2.7.03

J'ai pris le parti de tout dire et tout montrer à Marie-Sissi, en souhaitant à voix haute qu'elle n'en rapporte rien, cependant que le magnétophone ronronnait. Cette envie mortifère de faire confiance et de se confesser, d'avouer, de s'expliquer, et qu'on nous protège contre nous même. J'ai dit des choses, par exemple, à propos de ma mère, que j'espère ne pas retrouver dans l'Actualité de septembre. J'ai dit des choses à d'autres propos dont je ne me rappelle pas au juste la teneur, et qui doivent être pires...
Et puis je fume. Je me mets en combustion. Je suis parti depuis vingt-deux ans et je vis toujours chez mes parents.
Les jours fuient en frôlant la catastrophe. Je dors seize heures par cycle en laissant tourner des documentaires sur Staline. Je suis marié à mon ventilateur. Je suppose plus de choses que je n'en sais. Je tousse. Je flotte sur la crête de réels illusoires. J'écris comme on se ronge les ongles.

30.6.03

Le lundi, toutes les questions laissées en suspens au début du week-end reviennent en force. Le christianisme est-il vraiment une religion monothéiste? Mes antibiotiques seraient-ils des placebos?
Week-end furieux. Fun noir avec Guig Vigneault, Mario, Eric, Marie-Sissi et Claude, tourne tourne le manège, et puis j'ai rédigé une circulaire calculée pour choquer les honnêtes gens, et depuis on s'en désabonne à toute vitesse.



Il mouille, il mouille, bergère...

26.6.03

Les ventes vont bien. Ma dent aussi. On devrait réimprimer sous peu et j'ai mangé un steak de bison sans hurler comme un loup.
Blogger a changé son interface. Plutôt chic. Et les archives s'affichent à mesure.



Lunch avec Turgeon. En apéritif, j'avale du smog à pleins poumons.

25.6.03

Oprah a retrouvé le temps de lire et, partant, le goût de réactiver son puissant book club mensuel. Premier titre retenu: A l'est d'Eden, de John Steinbeck, mon roman préféré. Je le relis chaque année juste pour me mettre en condition d'arriver à la dernière page et de verser une larme quand Adam Trask agonisant lève une main frêle et blanche et bénit son fils Caleb avec ce seul mot hébreu: «Timshel», «Tu peux»...



Publié en 1952, le livre s'écoule à cinquante mille exemplaires par année. L'éditeur vient cependant d'annoncer un nouveau tirage de 800 000. J'aimerais bien qu'on ressorte la mini-série des boules à mites, celle avec Timothy Bottoms.

23.6.03

Voilà! Le chemin de la santé! Steve m'a prêté les sous et j'avale des capsules oranges et noires, tout à fait les couleurs que je choisirais pour le drapeau de la république du Québec.



Tandis que je poireautais à la pharmacie, j'ai pris ma tension artérielle avec une machine automatisée. Il est clair que je vais finir par me péter une veine et branler du chef en attendant ma purée.
Dominique est venue dîner en m'apportant une 24 de la Saint-Jean. Juste le fumet des tortellini faisait pleurer mes dents. Do m'a déposée à la clinique d'urgences, qui m'a fermé au nez pour l'heure du lunch. Suis remonté chez Trait d'union, vaquer à quelques corvettes (petites corvées). Un manuscrit m'y attendait, le second, et dès les premières pages j'ai su que je tenais quelque chose. J'ai fini de le lire en patientant dans la salle d'attente du dentiste, sans prêter attention à la détestable famille de hillbillies tonitruants qui ravageait le mobilier. C'est excitant de tomber sur un texte comme ça!



Le toubib a jeté un coup d'oeil dans mon trou à tarte et s'est précipité sur son calepin pour me prescrire des antibiotiques. Reste plus qu'à trouver dix dollars ou à gober le papier.
Razzia chez Jeunesse au soleil. Maigre butin. Me propose maintenant d'aller mendier des antibiotiques chez la dentiste voisine.
Gueule d'écureuil à l'automne. Gueule de Vito Corleone. Passé la nuit à arbitrer le combat au corps-à-anticorps entre l'abcès et les globules blancs. K. O. technique pour les globules.

22.6.03

Poussé la promenade jusqu'aux nouvelles pénates de Claude. L'était pas là, mais Sarah m'a offert du Pepsi et des bleuets tandis que sa copine lui teignait des reflets dans les cheveux. Quand j'ai toussé, Noa s'est mise à pleurer.
Les cloches de l'Immaculée-Conception m'appellent à toute volée. Envies d'aller à la messe et de m'évanouir dans la touffeur et les vapeurs d'encens.

21.6.03

La tradition se perpétue. Premiers feux d'artifice de l'été au balcon de CGDR. La France en vedette. Le concierge, sa femme et leur nouvelle-née se sont présentés, tout heureux d'être invités: depuis qu'il assure la gérance du building et qu'il doit faire avaler les augmentations de loyer, Colin a l'impression qu'on ne l'aime pas. Moi, je l'adore: il m'a remplacé aujourd'hui le frigo que j'ai crevé d'un coup de couteau en dégivrant le congélateur, et pas plus tard qu'avant-hier il a réparé mon poêle. Si j'avais de la bouffe à refroidir ou à faire cuire, je serais aux petits oiseaux.



Ai dû renoncer au sucre à la crème, pour cause de dent sensible, mais autrement la soirée, passée avec des freaks et des bonnes gens et une petite néo-humaine, s'est déroulée dans la joie renouvelée de vivre à Montréal.
N'ai plus envie d'écrire ici. Ca doit paraître, depuis peu. Sinon ça ne saurait tarder. Je marquerais bien une pause. J'annoncerais bien que je m'interromps. Me distancie. J'écrirais au revoir et merci.



Seulement, ce rituel, et ces ombres là-dehors qui lisent en silence, ça vous tient par les parties tendres et ça s'accroche fort.



L'été qui commence. Quel bon moment pour faire une fin. Et pourtant, où déverserais-je le trop-plein? Comme, par exemple: hier, Eric est venu. Il a passé quelques heures à composer une lettre délicate à son frère afin de le convaincre de déménager de chez-lui. Il m'a aussi appris que mes nectarines bien-aimées sont en fait des hybrides, issus du croisement entre une pêche et une prune...



Et puis j'ai appris aussi que le bateau-théâtre l'Escale, à Saint-Marc, là où j'ai fait la plonge l'été de mes quatorze ans, présente Les belles-soeurs de Michel Tremblay. Question: est-ce le niveau du théâtre d'été qui augmente ou celui de la pièce qui baisse?



20.6.03

Ca les turlupine vraiment, les gens, de savoir si Vacuum est un journal ou un roman. Peux pas les blâmer, je suppose. Mais c'est pourtant simple: j'investis ma vie dans la cornue littéraire et je chauffe. Le résultat de cette alchimie est nécessairement transformé, donc fictif. Simple.

19.6.03

Levé à l'aube. M'extirpant du cauchemar, ai attaqué le texte pour la revue d'Yvon Boucher, celle qui change de titre, de format et de papier à chaque numéro. Miscellanées sur le meurtre: pour tuer le temps, ça s'intitule. Vais y consigner tout ce que l'assassinat m'inspire et tout ce qui m'inspire l'assassinat, d'ici à la fin août, date de tombée. Un papier qui pourrait facilement prendre les proportions d'un annuaire de téléphone.

18.6.03

Il y a là-dehors énormément plus d'enfoirés qu'un monde sain ne devrait naturellement en engendrer. Quelque chose est pourri au royaume.

17.6.03

Viens de claquer le trente millième visiteur sur ce site. Dire que tout ça a commencé du fin fond d'une déprime psychotrope. Me sentant isolé de tous, même de Kevin, et je m'étais traîné jusque chez mon fils, j'avais jeté son co-loc dehors et je m'étais assis dans un coin du foutoir pour jaser avec JC, et quand la police est arrivée, j'avais déjà décidé de me brancher sur Internet...
Retour de l'Echange, musardant sur Mont-Royal, j'ai mis le doigt sur une contradiction fondamentale de mon tempérament tourmenté. Dans ma vie de tous les jours, je m'efforce avec plus ou moins de bonheur d'appliquer la maxime Never complain, never explain, alors que mon métier exige précisément que je fasse le contraire, comme en ce moment-même. Conçoit-on d'écrire sans (se) plaindre ni (s') expliquer?
Voir Jean Charest rendre hommage à Pierre Bourgault, décédé hier à bout de tabac, me remet en mémoire la rafraîchissante et tonique honnêteté du Joker incarné par Jack Nicholson dans le Batman de Tim Burton: après avoir électrocuté (frit) un ennemi, il s'écrie: «I'm glad you're dead!» avant d'éclater d'un rire dément et d'exécuter une petite gigue.

16.6.03

Descendu chez TU pour rédiger et envoyer ma première lettre de refus. Dur, dur.



Au retour, j'ai été pris d'une méchante envie en plein parc Lafontaine. Ai trouvé les latrines publiques. Quand Claude m'a appelé pour m'offrir un article dans un nouveau magazine glacé, j'étais confortablement carré sur la porcelaine. «C'est quoi, ces bruits-là?»
Le mois de Junon est long et doux comme une lanière de réglisse. J'écoute mes cheveux pousser. Commence à ressembler à un pianiste polonais.

15.6.03

Pouvais pas dormir. Mâchoire lancinante. CGDR m'a ouvert sa pharmacie.
Travailler pour l'héritage de l'humanité. Encore faut-il croire à cette dernière (des dernières).
Je suis amoureux d'une lesbienne que je n'ai jamais rencontrée. Les choses, pour moi, ne s'arrangent pas, ou alors si étrangement.

