Dominique m'écrit que Réginald l'éreinte dans La Presse d'aujourd'hui. Elle a l'air de prendre ça comme une grande fille. Le Martel peut y aller fort quand il est d'humeur à enfoncer un clou.
Les journalistes tombent comme des mouches en Irak. Pourtant, la qualité de l'information n'en souffre pas: elle est aussi mauvaise qu'avant.
Claude et Louis-Étienne sont arrivés dans la nuit de vendredi à samedi. À voir la tête du premier, on aurait pu croire que c'était lui qui venait d'accoucher. Le second m'a demandé une chanson pour son prochain album.
CNN frôle le fond. Diffusant un vidéo de Saddam Hussein paradant présumément dans Bagdad, et sous-entendant qu'il s'agit d'un sosie, la chaîne sous-titre: «Selon les services de renseignement US, Saddam veut que les Irakiens pensent qu'il est toujours vivant». Tu parles d'une vie éternelle! Continuer à mener la guerre après sa mort, à désirer, à vouloir.
À force de vouloir le beurre et l'argent du beurre et les pis de la vache, ces cons de Yankees s'enfoncent: on ne peut à la fois prétendre avoir tué un homme et lui prêter une vivante volonté post-mortem sans lui conférer une aura d'immortalité qui reviendra nous mordre le cul.
Trente pages à revoir et j'ai fini, faut encore que je me douche, à deux heures je vais rencontrer les gens d'Édipresse avec Pierre et Lili Gulliver: montrer des visages humains à ceux qui distribueront nos livres aux multiples coins du Québec. On sonne sans le code à la porte du Bunker: je choisis d'ouvrir. C'est un messager qui me livre les premiers exemplaires d'Origines. Pas le temps d'ouvrir la boîte! La boucle est presque bouclée.
Dominique est malade, au lit et seule, prise aux poumons.
Richard Chamberlain en Blackthorne indigné (Shogun): «Est-ce que j'ai l'air d'un de ces maudits sodomites? Mes coutumes intimes, Madame, n'incluent pas les garçons!»
Ça, c'est un acteur! Aussi crédible que Sean Connery déguisé en Japonais dans un James Bond.
Mon dépanneur ammanite, penché sur La Presse, le front soucieux, me demande la signification de l'expression canard boiteux.
À l'heure qu'il est, fiston doit être en grande conversation avec Turgeon, qui a peut-être un boulot dans ses cordes à lui proposer. Le népotisme est un jeu dangereux.
Mon héritier a écrit à Pénélope pour lui offrir d'aller spinner à l'Odyssée. Devrait y avoir un club goth qui s'appelle l'Oedipe.
Noa André est née hier en soirée, toute menue, toute légère, toute pleine d'avenir, lequel comme chacun sait est très léger. Coup de fil du père pour annoncer la nouvelle, sa voix comme s'il avait les flics aux trousses.
Bunker transformé en ruche, en une sorte de Correctorium moyenâgeux: Kevin, Mario et moi, sprintant toute la veillée pour terminer la révision. Vers minuit, je déclare forfait et je tombe endormi, suivi de Mario une heure plus tard, et Kevin finit tout seul au son de nos ronflements eurythmiques, penché sur la pile de papier jusqu'à l'aube. Première fois dans l'histoire littéraire qu'un personnage corrige l'oeuvre tandis que l'auteur dort. Réminiscences de Citizen Kane.
À travers tout ça, Fred Desjardins a débarqué, première fois en deux ans, vraiment au pire mauvais moment, et dans un triste état, mais de l'amitié plein les lèvres et des branches de laurier plein les bras.
Éteint le téléphone pour ne pas être réveillé. Rêvé qu'il sonnait, me suis levé pour y répondre.
Soixante heures et le compteur tourne toujours comme un derviche overdosé. Éric campe ici en attendant de trouver la fortitude de passer sa première nuit dans la chambre qu'il a louée hier. Le Vigneau nouveau est arrivé puis reparti: entre les deux, il a roupillé quasi un tour d'horloge sur le divan désoeuvré, cuvant son idylle toute neuve, puis s'est levé échevelé, le regard soûl et la cervelle inefficace, en amour, en amour, en amour, bon à rien qu'à nous enfiler d'inoffensives âneries qui me laissaient décarcassé, rongeant mon frein, enseveli. Et encore, s'il n'y avait que ça, mais l'infâme scélérat s'entête à me manger davantage de saucisses que de pains à hot-dogs, ce qui n'est rien moins, à mes yeux, qu'un iconoclaste assaut vicieux contre l'équilibre et l'harmonie, un crime crapuleux envers l'équation cosmogonique, sans parler que ça me fiche à tous les coups une intarissable épistaxis.
Et le boulot s'empile, implacable et sans coeur, la couleur de l'avalanche obscurcit ma vision cependant que l'air s'empuantit de malsaines senteurs.
Ça a fait un an hier que je nourris cette chose, ce journal, ce roman, ce blog.
Aujourd'hui, lunch avec Turgeon. Je prendrai du poisson d'avril.
