant, défaillant au moment de décrire ce que m'inspire le si triste suicide de Nelly hier soir. Je vais donc attendre à plus tard, quelques heures ou quelques jours, me bornant pour l'instant à ces quelques considérations. D'abord, je songe qu'elle aura sûrement laissé du texte éclairant son geste, car ainsi sont les écrivains. Ensuite, je ne peux chasser cette impression qu'elle redoutait vraiment le vieillissement davantage que la mort, ainsi qu'elle l'exprimait souvent, sous diverses formes allant du subtil subliminal allusif impliqué découlant incident imagé langagier fabriqué dans le but de toucher soit le coeur soit l'esprit de cet autrui lecteur en laissant derrière soi la trace d'un passage, au plus austère et clair énoncé qui annonce ou défonce ou dénonce ou enfonce et qui a pour objet prosaïque épuré de livrer à autrui un message reçu net et nu dans l'esprit qu'il est conçu sans interprétation fantasme ambiguïté second degré sans marge et sans équivoque et sans poésie et sans grille, elle y pensait et l'écrivait et le disait et elle l'a fait, elle a tranché, elle a choisi, elle a fini le manuscrit du roman de sa vie, révisé les épreuves et gravé le récit dans la pierre du temps, irrémédiable, incorrigible, inaltérable, impitoyable dans sa marche unidirectionnelle, suivant son vecteur comme un requin nage en ligne droite la gueule béante avalant tout sur son chemin et aussi incapable de dévier qu'un ours de dévaler une pente sur deux pattes, le temps marchant comme un nazi décérébré moitié monstre et moitié zombie, le temps marchant en métronome avec en guise de pas de l'oie l'horlogerie de l'univers, le lien causal, toujours la cause avant l'effet sans possible dérogation, sans rewind, sans pardon, sans seconde chance, sans retour ni recul, sans espoir pour Superman d'inverser la rotation de la Terre et sauver Lois Lane, le temps comme un Dieu machinal amnésique, inconscient de notre existence et nous écrasant dans nos limites, interdisant à Nelly ou Dédé de modifier une seule virgule à leurs histoires après le point final, pour l'éternité bête absurde et glacée, ça m'emplit d'une indicible désolation, d'une indicible désolation, d'une indicible désolation...

Il est troublant de constater la quasi-similarité des témoignages diffusés partout depuis tôt ce matin peu avant l'aube. Tous précisent avec franchise ne pouvoir se considérer comme des intimes de Nelly, et tous évoquent son mystère.

Dans les jours à venir, il est à prévoir que certains pans de ce mystère vont tour à tour se dissiper. J'espère que ceux dont le métier est d'informer ne seront pas trop pressés d'écumer, citer, spéculer et répéter. Nelly Arcan n'était pas que le nom de plume d'Isabelle Fortier, c'était une fiction devenue réalité, un chemin vers la liberté qui s'est mué en piège et refermé, la moitié d'une dualité. Isabelle et Nelly allaient jusqu'à ne pas partager la même date de naissance. Le dernier article de Nelly, destiné au ICI d'aujourd'hui et qui n'a pas paru, évoquait semble-t-il une envie de maternité, inouïe comme ses lecteurs le savent. Depuis ce matin, j'ai prévu de clore ceci par le souhait que Nelly soit partie dans la paix d'une victoire et pas la détresse d'un échec, je veux croire que oui et l'imaginer en Venus Victrix, elle qui à la toute fin a aussi pu se concevoir en Venus Genitrix...

(...) pendant que tu te bats pour que justice soit faite, je cours les boutiques et les chirurgiens car il ne sert à rien d'avoir du courage lorsqu'on est vieille, et puis la jeunesse demande tellement de temps, toute une vie à s'hydrater la peau et à se maquiller, à se faire grossir les seins et les lèvres et encore les seins parce qu'ils n'étaient pas encore assez gros, à surveiller son tour de taille et à teindre ses cheveux blancs en blond, à se faire brûler le visage pour effacer les rides, à se brûler les jambes pour que disparaissent les varices, enfin se brûler tout entière pour que ne se voient plus les marques de la vie, pour vivre hors du temps et du monde, vivre morte comme une vraie poupée de magazine en maillot de bain, comme Michael Jackson dans la solitude de sa peau blanche, enfin mourir de n'être jamais tout à fait blanc, tout à fait blonde.