14.6.03

Viens de mettre au four de la viande pourrie. Qui pue. Si je suis capable de la sentir, dans l'état où se trouve mon système olfactif, c'est que cette bidoche schlingue un maximum.



Si seulement je pouvais effectuer un travail utile à la société, comme gérer des millions à l'instar de ma mère ou convertir des molécules de pétrole à l'exemple de mon père, plutôt qu'écrire des livres. Je mangerais de la bidoche rouge sang sans suspecter chaque gargouillis stomacal dans les heures qui suivent mon repas.
La tristesse que me cause l'annonce du décès de Gregory Peck n'est adoucie que par l'idée que je pourrai toujours retrouver Atticus Finch, aussi longtemps que je vivrai, en celluloïd ou en papier.

13.6.03

Certains jours, quand j'essaie de retrouver pourquoi je me suis épris de sa plume en premier, j'y vais voir, sur sa page, et à peu près toujours ce ramage en émane, intelligent et rigolo avec un sanglot dans la gorge, du bonbon acidulé, mes préférés. Mais parfois, Saigneur, ça n'y est pas, ça n'y est plus, et je me pose pro forma la question rhétorique: «Comment peut-on prendre ainsi congé de son intelligence et slaquer tous ses moyens pour cause de colère ou d'envie subite d'aller pêcher? Le goût de taquiner la truite ou d'étrangler son amant rend-il impuissant littérairement? Un esprit brillant ne cesse pas de l'être quand il s'endort ou que son propriétaire va pisser ou qu'il se fâche avec son jules. Bégayer, oui, s'écrouler de fatigue, mais écrire, fournir le malsain et grotesque et vain effort d'écrire ces tissus d'incohérentes conneries pour redraper ici ce puits de sottises et là cette fosse de pus, torcher trois pages sur les groseilles et son nombril et la perversité du type si chic hier, et encore un jour triste, et encore un coup dur, et que je te reveux détruire mon roman, et que je veux à nouveau effacer mon journal, et que le monde est chanceux que je sois si généreuse et sage et pas du genre à le priver de mon génie, et encore un coup de groseilles, et un coup de nombril, et un coup de courriel qui la retient de tout brûler à la dernière extrémité, à contrecoeur, pour à peu près la six centième fois, et un coup condescendant pour les lecteurs silencieux et simples, elle croit vraiment leur faire plaisir, et un p'tit coup de Pompadour avant que ne tombe le rideau pourpre: la grosse femme doit chanter, c'est obligé, et elle y va de bon coeur à grands renforts de plaies ouvertes et de douleurs et de saignements littéraires (de partout) et de cessation de sa propre existence.



Entracte.



Je sais comment ça se passe. Mon premier opéra, c'est elle qui m'y a emmené.











Toute ma vie, j'ai rêvé de la partager avec une femelle qui aimerait les lettres autant que moi et de la même façon. Est-ce trop espérer de l'existence? Je ne crois pas. Il est sensé que j'aie souhaité dormir et m'éveiller à côté de quelqu'un dont les intérêts sont aussi les miens. Passer mes jours et mes nuits avec une créature qui protège mes intérêts et compte sur moi pour veiller aux siens. Baiser une gonzesse qui ne soigne pas les grafignes qu'elle m'a faites dans le dos avec l'idée de découvrir le meilleur endroit où planter son couteau. Or, il a fallu que je m'abouche avec ces banshees jalouses, insécures et vindicatives au talent dénaturé. Ce fut Marie-Raspberry Scott, c'est Annie Strohem. Sleeping with the enemy. Ça veut ne rien devoir à personne, comme si on leur demandait des comptes, ça veut paraître jaillir de la cuisse de Jupiter, ça ne pige pas qu'on y soit plutôt qu'elles, ça éponge tout ce que vous offrez, comme un essuie-tout triple épaisseur, puis ça hurle: «Je t'ai rien demandé!»



Ça s'est quand même offert, au début, sous prétexte d'admirer votre génie et la grâce de votre démarche ou la douceur de vos paumes. Ça minaudait, c'était suintant de luxure et ça dégoulinait de loyauté. Ça affirmait sa différence, bien parfumée, fondamentale: «Moi, je ne suis pas comme celles-là! Moi, je ne ferais jamais ça!». On prétendait, donc, ce qu'il fallait. L'esprit de lucre se dissimulait sous ses oripeaux ordinaires, immémoriaux, ceux que chaque génération d'hommes doit pourtant réapprendre à partir de zéro, car une seule vie suffit rarement, nos pères étaient chrétiens et canadiens-français, c'est-à-dire qu'ils ne disposaient que d'une seule vie employée à ne pas instruire leurs fils.



Pour ces gens, ceux qui gueulent :«Je t'ai rien demandé!» quand vous avez tout donné, rien de ce que vous ferez ne sera jamais assez. Je le dis à l'intention des jeunes qui ne le savent pas encore et à qui ça pourrait servir, bien qu'il faille payer certaines connaissances du sur prix de l'expérience.



Et c'est si triste pour les lecteurs qui ne liront jamais ces livres qui ne seront jamais écrits par ces écrivains qui ne le seront jamais tout à fait devenus. À force de s'y croire déjà (le nirvana des écrivains, là où l'on siège sur un nuage de gloire en guimauve émouvante, répondant au téléphone si ça nous chante, cependant que les livres s'écrivent tout seuls dans l'arrière-salle du paradis). Comme s'ils s'imaginaient que la littérature est soluble dans la sauce marxiste, qu'il s'agit d'une émanation de la lutte des classes, et que le monde est divisé entre ceux qui lisent et ceux qui écrivent, ces derniers précédant les premiers dans la chaîne alimentaire.



Qu'est-ce qui distingue un vétérinaire d'un dentiste? Un actuaire d'un avocat? Un barbier d'un dermatologue? Un agent d'artiste d'un artiste? La réponse est: pas grand-chose, sinon leurs intérêts particuliers. Chacun le sait, sauf ces millions de milliasses de pathétiques sacs-à-fiel qui se veulent écrivains parce qu'ils aiment lire et qu'ils ont appris à écrire et qu'ils connaissent l'alphabet et qu'ils ne voient pas la différence entre moi et un vétérinaire. Ils ont vingt ans ou cinquante-cinq, ils se promènent en ville avec leur chef-d'oeuvre en envoyant chier d'avance quiconque demandera de quoi ça parle et qui en est l'auteur. Ils croient que la condition d'écrivain publié, confirmé, les placera au-dessus de toutes les malodorantes vicissitudes de l'existence humaine. Ils croient avoir signé leur propre passeport pour la transcendance.



Ces ahuris-là sont légion, et certains font assez illusion pour qu'on les publie, puis ils sombrent dans un trou noir de leur propre invention. Ce ne sont pas des écrivains, sinon brièvement; ce ne sont certainement pas des artistes. L'art requiert plus, infiniment plus que du talent, et quiconque ne sait pas ça devrait écosser des pois chiche ou empaqueter du crabe ou torcher des vieillards ou s'employer à n'importe quoi d'utile sans encombrer les lieux de l'art.



Cela dit, je suis coupable aussi. N'ai-je pas toujours prétendu qu'on juge un homme à ses amis? Cela doit également s'appliquer à son choix de compagnes et au choix que font celles-ci de continuer, ou pas, à l'accompagner. Ainsi, je songe à Guillaume, à Hans, à Louis. Trois de mes plus chers amis, bien que laids comme autant de péchés capitaux (Hein? Mens-je? Vigneault, Marotte, Hamelin? Des visages abominables, des faciès révoltants, des bouilles à renvoyer son souper), ont pourtant trouvé le moyen de vivre avec et de se faire aimer de très belles et très intelligentes nanas, durant des années, des années, des années bordel! Et je vous jure bien qu'aucun d'entre eux n'est un enfant de choeur, en fait aucun ne l'a même jamais été, sinon seraient-ils mes amis, bien sûr que non, vous voyez mon problème. Ils savent quelque chose que j'ignore. Si, encore, ce n'était que ça. Nous passons notre temps à échanger de l'information, des idées, des flashes. Nous nous en nourrissons. Mais cela, qu'ils savent et que je ne connais pas, il est manifeste que je suis incapable de l'apprendre, et eux de me l'enseigner. C'est un morceau qui manque, dès la sortie de l'usine. On peut toujours improviser, un bout de temps, comme quand Kevin filtrait son café avec des Tampax ou que mon père pissait dans le réservoir quasi-vide de la Volks pour qu'on teuf-teufe depuis Beauceville jusqu'à Saint-Georges, mais vient un temps où on se rend à l'évidence, ou alors l'évidence nous vainc violemment: cette machine-là vaut pas un clou. On la garde parce qu'on y est attaché, ou parce que c'est la seule qu'on a et qu'on aura jamais. Quand la machine s'adonne à être votre corps, votre esprit, votre personnalité, combinés en ce que vous appelez vous, va sans dire que ça s'applique.



N'empêche, c'est pas parce qu'il y a des connards déficients qu'il n'y a pas de salopes.

12.6.03

Éric est revenu, sans pansement, sans souliers, ses patins aux poings. Son nez va très bien, et son oeil s'améliore. Bon pied, bon oeil, bon nez: on a téléphoné à Yvon Boucher pour lui demander ce qu'il espérait en fait de textes pour sa nouvelle revue. «Entre deux et trente feuillets. Une nouvelle? Pas obligé. Ça ou ce que tu veux. On change de format et de papier à chaque numéro. Le prochain est bouclé, celui sur la paresse. L'autre, celui qui sort pour le Salon du livre, c'est sur le meurtre. Tu me fais quelque chose sur le meurtre. C'est qui, le nouveau poète que tu me dis, déjà? Éric Drouin? Attends, j'écris ça. Attends, j'ai pas de crayon. Drouin? Oui, oui, bien sûr, envoie-moi ça...»



