
Elle arrive. La préparer me coûte. Ses ingrédients sont révoltants, sa couleur atterrante, son odeur assassine, on sait déjà qu'elle sera pas mangeable mais aussi que je ferai tout mon possible pour rendre l'expérience moins pénible, en ajoutant des teintures et des textures langagières et des diversions stylistiques pour mieux faire avaler ce brouet bon pour la santé.
Le Daily Mail est à l'information ce que la Black Bull est à la bière. Et ce que Cyberpresse est au Daily Mail, quand sa section Ailleurs sur le web sous son onglet Actualités bouche un trou avec les lambeaux de charogne arrachés à la chair d'un article indigeste déjà dans son intégralité, je ne veux pas essayer d'y penser.
Hitler pétait. Il se rongeait les ongles. Il ne fumait pas et interdisait qu'on fume en sa présence (oui, d'accord, c'est borderline malpoli), il ne mangeait pas de viande et buvait du thé santé (un vrai malade), de plus il n'essayait jamais de sauter les dames qu'il invitait chez lui (si seulement on pouvait en conclure qu'il était pédé, mais demeurons prudents et parlons de masochisme passif), il croyait à la propagande de Goebbels sur son génie militaire (duh! Goebbels les prenait où, ses idées, Daily Mail? C'est le vieux paradoxe de l'oeuf et du Fürher? Goebbels tripait sur les théories de Gustave Le Bon et de Joseph Arthur de Gobineau, mais pas trop sur les accointances de Hitler avec le Capital, dans les années 20, jusqu'à ce que l'Adolf lui donne à lire les chapitres de Mein Kampf consacrés à la propagande; c'est tout de même pas Goebbels qui a mis dans le crâne de Hitler l'idée qu'il était un génie militaire! C'est du révisionnisme criminel et c'est dans le Daily Mail! Goebbels était chargé de convaincre tous les Allemands de ce dont Hitler était convaincu, et il l'a fait avec génie; y a qu'à voir un Johann von Leers, par exemple, son apprenti, son protégé, un érudit, rompu aux arcanes de la propagande, ben il croyait tellement à la bullshit sortie de leur Ministère, il haïssait tellement les Juifs qu'il a fini par se convertir à l'Islam!), enfin Hitler abusait du gâteau...
Je me demande si le Daily Mail a la moindre idée des manières à table de Winston Churchill, pourtant bien documentées: suffit de rappeler qu'il descendait son quarante onces avant cinq heures. Henry VIII s'essuyait les doigts dans les cheveux de ses ex-femmes fraîchement décapitées. Nelson rinçait les siens dans l'orbite de son oeil énucléé. Lawrence d'Arabie préférait l'anus immaculé d'éphèbes pré-pubères et Chamberlain se torchait la moustache avec son parapluie en mangeant du plum pudding. La reine actuelle est à peine montrable quand elle assiste aux courses de chevaux: elle mâche son chapeau, les jambes écartillées et le reste voûté comme une pauvresse de Liverpool.
Napoléon se souciait-il de ses manières à table? Et Staline? Et Nixon? Fallait-il une guerre mondiale pour que le Daily Mail et Cyberpresse nous donnent cela à lire soixante-dix ans après son déclenchement? Et à quoi bon devenir dictateur bordel de merde si tu peux pas péter à table?
Remarque, si c'est le seul prix à payer au regard de l'Histoire, je connais un Hitler qui se marre. «Ja! Das ist wahr! Che zouffrais auzzi des gas, Oh mein Gott, Licht! Z'est à cause des pétzits gâteaux!»