27.7.02

Rêve de rapports honteux avec des créatures interdites. Succulent. Décadent. Ennuyant.



Les poils blancs drus de ma barbe me narguent crûment, me rappellent chaque matin davantage et sans la moindre compassion que je ne travaille pas assez, ni assez sérieusement. On a beau négliger le temps qui passe, lui ne risque pas de nous oublier. Inlassable, il s'occupe activement de notre pomme, la repeint, l'actualise, la met à jour comme une page web, un palimpseste d'où l'on aurait gratté la jeunesse et l'insouciance.

26.7.02

Ce vieux Mario, venu chercher du tabac, s'est endormi sur le sofa, ses lunettes dans le poing.



Marie Trintignant est magnifique. Je ne devrais pourtant pas être fou de ce visage, ces méplats accusés, ces yeux de biche blessée, ces os d'oiseau fragile. Mais elle n'a pas l'air du genre à écouter tous vos secrets pour vous les renvoyer à la face quand ça l'arrange. Autant dire qu'elle n'a pas l'air d'une femme.
Retour de chez JF. Monté à pied avec Kevin, revenu de même solo, un peu moins pauvre, un peu plus endetté.



Installé un bidule pour constituer une liste d'abonnements à une circulaire (pour newsletter) qui n'existe pas encore, mais qui servira à informer mes lecteurs privilégiés de mes apparitions, publications, inspirations, arrestations, etc...
Le traumatisme humain primordial: se situer dans l'orchestre cosmique, entendre la musique des sphères. Où suis-je? Depuis quand? Pour combien de temps? Quel jour, quelle heure sommes-nous?
Kevin dort dur. A passé la soirée à se fâcher contre lui-même parce qu'il cherche ses mots et se sent une patate chaude dans la bouche. Un sentiment que j'éprouve à l'année longue.

25.7.02

Appelé Bertrand. Son père a répondu. D'ordinaire, je confonds leurs voix. Pas cette fois. Le Big C fait sa méchante oeuvre. Tout de même, Monsieur S a puissamment apostrophé son fils au sous-sol pour l'enjoindre de décrocher l'autre combiné: Bertrand assure que la chimio lui fait du bien.
Quand les premiers jihadistes de Mahomet sont arrivés à Alexandrie, ils ont ordonné la destruction de tous les livres contenus dans la Grande Bibliothèque qui s'opposaient à l'Islam.



Cela fait, ils ont derechef décidé qu'on brûlerait aussi tous ceux qui l'appuyaient. Ils n'étaient pas nécessaires.

24.7.02

Suis monté admirer les feux d'artifice français sur le balcon de CGDR. Ce vieux dharma bum sait recevoir. Tout en savourant le sucre à la crème de sa sainte femme de mère, on écarquillait les yeux au spectacle des pyrogerbes tonnantes et triomphantes dans le ciel enfumé de Montréal, un ciel de lune gravide et d'avions clignotants. Pour la circonstance, j'ai étrenné l'horrible chemise de soie multicolore dont Kevin m'a fait cadeau.
Mario a trouvé six verres à vin dans les poubelles et m'en a donné trois. Pas de danger qu'il trouverait du vin.
J'ai failli buter dedans: un putain de gros scarabée, de la taille de mon zippo, au beau milieu de la chambre, se chauffant au soleil! J'ai regardé alentour, j'ai aperçu Un homme, un vrai (le dernier Tom Wolfe: 800 pages) et CRUNCH! Un ex-scarabée. J'ai ramassé ce qui restait avec le papier-cul rugueux de la bibliothèque.



Je serai pas sorti pour rien.
Passé à la bibliothèque. En ai rapporté le dernier Tom Wolfe et du papier de toilette.
Em m'envoie un jeu rigolo: il s'agit de la prétendue formule de George Lucas pour élaborer les noms des personnages qui peuplent Star Wars. En gros, pour le prénom, vous prenez les 3 premières lettres de votre patronyme et vous y ajoutez les deux premières lettres de votre prénom. Quant au "nom de famille", il requiert les deux premières lettres du nom de jeune fille de votre mère auxquelles on accolle les 3 premières lettres du nom de votre ville de naissance. Plus compliqué que le film, mais très amusant, parole de Misch Bomon.
Mario m'a demandé de lui expliquer le raisonnement derrière le crime de guerre commis hier par Israël, soit le largage d'un missile en plein Gaza, l'un des lieux les plus densément peuplés du monde, pour buter un dirigeant du Hamas et des tas de gamins du même souffle, juste quand la paix pointait son nez. Il insistait: pourquoi? Je suis resté coi. Une fois n'est pas coutume.



23.7.02

Claude André me propose un démo d'émission littéraire.



Me suis résolu à retourner voir du côté de la solidarité sociale. Peux guère continuer à laisser Kevin se saigner aux quatre veines tandis que j'attends une bourse qui n'arrivera peut-être pas.



Au retour, croisé Marcel dans le parc, princier sur son nouveau vélo. La cinquantaine, cheveux courts argentés, en meilleure forme que moi. L'ai connu en barman dans le temps. Avait lu mes livres, les savait mieux que moi-même. A dû changer de métier quand la bête du jeu l'a piqué: tous ses pourboires passaient dans la machine à sous. S'est reconverti dans l'informatique et l'art de vivre. Marie-Josée, qui l'a connu il y a trente ans, disait que c'était le plus bel homme qu'elle ait jamais vu, avec une crinière digne d'Absalon.
Pas grand-chose dans le cigare. Sombre dans une stupeur aigre-douce.
Prépare des spaghettini pour Mario tandis qu'il télécharge des Gymnopédies d'Érik Satie.



Me semble soudain que si j'écris peu ces temps-ci, c'est que je prête moins attention à ce qui se passe et se dit autour de moi. Fatalement, la veine s'épuise.
L'autre soir, Simard me demande comment ça se fait que je ne gagne pas autant de pognon que Marie Laberge. Il trouve que je vis dans des conditions lamentables. Je lui réponds par une autre question: toi qui es maçon, serais-tu capable d'ériger un mur avec des briques disjointes et du ciment qui bave, en supposant que ça rapporte plus? «Je saurais même pas comment!» convient-il avec un haussement d'épaules. Eh bien voilà. Moi non plus.

22.7.02

Jour après jour après longueur de jour, vivre l'immense vie que j'ai en tête, allongé sur le lit... Malaxer d'impensables flashes, des cailloux dans le crâne comme dans l'estomac d'un dinosaure, pour faciliter la digestion. Le temps fuit, le temps file, et tu le regardes faire sans lever l'auriculaire.



Mes lecteurs sont en congé. Les chiffres baissent. Je ne pensais pas être si populaire auprès des travailleurs de la construction.
Le juge Jean-Guy Boilard vient de se retirer du procès des 17 Hell's Angels après quinze semaines de procédures. Les gars doivent sacrer: le nouveau Palais de Justice adjacent à la prison est sûrement climatisé, ce qui n'est pas le cas de Bordeaux. Chaleur accablante.