L'Éric est reparti plein de pep dans les roulettes, la revue sous le bras. Il m'avait dit (je veux tout savoir): «J'ai vu Claude cet après-midi!», puis, plus tard: «J'ai vu Jean-Christian aussi!», sauf que tous deux étaient trop loin pour le voir lui, comme par hasard, à moins qu'il ait préféré ne pas être vu d'eux. «T'as tourné tes talons à roulettes, non? Tu voulais pas avoir à expliquer ton...»



«Ben, un shiner comme ça, ouais, je sais pas, ça fait looser, tu trouves pas?»



«Fuck'em!», j'ai lâché, oubliant que je parlais de mon fils et d'un ami cher, puis je me suis repris. «T'es beau, t'es un mec, t'as des couilles comme des pastèques, t'as rien à prouver à personne, depuis le temps, mais c'est vrai: vaut mieux attendre que ça guérisse.»



Reparti, dis-je, plein de pep dans les roulettes et d'idées de (poèmes sur le)meurtre dans la tête.
Quelques heures foncièrement satisfaisantes avec Nic Landré, venu me faire signer notre déclaration de chanson à la SOCAN. C'est un texte que j'ai écrit pour lui en 1999, à partir d'une histoire qu'il m'avait racontée l'année d'avant, à propos de ce que son père lui disait après le show, quand il était petit, admiratif et affamé. Le Nic a finalement enregistré son album, Windigo, qui sortira en septembre, probablement de cette année.



On a parlé avec une liberté qu'on n'avait pas connue depuis longtemps. On était seuls. Pas de nuisances...



J'ai fini par comprendre qu'il est en froid avec Claude et avec Claude. L'un est son père, l'autre son cousin. Il connaît les deux depuis toujours. Moi, j'ai rencontré le premier, mais je sais le second jusqu'au fond, en long et en large et surtout en travers, et ne me suis-je pas retrouvé à le défendre, ce phénomène naturel (comme les ouragans, les inondations et les tremblements de terre, tout ce contre quoi on ne peut pas s'assurer), à l'expliquer à son cousin, et à presser celui-ci de se vider le coeur à celui-là? Mais il ne le fera pas. Trop bien élevé. Alors je vais écrire à Claude et lui raconter ce qu'il en est, et il fera ce qu'il faut, comme il le fait toujours quand il comprend les enjeux, et je serai content parce qu'à son contact j'ai appris le langage des tornades et des invasions de sauterelles et de plaies que même l'Égypte n'a jamais osé cauchemarder.
Hier, lancement du Moebius sur la honte, celui dans lequel Kevin perd son pucelage d'écrivain amateur. Il y signe un texte très riche, très dense et très tendre. Je n'y suis pas allé, histoire de ne pas lui gâcher son moment. J'apprends qu'il n'y est pas allé non plus, probablement pour des raisons similaires. C'est Mario qui doit trouver le temps long, déjà qu'il n'est pas fort sur les mondanités, mais il subsiste toujours la chance qu'il tombe sur Violaine. Je l'ai bien fait, moi, mardi soir, au lancement de Don José Acquelin, et il ne m'a pas fallu deux pintes pour vendre la mèche. C'est vrai, quoi, qu'il se branche: si on attend tranquillement qu'il se déclare, la dame de ses pensées aura des taches brunes et une hanche en plastique.
Éric passe chercher des sous. Peu importe son état, il a le flair pour ces choses-là. Son état, dis-je, parce qu'il arrive en chaussettes, les mains enfoncées dans deux patins à roulettes. «Ils me les ont fait enlever en bas», explique-t-il, penaud, et arborant le plus ravissant oeil au beurre mauve que j'ai vu depuis longtemps, tout lustré et nuancé. Son état, parce que quand il finira par m'en fournir l'explication (je n'ai scrupuleusement rien demandé, trop occupé à me mordre la langue au sang), il commencera par dire qu'il a le nez cassé.



C'est tout lui, ça, venir me voir avant un médecin. «Alors?» je l'encourage à continuer. «Ben, c'est un gars qui me montrait des prises de lutte olympique...»



«La lutte olympique, c'est pas supposé finir comme ça. J'en ai fait, de la lutte olympique. T'es trop grand pour la lutte olympique. Moi aussi. Ton centre de gravité est un handicap.»



«Ah bon...», qu'il dit.



«Mais ton nez m'a l'air intact. Ton célèbre grand nez bourbonien, ton gagne-pain, même pas dévié...»



«Ça fait mal! Je peux même pas y toucher! Je sens les caillots de sang...»



J'ai appelé la clinique pour m'assurer qu'il y avait un toubib de garde et qu'ils disposaient d'une machine à rayons X, et je l'ai accompagné jusque sur le trottoir, le temps qu'il remette ses patins. J'attends des nouvelles.
Sauvé temporairement, mais l'est-on jamais autrement? Signé le contrat pour Fontes avec Robert Giroux et l'ai convaincu de me verser un à-valoir, le premier de sa carrière d'éditeur. L'intercession de BL n'est pas pour rien dans ce triomphe. Ni le fait que Giroux soit foncièrement un bon jack.

10.6.03

Descendu voir JC chez Trait d'union. En ai rapporté le premier manuscrit spécifiquement soumis à ma nouvelle collection. Hâte de m'y plonger.



Ai longé le bassin sinuant dans le parc, ses rides d'eau grises et violacées.

9.6.03

Retour de la réception qui suivait l'assemblée générale annuelle de la SOCAN. À l'assemblée elle-même, j'avais envoyé une procuration pour me représenter, déléguant Gilles Valiquette, celui-là même dont j'ai dû racheter trois fois le 45 tours autrefois parce que ma mère l'arrachait du tourne-disques chaque fois qu'il arrivait à «C'est pas ma faute si l'monde c'est tous des pieds!».



Au buffet, j'ai préféré me représenter moi-même. Passé deux heures agréables près du piano à queue, lui-même situé par hasard près du bar, en compagnie de Jean-François Landré, frère de Nic, fils de Claude et cousin de Claude (André). Il m'a expliqué plein de choses ayant trait à cette industrie en termes clairs et comiques. Quand on nous a photographiés pour la revue, j'ai passé d'instinct mon bras autour de son cou. Puis, Pierre Leith, le Capitaine Nô en personne, est venu m'offrir de collaborer avec lui, et JF lui a parlé de son père, comment il aimait enrager les gens comme un jésuite, pour les révéler à eux-mêmes, et on voyait qu'il était allé à bonne école: quand je suis parti, Leith était déjà en tabarnak.



En sortant de l'hôtel Delta, j'ai croisé un mec en queue-de-pie et haut-de-forme qui traversait Président-Kennedy en unicycle.



Dans l'autobus, comme d'habitude, il y avait plein de gars au crâne rasé. Comment les vieux pouvaient-ils craindre les hippies en invoquant leurs cheveux longs? Il n'est rien de plus inquiétant qu'un homme au crâne rasé. Même les falots font peur. Faut lire leurs yeux pour savoir ce qu'ils ont dans le coeur.



L'autobus m'a déposé près du Bunker. Je suis revenu sur mes pas dans la pénombre et ai pénétré dans le parc, hypnotisé par le losange vert baigné de lumière où s'agitaient des joueurs de baseball amateurs, et je me suis assis, seul sur le dernier gradin, suçotant un mégot, pour assister aux dernières manches.
Sécheresse et désolation. Crevasses et gerçures. Plus rien à vendre et rien d'humide à l'horizon.

8.6.03

Sylvain Trudel, le cher homme, signe un article lumineux sur Vacuum dans Le Soleil dominical.



Presque tous les commentaires à ce jour me donnent à penser que la figure de Kevin est une réussite littéraire, comparable à celle de Léo dans Valium. C'est dans cet esprit que je l'ai dessinée, étudiant le modèle, et de n'avoir pas échoué à la tâche me comble d'une durable satisfaction.



7.6.03

Monté voir CGDR. Son histoire d'amour clandestin, commencée le soir de mon lancement, le rend heureux et communicatif comme un ado, ce qui ne signifie pas qu'il révèle grand-chose, et bien que lorsqu'on s'arrête à y penser, les ados soient tout sauf heureux et communicatifs. En tout cas, il nettoie son studio, change les meubles de place et ses oreillers sont logés dans de nouvelles taies féminines, en tissu imprimé de petits animaux mignons.



Croisé Steve Hill, bicyclettant. M'a répété son numéro de téléphone. Le meilleur guitariste au pays à vélo, c'est comme Wayne Gretzky jouant du piano. Obscène, presque.
Entrevue, CIBL, 14:00.



Certains vomissent avant un show. J'introduis une variante: je dors douze heures, je me lève d'un coup, j'éternue, j'éponge le sang et je suis prêt pour l'antenne.



Aujourd'hui, vais peut-être développer l'idée de Fred selon laquelle j'ai écrit un reality book, dans la zeitgeist de la télé-réalité...

6.6.03

Barbecue, conversation littéraire puis sweet nuit réparatrice avec la douce, comme on s'insinue dans un bain bouillant: en prenant tout son temps.

5.6.03

Quand j'y songe, ce que la notoriété a fait de mieux pour moi, et de moins pire, c'est me faciliter l'accès à tout un tas d'autres mecs et mèches notoires. Aussi, plutôt que mon idée de samedi dernier, quand je songeais à éditorialiser, peut-être interrogerai-je mes connaissances pour la postérité. À moins que je ne m'empoigne sereinement le cul jusqu'au Jugement Dernier. Cela mérite réflexion.
Causé avec ma «grosse crapaude gluante». L'ai bisoutée au téléphone. Il n'est pas simple d'aimer un écrivain, une écrivaine, et les contes de fée font des tête-à-queue malsains, malsaines (les fées).

