5.10.09
30.9.09
29.9.09
Nelly n'était pas belle
Comment faut-il s'y prendre pour faire comprendre ça? Pas aux gars, ni aux filles, mais à Fortier qui s'est tuée en ne voyant pas d'issue à ça? Belle, jamais elle ne l'aurait été assez. Personne ne parle de Marie-Sissi depuis jeudi, pourtant c'est elle qui est la folle officielle, la borderline, l'auto-mutilatrice écrivaine et la blonde belle, c'est elle qui a su se survivre en souffrant cent enfers, surtout sans se chercher dans un miroir.
Nelly Arcan n'existait pas. Elle a failli exister, c'est un pari perdu dont on aurait dû la mettre au parfum de ce qu'il peut en coûter de le placer. Les écrivains, des plus modestes (je n'en nommerai aucun) aux plus narcissiques (moi pour n'en nommer qu'un) aiment à se mirer dans leurs photographies, leurs images qui s'animent en vidéo, leurs voix qui friment à la radio, les critiques de leur boulot qu'elles soient magnanimes ou psychos... Aiment à se mirer, ma foi, ce n'est peut-être pas exact, mais ne peuvent s'en empêcher, certainement ça l'est, du moins pour un temps, jusqu'à polir sa propre glace, tout l'espace qui sépare la marâtre de Blanche-Neige, deux créatures figées dans l'âge fictif qui n'est pas celui des femmes. Le miroir magique ne date pas d'hier.
Nelly n'était pas belle pour Nelly. Combien de mues, de tricheries, de chirurgies eut-il fallu pour que le monde s'en rende compte? Le regard des hommes n'avait rien à y voir, pour ma part ses seins m'impressionnaient bien mais sinon, en en détachant mon regard pour observer le sien, je voyais dans ses yeux concentrée la seule vraie beauté de ce visage, isolée, assiégée, la beauté du désir épouvantable et de la franchise abusée, ces yeux-là qui l'accusaient dans toutes ces photos qu'elle faisait pour elle-même, beaucoup trop, beaucoup trop, car elle ne posait pas pour le monde, la pub ou le plaisir de paraître, elle posait comme on pose des pièges pour se capturer soi-même.
Nelly Arcan n'existait pas. Elle a failli exister, c'est un pari perdu dont on aurait dû la mettre au parfum de ce qu'il peut en coûter de le placer. Les écrivains, des plus modestes (je n'en nommerai aucun) aux plus narcissiques (moi pour n'en nommer qu'un) aiment à se mirer dans leurs photographies, leurs images qui s'animent en vidéo, leurs voix qui friment à la radio, les critiques de leur boulot qu'elles soient magnanimes ou psychos... Aiment à se mirer, ma foi, ce n'est peut-être pas exact, mais ne peuvent s'en empêcher, certainement ça l'est, du moins pour un temps, jusqu'à polir sa propre glace, tout l'espace qui sépare la marâtre de Blanche-Neige, deux créatures figées dans l'âge fictif qui n'est pas celui des femmes. Le miroir magique ne date pas d'hier.
Nelly n'était pas belle pour Nelly. Combien de mues, de tricheries, de chirurgies eut-il fallu pour que le monde s'en rende compte? Le regard des hommes n'avait rien à y voir, pour ma part ses seins m'impressionnaient bien mais sinon, en en détachant mon regard pour observer le sien, je voyais dans ses yeux concentrée la seule vraie beauté de ce visage, isolée, assiégée, la beauté du désir épouvantable et de la franchise abusée, ces yeux-là qui l'accusaient dans toutes ces photos qu'elle faisait pour elle-même, beaucoup trop, beaucoup trop, car elle ne posait pas pour le monde, la pub ou le plaisir de paraître, elle posait comme on pose des pièges pour se capturer soi-même.
Au corps, aux nerfs: message au coroner
Nelly Arcan n'existait pas. C'est Isabelle Fortier qui s'est supprimée. Si vous voulez savoir pourquoi, il faut commencer par le commencement, mais en gros c'est aussi fou que cela: elle ne voulait, ne pouvait pas vivre plus vieille que Marilyn Monroe.