Putain, roman, Nelly Arcan.

Paris, Le Seuil, 2001.

23.9.09

Le Corbillard




Par des temps de brouillard, de vent froid et de pluie,
Quand l'azur a vêtu comme un manteau de suie,
Fêtes des anges noirs ! dans l'après-midi, tard,
Comme il est douloureux de voir un corbillard,
Traîné par des chevaux funèbres, en automne,
S'en aller cahotant au chemin monotone,
Là-bas vers quelque gris cimetière perdu,
Qui lui-même, comme un grand mort, gît étendu !
L'on salue, et l'on est pensif au son des cloches
Elégiaquement dénonçant les approches
D'un après-midi tel aux rêves du trépas.
Alors nous croyons voir, ralentissant le pas,
A travers des jardins rouillés de feuilles mortes,
Pendant que le vent tord des crêpes à nos portes,
Sortir de nos maisons, comme des coeurs en deuil,
Notre propre cadavre enclos dans le cercueil.

Émile Nelligan
1879-1941

Le paravent du désastre (construire son propre savoir)

Mario sait toujours torcher un édito!

L'ivresse des mots

Mario Roy
La Presse

Comment pouvons-nous tolérer que près de la moitié de nos futurs enseignants ne maîtrise pas la langue française? Et ce, alors que nous affirmons avec des trémolos dans la voix que nous sommes prêts à tout pour sauver notre langue? Il s'agit certainement du plus insondable des mystères de l'âme québécoise.

Ainsi, l'imposition d'un nouveau test de français aux candidats à l'enseignement va déclencher «une catastrophe dans toutes les facultés d'éducation», prévoit un représentant des étudiants de l'UQAM (à Marie Allard, dans La Presse). Déjà, avant ce test, la situation était désastreuse: jusqu'à 48% d'échecs. Or, le nouveau sera plus difficile. Exemple? On demandera aux futurs professeurs s'ils connaissent la règle d'accord relative au complément direct placé avant le verbe...



Avec pareille question, on comprend que ce sera l'hécatombe, d'autant plus que le seuil de réussite sera placé à 70%!

Que faire? Allouer à l'apprenti professeur recalé une quatrième chance de passer le test, puisqu'il en a déjà trois? Abaisser le seuil de réussite, à 60, 50, 40, 30%? Organiser un cours de rattrapage pré-test où on déchiffrera l'énigme du complément direct (oups, c'est déjà prévu)? Renoncer au nouveau test parce qu'il est trop difficile et qu'enseigner la langue française n'oblige pas à la connaître?

Ce ne serait pas étonnant.

«Soumettre des ignorants à de faux examens, qu'on corrige ensuite de manière à en laisser passer le plus grand nombre possible afin de justifier les programmes, les pédagogues et le ministre, cela dure depuis 20 ou 30 ans... Ceux qui président encore eux-mêmes aux réformes qu'exigent continuellement les désastres successifs de leurs politiques hypothèquent gravement l'avenir du français au Québec». Ce sont les écrivains québécois qui, en 2001, agitaient déjà ce grelot dans leur mémoire soumis aux États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française.

Quelque chose a-t-il changé depuis?

Oui. Nous avons eu une autre réforme.

* * *

Se pourrait-il que, comme une bonne partie de la société québécoise, notre système d'éducation soit ivre de mots et donc privé de la capacité d'agir?

Depuis 30 ans, en effet, il sort des officines ministérielles tant de mots couchés sur papier qu'on ne mesure plus cette logorrhée en parlant de nombre de pages, mais plutôt de tonnes métriques! Et ce, pendant que la société, elle, la vraie, celle où on trouve des enfants ignorants qu'il faut instruire, est en train de perdre cette compétence pas du tout transversale consistant à transmettre d'une génération à l'autre des connaissances. À commencer par celle de notre langue maternelle - nous parlerons une autre fois d'histoire ou de sciences.

Bref, il faudra un jour dégriser. Et se remettre à marcher droit.

Michou, La Crise...





