Travail d'écriture ralenti par la nécessité d'écraser les papillons attirés par l'écran cathodique, semant ici et là de gras petits pâtés sanguinolents.
Déguste de grands verres d'eau glacée aromatisée à la menthe fraîche. La classe.
Marie-Josée m'a apporté de la rhubarbe: méchant flashback acidulé au jardin de grand-mère, ce temps de sucre blanc dans un godet d'aluminium...
Elle m'a aussi composé un bouquet de menthe sauvage, thym en fleurs et ciboulette. Des effluves dont le Bunker a bien besoin.
38 degrés à l'ombre. Faut-il s'étonner qu'on n'ait jamais découvert grand chose en Afrique? Que le Sud ait perdu la Guerre Civile? Fait trop chaud! J'ai fermé les rideaux pour m'isoler au frais, mais à travers l'épais tissu j'entends briller le soleil.
N'empêche, la météo, c'est bien pratique pour dépanner l'inspiration.
Les gens d'argent états-uniens, ceux qui en ont, ceux qui en veulent, ceux qui en veulent plus, tous ces obèses ignares sentent la vichyssoise chaude, s'égaillent comme des poulets décapités, pratiquent la pensée magique du désespoir. C'est beau à voir... Pour ma part, à supposer que je fasse bien attention, des efforts sans faille, que j'exerce une vigilance de tous les instants, j'ai confiance de réussir à ne pas devenir millionnaire. Jusqu'à maintenant, je ne me suis pas trop mal débrouillé.
J'ai un brûlant crush adolescent sur Sophie Chiasson, Miss Météomédia. Vague de chaleur, mais rien d'accablant; humidex à la hausse.
Le pape homélise sous la pluie à Toronto. Je donnerais cher pour que ça me fasse quelque chose. Souvenir de mon émotion à l'annonce du décès de Paul VI: courant au-dehors, traversant le petit pont en criant pour avertir ma mère en promenade sur l'île: «Le pape est mort! Le pape est mort!»
Songé à détacher ce Journal d'Origines pour en faire au bout d'un an le quatrième tome de Vortex Violet: VACUUM!
Perplexe: mes fleurs dépérissent à fond de train. Peut-être cela a-t-il à voir avec l'habitude du voisin du dessus de laver son balcon à grands jets d'eau javellisée avant de domper le surplus chez moi?
Me suis esquivé à l'entracte. Remarquez, c'était réussi, dans le genre Kids in the hall. La tragi-comédie commençait à l'entrée, ou un type équipé de nichons impossibles à dissimuler s'efforçait d'écouler des t-shirts du Repercussion Theatre.
JF a découvert qu'on ne peut inscrire Boîte à bijoux au festival de la chanson de Granby parce que j'ai "atteint la notoriété". Ah, n'avoir rien fait de ma vie, ou l'avoir fait dans l'ombre, je sais pas, moi, quelque chose...
Bientôt, je vais prendre une de nos tounes et une caisse de 24 et JF va m'enregistrer en train d'essayer de chanter.
J'entends d'ici maman se marrer tristement: je n'ai jamais été insouciant.
Mario est passé. On a convenu d'aller voir Shakespeare in the park ce soir. Tout Willie en trois heures. Ou c'est abrégé, ou les acteurs parlent très vite.
Rêve de rapports honteux avec des créatures interdites. Succulent. Décadent. Ennuyant.
Les poils blancs drus de ma barbe me narguent crûment, me rappellent chaque matin davantage et sans la moindre compassion que je ne travaille pas assez, ni assez sérieusement. On a beau négliger le temps qui passe, lui ne risque pas de nous oublier. Inlassable, il s'occupe activement de notre pomme, la repeint, l'actualise, la met à jour comme une page web, un palimpseste d'où l'on aurait gratté la jeunesse et l'insouciance.
Ce vieux Mario, venu chercher du tabac, s'est endormi sur le sofa, ses lunettes dans le poing.
Marie Trintignant est magnifique. Je ne devrais pourtant pas être fou de ce visage, ces méplats accusés, ces yeux de biche blessée, ces os d'oiseau fragile. Mais elle n'a pas l'air du genre à écouter tous vos secrets pour vous les renvoyer à la face quand ça l'arrange. Autant dire qu'elle n'a pas l'air d'une femme.
Retour de chez JF. Monté à pied avec Kevin, revenu de même solo, un peu moins pauvre, un peu plus endetté.
Installé un bidule pour constituer une liste d'abonnements à une circulaire (pour newsletter) qui n'existe pas encore, mais qui servira à informer mes lecteurs privilégiés de mes apparitions, publications, inspirations, arrestations, etc...
Le traumatisme humain primordial: se situer dans l'orchestre cosmique, entendre la musique des sphères. Où suis-je? Depuis quand? Pour combien de temps? Quel jour, quelle heure sommes-nous?
Kevin dort dur. A passé la soirée à se fâcher contre lui-même parce qu'il cherche ses mots et se sent une patate chaude dans la bouche. Un sentiment que j'éprouve à l'année longue.
Appelé Bertrand. Son père a répondu. D'ordinaire, je confonds leurs voix. Pas cette fois. Le Big C fait sa méchante oeuvre. Tout de même, Monsieur S a puissamment apostrophé son fils au sous-sol pour l'enjoindre de décrocher l'autre combiné: Bertrand assure que la chimio lui fait du bien.
Quand les premiers jihadistes de Mahomet sont arrivés à Alexandrie, ils ont ordonné la destruction de tous les livres contenus dans la Grande Bibliothèque qui s'opposaient à l'Islam.
Cela fait, ils ont derechef décidé qu'on brûlerait aussi tous ceux qui l'appuyaient. Ils n'étaient pas nécessaires.
Suis monté admirer les feux d'artifice français sur le balcon de CGDR. Ce vieux dharma bum sait recevoir. Tout en savourant le sucre à la crème de sa sainte femme de mère, on écarquillait les yeux au spectacle des pyrogerbes tonnantes et triomphantes dans le ciel enfumé de Montréal, un ciel de lune gravide et d'avions clignotants. Pour la circonstance, j'ai étrenné l'horrible chemise de soie multicolore dont Kevin m'a fait cadeau.
Mario a trouvé six verres à vin dans les poubelles et m'en a donné trois. Pas de danger qu'il trouverait du vin.
J'ai failli buter dedans: un putain de gros scarabée, de la taille de mon zippo, au beau milieu de la chambre, se chauffant au soleil! J'ai regardé alentour, j'ai aperçu Un homme, un vrai (le dernier Tom Wolfe: 800 pages) et CRUNCH! Un ex-scarabée. J'ai ramassé ce qui restait avec le papier-cul rugueux de la bibliothèque.
Je serai pas sorti pour rien.
Passé à la bibliothèque. En ai rapporté le dernier Tom Wolfe et du papier de toilette.