Ç'aurait pu être pire, je suppose...
Comparution ce matin. Plaidé coupable. Sentence: mon refuge transformé en prison. Pour les prochains quarante-cinq jours, je suis assigné à résidence dans les Catacombes de KV. Heureusement, le geôlier est sympathique et point trop sourcilleux.
À part ça, Sa Seigneurie m'a souhaité bonne chance pour mon livre. Je suis revenu à pied sous la pluie, une pluie très fine, ç'aurait pu être pire. J'ai croisé Bertrand, qui me cherche partout depuis un mois. Son père est au plus mal. Il y a des fois, ça ne peut pas aller plus mal.
Pas moyen de mettre la narine dehors sans tomber sur la mine réjouie de Johnny Taxi, ce bon gros pégrillon libanais aux chemises de soie éblouissantes qui faisait ma vaisselle quand j'étais déprimé. En voilà un que la taule n'a pas découragé de sortir.
Suis passé voir JF qui réglait la sono d'une copine chanteuse dans un café bistro rue Beaubien. M'a prêté des sous. La famiglia è sacra!
Au retour, croisé Pat Lebel devant son nouveau magasin d'électronique qu'il inaugure lundi. A pris de la bouteille. M'a fait faire un bout de chemin en bagnole.
Suis passé par le Marché Jean-Talon obscur et déserté; un seul étal restait ouvert. Ai acheté un panier de poires abîmées pour un dollar. Loué deux DVD chez Blockbuster. Maxime, l'autre Madelinot, vient d'appeler pour annoncer son arrivée avec une caisse de 24. Let the good times roll.
Pas écrit une damnée phrase. Tout le talent du monde et toute la puissance créatrice et tous les gimmicks ne remplaceront jamais la discipline dont je suis dépourvu. J'ai honte de ne pas travailler, je ne travaille pas parce que j'ai honte.
K parti garder sa nièce. Fini les folies: je m'asseois et je travaille. À moins que j'aille faire une promenade.
On a dormi douze heures récupératrices; les Catacombes sentent l'homme, l'étable et le cadavre, comme il se doit. Sabbat morne et pluvieux. Quête de chance et de pognon. Le bon vieux temps, c'est peut-être maintenant.
Ce soir, Kevin est allé boire un pot chez Zeffino, histoire de lui remonter le moral dans l'épreuve galante qu'il traverse, et aussi de scanner quelques monotypes par la même occasion. M'a informé qu'il ne rentrera pas dormir. Comme il disait à Eddie, quand Eddie vivait ici et qu'il venait chez nous. Angoisse d'amour. Snif.
J'émergeais de la rencontre de groupe, la tête pleine d'arguments convaincants, les mains pleines de prospectus, quasiment décidé à me chercher de l'ouvrage, quand je me suis retrouvé en plein bouchon de circulation, tout un trafic de travailleurs harassés pressés de rentrer à la maison, tout un banc de poissons pris au filet, et la cacophonie des klaxons m'a choqué, j'ai jeté la paperasse dans une poubelle proche et je me suis enfui à toutes jambes en direction de la bibliothèque.
Cet après-midi, convoqué par la sécurité (du revenu) à une rencontre de groupe. Objet: réinsertion au travail. Je n'ai rien à perdre et tout à gagner: des fois qu'ils me diraient comment me remettre à mon livre!
Enrichi ma recette. Ajouté de l'Atasol. Toutes mes blondes en ont pris pour leurs douleurs menstruelles, qu'elles comparaient à des rages de dents.
Émaillé la journée de roupillons. Kevin s'amusait avec Tirésias (l'ordinateur), à créer des merveilles comme ce Chromo:
© 2002 Kevin Vigneau
Et, non, on n'a pas pris d'acide.
Quand Justine m'a appris qu'elle allait chez le dentiste et que je me suis écrié: «Chanceuse!», elle a cru que je blaguais. Je me lève la nuit pour me concocter des cocktails d'Advil et d'Oragel.
