8.12.02

Hans sort à l'instant. Va s'occuper des administrateurs du building pour moi. Semble apprécier la bagosse de Kevin. Vais lui envoyer la recette.



«Comment te remercier?» ai-je demandé, gêné, et lui, laconique:«Écris!»
Mon coeur est un pain de plastic dissimulé sous un gibus calamistré.

7.12.02

Mon coeur est un chien roux qui ronge une mâchoire de mouton à l'ombre des palétuviers.

6.12.02

Petit courriel de Justine:



Christian, j'ai une demande spéciale. J'aimerais une page de ton journal qui ne soit dédiée qu'à l'amour. Rien d'autre que l'amour. Celui que tu n'as pas, celui qu'on t'a donné, qu'on veut t'enlever, que tu as oublié, que tu caches, dont tu rêves... Pour toutes les femmes qui te lisent. Pour toutes celles qui n'osent pas te le demander. Un cadeau d'avant Noël.



Je veux bien essayer, Justine, ma douce. Mais sais-tu bien ce que tu demandes?



Enfin, allons-y. J'ai aimé et j'ai été aimé. Il faudra que je parle au passé parce que je n'éprouve plus les choses comme avant, avec confiance et advienne-que-pourratisme, et l'innocence qui est de l'ignorance bienheureuse.



Quand le ciel juridique m'est tombé sur la tête, j'ai commis l'erreur de protester que j'aimais les femmes, et on m'a cruellement tourné en dérision pour cela. Or, le temps a passé et force m'est de reconnaître que je ne les aime plus autant qu'avant, en grande partie parce qu'elles s'aiment rarement elles-mêmes.



Mais bon, j'ai aimé, hein, faut pas croire. Aimé si douloureusement que l'émail de mes dents se fendillait comme un vitrail de cathédrale dans un tremblement de terre. Et puis légèrement, béat, en d'estivales orgies de chair joyeuse et aussi parfois l'hiver, engoncé avec elles dans la chaleur du foyer.



Celui que je cache, je n'en parlerai pas. C'est toi, celui que je cache! Et puis je suis un drôle d'écrivain, car j'ai appris très tôt à ne rien mettre par écrit des choses de l'amour. Plus homme qu'artiste, disons.



Celui dont je rêve trempe mon lit la nuit. À mon âge, c'est pas mal.
J'ai de drôles de cauchemars, qui sont aussi des rêves.



Il faut comprendre que K et moi jouissons de cette rarissime faculté d'ordinaire réservée aux vieux couples et aux jumeaux: pouvoir lire l'esprit de l'autre, le deviner, l'anticiper, le ressentir.



Or, j'onirise que ma bouche est scellée et que l'on me calfeutre et que Kevin comprend juste à travers mes yeux qu'il faut me tirer de là quoiqu'il advienne.



Comment Moïse et le buisson ardent communiquaient-ils vraiment? Cette chose suppliait-elle cet homme de l'extraire de sa condition?



5.12.02

Dormi dix-huit heures pour apaiser le nerf de ma molaire. Réveillé avec une plaie de lit. Can't get a break.

4.12.02

Signifié à Éric qu'il était temps de se lever et de marcher. De partir. Que le Saigneur me pardonne: je n'ai plus le gros coeur. Comme celui de Kevin, je veux dire. L'ai eu. Ne l'ai plus. S'est racoutillé comme peau de chagrin.
Doublevé (bouche) avalera-t-il l'Irak d'ici au jour de l'An?



CNN précise que les USA se réservent le droit de ne pas tenir compte de l'absence de preuves accablantes de weapons of mass destruction dans les chaussettes de Saddam: les USA détruiront tout en masse anyway.

3.12.02

Après que j'eus désinfecté le petit orteil d'Éric (irrité au sang par frottement, et ce grand bébé craint déjà la bactérie mangeuse de chair), puis appliqué un diachylon (emplâtre agglutinatif employé comme résolutif), il m'a aidé à procéder à la cérémonie de concoction du pâté chinois (épluchant douze patates et un oignon) que Kevin viendra dévorer avec nous vers vingt heures, sitôt sorti du focus group où il va gagner 35$ en pérorant sur les vices et vertus d'un nouveau jus (d'orange).
Écrire l'histoire d'un homme qui aime la littérature, la bière et la liberté.
Long lost week-end tordu comme un trombone. Temps de remettre le pied à l'étrier. Saut dans la douche. Sali le savon.