Elle la dépassait déjà de quelques mois, quatre, et sa décision identitaire remontait à loin, si on peut appeler ça ainsi. 36 ans, maximum. “I wanna live fast, die young and leave a beautiful corpse”, dit-on, ce dicton qu'on attribue à tort à James Dean, elle y compris. James Dean, Marilyn Monroe, même bull à mythe. Me demande si ça aurait changé quelque chose, qu'elle sache. Que c'est John Derek qui prononce en premier la réplique dans Knock on Any Door, un film de 1949 avec Humphrey Bogart, tiré d'un roman de Willard Motley publié deux ans plus tôt, Motley qu'on connaîtrait bien davantage s'il n'avait eu la légèreté stratégique de naître nègre en Amérique, et que Derek dans le rôle de Pretty Boy Romano, c'est le mec qui épousa et photographia pour Playboy Ursula Andress, Linda Evans et, oui, Bo Derek. Dans le film, Bogart lui envoyait: "You look great, but kid, that's not enough". J'aurais jamais eu la cruauté dangereuse d'attirer l'attention de Nelly sur ces détails de culture populaire, elle entretenait ses propres références et ça n'aurait fait aucune différence. Marilyn, c'est de ce côté qu'il faut chercher. C'est la clef. Du paradis. De Nelly.
Elle la dépassait déjà de quelques mois, quatre, et sa décision identitaire remontait à loin, si on peut appeler ça ainsi. 36 ans, maximum. “I wanna live fast, die young and leave a beautiful corpse”, dit-on, ce dicton qu'on attribue à tort à James Dean, elle y compris. James Dean, Marilyn Monroe, même bull à mythe. Me demande si ça aurait changé quelque chose, qu'elle sache. Que c'est John Derek qui prononce en premier la réplique dans Knock on Any Door, un film de 1949 avec Humphrey Bogart, tiré d'un roman de Willard Motley publié deux ans plus tôt, Motley qu'on connaîtrait bien davantage s'il n'avait eu la légèreté stratégique de naître nègre en Amérique, et que Derek dans le rôle de Pretty Boy Romano, c'est le mec qui épousa et photographia pour Playboy Ursula Andress, Linda Evans et, oui, Bo Derek. Dans le film, Bogart lui envoyait: "You look great, but kid, that's not enough". J'aurais jamais eu la cruauté dangereuse d'attirer l'attention de Nelly sur ces détails de culture populaire, elle entretenait ses propres références et ça n'aurait fait aucune différence. Marilyn, c'est de ce côté qu'il faut chercher. C'est la clef. Du paradis. De Nelly.
Nelly Fortier/Isabelle Arcan: un corps, deux morts
Personne ne semble se demander si elle a laissé un mot. Où sont les journalistes, les vrais, où est le coroner, où sont les citoyens, attendra-t-on des mois comme après Dédé pour que le Journal de Montréal nous expose un fac-similé choquant pleine page? Il l'a déjà fait en publiant la dernière chronique de Nelly en page 5 après avoir stoppé l'impression dans sa succursale 24hmontreal vendredi. Impression, je dis: le journal est sorti sans le texte. Deux heures plus tard le site internet le publiait, mais ça ne rectifie pas l'impression, et le lendemain le J de M se servait, puisque n'est-ce pas les écrits de Nelly lui appartenaient... J'espère que ses ayants droit se le feront payer, ce texte, autrement qu'en trouvant un chèque du ICI dans deux semaines dans sa boîte à malle rue Saint-Dominique quand ils trouveront la force d'aller vider son appartement, vu que les ayants droit sont généralement des proches et/ou des parents, bref des gens qui ont mal longtemps. Ceux qui lui feront de dignes et aimantes funérailles vendredi à Lac-Mégantic. Pas ceux qui se démènent pour sortir le roman qu'elle a pris la peine de finir avant de mourir ( Paradis, clef en main) juste à temps pour le mois des morts, le Salon du Livre, les achats des fêtes et, sale hasard, le 3 novembre, jour de mon anniversaire. Vendredi soir encore, la date annoncée était le 11. Vendredi midi, on annonçait qu'on publierait. Vendredi matin, on tergiversait, on parlait de consulter la famille, d'agir sans précipitation dans un souci de grâce et d'élégance et de respect sans considération de commerce... À l'heure où j'écris ceci, on négocie fébrilement avec Le Seuil, c'est certain, et on s'affole pour identifier l'héritier titulaire des droits d'auteur. Normal. Je ferais pareil. Mais pas en cachette.
