2.9.04

Pouvoir

Pour Brando, la gloire ne présentait qu’un avantage : l’accès. Il disait que sa fameusité lui facilitait l’entrée en communication avec ceux de ce monde qui sont difficiles à rejoindre pour le commun des mortels, ceux qui filtrent leurs appels et ne sont pas dans l’annuaire. Il les appelait au milieu de la nuit et leur faisait des farces en modifiant sa voix. Ça l’amusait.

Ce soir, je m’oblige à écouter le speech de ce singe répugnant qui mendie quatre années supplémentaires à la Maison-Blanche. Mensonge après condescendant mensonge, il accroît le sentiment de menace que j’éprouve pour moi et les miens, notre liberté, notre dignité, notre avenir. Or, un gamin fluet pourrait tordre le cou de cette moumoune ignoble en six secondes, s’il pouvait seulement s’en approcher. Le pouvoir, somme toute, c’est pouvoir toucher.

Bouteille à la mer

Gigi: contacte-moi. Need your help.

Petite pub pour parasites

Marie-Françoise Taggart a failli être Nelly Arcan dix ans avant Nelly Arcan. Elle ne manquait pas de talent ni de goût pour le kodak (lequel le lui rendait bien, faudrait être Ray Charles pour en disconvenir). L’ambition la brûlait, ainsi qu’une vive et flambante joie quand elle jouait avec les mots. Il lui manquait juste les couilles. Les couilles, certaines en ont, les autres en veulent, et celles-ci tantôt s’en inventent ou bien s’en font prêter, ou tantôt tentent de s’en voler.

Je l’ai aimée, j’étais bien jeune. Elle ne fut pas la seule à ne pouvoir me voir à travers ma mince gloire, mais elle fut la première. Entre le soir où elle vint me dire son admiration éperdue au Salon du livre et celui où elle s’enfuit pieds nus dans la neige en serrant son manuscrit par-devers elle, hurlant que je voulais le lui voler, il ne s’est guère passé que quelques mois.

Je me suis inspiré d’elle, entre autres passantes, pour créer le personnage de Marie-Raspberry Scott, dont la première incarnation remonte à 1992, dans une chanson bien connue écrite pour Dan Bigras. Plus tard, dans mon roman Valium, ma créature refait surface : elle y tient le beau rôle, et pas une ligne ne la dépare. Aucun détail ne peut laisser deviner l’identité de celle qui m’a servi de modèle. Marie-Françoise est protégée, libre de poursuivre sa vie de façon publique ou privée, sans qu’on puisse m’accuser de l’avoir exploitée ou marquée en tant que jeune écrivain en herbe. Plus tard, elle publie d’ailleurs un premier roman que je m’abstiens loyalement de commenter.



Voilà cependant que j’apprends, après toutes ces années, la parution prochaine d’un autre titre (Baisée) chez Lanctôt, signé Marie-Raspberry Scott, et dont le communiqué précise, au cas où on ne pigerait pas la référence, qu’il parle de moi. Lisez plutôt:

Baisée
de Marie Raspberry Scott
Une jeune narratrice raconte sa rencontre avec un écrivain de la relève, Réjean Milrats, dans le Montréal littéraire de la fin des années quatre-vingt, et l’idylle qui s’ensuivra. Marie Raspberry croit vivre le bonheur parfait lorsqu’elle emménage avec son nouvel amoureux. Tous deux sont épris de littérature. Or, voilà qu’apparaît un jour Josyane, femme fatale, qui se dit être aussi la blonde de Milrats, et dont l’irruption bouleversera le bonheur pas toujours tranquille des deux jeunes écrivains. Ce roman, qui contient quelques scènes érotiques fort belles, nous entraîne dans la bohème du Montréal underground, avec ses petits dealers de drogue, ses écrivains paumés, ses anges et ses démons en quête de sensations fortes et d’extases perpétuelles. On ne pourra s’empêcher de trouver quelques similitudes entre le poète Milrats et le fameux écrivain maudit qui s’est fait remarquer, au cours des dernières années, aussi bien par son style direct que par ses frasques éthyliques.

Sous le pseudonyme de Marie Raspberry Scott se cache une écrivaine qui en est à son troisième roman.


Tu parles qu'elle se cache. Entéka : j’ai bien hâte de lire ça, mais je ne laisserai pas Marie-Françoise Taggart faire accroire que Marie-Raspberry Scott a écrit ce roman. Marie-Raspberry Scott écrira des romans si j’en décide et pas autrement. C’est mon personnage, ma création, je suis seul à pouvoir en disposer. Imaginer qu’un bas-bleu et un éditeur peu scrupuleux puissent faire comme si cet aspect élémentaire du droit d’auteur n’existait pas! C’est ce qu’on verra, Nom de Nom...

31.8.04

Pot-au-feu à la Mistral

Le moment venu, filez à Saint Pierre un tupperware rempli de ce truc et vous entrerez au Paradis sans faire la queue comme les ploucs et les Païens.

L'idée de base me vient de Gilles Vigneault via Guillaume: trois heures à trois cents. C'était la seule recette dont il parvenait à se rappeler. Le principe est que la pièce de viande la plus raide du supermarché vous fondra dans la bouche si vous vainquez sa résistance au four à raison de trois heures à trois cents degrés Fahrenheit. Le mieux, c'est le bas de palette.

J'en ai fait hier à Sophie qui n'aime pourtant d'autre viande rouge que la mienne. N'a interrompu ses louanges que pour me témoigner sa gratitude...

Tranchez épais: patates, carottes, oignons. Alitez dans un grand plat de fonte. Mouillez d'une boîte de soupe aux tomates et d'un filet de sauce soya. Sommez avec la bidoche qui fera son propre jus. Parsemez-là de base de soupe à l'oignon, de poivre, d'ail en poudre et d'épices à chili, squeezez-y du ketchup et splashez un nuage de jus de citron. Enfournez.

Garanti, ça troue le cul.

30.8.04

Ego trip

Mon peuple fait un méchant ego trip à rebours. Envies de décrocher ma canne du mur et de varger à vastes moulinets dans le tas bêlant. En eux, l'humilité n'est plus une vertu, c'est un vice devenu. C'est à qui s'aplatira davantage: des brebis dans un concours de limbo. Je sais des cas qui aiment mes livres mais ne les lisent pas tant ma confiance en moi les insupporte. Je les connais depuis longtemps, nous allions à la petite école ensemble, déjà: fallait prendre soin de n'avancer pas trop vite, de peur de les perdre dans la brume. Foutu paquet de peaux molles, charognes de zombis, sépulcres blanchis!

26.8.04

Fantasme

Si le bon diable me prête vie, et si les anges reviennent se percher sur mes épaules pour me soupirer quoi écrire aux oreilles, je ferai pour elle un livre de lumière.

VOIR

Marie Hélène Poitras signe un intéressant papier (L'écrivain et son blogue ) dans le Voir d'aujourd'hui.

Voici le compte-rendu intégral de notre échange cyberépistolaire.


MHP: Depuis quand tenez-vous un blog, un journal d’écriture sur le web?

CM: Ma première entrée remonte au 31 mars 2002, dimanche de Pâques.

MHP: De quelle nécessité cet engagement a-t-il vu le jour?

CM: Celle de communiquer sans me battre physiquement et, paradoxalement, celle de régler des comptes avec le monde, d’agir directement sur lui, sans intermédiaires. Un soir, en proie à un profond désarroi, j’ai marché jusque chez mon fils, j’ai jeté son co-loc dehors, on s’est installés en famille dans un coin du foutoir et j’ai vidé mon sac en attendant la police, j’ai chialé comme un gosse, puis mon kid m’a parlé doucement de je ne sais plus quoi, sauf qu’à la fin j’avais décidé de me brancher.

MHP: Pourquoi écrire un journal « on line » et non pas tout simplement un carnet fermé? Désir de dévoilement?

CM: Je suis écrivain. Publier ce que j’écris m’est naturel. Demande-t-on au castor pourquoi il érige des barrages avec le bouleau qu’il abat?

MHP: Est-ce que cela nourrit votre pratique d’écriture, si oui en quoi, ou est-ce quelque chose qui se fait en parallèle de votre univers romanesque ou poétique?

CM: J’ai résolu ce problème en considérant le blog comme un livre à part entière; la première année, je l’ai bâti comme un roman, privilégiant quelques personnages forts et récurrents, fignolant la chute. Puis, je l’ai publié sur papier en l’intégrant à mon cycle romanesque. Ça a fait râler.

MHP: Est-ce que votre lectorat du blog diffère de celui qui achète vos livres?

CM: Le premier est aussi le second, mais pas l’inverse. J’estime qu’un dixième de mon lectorat-papier est aussi visiteur assidu de mon blog.

MHP: Quelles dispositions est-ce que ça demande, le fait de tenir un blog?

CM: Un engagement, comme tu l’as si bien dit. Au début, c’est fiévreux, puis la température baisse. D’une part, c’est addictif, d’autre part il arrive qu’on veuille fermer boutique. Ceux qui se lancent avant d’avoir répondu aux questions essentielles ne durent pas. Qui écrit (de toutes nos personnalités)? Pourquoi? Pour qui? Quelle sorte de rapport est-on disposé à entretenir avec le lectorat? Va-t-on lui permettre d’intervenir ou pas?

MHP: Diriez-vous que le blog est au roman ce que la télé-réalité est au télé-roman?

CM: On l’a suggéré dans le cas de mon livre Vacuum. On a parlé de roman-réalité. J’ai trouvé ça intriguant, sans trop savoir ce que j’en pense.

MHP: Patrick a déjà annoncé qu’il s’écœurerait un jour, et qu’alors il lâcherait tout…
Avez-vous déjà eu l’envie d’abandonner votre blog? Craignez-vous devoir l’enterrer avant de mourir?


CM: Patrick est rusé, c’est un écrivain professionnel qui a étudié les erreurs de ses prédecesseurs qui se sont pétés la gueule sur un monceau de promesses. Il sait qu’il ne faut pas en faire. Par ailleurs, j’espère vivre plus longtemps que la forme du blog, qui est transitoire comme tous les outils révolutionnaires.

MHP: Avez-vous une éthique de blogueur, y a-t-il des choses que vous n’oseriez écrire, trafiquez-vous les noms de ceux dont vous parlez? Y a-t-il une limite, une ligne que vous ne franchirez pas?

CM: Bien sûr. Qui n’en a pas? Longtemps, j’ai eu en exergue du blog une citation de Joyce : «Il faudrait pouvoir tout dire». On ne m’a jamais demandé de préciser, et il va de soi que je ne l’aurais pas fait.

MHP: Est-ce que vos lecteurs réagissent et vous écrivent?