Michou Redux:

Apostrophes, lyes!

From Emcée, pour Danger et tous nos amis alphabétisés, de Lille et d'Eastman et de Twois-Wivièwes et d'Europe à pédales et coetera...

17.9.09

Syllogisme? Arithmathémartistique?

Check these out. Bear with me.

Dans la figure AW, A étant la chanteuse alpha et W le chanteur Whittaker, on constate que tout le monde est à l'aise avec le point G (pour Ginette et Roger):



Dans la figure AD, A étant la chanteuse alpha et D le vieux monsieur qui tourne alentour en brûlant qu'elle en finisse, on constate que c'est aussi excitant qu'un rodéo tibétain à dos de lama à Veneux-les-Sablons:



Enfin, dans la figure AC, A étant demeurant restant ad vitam aeternam la chanteuse alpha et C cette espèce de Céline, on constate que...

Ben, on constate, crisse.



Un paquet d'os nasillard déguisé en Catwoman serrant les pattes et exhibant ses aisselles et essayant d'enterrer Ginette Reno?

Ginette après un baril de poulet frit Kentucky s'allonge et fait une sieste et ronfle et ce qui sort de ses divines narines est un son plus mélodieux que les sinistres émissions naso-sinusiennes de Céline; dans un pet de Ginette il y a plus de musique et de sexe que dans toutes les gimmicks de la grenouille en latex.

Ah, Ginette! Tu l'as jamais quitté, ton pays bleu. On est trop ben icitte. Vocaliser soir après soir à Vegas en plein désert durant des années pour des chiées de rednecks en bermudas vomis sur le Strip à pleins autocars, faisant shaker leur p'tit change dans leurs grosses poches en fortrel pendant ton tour de chant, attendant que ce soit fini afin de se précipiter vers les machines à sous et/ou le buffet à cocktails de crevettes, c'était pas ton genre, Ginette.

16.9.09

Mon pays, Blue...

Entre les ours fémicidaires en Mauricie et les housses mortuaires au Manitoba, quand des Montréalaises se font manger crues avant d'avoir un accident de char et que des Oji-Crees se font inhumer avant de mourir en moins de temps qu'il n'en faut pour dire Anishininiimowin, comment diable convaincre les Français, fût-ce notre favorite Ch'ti, qu'on n'est pas dans la contrée de bons sauvages et de beaux paysages que leur moussent les agents de voyage?

Elle va venir, c'est sûr, mais pour lui trouver un ours débrouillez-vous, hein? Venise, Sandy, Terrible, tous vous autres, arrangez-vous avec vos troubles. Pour l'Indien, je parlerai à Butch, et je fournis la grippe.

H1N1: les Indiens ont droit aux premiers body bags

Toujours les mêmes qui sont privilégiés!

13.9.09

Charlie Bauer

En tout, vingt-cinq ans de temps dur. Dans le second volet de la dilogie Mesrine, c'est Gérard Lanvin qui l'incarne, sans qu'on pige trop de qui ou de quoi il s'agit.



Eh ben voilà: Charlie Bauer. Pas un moulin à paroles, lui. Un Don Quichotte qui persiste à pourfendre et qui a payé le prix du réel.

Respect.

Dommaze que ma muje cossonne chuche pas de caoutsouc

Parche que Cherze et moi chommes de vieux amis et qu'il m'aurait fait de bons prix chur les godemissés. Z'ai hâte qu'il che mette au commerche des préjervatifs manzeables à chaveur de muchc de sat-chauvaze.

La parole aux malins

De Brevitate vitæ (extrait): Pour Barbe, Blue et puis aussi pour vous. Mais pas de moi.


De ce vieux Sénèque le Jeune, pas si con que ça...

Les gens affairés ne savent pas vivre. Il est vrai qu'il n'est pas de science plus difficile. Ceux qui enseignent toutes les autres sont nombreux partout ; on a vu des enfants les apprendre si bien qu'ils étaient capables de les enseigner à leur tour. Mais il faut apprendre à vivre tout au long de sa vie, et, ce qui peut-être t'étonnera davantage, il faut, sa vie durant, apprendre à mourir. Nombreux sont les hommes de très haute valeur qui ont écarté tous les obstacles en renonçant aux richesses, aux fonctions, aux voluptés, pour travailler jusqu'à l'extrême limite de leur vie à acquérir cette seule connaissance : comment vivre ? Pourtant, plusieurs d'entre eux ont avoué qu'en quittant la vie ils ne le savaient pas encore.