K me décrit les senteurs de l'automne et je ferme les yeux.
Dans sa chronique d'aujourd'hui, un papier revenant sur l'affaire Péan et mettant en cause André Vanasse, Pierre Foglia me qualifie de poids lourd de notre littérature. Faut vraiment que je me mette au régime.
Miracle! J'ai vu un homme passer de l'âge de pierre à l'ère du silicium en quelques secondes. Kevin, ce pêcheur, ce navigateur, vient de se gréer d'un G4 puissant comme un galion espagnol, toutes proportions gardées. Pour ma part, je nous ai branchés par modem téléphonique sur mon compte internet par câble, et nous voici back in business. Toutes proportions gardées...
En temps vrac (Vraiment râflé aux cochons):
-Cesser de répondre à Hans que tout est bien là-bas, dans le sous-terrain, ce qui est vrai en quelque sorte, mais enfin, ça ne peut pas durer, Kevin en a déjà fait plus qu'assez, et je veux très fort rentrer, chez moi, chez moi! Mon vieux bochu Robin des Bois comprendra ça, il plaidera, il feulera, il me fera rendre mes clés, et rendre gorge à ces curés!
-Parlé toute la nuit avec KV d'une pièce de théâtre mettant en scène deux ivrognes dont l'un attend sa mère. Avons ajourné quand sa mère est venue le chercher.
-Sensible, ce rouquin dur, sensible et frère et si fâché que je m'en veuille retourner faire office de cobaye pour une transnationale pharmaceutique. Prêt à vendre son sang plutôt que de m'imaginer louant le mien, et refusant d'envisager la rouge, ferreuse loi du marché.
-Vais fournir un livre étrange et palpitant à ce Lévy de Trois-Pistoles. Probablement, du moins c'est ainsi que je le (re)vois maintenant, une conjonction de ce Journal et d'Origines...
-Claude, amoureux pour la première fois de cette façon et souffrant de l'absence temporaire de Sarah, se désennuie en convoquant sa députée à venir lui changer un chèque à domicile. Attention les enfants: cet exploit est réalisé par un professionnel et il n'est pas recommandé d'essayer ça à la maison sans la supervision du Directeur Général des Élections.
Je vous écris de là où j'en pourrois pâtir si ça venoit à se savouir. J'ai point le droit, j'ai point le jouir de gratter le moindre mot depuis ce lieu-ci, ancien lieu saint. Pour tout dire, et juste au cas où on vous le demande, c'est K qui tape ceci depuis là-bas, sauf que c'est faux, sauf que c'est safe...
Bon, doux bordel, que voici assez de langage codé entre nous! Juste assez pour confondre les inquisiteurs, juste pas trop pour mes lecteurs. Faut que je chuchote en clavardant, mes enfants, faut pas que je tousse, faut pas que je recule ma chaise de telle façon qu'elle érafle, sonore, la marquetterie, bref faut que j'éteigne mon cellulaire et toutes les cellules tonitruantes en moi, de même que les murmuratrices, tout ce qui trahirait mon infraction aux aimeux de police.
Je l'ai déjà écrit, je vais un peu à l'université par procuration, à travers Kevin. Il m'apporte beaucoup. Cette semaine, il m'en a rapporté une grippe carabinée. Chu malaade!
Son prêt-ordinateur approuvé, on part en expédition de shopping au mastodonte.
Hier, comparution pro forma en cour municipale, remise au 30 avec assignation de témoin. C'est pas demain la veille que je redormirai au Bunker.
Kevin a invité deux amis Madelinots et ils ont improvisé une java d'enfer avec tapage de pieds et jouage de cuillers en bois et chansons à répondre et niagaras de bière.
Les productrices m'avisent que le travail sur Vago ne recule pas.
Provenance: bibliothèque du Patro Le Prévost, tandis que KV lit des BD à la table à côté.