CM: Ceux qui sont assez malins pour dénicher mon adresse le font. Je publie sporadiquement une circulaire à laquelle ils peuvent s’abonner gratuitement, et mon site officiel comporte un Forum très vivant. Au bout du compte, je corresponds régulièrement avec quelques-uns d’entre eux, quand mon histoire d’amour m’en laisse le temps. Mon histoire d’amour avec une blogueuse. Nous nous sommes découverts par ce biais l’an dernier. Je ne me souviens plus qui a écrit à l’autre en premier.

MHP: Quand, dans la journée, vous installez-vous pour alimenter votre blog?

CM: C’est comme aller pisser : quand l’irrésistible envie prend. Ou que le besoin se fait sentir.

MHP: Y a-t-il des règles tacites liées à l’expérience, et ici je m’adresse tout particulièrement à Christian, qui tient ses Quotidienneries depuis des lunes.

CM: Le blog est fascinant pour ça : les règles s’élaborent à mesure, l’univers est en expansion et si des lois le régissent, on ne les a pas encores découvertes.

MHP: Qui sont vos blogueurs-modèles?

CM: Je n’en ai pas.

MHP: La question à dix piastres : est-ce que ce que vous écrivez sur le blog est de la littérature, au même titre que ce que vous publiez dans vos livres?

CM: Assurément. À preuve, la paye est aussi pourrie. Dix piastres?

MHP: La chose la plus surprenante qui vous soit arrivée dans votre expérience du blog.

CM: Rencontrer Sakurako.

23.8.04

Carburer

Livré un texte à McComber pour un prochain numéro de Moebius. M'a paru très, très content. L'ennui, c'est qu'il m'en a coûté soixante-cinq dollars de carburant pour en gagner vingt. La littérature de haut vol est un sport ruineux.

17.8.04

Grand cru

Non, je ne parle pas de moi.

C'est de bagosse qu'il s'agit, à base de miel et de raisin blanc, tout un gallon, gracieuseté de Kevin, maître-brasseur. Ça fesse en chien. Titré à 20, 25 pour cent. Moelleux en bouche, un régal pour le palais. Je me soûle piane-piane, à petits galopins où viennent se noyer un moucheron après l'autre. J'y trouve mon compte de protéines.

Sophie sait toujours aussi bien m'aimer. Toujours mieux, toujours plus. Sa devise: Too much is never enough. On plane. La vita e bella.

14.8.04

Comptables et Petits Villages

Laverdure me refile le nom d'un comptable qui aime et sauve les écrivains du grand méchant gouvernement. Paraît que lui-même, Tony et Marie-Hélène n'ont eu qu'à se féliciter de l'avoir consulté. À voir.

Parlant de Bertrand, il vient tout juste de me révéler qu'il tient un blog depuis l'an dernier. Expérience intéressante et diablement originale: «Tout ça est assez rudimentaire, mais l'intéressant, dans ce projet, c'est qu'il suit, comme un log book de capitaine, toute la traversée éditoriale, toute l'aventure que représente la création d'une maison d'édition (aussi miniature soit-elle), semaine après semaine, englobant les discussions avec les auteurs, les prises de position éditoriales et les commentaires de l'éditeur sur le dossier de presse qui se constitue, petit à petit.»

13.8.04

O Canada!

Quand le gouvernement fédéral a une idée en tête, il ne l'a pas dans le cul. Le fric qu'il me refuse de la main gauche, il me le réclame de la droite. Main gauche, main droite, outils de strangulation. Coup au foie, uppercut au menton... Mon éditeur m'informe que l'Agence des douanes et du revenu le somme officiellement de retenir mes droits d'auteur jusqu'à concurrence de 3 184 $. Sous prétexte que je n'ai pas produit de rapport d'impôts depuis vingt-cinq ans. C'est pas ma faute, j'ai pas eu le temps, j'allais m'y mettre justement, pas de farce!

11.8.04

Fatalis

Fatalis, mon livre-poème, est finalement disponible à nouveau, republié en ligne par la Fondation littéraire Fleur de Lys.

9.8.04

(Vlan!) Dans les bourses...

Dans sa grande sagesse, le Conseil des Arts du Canada vient à nouveau de me refuser une bourse.

Je ne dirai pas que ma vie en dépendait, ni mon bonheur avec Saku: ce ne serait pas vrai. Mais enfin, c'eut été bien de pouvoir payer le loyer, garnir le frigo, acquitter les factures de câble, d'internet et de téléphone, rembourser mes amis, éponger les frais de scolarité de mon fils, emmener ma blonde à Bordeaux, sauver mes incisives supérieures au moyen d'un traitement de canal, écrire en quiétude...

6.8.04

Soirées provençales

Hier, visite de cousin JF Moran avec de nouvelles moutures de chansons dans son sac à malice, dont Vers à soie que j'ai écrite pour lui et que j'offre aujourd'hui en primeur à mes lecteurs.

Saku et moi faisons du mois d'août un festival provençal improvisé. Nous passons nos soirées, entre deux étreintes passionnées, à visionner de vieux films de Pagnol et à nous lire à voix basse des Lettres de mon moulin. Le temps file, zou! je vous dis pas...

4.8.04

La fin du début

J'ai mis la dernière main au chapitre 10 de Goth, m'acquittant ainsi de mes joyeuses obligations envers le journal ICI. Bouclé en beauté, torché une chute puissante, ouverte et fermée à la fois. Suis si content d'avoir fini: Sophie et moi allons fêter ça avant que je ne réalise que je ne fais que commencer.

Allant faire le plein au dépanneur, j'entends la petite fille du rez-de-chaussée m'interpeller gaiement de sa fenêtre: «You're the guy who writes books!»

Yes. I guess I still am.

2.8.04

Nécessité récurrente

Il en est qui diraient, certains déjà disent que j'ai laissé un imbécile en sang hier sur le gazon des Catacombes, en plein centre de la cour de création. Qui dira mon dégoût de la violence et de sa nécessité récurrente?

30.7.04

29.7.04

Écran de fumée

Hier, feux d'artifice de clôture du festival (de feux d'artifice). Jean-Christian est venu. Avec Sophie, on est montés chez Christian-Gilles, qui a vue sur le sud. Quatre personnes dans le noir sur le balcon, trois Christian: mélangeant. CGDR a déménagé du 10ème au 8ème pour accommoder les projets hôteliers du propriétaire: la perspective sur le port en souffre. Anyway, le smog était si gras qu'on n'a pas vu grand-chose à part des lueurs bibliques stroboscopiques. Ça a donné le goût à Saku de danser pour moi, danser une danse de banshee concupiscente sur un air de Donna Summer en boucle.

Mardi, croisé Nathalie Rochefort à L'Esco. Obtenu sa permission d'utiliser son nom dans un épisode crucial de Goth, celui où elle invite des jeunes de la rue lors de son assermentation à l'Assemblée Nationale. J'espère qu'elle s'en souviendra: la rouge était plutôt joyeusement grise ce soir-là. Moi-même, n'ai-je pas oublié de souligner que Tony Tremblay nous a payé une tournée de shooters de Tequila?

28.7.04

Damon et Pythias

Kevin me manque. Pas trouvé le moyen de l'empêcher de se tuer à l'ouvrage.

Passé à L'Escogriffe hier avec Sophie. Peluso s'y produisait, puis Nick Landré, chacun interprétant une mienne chanson. Claude, une fois n'est pas coutume, est venu encourager son cousin. La place était pleine. J'ai toujours aimé cet endroit, à travers ses changements de nom, depuis qu'à quinze ans j'y voyais Gilbert Langevin monter sur les tables et délirer solide. Hier, Richard Gingras (le libraire du Chercheur de Trésor) et moi l'avons évoqué, puis on a causé de Kevin, un si bon client, et de la Bible en images.

27.7.04

Resistance is futile

Le speech de Barack Obama à la convention Démocrate fait rêver: on entrevoit peut-être le premier président black des Youessé. Le type n'est pourtant qu'un aspirant au Sénat, sans adversaire Républicain parce que Seven of Nine n'a pas voulu sucer son mari à Paris.

25.7.04

L'éléphant, l'ours, le dragon...

Sophie et moi, le dragon de sa fesse et l'ours de mon coeur, sommes allés à la messe. Dans un lieu où débarqua Jacques Cartier, en une église où pria Champlain. Ma famille, toute ma famille, venue de partout au Canada, sauf mon fils qui ne vint pas, se rassemblait en mémoire de l'éléphant, Hector, mon grand-père, mort il y a vingt-cinq ans. Après un somptueux repas au château de ma mère, nous sommes allés à Saint-Marc nous recueillir sur la tombe du patriarche. Au retour, nous avons fait l'amour avant de regarder tantôt Jean de Florette, tantôt nous-mêmes dans le miroir, la vaste glace engoncée dans un cadre de style colonial que CGDR nous a cédée en déménageant.

24.7.04

Générations

«They say time is the fire in which we burn»

Malcolm McDowell (Dr Tolian Soran)
Star Trek: Generations

22.7.04

Virus

Pat a attrapé la fièvre. La fièvre du blog. Il poste comme un malade avec sa candeur cruelle habituelle, n'épargnant personne et surtout pas lui-même, entrelardant le tout de tendresses fugaces.

20.7.04

Pas sérieux

Je n'entretiens pas sérieusement ce lieu. Je vois Guig, Hans, et je n'en parle pas. Je cuis dans un four de velours et je n'en pipe mot. JF débarque avec l'envie de boire et on n'a pas un rond, puis Dominique survient avec deux caisses de 24, et motus!

Hier, barbecue avec Sophie, Kevin et Cynthia dans le jardin des Catacombes.

18.7.04

Comme un saumon qui charrie sa chair rose en remontant aux sources

Comme un saumon qui charrie sa chair rose en remontant aux sources, incontinent mais sans malice, instinctif et princier, plein d'expérience, impatient sourcil, souffle succint, comme enfin cette bête belle qui ne se mangera qu'à l'issue d'un noble et généreux combat, je suis reparti dans le temps, cherchant ce qu'elle écrivait, et comment. Prêt à endurer une dose de déception, de relecture éclairée, de propos fades et pondérés. J'aurais coupé, oui, coupé mon senestre annulaire contre l'assurance de parcourir à nouveau ses vieux posts avec l'infrangible joie si rare en lettres. Mais rien ne me laissait soupçonner que j'en reviendrais encore plus troublé, ravi, full planche groupie que la première fois, ni d'autant plus fâché qu'elle s'y mette ou non selon son caprice, ni d'autant plus en christ d'être un poisson qui, goûtant l'hameçon, n'en peut plus de prier Poséidon: «Que je grimpe, que je fasse surface, que je sois repêché, que l'on me jette au fond de la chaloupe et qu'on m'assomme avec la rame, une fois pour toutes!»

Y a pas à dire: elle sait écrire, la petite mère, quand tel spectre l'en empêche ou que tel autre l'en supplie et que ses démons la défient et que je suis ailleurs que là tout à la fois. On croirait pas, en la lisant, le collier d'excuses qu'elle peut vous enfiler dans le cul comme autant de perles rares avant de le retirer d'un coup sec, juste pour ne pas écrire.