Le prochain billet s'adressera au coroner, et à ceux que la chose intéresse...
Le prochain billet s'adressera au coroner, et à ceux que la chose intéresse...
Roman: Polanskissinger
Des avocats genevois veulent expulser Kissinger du CIO
Des organisations de droits de l'homme lui reprochent un "passé chargé de crimes".
Prix Nobel de la paix en 1974 pour avoir négocié le retrait des troupes américaines du Nord Vietnam, Henry Kissinger est de plus en plus fréquemment épinglé pour son passé politique. Hier, au trentième anniversaire du coup d'Etat de Pinochet au Chili, deux associations suisses de défense des droits de l'homme ont requis son expulsion de la commission d'éthique du Comité international olympique (CIO). Henry Kissinger, âgé de 80 ans, est membre d'honneur de cette commission depuis 2000.
"Il ne s'agit pas d'une action en justice", précise l'avocat Philip Grant, président de l'association TRIAL, dont fait aussi partie l'ancien Procureur Bernard Bertossa. "Nous avons adressé notre plainte à la commission d'éthique. Il est inacceptable que M.Kissinger puisse siéger dans cette commission."
Créée il y a un an et demi, l'association TRIAL ("procès" en anglais) s'est donné pour mission de traquer l'impunité partout dans le monde. En ce qui concerne Henry Kissinger, TRIAL veut prouver que l'ex-secrétaire d'Etat américain à la Défense s'est rendu complice de crimes de guerre. Les reproches portent sur l'impact de sa politique sur le Chili, l'Indochine (Vietnam, Laos, Cambodge) et l'Indonésie (Timoré Oriental).
TRIAL et le comité "Justice et mémoire" se rendront le 10 décembre prochain à Oslo, où ils demanderont que le Nobel soit retiré à M.Kissinger. "Nous voulons aussi qu'il soit démis de ses fonctions de président du Comité pour le Prix de la paix de l'Unesco", explique Philip Grant.
L'avocat genevois ne compte pas s'arrêter là: "J'ai déjà préparé des plaintes contre d'ex-dirigeants communistes, que je déposerai s'ils se rendent en Suisse." En 2001, "TRIAL" avait publié un ouvrage traitant de "La lutte contre l'impunité en droit suisse". Un mode d'emploi de ce qu'on appelle la compétence universelle, principe qui autorise que les bourreaux, les dictateurs, les criminels de guerre soient jugés par un tribunal étranger, une fois déchus et en exil ou simplement de passage dans un pays tiers. Y compris la Suisse.
(Source: B. F. Tribune de Genève, 12 septembre 2003)
Des organisations de droits de l'homme lui reprochent un "passé chargé de crimes".
Prix Nobel de la paix en 1974 pour avoir négocié le retrait des troupes américaines du Nord Vietnam, Henry Kissinger est de plus en plus fréquemment épinglé pour son passé politique. Hier, au trentième anniversaire du coup d'Etat de Pinochet au Chili, deux associations suisses de défense des droits de l'homme ont requis son expulsion de la commission d'éthique du Comité international olympique (CIO). Henry Kissinger, âgé de 80 ans, est membre d'honneur de cette commission depuis 2000.
"Il ne s'agit pas d'une action en justice", précise l'avocat Philip Grant, président de l'association TRIAL, dont fait aussi partie l'ancien Procureur Bernard Bertossa. "Nous avons adressé notre plainte à la commission d'éthique. Il est inacceptable que M.Kissinger puisse siéger dans cette commission."
Créée il y a un an et demi, l'association TRIAL ("procès" en anglais) s'est donné pour mission de traquer l'impunité partout dans le monde. En ce qui concerne Henry Kissinger, TRIAL veut prouver que l'ex-secrétaire d'Etat américain à la Défense s'est rendu complice de crimes de guerre. Les reproches portent sur l'impact de sa politique sur le Chili, l'Indochine (Vietnam, Laos, Cambodge) et l'Indonésie (Timoré Oriental).
TRIAL et le comité "Justice et mémoire" se rendront le 10 décembre prochain à Oslo, où ils demanderont que le Nobel soit retiré à M.Kissinger. "Nous voulons aussi qu'il soit démis de ses fonctions de président du Comité pour le Prix de la paix de l'Unesco", explique Philip Grant.