4.6.03

Guig Vigneault compare son chantier buccal à mes travaux de voirie. Les écrivains mangeraient-ils trop de sucre? Il ne me dit pas au juste combien va lui coûter son gros oeuvre dentaire, « parce que tu risques de venir me les péter toutes gratuitement par charité chrétienne.»



Tombé sur François Charron à la Centrale. Ça devait bien faire dix ans. Il m'a parlé de son essai biographique sur Hector de Saint-Denys Garneau, et je l'ai emprunté sur-le-champ. «Je me suis dit qu'il était temps que je devienne un véritable écrivain, que je publie une brique!» m'a-t-il dit, ne blaguant qu'à demi.



Sur Saint-Denis, croisé Louis Gauthier, qui me demande comment je vais. «Je tiens le coup!» réponds-je. «Ouais, fait-il; c'est un minimum.» Un minimum vital, j'ajoute en lui envoyant la main.



Et je vais vendre quelques bouquins.



Pincements, tiraillements, crampes du mauvais côté du poitrail. Pas encore d'engourdissement dans le bras. Se trouverait-il au monde une seule personne pour s'en surprendre si j'en claquais une bonne?

3.6.03

Hans vient de m'appeler pour lever l'embargo sur la triste nouvelle de sa rupture avec Chantal, survenue il y a quelque temps. Il voulait attendre pour l'annoncer aux enfants, afin de leur éviter un traumatisme indu en fin d'année scolaire. Alors il a touché le fond tout seul, et avec moi un petit peu, mais surtout seul, prenant congé de son travail, et ce soir il s'est senti remonter à la surface, commençant à distinguer le moins mauvais côté des choses, et il a parlé aux gosses. De la valeur de l'engagement, de l'arbre qui dissimule la forêt, de peine et de rédemption. «Ils sont fantastiques», dit-il. «Je suis gâté. Ils comprennent tout.»

2.6.03

Pourquoi c'est que les plus jolies gonzesses travaillent pour les journaux ou la radio, cependant que les boudins monopolisent la télé? Excepté à la météo, mais autrement, c'est sale gueule et compagnie, des voix de râpe à fromage et des coiffures comme aux lendemains de quand ma soeur s'endormait en mâchant de la gomme balloune; attifées comme la chienne à Jacques, que je n'ai jamais vue mais dont on m'a beaucoup parlé, et semblant tout droit sortir d'une intensive session de lavage de vaisselle, tant on croirait les voir empoigner le micro d'une main gantée de caoutchouc jaune pâle, et de topo en topo nous martelant le même message sous-jacent: «I could be a cute chick, but then men wouldn't take me seriously anymore, as a woman and as a journalist, so I go to great lenghts to make myself bland, plain and down right ugly, so you'll listen to me instead of staring at my tits!»

1.6.03

Levé à 18:00. Dix-neuf messages en attente. Suis sorti faire les magasins pour trouver un exemplaire de La Presse et le texte de Chantal Guy. Après lecture, me sens aux antipodes d'hier. L'honneur du journalisme est sauf. C'est injuste pour elle que je ne sois pas motivé à écrire autant quand je suis content que lorsqu'on me fout en rogne.
Chaque fois que l'un de nous s'est trouvé mal en point, Annie et moi avons remisé nos désaccords, psschhtt! évaporés, à se demander ce qui nous empêche de le faire en temps normal, quoi qu'il en soit ce soir encore nous étions réunis par un train d'électrons et elle m'écrivait des choses parfaites, mesurées avec soin, livrées dans un ordre suisse à intervalles subtils comme ceux d'une partition de Satie. On aurait dit qu'elle désamorçait une bombe.



Puis, elle m'a ressorti un mail que je lui avais adressé il y a plus d'un an. Un parmi mille et quelques que nous avons échangés. Un jour, son ordinateur a flanché et elle a tout perdu, mais celui-là, elle l'avait conservé, imprimé, souvent relu. Il y était question du journal comme cabanon inflammable impropre à loger une prose incandescente, et du roman qui prend de l'expansion à la chaleur, et de l'alchimie qui transmute le réel en oeuvre d'art. Je ne reconnaissais rien de ce que j'avais écrit, mais je trouvais ça plutôt puissant, et on ne peut plus approprié. Ainsi, Annie avait mis un peu de mon esprit de côté, en sûreté à la banque Strohem, comme en prévision d'un jour où j'en aurais besoin à mon tour.



Puis Ginette m'a écrit aussi, et ça a achevé de me remettre d'aplomb, avec ce ton qu'elle a, toujours juste, jamais trop ni trop peu, un don rare qui ne s'enseigne nulle part.



J'allais fermer boutique, éteindre la lucarne pour ce qui reste de la nuit, quand un dernier message a déboulé en grondant. Mon fils. La différence entre dormir en paix et dormir heureux. Il disait Dad on les encule (je paraphrase). Il parlait de boucs miteux et il disait: «Encore une fois tu lances un livre sur le marché qui est impossible à cerner», et il ajoutait que je les boufferais pour déjeûner, eux, les autres; enfin, il me servait de grandes rasades de la médecine dont il sait qu'elle me soigne, au goût de coup de fouet sucré.





31.5.03

C'est toujours le dernier arrivé qui paie pour les autres. C'est injuste. C'est humain. C'est peut-être la même chose.
À part ça, ma foi, il y a Réal, mon Réal, Yté, l'Amèriq indigné comme un seul homme, seul, qui s'est porté à ma défense aujourd'hui, probablement pendant la sieste des enfants. Je ne suis pas gourmand. Tant qu'il subsiste un honnête homme, égaré dans les allées de ce cyclopéen Wal-Mart que nous appelons une civilisation, je continue à me creuser, j'écris le maigre et puis le gras et puis le gris je le colore; un honnête homme, ça paraît peu, sauf si l'on songe que Diogène n'en dénicha jamais autant.



Ce qui me scie à l'os, tout bien pesé, c'est que je ne peux plus décemment interrompre le Journal maintenant, pas aujourd'hui, pas après ça. On jaserait. Faut que je rame encore un bout. Ah, l'ordure! Ah, le bélître! Ah, le touriste!
J'avais jasé avec lui jusqu'à tard dans la nuit, aussi quand peu avant une heure et demie je suis monté chez Steve, l'ai sorti de la douche et lui ai demandé de syntoniser CIBL, il ne m'a pas reçu avec des débordements d'aménité.



J'avais encore le souffle court, irrégulier, comme si j'avais reçu un grand coup de botte vicieux au creux de l'estomac, ce qui était un peu le cas. Puis je me suis rappelé que CIBL devait parler du livre en début d'après-midi, et entre me claquemurer dans le Bunker où il n'y a miséricordieusement pas de radio et courir encore ma chance comme un gambler pathologique, j'ai décidé de relancer les dés.



Le coucou de Stevie a sonné la demie tout comme il stationnait l'aiguille sur 101,5 FM, l'émission était à moitié consommée, pourtant c'est à cet instant précis qu'elle s'est mise à parler, comme si elle m'attendait pour commencer. C'était Johanne Viel. Tout ce que je savais, c'est que sa pénétrante intelligence fonctionne d'une façon qui ne m'est pas étrangère, et qu'elle avait préparé le premier pâté chinois de sa vie la semaine dernière après avoir fini de me lire, mais je n'étais pas certain de ce qu'il fallait en déduire, même si son chum s'en était montré enchanté. J'étais si fébrile que j'arpentais l'appartement de long en large en sautillant, sous le regard de Steve qui hésitait sur l'attitude à adopter, et je gesticulais pour lui faire comprendre que je lui expliquerais tout après, et j'écoutais, écoutais, pendu à sa voix comme si ma vie en dépendait, et je priais presque, j'en oubliais que je suis un païen, je priais et mendiais quelques paroles honnêtes pour mon livre, et pourquoi pas tant qu'à y être un mot gentil, en tout cas pas trop dur.



Or, phrase après phrase sans ralentir, non seulement elle lui rendait ample justice mais elle touchait toutes les bases sans en oublier une seule et elle expliquait ce que c'est en termes plus cristallins, plus concis, plus nets que je n'y suis moi-même arrivé, et elle riait en citant des passages, et c'était soudain comme si on m'appliquait une compresse d'eau fraîche sur le visage, me donnait le temps de reprendre mon souffle et mon courage. C'est seulement là que j'ai réalisé toute l'ampleur de ma solitude et de mon désarroi depuis le matin: quand j'en ai été soulagé.



N'empêche, je ne sais toujours pas si l'assaut fut plus brutal ou si les fortifications pourrissent. Quelque chose de fiable jusque là s'est fêlé comme en un soupir polaire, et j'ai affaire à découvrir ce que cette chose est, à quoi elle sert et si elle m'est indispensable.



Naviguant mécaniquement, sans aller nulle part en particulier, je me suis retrouvé sur le site d'Annie, et j'ai relu toutes les pages ayant trait à Épiphanie. Dans les films, après avoir subi des violences, les femmes se plongent toujours sous une douche bouillante. Je n'ai pas été suffisamment traumatisé pour me laver un samedi après-midi, mais quand même, j'éprouvais le besoin (je l'ai compris après) de lire du net, du propre, de l'authentique. Le résultat d'un travail franc et acharné, des mots choisis selon un principe, un point de vue, une conception de l'écriture assumée en toutes circonstances et sans égard au prix. Cela, je peux toujours le retrouver chez elle, comme au premier soir où je l'ai lue et suis tombé amoureux de sa prose, bien avant de m'éprendre aussi d'elle.