Bien certain, ça ajoute au plaisir, d'avoir à sévir en fin de compte. Au plaisir, et au danger. Celui, parmi plusieurs, de me lasser à force de lui expliquer ce qu'elle sait déjà depuis avant qu'on se connaisse, soit: ce qu'est la littérature, la place qui lui revient dans ma zone, les devoirs qu'elle engendre et la ligne au-delà de laquelle je n'en discute pas davantage.

Et donc, je crois qu'aujourd'hui elle écrira. Que moi aussi. Que nous devons chaque jour lire ou écrire ou dessiner quelque chose au même chef que nous faisons l'amour et entretenons nos maisons et mangeons: pas de défaites, pas de ratiocinations, pas de faux-fuyants qui tiennent: vivre, s'aimer, créer comme axe tridirectionnel de notre histoire. Je n'attends pas d'elle ce qui est exigé de moi: mon métier n'est pas le sien. Mais le sien n'est pas ce à quoi nous avons communié; nous n'en partageons ni le langage, ni les silences éloquents. Notre contrat repose sur l'art et ce qu'il cimente entre deux sensibilités, deux perceptions soeurs, deux conceptions voisines; notre baiser scelle une entente esthétique et une entente éthique. Je préfère me priver de la sauter que me priver de la lire: c'est énormément dire, si vous saviez. Je veux jouir de son esprit comme je jouis de son corps et je ne barguignerai pas sur ce chapitre, cette inestimable marchandise, tous ces fruits juteux qui mûrissent en elle dans le verger de sa cervelle.

17.7.04

Cassonade et vin suisse

Faulkner est monté hier avec un vinier offert par un obscur chanteur de l'helvète underground. Puis, avec Sophie, on s'est livrés aux exquis, aux ineffables arcanes de la consolation. Pendant ce temps, là-haut, CGDR se remettait péniblement d'une nuit d'écriture avec Éric Lapointe.

16.7.04

Neverending story

Boudin, orgueil, frousse et territorialité: finalement, c'est une histoire ordinaire. Et ancienne. J'ai horreur des histoires ordinaires et anciennes. Been there, done that. Vais faire une sieste.

Trouble in paradise

Me suis chicané avec ma souveraine soyeuse pour une brosse à dents et un parapluie.

15.7.04

Royaume

J'aimerais pouvoir écrire que j'avance péniblement dans mon roman, mais ce serait un damné mensonge. Je n'avance pas du tout, et c'est loin d'être pénible. L'été se passe entre un ventilateur qui me souffle dans le cou et Sophie qui m'insuffle la vie. Ève et Adam au paradis, dégustant des nectarines et du bleu danois entre deux plongées profondes au royaume de la Connaissance.

12.7.04

La part du lion

Maxime Catellier me fait l'honneur de me dédier un puissant poème.

La part du lion


À C.M.

La fatigue est la cadence du vampire

obus du trouble à contre-pleur
la marge sent la viande
les fées noires tendres
tailleuses
du requin dans la gorge
Malaxeur

un prince fou dévore
dans sa patte un génie s'étripant
presque roi
toi ton château l'ombre flagelle en somme
le coeur tremblant des mesures saignées
le piano droit des formes

quand irons-nous chanter en pleurant
dans les cercles où chasser n'a plus de nom
dans les nuits perpétuelles dans les nuits bues?

Perles, cuvée 2004

Comme chaque année à cette époque, Claude André m'envoie les perles collectionnées parmi les réponses aux examens du Bac sur tout le territoire de la France. Voici les meilleures:

Les égyptiens transformaient les morts en momies pour les garder vivants;

Les amazones étaient comme des femmes, mais encore plus méchantes;

Les empereurs organisaient des combats de radiateurs;

César poursuivit les gaulois jusqu'à Alesia car Vercingetorix avait toujours la gaule;

Clovis mourut à la fin de sa vie;

Charlemagne se fit chatrer en l'an 800;

Les mauvais elèves étaient souvent décapités;

Quand les paysans avaient payé leurs impôts, ça leur faisait un gros trou aux bourses;

La mortalité infantile était très élevée, sauf chez les vieillards;

Les enfants naissaient souvent en bas âge;

Jeanne d'Arc n'aimait pas trop qu'on la traite de pucelle;

L'armistice est une guerre qui se finit tous les ans le 11 novembre;

Les nuages les plus chargés de pluie sont les gros cunnilingus;

Les américains vont souvent à la messe car les protestants sont très catholiques;

La Chine est le pays le plus peuplé avec un milliard d'habitants au km carré;

Pour mieux conserver la glace, il faut la geler;

Le passage de l'état solide à l'état liquide est la niquéfaction;

Un kilo de mercure pèse pratiquement une tonne;

La climatisation est un chauffage froid avec du gaz, sauf que c'est le contraire;

Autrefois les chinois n'avaient pas d'ordinateur car ils comptaient avec leurs boules;

Les fables de La Fontaine sont si anciennes qu'on ignore le nom de l'auteur;

Les français sont de bons écrivains car ils gagnent souvent le prix Goncourt;

Les peintres les plus célèbres sont Mickey l'ange et le homard de Vinci;

Le chien, en remuant la queue, exprime ses sentiments comme l'homme;

Les lapins ont tendance à se reproduire à la vitesse du son;

Pour faire des oeufs, la poule doit être fermentée par un coq;

Grâce à la structure de son oeil, un aigle est capable de lire un journal à 1400 mètres;

Les calmars géants saisissent leurs proies entre leurs gigantesques testicules;

Les escargots sont tous des homosexuels;

L'artichaut est constitué de feuilles et de poils touffus plantés dans son derrière;

Le cerveau des femmes s'appelle la cervelle;

Après un accident de voiture, on peut être handicapé du moteur...


Sarah, la compagne de Claude, jamais en reste, m'envoie cette bonne blague:

Le petit Sylvain vient de se faire prendre par son papa en train de boire de l'alcool en cachette. Le papa a décidé de lui faire une leçon de morale. Il entraîne Sylvain dans le jardin, emmenant avec lui un verre de whisky et un verre d'eau. Il prend un ver de terre et le laisse tomber dans l'alcool. Puis il prend un autre ver et le laisse tomber dans l'eau. Le lombric dans l'eau reste vivant alors que celui du whisky se tord sur lui-même quelques instants et meurt. A la fin de l'expérience, le papa demande :
- Alors Sylvain, quelle leçon tires-tu de ce que je viens de te montrer ?
Et Sylvain lui répond fort justement :
- Heu, ça montre que quand on boit de l'alcool, on ne risque pas d'avoir des vers...

9.7.04

Prolégomènes à ma poésie pour toi

Ton cul, mon coeur, ton cuistre
Étendu pour le compte,
Après que tu l’aies bouché
Si superbement,
L’embrasse.

Quand j’emplis le palais de tes joues,
Tu m’avales en réfléchissant...

Tu m’as mouché, j’en suis content
(toi et le grand Petit Robert);
J’en suis si fier, c’en est marrant :
Je te sens prête à recevoir.
Je sais qu’on va enfin pouvoir
Parler de prose et progresser.

7.7.04

Second début, enfin

Elle est venue se reposer ici, on a dormi ensemble pour la première fois. Considérant qu'on est amants depuis novembre, ça stupéfie. On fait ça de la même façon, en souveraineté-association: un oreiller sous le bras en guise de toutou.

6.7.04

Renouveau

Lundi midi, c'est life as usual, quelques heures plus tard la vie bascule. Ce soir, Kevin repeint le Bunker, je dépoussière mes livres et mes bibelots et Sakurako se repose dans ses nouveaux pénates du Vieux-Montréal, que nous avons baptisés jusqu'à l'aube.

3.7.04

Devoir

Michel Lapierre souligne avec éclat la parution de Vortex Violet chez Boréal, en une du Cahier Livres du Devoir ce week-end.

L'UNEQ et moi

De façon triplement atypique, j'ai attendu trois semaines avant d'envoyer la lettre qui suit, et j'ai consulté des gens, et je la publie.

Montréal, le 9 juin 2004

M. Pierre LAVOIE
Directeur général
UNEQ

Objet : votre troisième et dernier avis de renouvellement de cotisation, en date du 1er juin courant.


Monsieur,

Ayant beaucoup réfléchi, pesé, tergiversé, j’en suis venu à décider de ne pas renouveler mon adhésion à l’UNEQ cette année.

Cette expérience, à laquelle j’ai attendu douze ans après ma première publication professionnelle pour me prêter, aura duré le temps de deux cotisations. Je suis devenu membre pour un an parce que j’avais perdu un pari avec un vieil ami que je respecte infiniment. Je le suis demeuré une autre année pour preuve de ma bonne foi.

Franchement, je me sentais aussi, je me sens toujours une façon de dette envers les fondateurs de l’UNEQ : leurs revendications, les acquis arrachés de haute lutte comme par exemple le contrat-type ou le droit du prêt public, m’ont facilité la vie. C’est pourquoi je me suis toujours rendu disponible, membre ou pas : ainsi lors de l’inauguration de la Maison des Écrivains.

Mais le fait est que je ne me sens guère à mon aise dans cette structure de discours collectif. J’ai été choyé, si l’on veut : ma carrière s’est déroulée de telle manière que mes livres et leur auteur n’ont jamais manqué de reconnaissance ni d’influence, celle-là même qui permet de négocier fermement et de faire respecter ses droits. L’idée que des écrivains moins bien servis puissent voir d’un mauvais oeil que je bénéficie en plus de leur activisme solidaire m’est pénible. Par ailleurs, la dernière assemblée générale m’a confirmé dans mon malaise : on y a vu lutter toute seule une auteure régionale peu connue, qui revint bravement par trois fois au micro pour solliciter le concours de SON syndicat, chaque fois rabrouée, chaque fois enterrée par les arguties aiguisées d’un poète rompu aux arcanes du code Morin. Cette auteure n’en revenait pas : elle croyait vraiment que son cas particulier recevrait le soutien naturel de ses pairs.

Il était clair qu’elle, bien que démunie de chacun des moyens dont je dispose (notoriété, accès facile et régulier aux éditeurs et aux médias littéraires métropolitains, présence sur Internet, ambition agressive, illusions à néant et un certain talent inné pour la mythomanie), il ressortait clairement, dis-je, qu’elle n’avait pas là sa place. Tout comme moi et pour la même raison, au fond, puisque nous étions équidistants du centre, du noyau dur de l’UNEQ, dont nous ignorions tous deux de quoi au juste il était fait.

Au party d’huîtres, il y a deux ans, je me suis fait une chère amie et j’ai renoué, approfondi mes liens avec des camarades, et ce seul soir valait largement le montant de la cotisation. Le livret rose orangé sur la négociation du contrat, ça aussi, j’étais content de payer pour. Le maintien du site L’ÎLE m’apparaissait comme une chose bonne et utile, même si je grimaçais au fait que nous n’ayons pas accès aux documents à vendre nous concernant.

