Allé voir Catch me if you can avec Mario. Ce Frank Abagnale Jr m'avait donné de bien vilaines idées il y a vingt et quelques années, une façon de nourrir ma jeune femme enceinte, qui m'avaient foutu dans une merde bien grasse, mais heureusement on m'avait jugé au tribunal juvénile, qui avait tenu compte de l'influence du livre sur mon esprit délicat.
Passé par Trait d'Union. Joie de voir mon fils y travailler dans la joie. De savoir où le trouver quelques heures par jour.
Mario: «Faut qu'on maigrisse, Christian. L'autre jour, dans le métro, je vois un de ces jeunes salopards en train de remonter l'escalier roulant descendant, à reculons! Je l'aurais étranglé, si j'avais pu l'attraper...»
Pas mis le nez dehors de toute la fin de semaine. Suis sage comme un mort.
Passé la nuit en rêve à extraire des tacots des eaux glauques de la Richelieu.
Une chance que mes amis (Phaneuf, Lemoine, Laverdure) ont la radio et qu'ils l'écoutent, sinon j'ignorerais encore que Jean Fugère a chaudement recensé Origines à R-C ce matin.
Finalement vu La dernière tentation du Christ. À Paris, en 1989, les intégristes incendiaient les cinémas et j'avais remis l'expérience à plus tard.
Bush joue au jeu du shah et de la Syrie.
Jésus est-il vraiment ressuscité, ou est-ce que Pâques n'est qu'un très vieux poisson d'avril?
Hier, Mario m'a apporté deux copies papier de son roman Accroires, une pour Kevin, l'autre pour moi. Il en a remis une troisième à Bertrand Laverdure, rencontré dans le métro. La machine littérature tourne. Ai recommandé au Lemoine de se reposer deux ou trois semaines avant qu'on s'enfonce les dentiers dans sa prose.
Passé la nuit dans le cosmos du manuscrit de Mario, livré tout chaud, cinquante mille mots sur écran cathodique, les yeux me sortent de la tête et le coeur me sort du thorax, il a travaillé comme une bête et c'est bon, je crois, je pense, je me fais pas confiance, pas encore, il a besoin que je sois impitoyable et sans passion pour être sûr que j'aime ce que j'aime, enfin la tribu de nous trois s'y mettra, lui pis moi pis le Madelinot, on va fesser dans le tas de texte et voir ce qu'il a dans les tripes et essayer de le décrisser phrase à phrase et s'il tient par dieu on fêtera le roman de mon pote.
Jasmin, cette grise guenille de fils de pute, évoquant mon livre dans son Journal web: «Origines (Trois-Pistoles, éditeur) du jeune batteur de femme, Christian Mistral. Des aveux, une confession, un conte fou.» Pour lui, Guillaume Vigneault sera toujours le fils de Gilles, et moi l'enfant de mes condamnations. J'ai si hâte qu'on soit tous morts depuis cent ans, histoire de mesurer ce qui reste.
En attendant, j'aurais aimé qu'il me dise ça ce week-end à Québec, au lieu de me faire des yeux de poisson mort. Il serait revenu avec les idées plus claires sur ce que je suis disposé à battre si on m'y force.
Le Éric s'est résigné à s'endormir sur le sofa, vu que je refusais de le laisser sortir dans cet état. Le Kevin s'est gréé d'un clavier flambant neuf («lactescent», m'écrit-il) et ça m'est d'un grand réconfort, car je ressentais les premières morsures du manque. Sa passion exigeante pour Cynthia conjuguée à sa récente incapacité de m'écrire me causaient un certain désarroi, et je crois que c'est ce qui l'a poussé à abréger sa phase retour au Moyen-Âge: peut-être aussi s'ennuie-t-il de mes lettres, car quelle que soit la technologie employée, il faudra toujours donner des nouvelles pour en recevoir.
La Dominique est passée. On a parlé bizness. En partant, elle a demandé: «Vas-tu écrire que je suis venue?» J'ai répondu: «Oui, bien entendu.» Elle a poussé un soupir exaspéré: «Je vais encore recevoir quatre e-mails demain avec l'extrait de ton Journal et un point d'interrogation ou d'exclamation ou quelque chose, quatre crétins qui s'imaginent que je suis pas au courant!»
C'est ta faute, je réplique. T'as qu'à leur dire de se mêler de leurs affaires. C'est quoi, que tu leur dis?
Je leur dis rien, elle avoue. Ou alors je leur raconte que tu as créé un personnage, moitié moi, moitié fiction.
Ah bon, je rétorque. Alors, y a pas de problème.
Jean-Christian semble abattre du bon boulot chez Trait d'Union, ce qui m'emplit de fierté et de satisfaction. Il a appris un nouveau mot: népotisme.
Rogers a enregistré une hausse de revenus de 16% dans sa division sans-fil au cours du premier trimestre. Directement attribuable, j'en suis sûr, au paiement de ma facture.
Le constant report de la sortie de Vacuum (dernière date: mi-mai) m'irrite fort, surtout parce qu'on ne m'en avise pas et que je dois sans cesse aller aux renseignements.
Je m'en lave un peu les mains en me plongeant dans la lecture de Chesapeake, par James Michener.
Il m'écrit, sous le titre Petite rectification: «Je t'envoie ce mini-courriel pour te dire que Éric McComber a publié un roman chez Triptyque intitulé Antarctique, et non un recueil de poésie, ergo, il doit donc être considéré comme un romancier. Mais je comprends que l'on puisse aussi utiliser le terme de "poète" comme Aristote l'utilisait dans sa Poétique. Je te laisse le bénéfice du doute.»