Hier vers les cinq heures, après avoir peint un huitième d'une toile à l'huile, Kevin s'est mis à tourner dans les catacombes comme un lion en cage assoiffé de sang chrétien. «Faut que j'me soûle la gueule, faut que j'me soûle la gueule», psalmodiait-il, et ainsi fut fait; cependant qu'il s'imbibait consciencieusement, je lisais Sherlock Holmes.
On a passé la soirée à écouter ses vieux disques, les voix éraflées de Renaud, Ferré et Georges Dor, Dylan, Charlebois et Georges Langford, Styx, Simon & Garfunkel et Georges Moustaki. À la fin, très émus, on s'est remerciés de ce qu'on faisait l'un pour l'autre. Rendu au concerto no2 pour violon de Mendelssohn, il m'a lâché que ce qu'il trouve bien chez moi, c'est ma façon de transcender ce qui s'incruste dans le réel. Je me suis endormi aux impossibles arpèges de Rachmaninov.
Hier, rencontré Hans au marché Jean-Talon pour discuter de ma défense. Un vieux vendeur itinérant a réussi à lui faire acheter deux paires de verres fumés. On a bien ri en relisant le rapport de police où il est fait mention qu'à leur arrivée, quelqu'un (Kevin) frappait à ma porte avec une bible (Lolita!)
Kevin est revenu tôt de son contrat de peinture, exaspéré par le vieil Israélite qui le suivait partout en le pressant, anxieux de voir le travail prendre fin avant la tombée du jour et le début du shabbat.
En veine de grande bouffe, il a préparé un gigot de mouton auxquels Mario et Steve furent conviés. Ni l'un ni l'autre ne s'est fait prier et on a passé une très agréable, très médiévale soirée, sur fond de cassette des Rois Maudits. Mario m'a remis le premier exemplaire du Moebius dans lequel figure son texte, dédicacé aux presses du Bunker, ce qui m'a touché. Je travaille maintenant à marier Kevin à la revue Estuaire.
L'autre nuit, écrit seize pages d'Origines. Aucune idée encore de ce qu'elles valent.
D'autre part, et dans l'intérêt d'être tout à fait franc, j'ai passé toute cette obscure soirée à lorgner le généreux corsage de Justine à ma dextre, et à me marrer avec KV à ma senestre. Justine avait fumé un gros pétard gras juste avant le show et rigolait (ON VA S'AMUSER, OUEEEHH!).
Là où je suis, la radio diffuse un discours de Castro qui ne fait rien pour favoriser la concentration.
Hier, lancement à la Bibliothèque Nationale de Le 11 septembre des poètes du Québec, un recueil paru chez Trait d'Union dans lequel je figure. Fait un bout d'entrevue avec Danielle Laurin pour Bouquinville, l'émission radio de Stan Péan.
Préparé un pâté chinois pour lutter contre mon mal du bunker. A fallu dévisser les poignées, susceptibles de fondre, pour mettre le plat au four. Kevin n'est pas équipé pour ça.
Désireux d'ajouter un beau livre à sa somptueuse bibliothèque, et venant juste de recevoir son prêt étudiant, il a finalement opté pour une édition originale de la suite des Mille et une nuits dont, improbable Schéhérazade, je lui ai fait la lecture pour l'endormir.
Suis venu à l'université avec Kevin. Passant devant mon ancien appartement, rue Édouard-Montpetit, ai cru croiser les fantômes vamps de Blue Jean, Baptiste et Fantasio...
À l'U de M, le ratio mecs/nanas est de 1 pour 3. Le pouvoir de demain. Les gars décrochent longtemps avant d'arriver ici. Selon K, c'est dû à ce que le système soit fait pour elles: depuis qu'on n'a plus le droit de se bagarrer durant la récré, aucun garçon survolté n'est capable de se concentrer l'après-midi.