Maintenant, outre qu’il n’y a plus de party d’huîtres et que le coût du livret est amorti, je constate que l’ÎLE n’est guère plus qu’une coquille vide : à cette adresse, un lecteur curieux ne trouvera rien sur moi qui ressemble à un dossier de presse, pas même un renvoi à mon propre site officiel ni à mon blog, lesquels comblent cette lacune à mes frais.

Je me suis porté volontaire pour contribuer au comité sur la liberté d’expression, mais on n’a pas cru bon recourir à mes lumières. Je ne le mentionne que pour éviter qu’on assimile la présente aux récriminations de quelqu’un qui voudrait tout recevoir sans rien apporter en retour. Le fait est que je ne suis pas amer, que mes raisons sont celles-là sans plus, sinon aussi celle de l’argent : être à l’aise, j’aurais rempilé sans rouspéter, mais ma situation actuelle me force à faire des choix quand il est question de 101,23$, et je ne suis pas autrement fâché que ma gêne financière m’ait forcé à me pencher sur les considérations qui précèdent.

Enfin, votre lettre se termine sur l’espoir que je continuerai «de faire partie de la grande famille des écrivaines et des écrivains québécois», juste après le rappel du montant de ma cotisation en souffrance, ce qui me touche et m’offre la joie de vous rassurer sur ce point : je compte bien continuer, que mon nom figure ou non à l’annuaire de l’Union, en formulant le voeu fervent que d’aucuns persisteront à me reconnaître cette qualité en dépit de mon apostasie.

Cordial et allié de coeur,



Christian MISTRAL




c.c. Bruno ROY, président.

Wild one

Brando mort, qui reste-t-il d'aussi vaste et dément, d'aussi puissamment original et personnel pour toute la durée du combat? De Niro et Depardieu tournent trop, tournent tout, Pacino n'en peut plus, Gabriel Arcand ne tourne pas ou si peu et si tard. Brando mort, je mesure toute la distance entre le monde du Tramway nommé Désir et le nôtre: dans l'un, Blanche DuBois est une curiosité fragile, dans l'autre, elle est la norme implacable, et on peut se réjouir que les Stanley Kowalskis épais et monstrueux tels que décrits par Tennessee Williams soient en voie de disparition, mais on peut aussi s'affliger que le Stanley sensible et dur tel qu'incarné par Brando n'ait pas fait davantage de petits. Un monde empli de Blanche DuBois est un asile d'aliénés. Un monde privé de Marlon Brandos est une froide machine à feindre l'aliénation. Pour n'avoir pas pu se résigner à ce que le cinéma le rende étranger à lui-même, il demeurera une sorte de fou dans le souvenir des siècles.

1.7.04

Le rat dans la bergerie

Avant de répondre à ceux qui veulent savoir si j'écrirai sur des sujets politiques, j'attends qu'on me dise si la loi sur la littérature haineuse s'applique à Stéphane Dion. Qu'on m'accuse de couardise si l'on veut, mais le fait est que mes affaires vont plutôt bien ces temps-ci et qu'avant de traiter publiquement quelqu'un de mangeux de graine, de licheux de cul, de courtisan castrat invertébré, d'homuncule et de crachat sur la face de la Création et de larbin pervers et de pustule sur la peau de la Terre, je préfère prendre quelques précautions élémentaires.

30.6.04

Side lines...

Ce qui m'inspire confiance en l'avenir littéraire de notre culture, c'est que la nouvelle mouture d'écrivains ne se planque pas dans l'enseignement pour gagner sa croûte. Catellier, poète et critique pigiste, vend des légumes à l'ombre d'une strophe de Gérald Godin. Vigneau repeint des bureaux de poste. Vigneault sert de la gnôle. Et Marie Hélène Poitras, romancière et journaliste pigiste, est cochère. Cochère!

Elle m'écrit: Je suis passée très vite à vélo à côté de toi toute à l'heure, j'avais rendez-vous, puis ensuite je me suis dit que j'aurais du arrêter au moins pour te dire que là, les lundis, dans le Vieux-Montréal en calèche, je conduis un petit trotteur américain, il est tout petit mais c'est le plus rapide et il a un ego hallucinant, il veut pas qu'on le dépasse, que ça soit un cheval ou un truck, ça le met en crisse on dirait, et quand on est pris sur une rouge, il danse sur place, comme s'il attendait le signal du début de la course, c'est mon préféré, il me donne des montées d'adrénaline, et si tu te pointes en fin de journée, vers 19h45-20h, je peux te ramener jusqu'à l'écurie, un lieu inspirant et glauque, sombre, avec des chiens méchants, des roulottes, des chats effrayés, des mauvais esprits pris dans les poutres du garage, un lieu infect qu'il vaut la peine d'arpenter.

Si je rate ce coche-là, je suis celui qui n'est pas assis à l'orchestre quand on fait danser les couillons. Les lieux, je les ai toujours visités d'abord, romancés ensuite. C'est la première fois qu'un écrivain m'offre de mettre les pieds dans un endroit esthétisé a priori.

29.6.04

Parlons Net

L'embargo est levé sur le bref entretien que j'ai accordé à OldCola à propos de la pratique du blog.

La paix du castor

Visionnant une copie piratée de Fahrenheit 9/11, mon fils de 22 ans en sécurité à mes côtés, contemplant ces petits gars tués ou estropiés pour enrichir une poignée de vieux salopards qui lèchent leur peigne avant de carder leurs cheveux gris, je me suis surpris, nonobstant l'issue des élections fédérales, à me réjouir d'être né en Canada.

28.6.04

Timbré

Retour au patch. Tanné de tousser. Crainte de crever avant que le bonheur me trouve.

24.6.04

CIBL

Suis resté en ville plutôt qu'accompagner Kevin et la bande dans un chalet dégotté par Eddy. Ils ont dû danser comme des païens jusqu'à l'aube autour d'un feu de joie. Mais j'ai déjà trop remis mon passage à CIBL. Cet après-midi, seize heures, je discuterai de Fontes avec François Lemay.

23.6.04

Conformisme

Le type montant dans l'ascenseur du building avec moi, l'air gêné: «Je veux pas me coucher tard parce que je travaille à six heures demain matin...» Je ne le connais ni des lèvres ni des dents.

Ça m'a pris dix minutes pour figurer pourquoi il m'avait dit ça. C'était l'embarras de n'être pas dehors avec le reste du peuple à fêter la Saint-Jean. L'embarras d'être surpris à rentrer au lieu de sortir. S'imaginait que je le condamnais. Réminiscences du troisième Reich.

Controversiou

Je termine une séance de photos avec Pedro Ruiz pour la une du Cahier Livres du Devoir du 3 juillet. A transformé le Bunker en studio. Immigrant récent, sympathique et touchant. «Pourquoi on dit vous écrivain controversiou?»

20.6.04

Avec un parapluie...

Pour écrire Sylvia au bout du rouleau ivre, juste avant Vamp, je m'étais fortement inspiré du format et de la structure d'un magnifique petit livre, Voyage en Irlande avec un parapluie, signé Louis Gauthier, un auteur que je n'imaginais pas alors rencontrer un jour, encore moins qu'il deviendrait un ami. Hier, après toutes ces années, quand Louis est venu me chercher avec sa Volks maganée, je suis resté stupéfait de découvrir, sur le plancher du côté passager, un parapluie...

On descendait à Trois-Rivières. Là, au bar Zenob, Réjean Bonenfant avait organisé une soirée Tape dans le dos pour Guy Marchamps, dont la librairie de livres d'occasion, baptisée Histoire sans fin, déclarait forfait après six ans d'encre rouge.

Ç'a été une chouette émouvante petite soirée. J'ai lu l'extrait de Vautour qui met en scène GM sous le nom de Guillaume Arcand. Judith Cowan a livré deux pages, traduites par ses soins, tirées du dernier livre qu'elle a acheté chez Guy: un recueil de récits publié en Inde dont l'un portait sur un libraire qui ne vend rien. Bonenfant avait conservé des écrits de son ancien élève, dont un vigoureux poème rédigé sur un rouleau de papier-cul. Daoust a lu un manifeste poétique et chanté Going to the Ritz en amorçant un effeuillage. Boisvert m'a rappelé sur scène pour lire avec lui son texte en croisé. Quelqu'un a donné, de Marchamps, le merveilleux Poème d'amour à l'humanité.

Le plus romanesque, le pas croyable, c'est quand cette jeune femme s'est amenée au micro, son bébé de trois mois buvant sec à son sein. Bar ouvert. La jeune femme a expliqué comment elle avait rencontré le père à la librairie, trois ans plus tôt. Lui, cependant, prenait des photos de nous tous. S'appelle Michel. A lu au micro à son tour, annonçant qu'il reprendrait le fond dans un sous-sol trifluvien. Y en aura d'autres plus jeunes plus fous pour faire danser les bougalous!

Vers une heure du matin, juste avant de rentrer à Montréal, Louis et moi sommes repassés par la librairie. Guy y était, errant à la lueur d'une veilleuse, avec Hélène Gauvin qui retenait ses larmes. Ça sentait bon le tabac à pipe et le papier vieux.

17.6.04

Racine

Beau texte de Tristan Malavoy-Racine sur Fontes dans le Voir d'aujourd'hui. Et parution du second chapitre de Goth dans le Ici.

16.6.04

Beau fou

Antoine, ce beau fou, a coupé dans son budget de Guinness pour me réserver un nom de domaine. christianmistral.com est désormais en ligne, de même que christianmistral.com/blog. Bref, j'ai été proprement et gentiment dotcomisé par un Grec apportant des cadeaux. Merci, brother.

15.6.04

Stand by

Je me suis toujours promis de ne pas devenir l'un de ces blogueurs qui se lamentent publiquement sur leurs aléas de serveurs (Vidéotron). Là, ça rase...

Sois patiente, ma Tribu magnifique et bien-aimée: nos affaires vont bientôt s'arranger. D'ici là, j'ai patenté ce lieu de fortune avec de la colle, de la ficelle, du carton et de la gomme balloune.

14.6.04

Info

I really don’t feel so good and I’m not quite sure why. It’ll pass, it always does. It’s as if my chemical balance was all fucked up. I’m sad all the time and I’m mean like a starving chained dog. I see K & C being so happy together and taking care of me after I took care of them and I get mad at you and me for being apart, and then I don’t care, and I worry about stupid things, careerwise, and I’m depressed because I pedal in oil and peddle in art, all that jazz, life leaves a bad taste in my mouth these days, that’s all, nothing more. So I guess what I want to say is: I love you, of course, but I’m not good for much these days, I don’t care about shit and I hope you’re OK.

27.7.03

Le lieu de toutes les libertés...