Ne va donc pas croire que des cheveux blancs et des rides prouvent qu'un homme a
longtemps vécu : il n'a pas longtemps vécu, il a longtemps été. Quoi, te diras-tu qu'un homme a beaucoup navigué parce qu'une violente tempête l'a surpris à la sortie du port, l'a porté cà et là dans la tourmente furieuse de vents différents et promené en cercle sur la même étendue de mer ? Il n'a pas beaucoup navigué : il a seulement été beaucoup ballotté.

Et peut-il y avoir quelque chose de plus insensé que les idées de ceux qui se vantent d'être prévoyants ? Ils sont encore plus laborieusement occupés ! Afin de pouvoir mieux vivre, ils dépensent leur vie à l'organiser. Ils forment des projets à très long terme ; or, le plus grand gaspillage de la vie, c'est l'ajournement : car il nous fait refuser les jours qui s'offrent maintenant et nous dérobe le présent en nous promettant l'avenir. Le plus grand obstacle à la vie est l'attente, qui espère demain et néglige aujourd'hui. C'est de ce qui est entre les mains de la fortune que tu veux disposer, alors que tu lâches ce qui est entre les tiennes. Où regardes-tu ? Vers quel lointain vont tes pensées ? Tout ce qui est censé arriver relève de l'incertain : vis tout de suite.

Les plus grands bonheurs sont inquiets... car tout ce qui vient du hasard est instable... Elle est donc forcément bien malheureuse, et non pas seulement brève, la vie de ceux qui acquièrent à grand-peine ce qu'ils auront encore plus de peine à conserver. C'est laborieusement qu'ils obtiennent ce qu'il désirent ; c'est dans l'anxiété qu'ils protègent ce qu'ils ont obtenu. Pourtant, ils ne prennent pas en compte le temps qui jamais plus ne reviendra : de nouvelles occupations se substituent aux anciennes, l'espoir suscite l'espoir et l'ambition, l'ambition. On ne cherche pas la fin de ses misères, on en change le sujet...

Quant aux loisirs, il serait trop long de passer en revue, un par un, ceux dont la vie s'est consumée à jouer aux échecs ou à la paume, ou à se faire dorer au soleil. Ils ne profitent pas d'un loisir, ceux dont les plaisirs sont la grande affaire. Quant à ceux qui sont plongés dans d'inutiles travaux d'érudition, nul ne mettra en doute qu'ils se donnent bien de la peine pour rien... Seuls mettent à profit un loisir ceux qui se vouent à la sagesse. lls sont les seuls à vivre, car ils ne se contentent pas de bien gérer leur existence mais y ajoutent tous les siècles.. Nous pensons que seuls consacrent leur temps à de véritables occupations ceux qui veulent avoir Zénon, Pythagore, Démocrite et tous les autres prêtres des valeurs suprêmes, Aristote, Théophraste, comme familiers de chaque jour. Aucun d'eux ne nous fera faux bond, aucun ne renverra son visiteur sans le rendre plus heureux, plus disposé à aimer, aucun ne le laissera partir les mains vides. Tout mortel peut aller les trouver la nuit comme le jour. Parmi eux, nul te forcera mais tous t'apprendront à mourir. Parmi eux, aucun ne dilapide tes années mais tous t'apportent les leurs. On a coutume de dire qu'il n'a pas été en notre pouvoir de choisir nos parents, que le hasard nous les a donnés : mais l'homme vertueux peut naître où il veut. Les esprits les plus nobles composent des familles. Choisis celle dont tu veux faire partie...

Dommaze que ma muje aime pas la bidosse rouze

Parche que Cherze et moi chommes de vieux amis et qu'il m'aurait fait de bons prix chur le chteak hassé. Z'ai hâte qu'il che mette au commerche des cuiches de poulet et du poichon en zénéral.

In this case, it's obviously different!

Dans ce cas, évidemment, c'est différent!