L'avocat genevois ne compte pas s'arrêter là: "J'ai déjà préparé des plaintes contre d'ex-dirigeants communistes, que je déposerai s'ils se rendent en Suisse." En 2001, "TRIAL" avait publié un ouvrage traitant de "La lutte contre l'impunité en droit suisse". Un mode d'emploi de ce qu'on appelle la compétence universelle, principe qui autorise que les bourreaux, les dictateurs, les criminels de guerre soient jugés par un tribunal étranger, une fois déchus et en exil ou simplement de passage dans un pays tiers. Y compris la Suisse.
(Source: B. F. Tribune de Genève, 12 septembre 2003)
Roman: next chapter
Suisse neutre: souvenir.
Intéressant, ceci: les flics suisses seraient cons et incultes au point de devoir consulter Interpol afin de filtrer les noms des gens qui réclament leur protection avant de venir dans leur pays chercher un Prix pour l'ensemble de leur carrière. Les Gardes Suisses n'ont jamais entendu parler de Roman Polanski, ils ne se préoccupent que du Pape. Et les banques suisses préservent le secret bancaire sauf si un gros morceau de cochon shérif de village en Alabama leur téléphone et réclame des informations.
La Suisse, crisse. Relâchez Polanski!
La France: faites pression!
Intéressant, ceci: les flics suisses seraient cons et incultes au point de devoir consulter Interpol afin de filtrer les noms des gens qui réclament leur protection avant de venir dans leur pays chercher un Prix pour l'ensemble de leur carrière. Les Gardes Suisses n'ont jamais entendu parler de Roman Polanski, ils ne se préoccupent que du Pape. Et les banques suisses préservent le secret bancaire sauf si un gros morceau de cochon shérif de village en Alabama leur téléphone et réclame des informations.
La Suisse, crisse. Relâchez Polanski!
La France: faites pression!
Roman
Je viens juste de lire que la Suisse a détenu Polanski à la demande des Yankees afin de l'extrader pour qu'il subisse... pour qu'il subisse, crisse.
C'est vrai, cette histoire? Il arrive à Zurich pour assister au Festival qui va lui remettre un Prix célébrant l'ensemble de sa carrière, il a 76 ans, il est citoyen français, on l'arrête à sa descente de l'avion et on le jette au cachot?
C'est vrai, cette histoire? Il arrive à Zurich pour assister au Festival qui va lui remettre un Prix célébrant l'ensemble de sa carrière, il a 76 ans, il est citoyen français, on l'arrête à sa descente de l'avion et on le jette au cachot?
Hart Falardeau Leriche
Leurs noms forment quasiment une phrase.
J'ai connu Falardeau et sa femme Manon Leriche en même temps il y a longtemps, quand l'ONF m'a payé a shitload of money pour rédiger la fiche du film Le Steak, et j'en reparlerai, mais d'ici là le film est disponible gratis à cette adresse, payée avec vos taxes!
J'ai connu Falardeau et sa femme Manon Leriche en même temps il y a longtemps, quand l'ONF m'a payé a shitload of money pour rédiger la fiche du film Le Steak, et j'en reparlerai, mais d'ici là le film est disponible gratis à cette adresse, payée avec vos taxes!
La Crise: dernière crisse de fois que
je parle ici d'un film excitant avant d'aller me le chercher.
Y a un salaud de lecteur de Blue ou de moi qui est allé se chercher le VHS à la Boîte Noire last week!
Bring it back, héhé, pour l'amour du bon Yeu!
Y a un salaud de lecteur de Blue ou de moi qui est allé se chercher le VHS à la Boîte Noire last week!
Bring it back, héhé, pour l'amour du bon Yeu!
28.9.09
VLB sur Pierre Falardeau
Pierre Falardeau n’était pas mon ami, mais bien davantage : un complice qui me stimulait, rendant ainsi impossible tout découragement dans un pays-pas-encore-pays par la faute de ses élites bourgeoises, corporatistes et veules. Pierre Falardeau et moi, nous partagions la profondeur de ce mot de Nietzsche qui a écrit : « Si tu veux cultiver le pays, cultive-le à la charrue. Ainsi tu feras la joie de l’oiseau comme du loup qui suit la charrue. Tu feras la joie de toute créature. »
Pierre Falardeau a été à la hauteur du mot de Nietzsche. Voilà pourquoi sa mort ne me rend pas d’une tristesse infinie. Les prophètes authentiques sont porteurs de joie pour tout un chacun, l’oiseau, le loup et l’humain. C’est cette grande leçon de choses que nous devons à Pierre Falardeau.