On dit ça du roman. Je le crois. Mais ce n'est pas tout de l'affirmer, il faut sans repos le prouver. Je suis stupéfait du nombre d'autorités culturelles qui s'emploient toujours à démontrer ce que le roman n'est pas, ne saurait être. Stupéfait et fouetté. Ce chantier va donc migrer sur-le-champ, voire sur le pré si nécessaire. On va leur faire voir ce qu'un roman peut devenir. Quelques phrases à la fois, sans se presser. Vous venez?



Ah! j'oubliais: trente-huit secondes après votre arrivée, vous serez automatiquement et confortablement redirigé vers la nouvelle page. Ça se fait tout seul! On n'a qu'à admirer le paysage et se laisser aller...

26.7.03

L'immémorial jeu de la séduction (jeu comme langage, économie, négociation, rituel, procédure de mise en présence, astuce de la nature...), ce jeu si sérieux qu'on en meurt parfois depuis toujours, et dont les règles sont immuables comme le pas de la valse viennoise: ce jeu ne change qu'en apparence d'un âge historique au suivant. On danse sur Johann Strauss, en redingote ou en Levi's percés aux genoux, exactement de la même façon. Aujourd'hui, la séduction passe aussi par un réseau de fibre optique, ce qui n'empêche pas l'amour de demeurer obstinément aveugle, bien au contraire. Les gazettes n'en ont que pour la dimension sécuritaire du sexe que procurerait le Net dans un monde d'infections génitales. C'est absurde. Le sexe ne sera jamais sécuritaire, même tout seul, pas tant qu'il se passera dans la tête. Les gazettes ignorent l'évidence que les coeurs et les imaginations ne sont pas protégés dans le maëlstrom des passions cyberspatiales, qu'ils sont exposés comme chairs vives à tous les fantasmes indisciplinés comme à tous les maux de vivre et que l'âme libre qui navigue ainsi dans le noir n'a de pire prédateur qu'elle-même. Les filles et les femmes qui disparaissent après avoir rejoint leur correspondant font la manchette, mais on ignore les légions, mâles et femelles confondus, qui ne sont ni fous ni mal-intentionnés, qui ont le coeur pur et douloureux ou seulement lourd, ces gens bien qui se rencontrent dans le vacuum électronique et prennent un verre symbolique et s'entendent à merveille et se plaisent et initient sans le savoir l'immémorial jeu de la séduction, sans songer à mal et savourant leur bonheur croissant, et laissant ce jeu sérieux échapper au contrôle du sens commun, jusqu'à ce que leur vraie vie ressente les approches de leur existence virtuelle et montre les dents pour défendre ses droits. Vieux conflit, forme neuve. Peine intemporelle.



J'ai deux amis dont je prie pour qu'ils se ressaisissent. Je prie, façon de parler. Faudrait encore avoir la foi, même pas en Dieu, mais au moins dans la capacité des gens de se gouverner eux-mêmes.



Dans un coin du Bunker, trois mètres devant moi, une créature a tissé une toile épaisse qui n'y était pas ce matin. De la taille d'une crêpe, je dirais. Ou d'un océan de colle, du point de vue de la proie qui s'y prendra.

Le chaos sirupeux de la semaine dernière m'avait comme englué le souffle, celui de gémir aussi bien que celui de pousser par écrit de grands soupirs de soulagement. C'est pourquoi, dans cette dernière catégorie, j'avais négligé d'évoquer le passage de Guillaume, et pourquoi je n'ai pipé mot de celui de Jean-François, mon cousin Moran, venu avec sa guitare me présenter notre chanson-fleuve, sans refrain ni couplets, juste un récit ni léger ni triste que fait un homme à ses fantômes aux environs du last-call, qu'il se dédie à lui-même. En l'occurence, la première a eu lieu en haut, chez CGDR, après les feux d'artifice. On était trois à l'écouter, et on tremblait. D'émotion, de plaisir. En profondeur. Pour moi, c'était la rarissime expérience d'éprouver mes mots comme s'ils avaient été rédigés par un étranger, de les ressentir comme pour la première fois, de m'imaginer vierge. Parce qu'un an avait passé depuis que j'avais écrit ça sans le relire, mais surtout grâce à la mélodie, la voix, la respiration, en un mot l'interprétation au sens propre, qui donne une tierce dimension aux mots comme la levure anime le pain. C'est seulement en ces inestimables instants que je peux comprendre (fugitivement) ceux qui me disent doucement l'effet de mes phrases sur eux, sur telle ou telle portion de leur aventure personnelle. Le reste du temps, l'artiste est condamné à demeurer le seul être au monde incapable de découvrir son oeuvre sans idées préconçues, de bénéficier de la surprise, de jouir d'un concours de circonstances, d'aborder ce qu'il offre avec une conscience étale, et rase, et fraîche. C'est là une ironie vache à vomir, un canular comico-sadique, une joke du Bon Dieu, dont on reconnaît d'emblée le style: l'architecte peut concevoir sa maison, la bâtir, l'habiter, l'ébéniste peut construire son lit et s'y coucher, mais l'écrivain lit tous les livres sauf les siens, et le chanteur ne reconnaîtra jamais sa propre voix, et le peintre n'oubliera pas la peinture sous la peinture. Good one, Bon Dieu. Real funny. You're a funny guy. I'm about to shit my pants laughing so hard. I'm about to bust a goddamned gut.



Mais je digresse big time. La guitare, donc, JF, il vient d'apprendre à en jouer. Un an d'efforts, et la corne à la pulpe des doigts pour le prouver. Avant, à vingt-trois ans, il s'était mis au piano. Apprendre le piano à vingt-trois ans. Quand je vois ça, c'est fatal, je m'apitoie sur mon sort: est-ce ma faute si je suis un fainéant doublé d'une tête de mule triplé d'un couard? Guillaume, c'est chaque mois qu'il apprenait quelque chose de neuf: une langue, un instrument, un rituel, un sport, une technique, une cuisine. Heureusement, ça ne retenait jamais longtemps son attention et je pouvais m'imaginer qu'il manquait de focus. Mais au fond, je savais ne pas pouvoir souffrir la comparaison en cas d'examen approfondi: j'étais, je suis une bête de somme munie d'oeillères et satisfaite de trotter dans son pré en broutant du trèfle et des champignons magiques. Le vaste monde et ses langues, ses instruments, ses rituels, ses sports, ses techniques et ses cuisines ne m'intéresse pas. Je n'ai de goût que pour les mots par lesquels on identifie tout ça, en français: les mots dont je peux me servir. Leur orthographe, leur étymologie. A quoi tout ça ressemble, à quoi ça sert, grosso modo mais rien de plus. Comme on disait à Saint-Marc, tu vas pas chier loin avec ça. C'est peut-être pourquoi je vis à un jet de salive de l'endroit où je suis né.



Anne Archet dessine des trucs froids et précis, noirs presque bleus et luisants comme les cheveux de Mandrake dans les vieux comic books, ce sont des mondes symboliques pleins d'espace entre les objets durs et les corps masculins surtout masculins seulement peut-être sont démontés en morceaux et la tragédie débilitante du monde que nous faisons crie de partout sans se plaindre, dans ces dessins. Et je me dis, voilà: cette femme qui écrit si magnifiquement et qui est une authentique libertaire dans sa chair, elle sait dessiner ce dont ce monde a l'air à ses yeux, ses dessins disent pourquoi elle a choisi la poésie et l'anarchie. Moi, en revanche, je n'ai aucun moyen d'écrire pourquoi j'écris. Parce qu'il est impossible d'utiliser le même outil sur la même matière pour décrire deux étapes fondamentales du développement d'une même personne, quand le tenant est la sensible absence de l'outil en question et l'aboutissant l'apparente utilisation de cet outil dont on prétend pourtant qu'il est absent. Un autodidacte célébré pour sa maîtrise du langage peut-il, avec le moindre espoir de convaincre, exprimer le drame de l'ignorance structurelle de sa génération? Et dénoncer la sienne propre, s'il songe à tout ce qu'on a criminellement négligé de lui enseigner? Peut-il avec succès alerter ses contemporains à l'urgence d'agir alors même qu'il semble incarner à lui tout seul l'inexistence du problème qu'il soulève? Toute son éloquence ne servira qu'à dissimuler l'agonie de l'éloquence. Ultimement, la logique exigera qu'on ne sache plus parler pour persuader autrui des périls que court la parole, qu'il ne sache plus nous comprendre, il faudra perdre le lire et l'écrire pour qu'un illettré adresse à un autre une missive bien sentie s'inquiétant du cours des choses. Absurde à un bout, absurde à l'autre et sans substance au milieu: ce fil de réflexion me contraint depuis longtemps, aussi sûrement qu'une chaîne soudée à un piquet planté dans un champ, quand elle mène à un collier coulant qui ceint le cou d'un grand chien jaune. Je suis ce chien qui tourne en rond, l'herbe pâlit puis disparaît sur son circuit, ça devient fou un chien comme ça, je le sais bien j'en ai eu trois. Fou d'ennui, mais fou surtout de confusion. Il comprend pas qu'on lui fasse ça. Il comprend pas qu'on le tue pas, qu'on l'attaque pas franchement, qu'on lui laisse pas la chance de surmonter sa nature aimante et coopérative pour se défendre et crever digne. Ca, c'est le chien. C'est con, un chien. Un homme, c'est sans excuse.

25.7.03

Semaine dernière. Guig débarque avec son portable, un Mac G4 monstrueux de puissance. Pour quelques heures, cet engin est devenu le coeur palpitant du Bunker. Son propriétaire a réquisitionné mes haut-parleurs pour les débrancher de Memory Babe (mon ordinateur) et les relier à Capharnaüm IV (le sien), et ce truc s'est transformé en juke-box de salle de danse de terrain de camping en 1973. Puis, et simultanément, Guig a enclenché le logiciel de montage vidéo et ce truc s'est transformé en studio de post-production: tout le film des Fêtes à Saint-Placide a défilé, clip après clip fondus ensemble sans trace de couture et le plus léger pesait 250 mégaoctets. Puis ce truc s'est transformé en album de photos à faire pâlir de jalousie la bibliothèque d'Alexandrie. Puis ce truc a fait place aux cent premières pages du roman en chantier, et j'ai pu m'asseoir pour les lire, Guig sirotant une Heineken à côté. «Tu te souviens, j'ai dit, quand tu m'as montré Memory Babe la première fois? Il s'appelait encore Capharnaüm, en ce temps-là. Tu n'arrêtais pas de répéter, émerveillé: "Regarde-moi ce tracteur. Non mais, REGARDE-MOI CE TRACTEUR!" Hein, tu t'en souviens? Eh ben mon vieux, regarde-moi ce tracteur, aujourd'hui, à côté de ton char d'assaut...» L'espace d'un instant, j'ai presque cru le voir gêné, comme si c'était sa faute, le progrès. J'ai replongé dans son manuscrit, au titre selon mon coeur et à la gravité pleine d'humour et au ton juste à point et aux types masculins familiers et au personnage féminin poignant, dessiné comme une étude de Kevin, et je suis tombé sur une scène en flash-back qui se déroule au Grand Café, et cet après-midi, passant devant ce qui est aujourd'hui une succursale du Commensal, j'ai senti un subit moton m'éclore dans la gorge comme une fleur empoisonnée.