L'ironie cruelle, une autre, c'est que son putain de manuscrit circule en ville, que j'en entends dire un bien fou et que je n'en ai jamais vu une seule page, une seule ligne, un seul mot passé le titre.
Tôt ce matin, tôt bien assez pour savourer ma solitude, je me délectais du dernier article de Christopher Hitchens (son style, sa mesure, son intelligence, son bagage, sa droiture, son travail de réflexion intransigeant), et je venais de décider de mettre un point final à ce Journal. Aujourd'hui, fin du mois, chiffre rond. Je sens que je ne me renouvelle pas et que je dépends un peu trop de ce rituel et qu'il cautionne mon inaction ailleurs et que j'ai accompli mon objectif et qu'il faut que je m'oblige à défricher du neuf. Ce que j'envisageais de faire, c'était de perpétuer l'accès aux archives à partir de cette page, tout en proposant un lien vers une nouvelle, que j'intitulerais Éditorial et dans laquelle je proposerais un texte d'opinion hebdomadaire plus substantiel et plus fouillé, quelque chose comme mille mots, je sais pas trop, enfin quelque chose de nouveau et de stimulant et d'exigeant.



J'étais à réfléchir au moyen de patenter ça sans bouleverser tous mes codes quand la clochette a tinté, annonçant un courriel. Dominique m'envoyait un article paru dans Le Devoir de ce matin, accompagné d'un commentaire laconique et d'un baiser qui sentait la pitié, laissant présager le pire.



Ce qui suit est la transcription intégrale de cette recension, intitulée Roman québécois - Les passages à vide de Mistral et signée Christian Desmeules.



Entre deux chansons, un essai sur son oeuvre et un projet de roman,

Christian Mistral nous imprime son journal de l'année 2002. Un Journal qui, entre sa publication quotidienne l'an dernier sur Internet et sa mouture de papier, se transforme en «roman» par un petit tour de passe-passe dont lui seul connaît les ficelles, sans que l'on sache trop bien ce qui justifie cette fantaisie sémantique. Vacuum se présente donc après coup, dans sa version livre, comme le quatrième volet du cycle Vortex Violet (dans le sillage de Vamp, Vautour et Valium). Pour l'occasion, le «mauvais garçon» de notre littérature s'offre un nouvel éditeur (Trait d'union) et la direction d'une collection («Graal») qu'inaugure son nouveau livre.



Au menu, on trouve un peu de tout : commentaires de l'actualité internationale, mots rares, chronique voilée de ses amours chaotiques et de ses amitiés viriles, extraits de courriels qui lui sont adressés, citations de poèmes, de chansons. Tout cela écrit et publié sur Internet au jour le jour, pratiquement d'heure en heure, flirtant sans remords avec le degré zéro de l'écriture. Ainsi, en date du 16 avril 2002 à 9h11 du matin, on peut apprendre que Mistral vient d'ajouter une page à Origines, l'essai que lui a commandé Victor-Lévy Beaulieu. Le 25 avril, la petite madame gentille qui habite en dessous lui offre une paire de pantoufles en «Phentex». Le 15 juin, on sourirait si on pouvait croire qu'il se parodie lui-même : «Avec Kevin, on s'est descendu une bouteille de Havana Club en visionnant Les

Raisins de la colère, puis on a commencé à se taper dans la gueule.» Le 9 juillet, il dégivre son congélateur.



Comment se limiter au réel le plus plat, semble s'être donné pour horizon

l'écrivain Mistral. Comment ennuyer ? Dans un souci de faire adhérer étroitement sa propre vie et l'écriture, il nous donne à lire le désoeuvrement dans ce qu'il a de plus sordide. Épris depuis toujours de liberté, infatigable assoiffé de la vie qui grouille, qui rampe ou qui se décompose, mais bien loin des figures tutélaires de Henry Miller ou d'Hemingway, Mistral traîne sa liberté comme un embarrassant fardeau. Ou comme un vide à remplir. Dans l'un des rares passages de Vaccum où la lucidité semble l'emporter sur la complaisance, il nous livre un état des lieux : «Trente-sept ans. Gros. Cancéreux que ça ne m'étonnerait pas. Le miroir me renvoie une rotondité, une épaisseur bourrelée au-dessus du coude gauche. Et j'expectore avec de plus en plus d'inconfort [...], mais je crains tant que toute ma force ne fonde au contact de l'inquiétude, comme ma beauté s'estompe dans les résidus de tabac fumé et de bière bue.»



La pratique diariste est exigeante, souvent sans pitié pour l'entourage et

pour soi (Jean-Pierre Guay, Gombrowicz ou Charles Juliet en savent quelque chose). Elle relève davantage du véritable travail sur soi et sur l'oeuvre en cours que de l'autocongratulation. À cet exercice du journal, Mistral échoue. Car ce qui aurait pu être une oeuvre littéraire n'est que la chronique quotidienne d'un personnage nommé Mistral, compulsif dactylographe qui découvre la technologie et s'excite de pouvoir s'adresser au plus grand nombre, à travers le grand vide de l'ennui.



À quelques reprises, le Journal nous est présenté comme une sorte

d'excroissance amputée d'Origines, un court essai sur son oeuvre et sa venue à l'écriture qui s'insère dans la collection «Écrire» des Éditions Trois-Pistoles, dans lequel Mistral consent à nous livrer quelques-uns de ses secrets de cuisine. Un livre polymorphe et bigarré constitué d'un entretien, de notes, d'extraits du Journal, de souvenirs d'enfance. Un petit livre éclairant, mais qui n'arrive pas à se suffire à lui-même.



Certains passages de Vacuum s'y retrouvent d'ailleurs tels quels, sans retouches grâce à la magie du «copier-coller» qui permet à l'écrivain d'être partout à la fois. Paresseux, le Mistral ? C'est lui-même qui l'avoue : «Le champion toutes catégories des démons dégueulasses auxquels j'aie à faire face, c'est la paresse.» Et d'ajouter que le coeur n'y est pas, qu'il n'y est plus depuis déjà longtemps : «Personne ne me croit quand j'affirme préférer laver la vaisselle à écrire.» La paresse ne fait pas qu'empêcher d'écrire, elle fait aussi prendre des raccourcis : «La seule perspective d'être lu et d'en jeter plein la vue me donne l'impulsion nécessaire à l'ouvrage quotidien. C'est comme ça. Il est de pires raisons d'écrire.» Vraiment ?



Par endroits, c'est presque fûté, cette tentative d'assassinat. On ne reconnaît pas le dilettante derrière absolument toutes les phrases. Quelques-unes sont même affaire d'opinion et je ne trouve rien à y redire. Pourtant, j'ai beau me fouiller, interroger ma mémoire que l'on s'entend généralement pour qualifier de stupéfiante, je n'arrive pas à me rappeler que nous ayons élevé les cochons ensemble, d'où ma surprise devant ce luxueux étalage d'affirmations péremptoires sur qui je suis, de celles qui supposent une connaissance intime totalement hors de sa portée. Si je suis «assoiffé de la vie qui grouille, qui rampe ou qui se décompose», et je ne nie ni ne confirme, alors ce type sait bien des choses, et des croquantes. Toutefois, si on veut mon avis, je suis plutôt porté à croire que cet olibrius, ce pétrisseur de métaphores, s'essaie à faire du style sans souci de ce qu'il exprime, tel un pétomane faisant ses gammes et que l'odeur laisse insensible. Faire du style dans un brulôt qui me vise, ça revient à jouer du gazoo dans un concert de Claude Lamothe. Il n'y a guère de passage qui rachète l'autre, mais le plus dégoûtant est sûrement celui qui me voit «traîner ma liberté comme un encombrant fardeau». Voilà un citoyen qui n'a jamais reçu ne serait-ce qu'une contredanse. Pour considérer la liberté comme une quantité si légère, si plume et fumée qu'on la sent à peine, il faut n'en avoir jamais été privé. Connard.



Dans l'ensemble, pour abréger, et somme toute, ce type, c'est quand même un sale petit pédé, non? Foutu branleur de merde. 22, 23 ans je parie. Ou 46, allez savoir. Un nom à se faire, en tout cas. Putain de goule de fils de pute. Enfant de pétasse syphilitique et de mangeux de marde, enculé de fond de gogues, sac à flu, pissou, bureaucrate passe-partout, cauteleux mercenaire, tâcheron sans passion, scribe à gages, courtisan de cocktails, flatteur de Péan et botcheur de job par-dessus le marché. Que se passe-t-il au Devoir pour qu'on envoie cet avorton faire une job de bras sur moi? C'est peut-être une initiation, ou alors ils veulent l'inciter à démissionner. De mon temps, du temps de Lise Bissonnette ou de Paul-André Comeau, quand on voulait la peau de quelqu'un dont on pouvait supposer qu'il la vendrait chèrement, on n'envoyait pas un enfant. On envoyait un homme ou Nathalie Petrowski.



J'ai donc lu ce texte, incrédule (je ne suis plus familier du Devoir, j'ignorais l'ampleur des changements, du progrès réalisé): le ti-coune s'y fait beaucoup les dents sur mes deux livres et tant soit peu sur ma personne. En louveteau normalement constitué, en prétendant adéquat, il prend soin de se tenir à distance prudente du mâle alpha, et la longue odoriférante chiasse de mots dont il s’efforce de marquer un territoire fraîchement taillé ne va jamais jusqu’à éclabousser franchement mon talent. Seulement mes motifs, mon coeur à l’ouvrage, mon honnêteté artistique, mes prérogatives d’auteur et la nature intrinsèque, avérée, indiscutable de mon oeuvre: celle-ci est certes bien des choses, mais une entreprise d’autocongratulation elle n’est pas.