À sa famille, à ses amis, à toutes ces Québécoises et à tous ces Québécois qui cultivent le pays à la charrue, j’offre mon recueillement et le partage de cette joie que Pierre Falardeau a su si bien incarner. Elle est nôtre désormais. Alors, retroussons nos manches et portons cette joie exigeante jusqu’à notre indépendance comme peuple et comme nation.
Victor-Lévy Beaulieu
Trois-Pistoles
Ce 27 septembre 2009
Pierre Falardeau a été à la hauteur du mot de Nietzsche. Voilà pourquoi sa mort ne me rend pas d’une tristesse infinie. Les prophètes authentiques sont porteurs de joie pour tout un chacun, l’oiseau, le loup et l’humain. C’est cette grande leçon de choses que nous devons à Pierre Falardeau.
À sa famille, à ses amis, à toutes ces Québécoises et à tous ces Québécois qui cultivent le pays à la charrue, j’offre mon recueillement et le partage de cette joie que Pierre Falardeau a su si bien incarner. Elle est nôtre désormais. Alors, retroussons nos manches et portons cette joie exigeante jusqu’à notre indépendance comme peuple et comme nation.
Victor-Lévy Beaulieu
Trois-Pistoles
Ce 27 septembre 2009
26.9.09
Pierrot
J'en suis à mon dixième brouillon scrappé depuis la barre du jour, pas dormi depuis mercredi, Pierre est mort à l'aube et s'il doit y en avoir un troisième demain, il se peut bien que ce soit moi!
Je reprendrai mes brouillons quand mes neurones seront sans crasse et sans mélasse, l'ordi aussi pédale dans la garnotte, les lumières dehors clignotent péniblement, l'air pue comme s'il charriait quelque malsain poison parasitaire organisé en malveillante masse arrivée jeudi sur l'île et qui passe ombre pâle en semant sa vapeur d'angoisses et de douleurs...
Les brouillons sur la glace et les fenêtres closes, je poste ceci seulement ce soir, un fascinant document, premier essai de Pierre Falardeau qui est alors anthropologue, assisté de son ami d'enfance Julien Poulin. Cinquante ans après leur rencontre au pensionnat sans que jamais la vie ne les ait séparés comme elle en a l'art et la coutume, c'est la mort qui est passée faire la cruelle et triste besogne.
Qu'elle ne tue plus personne demain! Je ne tiendrai pas longtemps s'il me faut ne rédiger que des notices nécrologiques!
Paix, mon ami. Tu as réussi, tu t'es rendu au bout en te battant debout, soixante-deux rounds et jamais un instant à genoux. C'était ton Graal, vivre et mourir en homme propre, ton intégrité intacte et ton coeur pur de compromis. Je souhaite que t'aies eu le temps de partir content, il ne faut à la fin qu'un instant sans douleur, du moins veux-je le croire; une seule, lucide et sereine seconde suffit, à mesurer sa vie: je crois que tu auras souri.
Je reprendrai mes brouillons quand mes neurones seront sans crasse et sans mélasse, l'ordi aussi pédale dans la garnotte, les lumières dehors clignotent péniblement, l'air pue comme s'il charriait quelque malsain poison parasitaire organisé en malveillante masse arrivée jeudi sur l'île et qui passe ombre pâle en semant sa vapeur d'angoisses et de douleurs...
Les brouillons sur la glace et les fenêtres closes, je poste ceci seulement ce soir, un fascinant document, premier essai de Pierre Falardeau qui est alors anthropologue, assisté de son ami d'enfance Julien Poulin. Cinquante ans après leur rencontre au pensionnat sans que jamais la vie ne les ait séparés comme elle en a l'art et la coutume, c'est la mort qui est passée faire la cruelle et triste besogne.
Qu'elle ne tue plus personne demain! Je ne tiendrai pas longtemps s'il me faut ne rédiger que des notices nécrologiques!