Memory Babe, indeed. Capharnaüm, indeed. Coeur palpitant, indeed...
Je sors de ces séances intensément satisfait. Ces cinq, six heures de suite, de temps en temps, que Mario et moi employons à réaliser un cyberprojet, lui chez lui, moi chez moi, liés par téléphone et par courriel, certes, mais surtout par une intime connaissance de nos esprits mutuels, si bien qu'il nous arrive de mieux communiquer dans l'absence. Face à face, je parle tant et avec tant d'insistance, et il abuse tellement de sa réserve naturelle, qu'il nous faut parfois dix fois le temps d'un simple échange désincarné pour arriver au même résultat. Son rire en moins, évidemment. On n'est pas des machines, et son rire me manquerait.
Marie-Josée, trop triste, ne voyait pas la pluie. Son nouvel amour virtuel lui avait adressé un Dear Jane e-mail. Elle est venue se changer les idées au Bunker, essayer d'y voir clair. Quant à MSL, elle a bravé l'orage pour venir récolter un complément d'informations et en vérifier d'autres. J'ai passé le reste de la journée troublé comme un ado.

23.7.03

Résolu de graves crises personnelles qui pourrissaient les derniers temps. Avec B, avec JC. La bonne volonté des gens de bonne volonté fait miracle.



Rengagé le Kid à mon compte, maintenant que j'ai les moyens et qu'il comprend un peu mieux les fins.



Pensée du jour: l'Etat prend des libertés avec vous. Les vôtres. Et l'Etat, c'est un peu vous. Une émanation de votre citoyenneté. Est-ce à dire qu'il ne s'agit que d'un transfert confidentiel de la poche gauche à la poche droite, une somme zéro? On ne garde pas la même chose dans la poche droite et dans la gauche, et l'une n'a pas à savoir ce que l'autre contient, à moins que l'inventaire ne soit régi par un cerveau totalitaire...

22.7.03

Dire sa vérité, écrit Mario dans son blog, n'est pas à la portée de toutes les bourses. S'il entend par là les couilles, que certaines sont molles et d'autres en plomb, j'abonde.



Il a le don de dégoter des sites étonnants, originaux, personnels. Et de lier aujourd'hui vers une liste de critiques assassines dont la lecture est supposée nous rassurer sur l'idiotie des critiques. Car seuls des monstres consacrés y sont éreintés, égratignés, étrillés, mis en cause. Peintres, écrivains, musiciens célèbres: la haine éclate en cent fleurs acides.



Or, sortant de tout lire, je me trouve soit d'accord avec les critiques, soit comprenant leur point de vue. En musique, je ne m'y connais guère. En peinture, un peu plus. Ce sont les traits littéraires qui me sont les plus familiers. Mais toutes ces estimations, à mes yeux, sont justifiées dans le contexte de leur temps ou du background de leurs auteurs. Sauf Zola. Ce qu'on dit de Zola pue la mauvaise foi. Mais c'est la seule notice de ce genre que j'ai repérée. Le reste se défend. Quand Balzac dit de Stendhal qu'il écrit mal, qui le contredira? Faudrait être au moins Balzac. Ce qu'on occulte constamment, c'est l'évidence: les critiques en révèlent davantage sur eux-mêmes que sur l'objet de leur étude.

21.7.03

Ca les désoriente et ça les fâche, mais bon: Je n'aimerai plus jamais ceux que j'aime jusqu'à les laisser tenter de m'abolir, jusqu'à leur permettre de pondre leurs oeufs dans ma musculature, jusqu'à les autoriser à grimper sur le dos de mon ombre pour s'épargner des fatigues.



Surtout ne pas voir là une décision subite, qui m'aurait prise plutôt que le contraire, ce soir dans l'oeil d'une tempête sentimentale, chocs et chagrins confondus. C'est une politique élaborée au fil des ans, des expériences, des raisonnements: je m'y tiens depuis longtemps, et davantage chaque jour.



J'avais, fut un temps, bon coeur, et j'étais coulant; j'ignorais la propriété, j'entretenais un constant feu vrombissant dans le foyer de mon regard et j'applaudissais comme un enfant au moindre signe d'intelligence et de noblesse et d'humanité généreuse. Aujourd'hui que mon innocence est en sang, on m'accuserait de l'avoir moi-même assaillie. On n'y serait pour rien, on n'aurait pas été témoin, on passait la soirée au ciné avec le reste du monde entier.



Il s'est fait ça tout seul, c'est sûr; d'ailleurs, il a un dossier d'agressions long comme le bras de la justice. Il prend de la drogue. Il boit de la bière. Il fume. Son innocence, il a dû la violer à la pointe du couteau, puis la laisser pour morte. Qui d'autre aurait eu intérêt à lui faire un mauvais parti? Qui d'autre que lui?



N'aimer rien ni personne, sûr, c'est se sauver bien des soucis. Ca va sans dire, et cependant: à seize ans, j'envisageais ma vie sous cet angle stoïque, soutenu par mes lectures extistentialistes. Puis j'ai senti le danger de passer à côté de l'essentiel, et je me suis dénudé la poitrine, exposant mon coeur, et je me suis insinué dans la jungle humaine, poings serrés mais tête première.



Beaucoup d'eau s'est vendue en bouteilles, depuis. Comme Alice, j'ai vécu de part et d'autre du réel. J'ai appris autant de choses qu'il s'en trouvait dans l'entrepôt du regretté Charles Foster Kane. Pourtant, comme lui, j'ai perdu l'important, oublié la formule fondamentale, you can't go home again et je n'ai ni les mots ni la façon pour communiquer avec mon garçon. Ni ma mère, ni mes soeurs, ni mes blondes, ni mes meilleurs amis. Toute une vie à cultiver les ressources du langage, et aucun progrès notable à signaler. Oh, je sais désormais émouvoir, et inciter à réfléchir, et susciter des plaisirs esthétiques. Ce n'est pas rien, et j'en suis fier. Mais transmettre, exprimer, me faire comprendre, j'en demeure incapable aujourd'hui comme aux pires instants de mes quatorze ans. Annie dit que je suis un écrivain fini. Elle a tort. Je n'ai jamais commencé. Pas encore. Sur ce plan particulier, les vingt-cinq dernières années de ma vie, ce panier dans lequel j'ai placé tous mes oeufs, sont un échec.



Demain matin, j'essaierai à nouveau.
L'émission Francs-tireurs, Télé-Québec. Le Martineau s'indigne du commerce des faux diplômes disponibles par Internet. Pourquoi son compère Ben Dutrisac ne se penche-t-il pas sur les certificats de maîtrise en Lettres décernés par Gatien Lapointe à l'université de Trois-Rivières des années 70 jusqu'au début des 80? Et s'il débusquait quelques dizaines d'imposteurs enseignant toujours la littérature dans les cégeps aujourd'hui?



A l'époque, ces escrocs se déplaçaient ensemble deux fois par mois dans ce qu'ils avaient baptisé «l'autobus à Gatien», allant faire acte de présence en Trifluvie et rendre hommage aux pieds du gourou; aucune assiduité aux cours n'était requise, et en guise de mémoire, pour la forme, s'agissait de déposer quelque chose, comme un poème gribouillé au dos d'un menu ou quelques paragraphes incohérents citant Barthes et Locke et que notre blonde avait rédigés en plus des siens tandis qu'on astiquait sa corvette. Gatien, il faut se le représenter pressé de promouvoir ses disciples avant son assomption: ils se disperseraient aux quatre coins du territoire national et répandraient la bonne parole de la poésie du corps et du moindre effort et du non-sens et de la poétique ignorance et de la divinité des femmes.



Ca a marché. Pour la plupart, ils sont toujours en place, inquiets qu'on les démasque et en même temps croyant presque en leur propre compétence frauduleuse.

19.7.03

Good fucking morning to one and all. Deux trois jours que je rédige des communications délicates comme l'égo d'un papillon, des textes dont le mécanisme fait passer l'horlogerie suisse pour de la construction de cabanes en bâtons de popsicles. J'ai l'esprit en feu (pour de vrai, et c'est très dangereux, c'est la fièvre et ça fait mal, l'esprit qui brûle, quand on le sent se consumer, quand ça sent le chauffé parce qu'il carbure à fond de réservoir sur l'odeur de lui-même).



Faut que je me détende un peu. Que j'écrive juste pour m'amuser. Voyons voir ce sur quoi je pourrais bien me défouler...



Tiens, ceci fera l'affaire.



Des groupes religieux jugent la question du mariages des gais trop importante pour être laissée aux seuls politiciens.
C'est dans La Presse de ce matin, faute d'accord y compris, et c'est accompagné d'une photo de deux mecs qui viennent tout juste de se marier, on dirait bien qu'ils sont contents, on dirait pas qu'ils sont conscients des périls de l'amour promis, en fait on dirait surtout qu'ils viennent de gagner un procès, et c'est bien sûr un peu cela, sauf que c'est pas la même joie, c'est comme les gens qui viennent au monde à Noël, ils profitent jamais tout à fait de leur anniversaire, et je me demande de quoi, dans vingt ans, le couple conservera le plus vif souvenir: la victoire politique ou l'union de leurs vies.



Oui, bon, il paraît que les 8000 membres Québécois de l'Association des Eglises Baptistes et, on suppose, les milliers d'autres qui ne le sont pas, de concert avec les 800 membres de L'Association des Eglises protestantes évangéliques La Bible Parle, il paraît qu'ils ne sont pas chauds à l'idée que le gouvernement du Dominion s'adresse à la Cour Suprême pour faire avaliser, corriger, légitimer, bénir l'avant-projet de loi visant à élargir aux conjoints de même sexe la possibilité de se marier. Moi non plus, je n'aime pas ça. Chaque fois que les élus abdiquent leurs responsabilités en les refilant aux juges, je suis forcé de me rappeler que la démocratie est illusoire et qu'elle ne marche pas, que les gens sont des brutes épaisses et dangereuses, que, laissées à la volonté populaire, les questions de sodomie, d'avortement et de peine de mort auraient trouvé réponse en la pendaison d'Henry Morgentaler dans la cour de Bordeaux, cependant que des homos incarcérés pour raison d'amour, rassemblés au pied de la potence, auraient été forcés d'assister à l'ignoble besogne.



Mais ce n'est pas pourquoi les 8800 croyants syndiqués protestent, ni même parce qu'ils sont protestants. C'est parce qu'ils craignent un avis favorable de la Cour. Ils calculent: On n'accède plus à la Cour Suprême sans avoir fréquenté l'université au moins un peu, donc on est sophistiqué, donc on a l'esprit large, on a vécu en ville, on a lu des livres imprimés après 1952, on mange du fromage troué, on se lave quotidiennement les pieds, on fréquente des juifs à l'opéra, on est biaisé en faveur de l'autorité civile au détriment des édits de Dieu, on prêche pour sa paroisse laïque, à tout le moins on insiste pour respecter la Charte des droits, ce qui est presque du bolchevisme, imaginez, si les gens se mettaient à lire la Constitution, où irions-nous sinon en guerre civile! C'est farci de faussetés, ce torchon satanique, cette Charte maudite, cet instrument du malin, et laissé à l'interprétation d'une phalange de païens, fussent-ils attifés de toges Christian Dior, Dieu sait ce qui peut arriver!