Comme chaque fois que j'interromps le Journal quelques jours, l'indice de fréquentation grimpe en flèche. La tribu s'inquiète. Moins j'écris, plus j'ai de lecteurs!



Éric récupère sur le divan, en pleine dépression post-party. Moi connaître. Par coeur.

29.11.02

Faites don de votre face! Des scientifiques britanniques croient pouvoir en arriver dans l'année à greffer des visages entiers, récoltés sur des cadavres et destinés aux grands brûlés. On va commencer avec des kids, car l'enfant ne se reconnaît lui-même qu'à partir de cinq ou six ans, et on soupçonne que les adultes éprouveraient des difficultés psychologiques d'adaptation insurmontables.



C'est, ce me semble, oublier facilement qu'en se brossant les dents, la plupart des gens découvrent déjà dans la glace une tête qui ne leur revient pas.

28.11.02

Dixit KV: «Je me suis battu, courbaturé et infligé la pénitence pour être capable d'exprimer tout ce qui était en-dedans de moi d'une façon qui me satisfasse!»



Et je repense à cette chanson de Stéphane Venne: «Non c'est pas fini, c'est rien qu'un début, mais c'est le plus beau des commencements...»

27.11.02

Crise du logement? Les administrateurs du building me demandent de collaborer calmement à mon éviction. Leur problème, c'est qu'aucun voisin n'est prêt à témoigner en ce sens. Et la lettre ne mentionne nulle part qu'on pourrait louer le Bunker cent dollars de plus à un nouvel occupant.



Kevin songe à interrompre ses études pour se mettre à son livre. Sentiments partagés.



26.11.02

Jour des idées désordonnées. Foule de flashes.



Observé les madames au Dollarama. Leurs sourcils dessinés au crayon, leurs lèvres minces comme des lames de katana, et leurs yeux, on dirait des meurtrières de château-fort.



La moitié de mes ex va aux Alcooliques Anonymes, l'autre s'affiche publiquement.



Sans nouvelles de mon fils depuis des mois. Je me fais l'effet d'un pathétique père Laloge attendant une lettre de son Bidou.



Échappé mon téléphone par terre. Communications kaputt.



Maxime faisait un petit poker chez des copains l'autre soir. Une fille survient, furieuse: «Toi, tu me dois 60$, toi 80, et toi 40!»



Une fois l'intruse évincée, Maxime réclame des explications. «C'est une pute, répond l'un des gars. Elle fait des pipes à crédit. Je lui ai dit de revenir le jour du chèque.»



Morale de cette histoire? Maudite bonne question...



25.11.02

La bonne nouvelle, c'est que je vais pouvoir me désintoxiquer de Snood, un jeu électronique addictif qui me bouffe tout mon temps de travail.



La mauvaise, c'est que K m'a montré Sim City.
Pas eu besoin de me mettre à l'aftershave: Kevin est venu boire sa paye avec moi.



Il me jouxtait quand j'ai ouvert un message de Mario, éventant du coup par accident la surprise que celui-ci préparait à K depuis des semaines, soit des étiquettes personnalisées pour les bouteilles de bagosse.



Un panache de fumée grise s'élève dans le lointain. Laval brûle-t-il?

23.11.02

Dîner réparateur chez maman. Au menu: salade aux gésiers de canard, cassoulet toulousain, canard rôti, Boursault et camembert, tarte aux cerises de ma soeur Annie et crème glacée au sucre d'érable. Sortant de table, grand-mère lance: «Ma fille, tu nous as préparé un repas quatre étoiles et demie!» Puis, accompagnant la confidence qu'elle me fait ensuite d'un clin d'oeil malicieux: «J'aurais bien dit cinq étoiles, mais faudrait pas qu'elle soit trop fière...»

22.11.02

Monté renouer contact avec CGDR. Quand il s'est mis à faire appel à mes souvenirs de l'Ostidcho, j'ai dû lui rappeler que je suis né en 1964. Son expression médusée valait le coup d'oeil.



Bon sang, je vieillis vite et mal.