Puis, j’ai voulu savoir qui c’est au juste, cet homuncule dégénéré qui traite ainsi deux ans d’ouvrage. Avec malveillance, désinvolture et légèreté, comme si je n’avais pas mérité qu’on se penche sérieusement sur mes propositions. Qui refuse même à mes livres la dignité d’être filetés au scalpel, plutôt qu’assaillis sans finesse avec une hache émoussée. Je n’ai trouvé à son propos que peu de choses: il est libraire chez Pantoute, il a collaboré à une sorte de magazine de jardins et il a interviewé maman Dion. Depuis peu, il sévit dans la grande ville. Dans ce vieux Devoir où j’ai chroniqué quatre ans à la moitié du cachet que La Presse m’offrait, parce que j’y croyais, que ça signifiait autre chose qu'un tremplin de carrière, que c'était un devoir, depuis des générations. Ce journal-là, fais ce que dois, qui aujourd’hui confie la recension de mon travail à un méchant abruti ambitieux. Je le digère difficilement. J’ai pris tout ce qu’on m’a lancé, aussi bien les eaux usées que les louanges, et je n’ai jamais songé à répondre à une mauvaise critique, pas plus qu’à une bonne. Mais on n’a jamais osé s’en prendre à l’intégrité même de ma carrière, à la pertinence des quinze années passées à écrire et publier depuis Vamp, et jamais un foutu bouseux à tête plate, sans visage et sans réalisations, ne s’était avisé un beau samedi de mordiller de la cheville de Mistral. Ce monde n'est pas une émission de Lise Payette, peuplée de protagonistes en caoutchouc, et la littérature n'est pas un jeu de rôles entre gosses de riches civilisés. Ça joue dur, ça échange, ça débat. Faire l'économie de la politesse, soit, mais alors il ne faudrait pas s'étonner que quelqu'un vienne à s'en formaliser.



Qu’on se le dise: de mon vivant et de ma santé, je ne permettrai pas que n’importe quel rongeur puant s’attaque en traître à mes livres quand ça lui chante, pas plus qu’à mon enfant, pas plus qu’à rien ni personne que j’aime et qui souffrirait injustement à cause de moi. Car c’est bien de cela qu’il s’agit: mes livres aujourd’hui n’ont pas reçu l’honnête attention qu’ils méritaient pour eux-mêmes, indépendamment des sentiments qu’on peut nourrir envers l’auteur.



Ce misérable résidu d’atelier d’écriture de cégep, ce galopin, ce téméraire petit cul, n’a-t-il jamais appris dans le trou dont il est issu que le jour où on s’attaque au gros gibier, mieux vaut l’abattre du premier coup?

30.5.03

Bannière


Fisto mio a fait du bon boulot. Comme je l'ai dit au lancement, chacun en ce bas monde a sa croix à porter: la sienne, c'est de travailler avec moi.
Une lectrice avec qui j'ai «déjà-causé-au-Boudoir-un soir-de-déprime» (pour elle? Pour moi? Mes souvenirs du Boudoir sont tous déprimants) et qui signe grandogresse me suggère, sur le Forum, deux titres pour la suite de Vortex Violet: Vidure (n.f. Ce qu'on ôte en vidant un animal) et Vidicon (n.m. Tube analyseur d'images de télévison). À me faire regretter d'avoir clos le cycle et m'être tourné vers la lettre G. Vidure, surtout, est fascinant; l'autre porte à confusion. Mais je n'aurais pu le retenir de toute façon, car j'ai toujours choisi des titres n'ayant pas besoin de traduction, afin de préserver l'intégrité de l'ensemble (le premier est tiré de l'anglo-américain, le second est un nom de famille, le troisième une marque de commerce, le dernier un mot latin). Dommage.

Entrevue téléphonique avec Micheline Lachance, de L'Actualité. Vif et bon souvenir d'avoir fait ça déjà, il y a pourtant longtemps. Suis curieux de voir comment elle va réussir à comprimer tout ce que je lui ai donné dans les dix lignes qu'on lui alloue. C'est pratiquement un exercice de style. Si on la paie au mot, c'est bien injuste.



«Ressentez-vous de la rancune à l'endroit de Dan Bigras?» Grands dieux non! Un infime soupçon d'amertume, à la rigueur. Une gouttelette de bile sur le coeur. Mais il n'a pas agi autrement que la plupart, et je préfère me rappeler l'homme que j'ai connu d'abord. D'ailleurs, celui-là serait mort depuis longtemps s'il n'avait pas changé radicalement.



Je guide mon fils, aussi par téléphone, dans la réalisation d'une bannière publicitaire pour mon livre sur le site de Trait d'Union. La ligne doit être mauvaise: on a beaucoup de mal à s'entendre.

29.5.03

Descendu avec CGDR au lancement de Lili. Elle a chanté des extraits de sa comédie musicale avec ses trois complices estivales. Je ne lui supposais pas une voix si ferme et mélodieuse, et le crépitement dans ses yeux! Ça devrait marcher très fort.



François Turgeon va tenter de convaincre sa soeur de me montrer son manuscrit. Ça fait longtemps que je mijote ça. Un roman d'Emmanuelle ferait merveille pour la suite de Graal.



28.5.03

Dominique passée partager sa joie et sa fierté. Le livre de Lili, fraîchement sorti des presses, c'est aussi un peu le sien, qui dirige la collection Sex-Libris. Et elle a trouvé une amie en prime. Moi qui les ai présentées, je ne suis pas mécontent non plus...
Je reprends vie d'heure en heure. Bientôt, j'affronterai la nécessité d'entamer un nouvel ouvrage pour me pardonner le dernier. Ainsi va la vie que j'ai choisie.
Massif sommeil réparateur. J'essaie de me remettre en forme pour le lancement de Lili demain soir. Faut aussi que je fasse ravauder mes culottes. Lundi, en montant dans l'Oldsmobile de CGDR, le fond s'est fendu tout du long.

27.5.03

Extinction de voix...



Lancement monstre. Ni trop de monde, ni trop peu. Certaines invitations ne se sont jamais rendues, ou arriveront la semaine prochaine. Les bureaux de Trait d'union au square Saint-Louis, sous une pluie battante nelliganienne, formaient un cadre délicieux. Tous les employés se sont démenés pour faire de l'événement un sujet de conversation dans les chaumières et les lofts.



Mes invités, variés, se sont détendus après quelques bières, au son d'une musique de jazz diffusée par l'ordinateur de Sophie. Des couples se sont même brièvement formés. Une quinzaine de personnes se sont étonnées de l'absence de Kevin. J'ai dû leur rappeler que c'est un personnage de roman.



Le cinq à sept s'est terminé vers dix heures, quand j'ai mis les traînards dehors (y compris moi-même), au vif soulagement des gens de la maison qui devaient tout remettre en place.



Après quelques pichets à la brasserie Cherrier avec sept ou huit fidèles, je suis rentré vers minuit (Cendrillon ravie mais crevée de fatigue) avec Fred et CGDR.

26.5.03

Hans a embrayé en marche arrière, écrasé le champignon: la bagnole s'est dégagée en grinçant de la camionnette qui venait de nous coincer de biais au feu rouge, puis a décrit une longue élégante arabesque, traversant deux voies et un terre-plein. L'un des six sauvages était à terre, se tenant le genou, les autres se précipitaient vers nous, battes au poing. J'ai gueulé: «Pousse!» Hans a demandé: «Pousse quoi?» J'ai corrigé: «Fonce, pas pousse. Fonce!» Il a rembrayé en première, il a foncé: j'ai vu l'un des gars se mettre en position comme si on était une balle arrivant du monticule, et au passage il a fait voler le pare-brise en éclats, juste devant moi.



Maintenant, je récolte les particules de plexiglas au creux des plis de mon pantalon, bien content qu'on ne soit ni à la morgue, ni à l'hosto. Ils nous ont pris pour d'autres, mais qui?



Soirée avec Chantal encore plus chouette que désiré: elle, Hans et moi jasant au Bunker autour d'une pizza kurde jusqu'à minuit.



Lancement cet après-midi.



25.5.03

Entrevue à seize heures avec Chantal Guy de La Presse. Conservé un sweet souvenir de notre première, il y a trois ans.



Puis je verrai Hans, qui a grand besoin qu'on lui change les idées. Moi aussi, d'ailleurs, à bien y penser.

24.5.03

On m'offre un caniche pompon de la Barbade. Une espèce de rat frisé qui encule des fouines et s'étourdit d'aboiements ridicules tout au long de sa vie de chien sans jamais soupçonner sa réelle, dérisoire nature de caniche pompon de la Barbade (Il s'imagine en Labrador). Intéressant. Même qu'il chie partout et constamment à juteux petits coups désopilants. Tout cela serait une telle, une si nette amélioration sur le comportement de mon défunt chien-saucisse, un tel progrès, enfin, que j'hésite à refuser...



Cette race-là, cependant, est affligée de quelques tares héréditaires rédhibitoires, dont les chiffres sur l'incidence du cocufiage canin au Canada témoignent avec une incontestable autorité: 23% des caniches pompons de la Barbade sont pédés sans le savoir et 97% sont cocufiés dans les six heures suivant l'accouplement. Là encore, le chien-saucisse était bien pire (ses statistiques pâtissaient de sa fâcheuse tendance à s'éprendre de levrettes toujours disposées à sucer six éboueurs dans la benne en échange d'une escalope avariée).