Bien sûr qu'ils ne sont pas contents, les Ned Flanders de ce pays. C'est d'ailleurs leur droit constitutionnel absolu, qu'ils voient plutôt comme un devoir. S'ils s'en torchaient, comme la plupart des gens qui ne sont ni gais ni chrétiens fervents, ils ne seraient pas membres de ces associations. Ils feraient partie d'une ligue de bowling ou d'un club Kiwanis ou de l'Union des écrivains.



Ce qui m'agace, c'est la manoeuvre maladroite, le spin à cinq cennes dont on devine qu'il est le fruit d'un document de stratégie préparé par un ex-journaliste populaire en Gaspésie ou en Abitibi ou dans un trou quelconque et qu'on a mis dehors parce qu'il s'est fait prendre la main dans le sac de ristournes et l'autre entre les cuisses de Gina la fille du conseiller municipal. Il se sera réinventé en relationniste à gages, Can lie, will travel, il se sera improvisé Machiavel des pauvres, offrant des tarifs compétitifs à la portée du plus désargenté des lobbys wannabees, même celui qui représente 8000 Baptistes, à condition qu'il se résigne à coopter encore 800 évangélistes, même s'ils parlent en langues et manipulent des serpents, car il faut bien rassembler les cinq cennes pour le payer.



Il leur aura conseillé de mettre Yawveh en sourdine. Pas sexy, pas porteur, pas vendeur. Il leur aura dit que le moyen d'ameuter les passives populations est d'évoquer une menace moderne qui résonnera dans le coeur de chaque citoyen. «Le chemin de leur coeur, c'est la peur! Mais pas des orages de grenouilles ni des statufications en sel ou des malédictions divines pour cent générations: le monde n'y croit plus, ils rigolent quand on en parle; ça devient de plus en plus difficile de les effrayer, vous savez, faut être créatif comme le diable!»



Puis, ne trouvant rien d'assez épeurant, il aura ajouté: «Ou alors, vous les informez qu'on les prive de quelque chose! Même s'ils en ignoraient l'existence jusque-là, ils se sentiront volés de leur juste butin gratuit, ils rouspèteront, ils demanderont où est leur part de cette chose dont on a parlé à la tévé et dont ils ne se rappellent pas le nom! Je sais pas, moi, on pourrait dire qu'ils sont outrageusement dépouillés par de sinistres canailles de leur droit sacré de se prononcer sur tout et d'exercer leur influence civique et d'exprimer des opinions stupides sur des sujets auxquels ils ne connaissent rien.»



Il aura sans doute voulu savoir pourquoi l'Eglise catholique ne joignait pas sa voix à leur cause et son argent à leur argent. L'argent n'a pas d'odeur, pas même l'odeur de sainteté. On lui aura répondu qu'il n'y a plus de Catholiques en Nouvelle-France, même si on murmure que certains subsistent dans la clandestinité, maquisards de Jésus.



Ils auront approuvé ce leitmotiv: «La redéfinition universelle et historique du mariage ne peut être changée sans le consentement de la population canadienne». Ils passeront sous silence qu'ils se soucient du consentement de la population canadienne comme de la dernière chemise de Yasser Arafat, c'est-à-dire pas du tout. Elle a pourtant bien besoin d'attention, d'un blanchisseur et d'une ravaudeuse et d'un inspecteur du Ministère Palestinien de la gestion des déchets toxiques.



Le plan prévoit aussi que les pieux activistes se retiennent d'évoquer les commandements du Très-Haut, surtout à cause du mot «commandement», tombé en défaveur par un malencontreux effet de mode. S'ils pouvaient dire «suggestion» à la place, suggestion du Très-Haut, alors là ça irait, encore qu'une fois là, aussi bien ne pas tenter le diable et remplacer Très-Haut par Haut, juste Haut, Haut tout court: ça fait plus accessible, plus modeste, moins snob, les Québécois aiment leurs idoles humbles et simples, ordinaires jusqu'au délire, en fait le mieux serait de l'appeler Moyen, voilà c'est ça, faut adapter le message au marché: plutôt que «les commandements du Très-Haut», dites «les suggestions du Moyen». Du Très-Moyen, si vous voulez. L'important, c'est qu'il reste naturel, sans prétention, un dieu du peuple, quoi, qui ne se prend pas pour un autre, qui se mêle de ses affaires, qui est très généreux et gentil, qui nous reconnaît quand on le croise au dépanneur, un dieu pas compliqué qui nous ressemble, qui prend sa petite bière sur le balcon, qui passe les fêtes en Floride, qui est du bord de José Théodore.



Ces pauvres gens de si bonne foi sont au fin fond du désespoir. Ils écopent avec un gobelet tandis que le navire prend l'eau de partout à la fois. Le pont déjà est submergé, mais ces malheureux tentent toujours de sauver les mâts, croyant ainsi éviter le naufrage. Ils ne voient pas qu'ils ont déjà sombré corps et âme. La famille, la cellule clanique, cet immémorial rempart contre la tyrannie, a cédé sous les assauts bien avant le mariage gai. Se concentrer sur ça, ce phénomène périphérique, c'est pathétique. Ca trahit le désarroi touchant et la cécité convenue des derniers descendants de Luther. Le mariage de deux hommes dévaluerait le leur, j'imagine que c'est cela qu'ils craignent, sans s'admettre que le mariage ne signifie plus rien depuis trente ans au moins, et que les hommes, fifs ou pas fifs, n'en sont pas la cause. S'ils veulent vraiment attirer l'attention de Joe Blow dans son salon, qu'ils lui disent donc pourquoi il a soupé d'une pizza surgelée passée au micro-ondes, pourquoi il paie une pension alimentaire pour des enfants qu'il ne peut jamais voir, pourquoi son ex-femme travaille vingt-cinq heures/semaine au salaire minimum comme caissière dans une Caisse Populaire afin de ne pas se faire reprocher par ses copines et par les magazines de ne pas avoir de carrière, de ne pas être épanouie, d'être une misérable femme au foyer qui ne sait rien faire de mieux qu'élever ses enfants. Qu'on explique à Joe Blow pourquoi son petit gars lui arrache sa cigarette de la gueule quand il vient en visite, qu'on lui dise que c'est l'Etat qui est le vrai papa de cet enfant, même si c'est Joe Blow qui paie, que c'est l'Etat qui a les droits sur sa personne et sur son sang, que c'est l'Etat qui l'instruit, le façonne, lui inculque ses valeurs standardisées pour le bien de la communauté, et que l'une d'elles est le danger de fumer, et qu'il est correct d'arracher la clope des lèvres de ce vieux type qui se prétend votre parent. Dites à Joe Blow que le gouvernement le maîtrise, qu'il maîtrise son ex-femme, et son ex-fils, et la soeur aînée de ce dernier. Dites-lui que c'est pourquoi on a favorisé leur division. Qu'on n'aurait pu les asservir quand ils étaient ensemble. Dites-lui cela si vous voulez vraiment préserver le mariage, la famille, la liberté, la résistance. Ca fera autant d'effet que de pisser dans une flûte traversière, mais au moins vous aurez tenté quelque chose d'honnête et vous pourrez périr tranquilles en même temps que la civilisation que vous avez aimée.



«Le débat public n'a pas été fait. Les intellectuels et les scientifiques n'ont pas été consultés, n'ont pas pris la parole. Dans ce pays, on passe plus de temps à se questionner sur la couleur de la margarine qu'on peut en passer à redéfinir la notion du mariage», déplore le porte-parole du groupe.



Plein de marde. Depuis quand les Protestants se soucient-ils de consulter les intellectuels et les scientifiques? Ils font toujours à Darwin le même sort que les Catholiques réservaient à Galilée. Le temps est passé de redéfinir la notion du mariage. Elle s'est redéfinie toute seule, en s'éteignant paisiblement dans l'apathie béate de tous. Le chien est mort et ne reviendra pas. Faut l'enterrer dans la cour et s'acheter un poisson rouge.



«Quant au public, M. Lanthier perçoit qu'il ne réalise pas la portée du geste que s'apprête à faire le gouvernement.» Sans blague?

18.7.03

L'infâme projet progresse comme prévu, voire avec de l'avance sur l'implacable échéancier. Le sinistre et scientifique processus de subjugation des hommes, leur animalisation et l'organisation de la liberté rêvée par chaque tyran depuis Hammourabi. Le moyen, enfin, de dominer ce chien d'homme sans qu'il se tourne et te morde un jour futur. Le pouvoir sur l'être humain en masse, avec son approbation, avec son appui enthousiaste et résigné. L'esclavage plébiscité par les esclaves, la servitude désirée comme ultime triomphe de la civilisation. Le consensus de la sécurité qu'on érige en idole.



C'est un plan étalé sur cinquante ans, pour autant que je puisse en juger. J'estime qu'environ 60% de ce temps est déjà écoulé, considérant qu'on peut situer le début de sa mise en oeuvre peu après le Watergate. Sans un brutal désenchantement, suivi d'un cynisme viral, irréversible et proliférant, les conditions gagnantes du final assaut contre la nature humaine n'auraient pu être réunies. L'essence de la formule éprouvée si souvent n'a pas tellement changé, en fait: (c'est une formule améliorée, semblable en cela aux détergents à lessive miracle qui blanchissent vos sous-vêtements plus blanc que blanc, fût-ce à l'eau froide et lourde et sale, et malgré que vos sous-vêtements étaient imprimés de complexes motifs chinois aux vifs coloris et que c'est un cadeau de votre blonde et qu'elle va vouloir savoir où diable ils sont passés) infantiliser un peuple, récompenser son ignorance, le traire et le distraire et l'engraisser, puis lui instiller la peur, la terreur d'un péril extérieur indistinct, puis enfin lui offrir confort et protection en échange de sa liberté. Embellir les barbelés à grands renforts de publicité décérébrante: on ne change rien du tout à l'aspect matériel des barbelés, on vise plutôt à modifier la perception que l'homme en a, on lui martèle dans le crâne que les barbelés sont beaux, inoxydables, beaux, symboliques, beaux, made in Québec, une invention d'un petit gars de chez nous, mais vous ne trouverez son nom nulle part dans les livres, un sale Américain lui a volé son brevet à ce qu'il paraît, en tous cas ils sont beaux, modernes, déchirants, la Corée nous en achète, ça veut tout dire, ils s'y connaissent en barbelés les Coréens, et c'est vrai qu'ils sont beaux, c'est sans conteste les plus beaux barbelés du monde, des plus beaux j'en ai pas vus, et post-modernes par-dessus le marché, et en plus ils nous protègent contre le péril extérieur, et en plus ils sont beaux!