Une heure durant, cette page a été remplacée par un blog en espagnol. Un bogue de blog. Et Kevin d'appeler, affolé, craignant qu'on m'ait kidnappé ou quelque chose. Il garde l'oeil ouvert, celui-là, et le bon. A abattu cent pages d'ouvrage sur les épreuves, restent cent-soixante et quelques. Il a beau avoir tout lu à mesure, en plus de le vivre, il ne s'était jamais tapé le Journal au complet, d'une seule traite. Ce n'est que maintenant, avec le recul, qu'il peut comprendre à fond pourquoi je parle de roman. Même pour lui, il y a une limite à la capacité d'embrasser abstraitement la globalité de mes concepts avant d'être confronté au tangible résultat.
Samedi, a fallu que je m'y reprenne à trois fois avant que ma famille m'écoute porter mon toast. Les conférences à 200$ l'heure étaient loin. Doux sein d'humilité. Matrice d'heure juste.
J'ai discuté le plan projeté de Goth avec mon fils. Il accepte que j'emprunte des morceaux de sa vie. Je crois qu'il est tout à fait conscient que je n'ai pas coutume de demander la permission.
J'ai réparé mon magnétoscope. Joe Tournevis, c'est moi. Maintenant, si je pouvais seulement apprendre à payer mes factures.
Vingt-et-unième anniversaire de mon rejeton. Hier, fête chez maman: nous étions tous réunis pour la première fois depuis dix ans. Je me suis rétrogradé et papa a repris son bout de table.
Kevin est reparti avec les épreuves de Vacuum. Va les passer à l'égreneuse. J'en tremble pour elles.
Justine est morte. Vive Dominique.
Le Kevin tout joyeux, tout léger, tout jeune homme, au sommet de ses moyens, beau, le sourcil détendu, le front déplissé, la semelle printanière, et je sais bien que ses retrouvailles prévues plus tard cet après-midi avec la vraie maîtresse, pas l'onirique, n'y étaient pas étrangères, à son état, mais il n'y avait pas que ça, c'était comme si, pour la première fois, il vivait en paix sans regret et en parfaite intelligence avec ses choix, tous ses choix, fondus enfin en quelque chose de plus réel, de plus tangible à ses yeux qu'une cruelle et dérisoire allégorie du libre-arbitre.
Mon allocation mensuelle est arrivée plus tôt, sûrement par erreur, mais enfin, je n'ai pas chicané sur la couleur de la bride et j'en ai profité pour partager le cheval. Ça m'a permis de prêter à un incurable romantique de ma connaissance de quoi offrir du bon vin à sa douce, laquelle n'a pas l'air du genre à cracher dedans.
Quand je pense que cet être invraisemblable m'a appelé ce matin après avoir lu mon Journal, me devinant fébrile, juste pour me rassurer dans la vie éveillée à défaut d'avoir pu intervenir dans mes rêves...
Monté corriger un texte antiguerre de CGDR. Lui ai appris à copier-coller. Je suis son nouveau dieu.
Seconde séance avec DD. Les premiers clichés étaient trop flous pour illustrer une quatrième de couverture pleine page au format 6 pouces par neuf. C'est, en effet, le ton très new yorkais que j'ai résolu de donner à Graal, en plus des rabats. On a donc délaissé le numérique pour revenir au bon vieux Kodak.
Kevin arrive avec l'impression du projet Goth pour ma demande de bourse.
J'apprends par La Presse que les résidents de Bagdad s'appellent des Bagdadis. Ça s'invente pas. D'autre part, je me réjouis que l'emploi du terme états-unien se généralise (pas dans La Presse, toutefois, ni à la télévision). Nous leur avons trop longtemps cédé le monopole de l'identité américaine.
Réveillé en sursaut par une espèce de cauchemar. Kevin et moi, on entrait dans un bistro en camion. Je continuais le chemin sur un haut tabouret qui avançait tout seul et que K s'avérait impuissant à stopper. Puis, on se retrouvait au violon avant d'aboutir chez lui, où un gros beu attendait patiemment, ses bajoues fendues d'un faux sourire, qu'on exhibe nos papiers. Une maîtresse de Kevin s'extirpait du plumard et, me reconnaissant bien qu'elle me rencontrât pour la première fois, se mettait à me peloter avec des gestes hystériques, et une fois encore, K n'y pouvait rien. Moi, en désespoir de cause, j'ai fui le sommeil et la situation.
Fin de la grève de dix mois à Vidéotron. Depuis le début des votes syndicaux, le serveur de courrier déconne dur.
Par ailleurs, Jean-Pierre Cloutier reprend ses Chroniques de Cybérie, pour mon plus grand plaisir, sans parler de mon instruction. La première du nouveau cycle m'envoie d'ailleurs des lecteurs à la tonne, ce qui explique l'affolement de mon compteur de visites.
Mon texte complètement fou sur la folie paraît aujourd'hui, à quatre jours du premier avril, dans l'excellentissime journal ICI
Madame MacLean, la concierge en second, n'en a plus pour très longtemps; un mal mystérieux la ronge. Elle et Larry, son mari, déménagent samedi à Drummondville et elle m'a tricoté des pantoufles en cadeau d'adieu. Ai embrassé chaudement ses chères joues parcheminées.
Hier, rencontre d'affaires avec Julie à la brasserie Cherrier. Elle m'a battu au billard, puis on a monté la campagne de presse. Son idée pour le lancement: commander à Kevin cinq cents litres de bagosse de première qualité.