Il me laisse, à moi, le bénéfice du doute. C'est si délicat de sa part que je n'ai guère le choix d'en faire autant, et c'est pourquoi je tais son nom. Peut-être a-t-il trop bu. Peut-être a-t-il soupé de fruits de mer avariés. Il doit avoir une bonne raison pour faire semblant de croire qu'il faut avoir publié un recueil de poèmes pour être poète, et que la publication d'un roman fait d'un homme un romancier à l'exclusion de toute autre qualité, et que je vais tolérer sans réagir incontinent qu'on intervienne ainsi dans ma relation avec la langue française. La Poétique d'Aristote, calvaire. Bénéfice du doute, indeed.
Rouge orage hier sur l'anti-pays. Dimanche, Gaston L'Heureux m'avait déjà fourni des chiffres semblables, qu'il tenait de Bernard Derome, et Gaston soudain portait bien mal son nom...
Enfin, l'épouse du nouveau Premier Ministre n'est pas vilaine à regarder.
Quant à la campagne d'Irak, elle est à peu près finie, et si Bush peut se retenir un mois d'avaler la Syrie, je pourrai peut-être mener ma propre campagne pour Vacuum en paix.
Samedi, au stand, un caméraman s'est campé derrère moi, un genou en terre. J'ai dû m'y reprendre à trois fois avant qu'il consente à me révéler pour qui il travaillait: Mario Dumont et son entourage approchaient, et on espérait tourner du métrage pour les infos de six heures. J'ai décliné, éberlué: ou bien ma cote remonte, ou bien Mario savait déjà qu'il allait perdre big time et se fichait de tout.
En retournant à l'hôtel, j'ai croisé McComber, à qui j'ai dit en blaguant que j'étais là incognito. «Moi, répondit-il, je serai toujours incognito».
«On sait jamais, Éric, ça pourrait changer!» lançai-je avant de m'éclipser. Le lendemain, j'apprends que le poète était passé au Canal Nouvelles pour avoir refusé de serrer la main de Mario. Depuis le matin, trois adéquistes l'avaient déjà insulté en plein Salon. Le début de la gloire.
Le plus drôle, ce week-end, c'était quand Michel Chartrand venait nous visiter. Jasmin et lui commençaient à s'engueuler gentiment à propos de Nathalie Rochefort et soudain cent, cent cinquante personnes s'agglutinaient devant le stand (Victor-Lévy: «Vous savez, on a aussi des livres!»). Kevin, parti chercher de la bière, revenait et, voyant ça, craignait que j'aie créé un esclandre...
Sitôt Chartrand parti, la foule s'évaporait et Jasmin retournait à la lecture de mon livre et moi à celle du sien.
Glorieux week-end à Québec, sobre et serein, avec Kevin. Salon du livre. Stand Trois-Pistoles. N'avais pas apporté mon chapeau, ni K sa pipe, pour laisser toute sa place à VLB. Belles longues périodes avec Guillaume. Comme dit Kevin, «on sentait que ce n'était pas la première fois». Bons brefs moments avec Solène et Louis. Chambre d'hôtel telle qu'à Paris. Rencontré de bons lecteurs.
Relu Origines. La maïeutique du dernier tiers, articulée par Kevin, demeure la meilleure part.
Pas vu Pénélope. Vu, par contre, Sylvie Pierron, ma doctoresse en littérature, qui m'a apporté la transcription de notre entretien du 6 février. Drôle et pas con.
Cette semaine, le travail sur Vacuum a vraiment merveilleusement progressé, grâce surtout à Sophie Ginoux qui s'est investie above & beyond the call of duty, allant jusqu'à blanchir une nuit pour réviser les corrections des révisions et traquer les espaces trop larges ou pas assez et harmoniser la typo de la première à la dernière page. Pour finir, ce matin, elle a suggéré qu'on utilise un papier crème et une couverture satinée lustrée. Ça va être beau en tabarnak.
Descendu à pied dans le Vieux-Montréal, étourdi, allégé par cette superbe journée d'avril. Livré ma demande de bourse au CALQ. Au retour, acheté Un amour de Swann et Le Rouge et le Noir. Le vent tourne du bon bord, on dirait bien.
Jean-Philippe Gaudet a livré le logo de ma collection.
Maxime est à Bordeaux, Eddy s'est fait casser le nez dans une bagarre et Kevin ne sort du lit que pour me passer un coup de fil rassurant, avant d'y retourner rejoindre sa délicieuse.
Rassuré Laverdure au chapitre de mon appartenance politique. Je ne vote plus depuis l'instauration d'une liste électorale permanente. Je suis un libertaire.
Chez Trait d'Union, encore des corrections, et impossible de trouver un dictionnaire dans toute la boîte.
Revenant des bureaux du journal ICI, hier, j'ai eu envie de me payer la traite. Suis arrêté chez Blackburn où j'ai fait l'achat, pour deux dollars chacun, de La bonne chanson et autres poèmes de Verlaine, et des Poésies de Mallarmé. Érik s'est exclamé, ravi: «Retour aux sources?!»
Plus tôt, émergeant du métro, j'étais tombé sur Nathalie Rochefort qui distribuait sa documentation électorale. Je me suis présenté. «Oh! elle a dit, l'ami de Claude!»
J'en ai convenu, rappelant tout de même que j'étais aussi le père de Jean-Christian, qu'elle connaît depuis longtemps et qui était même parmi ses invités dans les tribunes de l'Assemblée Nationale le jour de son intronisation. Expression interloquée, puis grand éclat de rire: le kid ne lui avait jamais rien dit.
Sarah m'envoie les premières images de son ouvrage: la petite Noa, copyright 2003... Pour l'heure, elle ressemble un peu à son père un lendemain de brosse, mais pour elle, ça va s'arranger.