M'encombrer d'une autre de ces créatures artificielles qui me mordra la main demain? C'est un pensez-y-bien.
Mon chien-saucisse était si doux, si fidèle, un modèle de zèle et de modération, intelligent, retenant tout et si affectueux qu'on aurait cru qu'une âme éclairait ça de l'intérieur. Puis il est allé se rouler dans quelque ruelle avec la première bâtarde infectieuse qui lui a fait des chaleurs et il m'est revenu enragé. Cette nuit, j'ai mis dix heures à en venir à bout, de ce damné petit roquet qui m'aboyait aux chevilles en faisant mine de vouloir mordre, cependant que sa chienne prenait de grands airs en décrivant de prudents cercles autour de nous tout en me pissant sur les godasses. Il n'y avait plus ni amour ni haine dans les grands yeux bruns de mon vieux clébard, qu'une sorte de vilaine fièvre rabique, aveugle et stupide et sourde. Dix heures pour l'épuiser, puis je l'ai laissé dans sa niche avec l'autre vérolée, à ronger des os de mouton volés dans le voisinage. Je ne veux pas le voir crever. Je préfère le tenir pour mort déjà. S'il y a un paradis des chiens-saucisses, sûrement on lui fera de la place, ne serait-ce qu'en souvenir du temps où il imitait si bien les grands dogues de race.



Mon chien est mort. Il n'a jamais valu grand-chose, évidemment, mais il n'empêche que je m'y étais attaché. Petit pincement au coeur, comme chaque fois qu'un de mes chiens vire fou et qu'il finit dans un sac à vidanges ou une forêt d'automne, ses tourments abrégés par une balle de .22. Mais bon, ça ne m'a jamais empêché de dormir, sauf le premier peut-être, il y a trente ans. Quand ils arrivent les babines moussantes d'écume, on n'a guère le choix de les rayer de sa vie



Ce que je fais par la présente. Next!

22.5.03

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Me sens méchant. N'ai pas envie d'éprouver de la commisération pour les gros-culs. Surtout s'ils sont adolescents. On s'apitoie, on les soudoie, on dit qu'on veut qu'ils nous tutoient, mais leur nez est trop fort pour leur face et l'ouragan d'hormones qui les chamboule en fait des fous, des malades mentaux, temporaires pour la plupart, comme les femmes en ménopause, mais dérangés quand même, et privés de raison.

21.5.03

Mario a obtenu 67 sur 70 en théorie. Reste l'examen pratique, le 10 juillet. On devrait arriver à Sorel vers la mi-octobre.



MMF (Monsieur Mon Fils) m'a apporté 10 exemplaires de Vacuum et on a jasé avec la voix du sang. Des nerfs, aussi, mais du sang surtout. Ces temps-ci, l'un de nous forme un poing et l'autre l'enserre de ses doigts, résumant nos sentiments comprimés.



Mario est en train de repasser l'examen de conduite. On ira peut-être visiter son Sorel de légende après tout.



Doublevé l'écolo a trouvé un ingénieux moyen de préserver les forêts des incendies: les céder à l'industrie pour qu'elle les rase.

20.5.03

Retour de l'X-périence. J'ai peut-être subi une mutation depuis la dernière fois: fallait me voir engouffrer le pop corn assaisonné de Jean-Christian qui me dégoûtait tant auparavant.



Fait changer la serrure du Bunker, plutôt que de le rebaptiser Moulin.
Passé voir BL, qui attire mon attention sur le caractère sibyllin, voire franchement inquiétant de mon entrée d'hier. Ce que je voulais dire, c'est qu'il n'y aura pas de second tour au cirque de l'amour. Voilà.



Rencontré Tabra. Lui ai fourni l'explication prosaïque de mon silence en chansons. Simplement, on ne m'en demande pas. Revoilà.



Cet après-midi, mon fils m'emmène au cinéma avec sa première paye. On va voir X-Men, que je lui ai fait connaître en BD quand il était petit. Je crois qu'il veut aussi m'offrir un pantalon pour le lancement.

19.5.03

Annie, toujours une longueur en avance sur moi en matière d'internet, m'a refilé un truc pour améliorer dramatiquement mon classement Google: il s'agit d'utiliser sur ma page tous les mots-clés dissimulés dans les méta-balises (ex: Journal, journal, écrivain, auteur, site, officiel, Circius, littérature, roman, livre, Québec, Vortex, Violet, Vamp, Vautour, Valium, Sylvia, Vago, Julien, writer, books, novel). M'en vais essayer...
Fool me once, shame on you. Fool me twice, shame on me.



Il n'y aura pas de seconde fois. Je n'ai pas la foi qu'il faut pour refaire un tour de piste. C'est bien triste, mais c'est comme ça.

18.5.03

Week-end avec Annie, comme si l'année écoulée n'avait été qu'une seule longue nuit (arctique). Méchant party hier, j'en ai perdu mes clés. Bertrand a conté une joke dégueulasse et Mario s'est littéralement étouffé de rire, au point de nous effrayer. Kevin ramassait derrière Cynthia, qui s'affairait à la cuisine. Le voisin n'a pas trop regimbé.

16.5.03

Passé quatre heures avec Kevin, lui ai remis son exemplaire de Vacuum, avec une dédicace nulle (un renvoi à la prochaine page impaire, où il est déjà imprimé à jamais que le livre lui est à moitié dédié), et on débouchait pour fêter ça quand le second dédicataire, Mario, sentant la mousse froide depuis Longueuil, nous a envoyé par courriel une première mouture de swish publicitaire. S'est alors engagé le plus fantastique tango à trois, au cours duquel nous avons échangé des idées et construit sur icelles; Kevin est rentré aux Catacombes ravitailler Cynthia et nous sillonnions toujours la cité d'ordinateur en téléphone en télépathologiques cervelles, Mario, Kevin et moi, jusqu'à obtenir en quelques heures et de façon réelle exactement ce que nous concevions. C'est très rare et très exaltant, cela suppose une confiance aveugle et sourde, un abandon entier, cela génère le sentiment d'enchâsser son coeur d'enfant faible dans son corps d'homme fort, sommé par un crâne abritant trois cerveaux. La sensation est planante, un méchant fix, et déprimante ensuite, car on a entrevu ce que le monde vient très près d'être, parfois, du côté du sublime.



Hier, Fred m'a confié qu'il se réconciliait avec son violoncelle. Il le fait réparer par un luthier, il coupe ses cheveux, il vient me voir. Tous ces gens qui ont appris à jouer d'un difficile instrument dans leur enfance le rejettent un jour; certains l'embrassent à nouveau plus tard, et alors ils savent, ils savent avec certitude qu'ils sont en bonne voie de faire leur paix avec tout le reste.
Étrange, indolore et soudaine grosseur à l'aine, du côté où je charrie mon cellulaire. Mes couilles craignent le cancer et s'évertuent à me convaincre qu'elles peuvent encore se rendre utiles.



Reçu les caisses de livres. Tous s'entendent pour les déclarer magnifiques, les plus beaux que la maison ait produits. Je n'ai d'yeux que pour la couverture qui frise malgré le rabat, pourtant là pour empêcher ça.



Ce trimestre encore, suffisamment de mes chansons ont tourné à la radio pour finir de payer le loyer. Il va même en rester pour rembourser Kevin et Cynthia, qui mangent du riz depuis lundi.
Fred est arrivé avec l'éclipse. Je lui ai donné le premier exemplaire du bouquin que nous étions à corriger la dernière fois qu'il est venu. On a causé tranquillement comme autrefois. Sweet.



Il m'a régalé de l'histoire du tournage des pubs pour le porc du Québec, qu'il réalise. Lui ai parlé du projet de Domi. Hello Dolly, j'aurais fait une bonne marieuse.

15.5.03

Ce soir, éclipse totale de la lune. Une rare occasion de ne rien voir du tout, de 23:14 à 00:06.



Journée fertile. CGDR m'a emmené au palais de justice dans l'Oldsmobile de sa mère, hospitalisée après une crise cardiaque. J'ai eu du mal à trouver la bonne salle d'audience, et c'est finalement mon fils, croisé dans un corridor, qui m'a conduit à bon port. Pierre avait amené presque tout son personnel, mais quand il devint évident que la cause ne serait pas entendue ce matin, il a renvoyé tout le monde (au bureau). Je suis revenu bouffer au Bunker. Parcourant le ICI d'aujourd'hui, suis tombé sur la recension d'Origines par Michel Vézina, qui a aussi lu Vacuum sur épreuves et n'a pas eu l'heur de goûter. Sa dernière ligne (à propos d'Origines): «À lire cent fois, pluôt qu'un seul Vacuum». Ha! C'est le risque qu'on court à publier deux livres en même temps: qu'un critique encense le premier et cale le second avant même sa sortie.



Retour au palais après le lunch. Pierre venait de recevoir les premiers exemplaires de Vacuum et m'en avait apporté un. Vraiment superbe. J'étais un peu déçu parce que j'aurais aimé prolonger l'attente jusqu'à demain, tel que prévu. Le désir est tellement mieux que sa résolution.



Ce que devait aussi se dire Turgeon quand le juge-en-chef a annoncé, peu avant dix-huit heures, que la Cour rejetait son appel... Encore une de gagnée pour les quincaillers.



Mais ce gars-là, Pierre, c'est un pitbull déguisé en lévrier: il parle déjà de saisir la Cour Suprême.



J'aurai quand même appris deux nouveaux mots: potestatif et léonin, comme dans une clause potestative et léonine.

14.5.03

Mercredi saturnien.



Vendredi, les premiers exemplaires de Vacuum arrivent. L'impression que l'imprimeur a un peu salopé la couleur.



Demain matin, sept ans après la première fois, serai à nouveau du côté de Pierre Turgeon en Cour Supérieure pour la résolution de son affaire contre Réno-Dépôt. Grands dieux, remettre les pieds dans un palais de justice sans y être obligé...



Hélène se démène formidablement pour moi dans l'ombre, plus efficace à elle toute seule qu'une armada d'attachées de presse. Les vieilles amitiés sont le sel de la vie.