Paix, mon ami. Tu as réussi, tu t'es rendu au bout en te battant debout, soixante-deux rounds et jamais un instant à genoux. C'était ton Graal, vivre et mourir en homme propre, ton intégrité intacte et ton coeur pur de compromis. Je souhaite que t'aies eu le temps de partir content, il ne faut à la fin qu'un instant sans douleur, du moins veux-je le croire; une seule, lucide et sereine seconde suffit, à mesurer sa vie: je crois que tu auras souri.
25.9.09
La vie est liesse ou valse aux sanglots longs des violons de l'automne...
Cela serait vain, et vague, mais tenter malgré tout d'évoquer ce que j'éprouve avec les mots qu'il faut pour le véhiculer au mieux, ça ressemblerait à un croquis sur le vif, un cliché relevant de la radiographie, cela rassemblerait peu de mots et en exclurait cent. Il y serait question de peine et de stupéfaction, de spleen sourd, de mélancolie recueillie, des sentiments silencieux traversés de pensées surgissant comme des soupirs et que je renonce à démêler ce matin après trois heures d'essais stériles, l'expérience absolument sans précédent pour moi du langage impuissant, insuffisant, défaillant au moment de décrire ce que m'inspire le si triste suicide de Nelly hier soir. Je vais donc attendre à plus tard, quelques heures ou quelques jours, me bornant pour l'instant à ces quelques considérations. D'abord, je songe qu'elle aura sûrement laissé du texte éclairant son geste, car ainsi sont les écrivains. Ensuite, je ne peux chasser cette impression qu'elle redoutait vraiment le vieillissement davantage que la mort, ainsi qu'elle l'exprimait souvent, sous diverses formes allant du subtil subliminal allusif impliqué découlant incident imagé langagier fabriqué dans le but de toucher soit le coeur soit l'esprit de cet autrui lecteur en laissant derrière soi la trace d'un passage, au plus austère et clair énoncé qui annonce ou défonce ou dénonce ou enfonce et qui a pour objet prosaïque épuré de livrer à autrui un message reçu net et nu dans l'esprit qu'il est conçu sans interprétation fantasme ambiguïté second degré sans marge et sans équivoque et sans poésie et sans grille, elle y pensait et l'écrivait et le disait et elle l'a fait, elle a tranché, elle a choisi, elle a fini le manuscrit du roman de sa vie, révisé les épreuves et gravé le récit dans la pierre du temps, irrémédiable, incorrigible, inaltérable, impitoyable dans sa marche unidirectionnelle, suivant son vecteur comme un requin nage en ligne droite la gueule béante avalant tout sur son chemin et aussi incapable de dévier qu'un ours de dévaler une pente sur deux pattes, le temps marchant comme un nazi décérébré moitié monstre et moitié zombie, le temps marchant en métronome avec en guise de pas de l'oie l'horlogerie de l'univers, le lien causal, toujours la cause avant l'effet sans possible dérogation, sans rewind, sans pardon, sans seconde chance, sans retour ni recul, sans espoir pour Superman d'inverser la rotation de la Terre et sauver Lois Lane, le temps comme un Dieu machinal amnésique, inconscient de notre existence et nous écrasant dans nos limites, interdisant à Nelly ou Dédé de modifier une seule virgule à leurs histoires après le point final, pour l'éternité bête absurde et glacée, ça m'emplit d'une indicible désolation, d'une indicible désolation, d'une indicible désolation...
Il est troublant de constater la quasi-similarité des témoignages diffusés partout depuis tôt ce matin peu avant l'aube. Tous précisent avec franchise ne pouvoir se considérer comme des intimes de Nelly, et tous évoquent son mystère.
Dans les jours à venir, il est à prévoir que certains pans de ce mystère vont tour à tour se dissiper. J'espère que ceux dont le métier est d'informer ne seront pas trop pressés d'écumer, citer, spéculer et répéter. Nelly Arcan n'était pas que le nom de plume d'Isabelle Fortier, c'était une fiction devenue réalité, un chemin vers la liberté qui s'est mué en piège et refermé, la moitié d'une dualité. Isabelle et Nelly allaient jusqu'à ne pas partager la même date de naissance. Le dernier article de Nelly, destiné au ICI d'aujourd'hui et qui n'a pas paru, évoquait semble-t-il une envie de maternité, inouïe comme ses lecteurs le savent. Depuis ce matin, j'ai prévu de clore ceci par le souhait que Nelly soit partie dans la paix d'une victoire et pas la détresse d'un échec, je veux croire que oui et l'imaginer en Venus Victrix, elle qui à la toute fin a aussi pu se concevoir en Venus Genitrix...
(...) pendant que tu te bats pour que justice soit faite, je cours les boutiques et les chirurgiens car il ne sert à rien d'avoir du courage lorsqu'on est vieille, et puis la jeunesse demande tellement de temps, toute une vie à s'hydrater la peau et à se maquiller, à se faire grossir les seins et les lèvres et encore les seins parce qu'ils n'étaient pas encore assez gros, à surveiller son tour de taille et à teindre ses cheveux blancs en blond, à se faire brûler le visage pour effacer les rides, à se brûler les jambes pour que disparaissent les varices, enfin se brûler tout entière pour que ne se voient plus les marques de la vie, pour vivre hors du temps et du monde, vivre morte comme une vraie poupée de magazine en maillot de bain, comme Michael Jackson dans la solitude de sa peau blanche, enfin mourir de n'être jamais tout à fait blanc, tout à fait blonde.
Putain, roman, Nelly Arcan.
Paris, Le Seuil, 2001.
Il est troublant de constater la quasi-similarité des témoignages diffusés partout depuis tôt ce matin peu avant l'aube. Tous précisent avec franchise ne pouvoir se considérer comme des intimes de Nelly, et tous évoquent son mystère.
Dans les jours à venir, il est à prévoir que certains pans de ce mystère vont tour à tour se dissiper. J'espère que ceux dont le métier est d'informer ne seront pas trop pressés d'écumer, citer, spéculer et répéter. Nelly Arcan n'était pas que le nom de plume d'Isabelle Fortier, c'était une fiction devenue réalité, un chemin vers la liberté qui s'est mué en piège et refermé, la moitié d'une dualité. Isabelle et Nelly allaient jusqu'à ne pas partager la même date de naissance. Le dernier article de Nelly, destiné au ICI d'aujourd'hui et qui n'a pas paru, évoquait semble-t-il une envie de maternité, inouïe comme ses lecteurs le savent. Depuis ce matin, j'ai prévu de clore ceci par le souhait que Nelly soit partie dans la paix d'une victoire et pas la détresse d'un échec, je veux croire que oui et l'imaginer en Venus Victrix, elle qui à la toute fin a aussi pu se concevoir en Venus Genitrix...
(...) pendant que tu te bats pour que justice soit faite, je cours les boutiques et les chirurgiens car il ne sert à rien d'avoir du courage lorsqu'on est vieille, et puis la jeunesse demande tellement de temps, toute une vie à s'hydrater la peau et à se maquiller, à se faire grossir les seins et les lèvres et encore les seins parce qu'ils n'étaient pas encore assez gros, à surveiller son tour de taille et à teindre ses cheveux blancs en blond, à se faire brûler le visage pour effacer les rides, à se brûler les jambes pour que disparaissent les varices, enfin se brûler tout entière pour que ne se voient plus les marques de la vie, pour vivre hors du temps et du monde, vivre morte comme une vraie poupée de magazine en maillot de bain, comme Michael Jackson dans la solitude de sa peau blanche, enfin mourir de n'être jamais tout à fait blanc, tout à fait blonde.
Putain, roman, Nelly Arcan.
Paris, Le Seuil, 2001.
23.9.09
Le Corbillard
Par des temps de brouillard, de vent froid et de pluie,
Quand l'azur a vêtu comme un manteau de suie,
Fêtes des anges noirs ! dans l'après-midi, tard,
Comme il est douloureux de voir un corbillard,
Traîné par des chevaux funèbres, en automne,
S'en aller cahotant au chemin monotone,
Là-bas vers quelque gris cimetière perdu,
Qui lui-même, comme un grand mort, gît étendu !
L'on salue, et l'on est pensif au son des cloches
Elégiaquement dénonçant les approches
D'un après-midi tel aux rêves du trépas.
Alors nous croyons voir, ralentissant le pas,
A travers des jardins rouillés de feuilles mortes,
Pendant que le vent tord des crêpes à nos portes,
Sortir de nos maisons, comme des coeurs en deuil,
Notre propre cadavre enclos dans le cercueil.
Émile Nelligan
1879-1941
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