13.5.03

Depuis que le purin de porc a mauvaise presse, ces fumiers de fonctionnaires agro-alimentaires appellent cela du lisier. Je parie que ça pue tout autant. Ce que Shakespeare disait de la rose s'applique aussi, dans l'esprit, aux excréments du cochon.
Kevin appelle au Bunker pour réconforter Mario. «Mario? Il est parti.»



«Ah bon! qu'il dit. Et comment il prend ça?»



«Oh, réponds-je, tu connais Mario: c'est difficile à dire... »



«Bon! fait l'autre, je vais lui écrire.»



C'est une belle et bonne tribu que j'ai là.
Passé en coup de vent au lancement des Forges, au Saint-Sulpice. Ramené Mario. Il digère le refus de Triptyque.
C'est épuisant de ne rien faire. Là, il pleut à verse et je suis convoqué à la sécurité du revenu, alors faut que je vende des bouteilles pour payer l'autobus. Au retour, va me falloir un timbre pour poster ma demande de bourse, mais je n'ai plus que des bouteilles pleines. Résultat: va falloir en vider six de plus. Deux heures d'ouvrage, rien que pour ça.

12.5.03

Tous ces dommages à mes molaires, tous ces travaux de voirie qu'elles requièrent, je les dois à une petite fille qui me courait après il y a trente ans. La fuyant de reculons, j'ai pivoté sur moi-même et suis entré en violent contact avec le rétroviseur extérieur du camion paternel, me cassant une palette. Laquelle on répara, mais depuis j'hésite à m'en servir pour trancher la bidoche, préférant la broyer avec les dents de derrière. Et voilà le résultat.



Le voisin siffle et tape dans le mur chaque fois que je reçois des visites, et je m'asseois sur mes mains, je me répète comme un mantra: «Je suis un bon et doux géant, je suis un bon et doux géant, je suis un bon et doux géant (en probation)...»

11.5.03

On s'est installés côte à côte au soleil dans le parc, au milieu des familles pique-niquant et des effluves fumés des barbecues improvisés. Je lisais la bible de sa proposition télévisuelle et Dominique prenait des notes. C'était vraiment très bon et seule une fillette jouant magnifiquement du violon, puis l'arrivée de la pluie ont pu m'en distraire.

10.5.03

Visite de Kevin et Cynthia. Elle, à K: «Faut qu'on aille s'acheter du linge; au rythme où on le déchire...»

9.5.03

Bonsoir Monsieur Mistral,



J'ai bien aimé le dernier ajout à votre journal à propos de votre fils. J'ai donc décidé de partager ce petit bout de texte qui m'avait fait chaud au coeur avec ma mère. Après l'avoir lu, ma mère est revenue me voir les yeux emplis de larmes, ce qui m'a vraiment étonnée (voyez-vous, ma mère est une grande sensible, mais elle ne vous aime pas beaucoup). Je l'ai questionnée, je me demandais si elle ne s'était pas trompée de texte, puis elle m'a dit: «Ce grand plouc à chapeaux étranges a raison, il n'y a pas meilleure drogue que nos enfants.» Elle m'a fait un calin puis s'est retirée. Oui, elle a dit «plouc», j'ai pensé censurer, et puis à quoi bon...



Je tenais à partager ce moment avec vous.



Plouc. Holy Mary, mother of God. Synonyme de pedzouille: personne naïve et ignorante des usages de la ville. Si seulement c'était vrai...
Combien de fois l'opportunité de sauver la vie d'un être humain en quelques secondes nous est-elle offerte? Hélène et Bernard me font part de cette pétition électronique qui a déjà fait ses preuves par le passé. En diffuser l'adresse et en appeler à la conscience de mes lecteurs, c'est bien le moins que je puisse faire, moi qui aime dormir sur mes deux oreilles.
Cure de sommeil et plaies de lit.

7.5.03

Quotidiennement, je lis quelques journaux intimes publics, quelques weblogs (jamais pu faire la différence, qui s'estompe à mon sens d'heure en heure: le blog est-il toujours tenu d'offrir une orgie de liens vers ailleurs?). Parfois, rarement, j'écris un petit mot au diariste, mais je dois faire preuve de prudence, car cette intervention suffit souvent à changer ce qui suit. Mécanique quantique: l'observateur modifie le comportement de la particule observée du seul fait qu'il l'observe.



Les journaux des jeunes gens me font souvent passer par tout un nuancier d'émotions violentes. Je veux tout à la fois les secouer comme des pruniers et les ceindre de mes bras brûlants, les embrasser dans une puissante étreinte protectrice et leur rompre les reins. Petits crétins. Leur enseigner à ne pas se mutiler. Les retenir de se suicider. Leur indiquer des raccourcis, leur enseigner que non, Plume n'est pas un génie, ni Leloup un dieu, ni leurs parents de naïfs tyrans. Les convaincre que ça va passer, qu'ils en riront plus tard, que la vie vaut son poids de saletés.



Mais pour m'éclater vraiment, je me drogue de mon fils. Comme je l'ai toujours fait. Si on peut se geler à l'amour et à la stupéfaction, je suis un junkie heavy duty. Hier soir, je lui ai préparé un festin sans même m'en rendre compte, en sifflant, j'ai oublié de manger, tout à ma joie de le regarder engouffrer, on a jasé, jasé, je l'ai raccompagné à pied jusqu'au métro Papineau sous la pluie sans réaliser une seule seconde que j'existais, comme une mamma sicilienne dans un corps de minotaure, nul être au monde ne m'a jamais libéré du poids de ma propre importance à part lui, ni sa mère que j'ai aimée jusqu'au délire, ni la mienne qui a gouverné ce que je suis, ni mes amis fabuleux, ni Dieu.



Je suis revenu lentement, m'insinuant félin entre les gouttes chaudes, et je m'ennuyais d'Annie, je me disais: chaque heure de mai te la rappelle, et c'est ainsi pour elle aussi, et n'est-ce pas suave que vous choisissiez de ne pas vous voir alors que vous le désirez, et que vous raconterez-vous tantôt quand vous vous écrirez?

6.5.03

Nuit blanche avec Éric. À six heures, les pigeons l'empêchaient de dormir et il a mis les bouts.



Dominique a donné un coup de baguette magique et a organisé la commandite de mon lancement.

5.5.03

Monté aux Catacombes embrasser mes tourtereaux. Eddy s'y trouvait, se remettant d'un nez cassé. De Max, on est sans nouvelles depuis une semaine. Kevin travaillait sur le manuscrit de Mario et Cynthia inventait des délices à la cuisine. Suis revenu avec un sac de succulentes surprises (fromage danois mariné, caribou aux pêches, foies de morues et feuilles de basilic, quignon de baguette, une poire et un bout de gingembre, une tête d'ail, des carottes et du persil, et une mixture chaude mystérieuse à l'arôme délicat et un billet de banque plié en forme de petit bateau). La tribu avait besoin d'un peu de douceur sororale qui sent bon, et ne le savait pas.



Avant de partir, j'aperçois le réveille-matin que j'ai offert à Kevin pour son anniversaire et qui a fonctionné une semaine («On n'a plus rien pour cinq dollars, de nos jours!»). Je m'exclame: «Comment, tu l'as pas encore jeté?»



«Ben non, répond-il. Il marche.»



«Il marche? T'as suivi mon conseil et tu l'as lancé par terre, ou ta première idée qui était de le passer sous l'eau?»



«Ben, dit-il, d'abord, je l'ai lancé par terre. Sans résultat. Puis, je l'ai balancé aux ordures et, plus tard en soirée, j'ai entendu tic-tac tic-tac. Alors je l'ai repêché dans le riz et le poisson et là, finalement, je l'ai passé sous l'eau.»



Cinquante ans après, on vient de rendre publiques les transcriptions des infâmes audiences à huis-clos de Joe McCarthy. Le moment n'aurait pu être mieux choisi. Jamais depuis lors autant de parallèles n'ont pu être tracés avec sa politique de destruction de la dissidence, jamais autant que maintenant.
Powerlunch avec Turgeon, rue Prince-Arthur. On a couvert les dix points de l'agenda avant que le poulet parmigiana n'arrive sur la table.
Pas d'hier que les idéologues trafiquent la langue. Dans Les Chouans, au lendemain de la Révolution Française, Sophie Marceau en institutrice interroge ses élèves: «Et quand vous jouez aux cartes, comment appelle-t-on maintenant le roi de coeur?» Et les petits d'ânonner: «Le pouvoir exécutif de coeur!»

4.5.03

Printemps sorcier: le Mario est amoureux lui aussi. Passé en coup de vent cet après-midi, reparti aussitôt pour arriver chez lui à l'heure, l'heure de l'émission de radio de l'objet de sa flamme, laquelle l'ignore encore, mais il monte une campagne napoléonienne pour la conquérir. Sais plus quoi faire avec ces mecs. Vingt-cinq ans ou cinquante, la sève leur noie le ciboulot.
Marché jusqu'au Marché de la poésie. Ai informé Sophie que j'annulais les plans pour le lancement au Quartier-Latin et qu'on déménageait le tout aux bureaux de Trait d'union, où je serai commandité par Molson, et pas à hauteur de quatre caisses comme ce que proposait Boréale. Je ne vais pas inviter des gens et leur demander de payer leur écot.



Glorieux dimanche de mai.
Suis à lire quelque chose sur Pierre Péladeau. Bonne occasion de méditer sur les inégalités de l'existence. Ainsi, certains hommes n'ont pas de menton alors que d'autres en ont jusqu'à deux ou trois. Flagrante injustice.

3.5.03

Ma bonne belle douce Dominique est passée avant son rendez-vous avec Lili. M'a apporté de quoi boire et fumer, a acheté du chocolat pour elle-même. On a conspiré pour anéantir nos ennemis, j'ai requis son avis et on a tiré des plans et nous avons uni nos forces et c'était follement amusant malgré ma fatigue.