Avant d'implanter une puce d'identité dans le corps des humains, faut leur assouplir la colonne en faisant valoir comme ce sera utile chaque fois qu'ils se rendront à l'hôpital. Votre dossier médical tout entier contenu sur une puce de la taille d'un grain de riz, qui dit: «Dans le métro, sous une calèche ou devant une bétonneuse, ils pourront trébucher puis quitter ce monde en paix, sachant qu'ils se trouvaient sous la protection de l'Etat et qu'on identifiera leurs restes en peu de temps. Un accès rapide aux infos sur votre état peut sauver des vies! Songez-y: plus de portefeuille à traîner, plus de cartes encombrantes, plus de danger de se faire hold-uper en sortant d'un guichet automatique; l'argent est virtuellement enregistré dans votre bras, et la rumeur se répand jusqu'aux petits blousons de cuir du village voisin, aussi repoussants qu'ils sont ingrats, aussi ingrats qu'ils sont graisseux: ils ne vont pas vous agresser, sachant qu'ils ne vont rien trouver sur vous en cash, à moins qu'ils ne se fâchent et qu'ils vous tuent, on sait jamais, mais alors le coroner saura déjà votre nom avant de vous autopsier! C'est une question de dignité... C'est une question pratique... Prenez votre temps... Jouez avec l'idée, devenez son ami... La puce protège votre famille de ces anciens maux: Ne plus savoir son nom, oublier son portefeuille à la maison... Pouvez-vous vraiment courir le risque de ne pas vous rappeler votre nom, comme cela frappe un Américain sur deux? N'aimez-vous pas votre famille? Pour aussi peu que le prix d'une tasse d'eau de javel par jour, vous aussi pouvez vous faire implanter une puce d'identité et contribuer à la lutte au fléau que représente l'amnésie dite «de Cotroni» ou «Old Vic» (Ré: «M'en rappelle pus. Va fa enculo.», audiences de la CECO, pages 102 à 803, Annexes XI, XIII et MCMLII). Aidez-vous à nous aider à vous identifier. Tous ensemble, nous défendrons nos libertés chèrement acquises contre les Terroristes qui volent nos cartes de crédit pour louer des 747 armés jusqu'aux bancs et dès qu'arrive le Ramadan ils crissent leur camp on est pogné avec le bill. Notre philosophie est simple comme le gros bon sens de grand-mère: si on ne conserve rien de précieux à la maison, on n'attire pas les voleurs. Nous croyons que le même principe rafraîchi s'applique aux terribles temps que nous traversons aujourd'hui. Les terroristes nous encerclent, ils sont partout sur nos frontières, le regard cruel et la mousse aux lèvres. Ils veulent voler nos libertés, peut-être même les violer, ce sont nos précieuses libertés qu'ils jalousent et ont pour projet de détruire. Leur cèderons-nous nos libertés sacrées, aussitôt qu'ils feront irruption ici en brandissant des cimeterres? Citoyens, confiez vos libertés au gouvernement! Ce n'est pas une renonciation irrévocable, comme le clame faussement une certaine propagande anarchiste financée par l'étranger: c'est comme si vous placiez vos intérêts en fidéi-commis entre les mains de vos propres élus! Ottawa prendra grand soin de vos libertés, qui seront stockées dans un lieu tenu secret protégé par nos forces armées, le temps de résoudre la crise actuelle, mais pas un jour de plus! Aussitôt gagnée la guerre au terrorisme, Ottawa vous remettra vos libertés avec des intérêts! Vous avez notre parole. Nous mettons nos sièges en jeu. Et cetera, et cetera.



Avant d'implanter une puce GPS dans le bras des bébés, laisser couler quelques années comme un bain chaud: pendant ce temps, rassurez les gens, rassurez-moi. Affirmez sans rougir en nous regardant dans les yeux que ça servira à retrouver nos gosses quand ils sont kidnappés par des prédateurs sexuels et à les retrouver plus tard quand ils feront des fugues et plus tard quand ils se perdront en montagne lors d'un voyage de pêche et plus tard enfin lorsqu'ils seront vieux et confus et oublieux du chemin de l'hospice. Dans un monde de plus en plus trouble, il est si rassurant de savoir qu'on peut être repéré n'importe où dans le monde par satellite en cinq secondes. Ne plus jamais être perdu! Ne plus jamais être seul! Ne plus jamais être hors de portée de quiconque veut nous contacter! Merci, GPS.



Si je vis jusqu'en 2024, le monde de ma vieillesse n'aura plus rien de commun avec celui de mon enfance, l'ère finissante de l'innocence et des balbutiements, le moment critique dans la vie de l'humanité, quand la technologie se mit à créer le besoin plutôt que d'en procéder, et qu'on fit le pari d'essayer ça, sans retour possible en cas d'erreur. Le plus marrant, c'est que si nous nous anéantissons, il n'y aura personne pour nous pleurer ou nous juger ou se moquer de nous. Le concept même d'histoire n'aura été qu'une aberration au glacial plan cosmique, un produit du cerveau humain, comme le lait vient des mammifères.

17.7.03

Attention! Ce qui suit n'est qu'une grossière et translucide parabole, un message encrypté, une pochade fonctionnant à divers degrés, afin que chacun y trouve son compte, du premier concerné au dernier des mongols...



Ce qu'il y a, c'est un os. Une sorte d'os. Une manière d'os, de caillou dans la chaussure, de bâton dans la roue, de cheveu roux coincé entre le slip et la cuisse du mari d'une brunette (par exemple).Facteur humain maudit, comme ça finit toujours par survenir, fuckant les plus subtils desseins des souris et des hommes.



J'ai un ami, voilà, un ami que je ne connais pas tant que ça, pas tant que lui me connaît moi, c'est la nature de mon occupation, d'être vu sans voir et non le contraire comme on le croit paresseusement, c'est idoine à l'essence même de la publication que l'une et l'autre des parties se tiennent de chaqué côté d'un miroir sans tain, chacune sachant que l'autre Invisible la dévisage et que l'économie humaine et que le sens de la vie dépendent en immense et gravissime partie de ce qu'ils tiennent chacun leur rôle un jour de plus, le temps d'un plan-séquence, d'un cameo, voire d'un fugace, d'un avare plan de coupe. La vie humaine comme un misérable, un frauduleux express d'Halloween de semi long-métrage, où chacun défile à tour de rôle derrière et devant la caméra, troquant son masque et son chapeau contre ceux, identiques, du voisin sans jamais voir la différence,




La fuite de l'enfance



Par les jardins anciens foulant la paix des cistes,

Nous revenons errer, comme deux spectres tristes,

Au seuil immaculé de la Villa d'antan.



Gagnons les bords fanés du Passé. Dans les râles

De sa joie il expire. Et vois comme pourtant

Il se dresse sublime en ses robes spectrales.



Ici sondons nos coeurs pavés de désespoirs.

Sous les arbres cambrant leurs massifs torses noirs

Nous avons les Regrets pour mystérieux hôtes.



Et bien loin, par les soirs révolus et latents,

Suivons là-bas, devers les idéales côtes,

La fuite de l'Enfance au vaisseau des Vingt ans.




NELLIGAN

16.7.03

Le postillon était porteur d'heureuses nouvelles, ce mercredi. Le genre de nouvelle qui réjouira mes créanciers. Et mes lecteurs. Et les peddlers de paradis.



Le projet Goth n'était hier encore qu'une proposition; ce soir, c'est devenu un engagement. Je l'aurais écrit de toute façon, mais il y aurait eu davantage de scènes comprenant du macaroni au fromage.
J'ai consacré une partie de la nuit à fignoler une circulaire, soignant chaque détail avant d'appuyer sur SEND, et quand je l'ai finalement fait, ce fut pour m'apercevoir que le site intermédiaire l'avait acheminée tout croche. Quelques centaines d'abonnés vont s'éveiller ce matin et me lire en pensant que j'ai perdu la raison.



Je ne peux les joindre tous à temps pour rectifier la situation, mais je n'aurais pu non plus aller dormir sans avertir, sans divertir, sans essayer de m'en sortir(!...).



C'est pourquoi j'inclus le lien ci-dessus vers le texte entier, et que je vais me coucher.





15.7.03

Ce site connaît une telle chute de fréquentation depuis le début des mythiques vacances de la construction que j'en viendrais presque à imaginer mon lecteur-type sous les traits d'un soudeur de charpente qui siffle les mignonnes à l'heure du lunch.
Succulente soirée à Pointe Saint-Charles. Auparavant, on est passés à Saint-Henri chez Diane, la récente amie de Hans, afin d'aller déposer ses deux huskies aux yeux blancs. Elle habite une petite rue étroite au pied de la montagne dont les maisons semblent tout droit sorties de Bonheur d'occasion.



Chez Marlène et Bruno, ma surprise fut totale. Pas tant le loft immense jonché d'oeuvres d'art en développement (dont des assemblages de bouteilles d'Amaretto équarries, formant des espèces de châssis en verre dépoli: la matière première provient du bar du casino où Bruno officie, six cents flacons en tout), que la cour intérieure, vaste, forestière, pratiquement le Paradou de Zola, où la nature avait repris ses droits, défonçant le revêtement d'asphalte. Partout, des sculptures de fer corrodé montaient la garde comme autant de spectres métalliques dans la pénombre. On a soupé de pizzas faites maison dans ce décor champêtre et tribal, au milieu des moustiques qui se repaissaient de nous malgré les torches qui nous éclairaient/voilaient en répandant une fumée huileuse.



J'ai pu mesurer le succès de l'intervention mammaire quand Marlène et moi sommes allés acheter des cigarettes. Mon amie ayant demandé des allumettes au type du dépanneur, il s'est empressé de lui en fourrer douze cartons dans la main. Douze!



Au retour, frère Hans et moi, on chantait Let the sun shine in à tue-tête dans la bagnole équipée d'un pare-brise tout neuf, et je contemplais les étoiles à travers le toit-soleil. Diane, partageant la banquette arrière avec ses chiens, se massait les tempes en souriant douloureusement.

14.7.03

Marlène est remontée de Floride, le temps de se faire augmenter les seins. Ce soir, Hans passe me prendre et on va souper avec elle chez son nouveau galant. Histoire de se rendre compte de visu si ça fait une grosse différence. Je soupçonne qu'elle ne pourra plus s'insinuer dans la robe bleue lamée qu'elle portait quand je l'ai rencontrée, et qu'elle a conservée. En ce temps-là, elle sortait avec Dan et servait du scotch dans un bar du Vieux. Ca pourrait faire cent ans.
Songé un horrible songe. Léo. Je le revoyais et il refusait de m'adresser la parole. Puis, Marie-Françoise: à peine moins pire. D'autres, enfin, tout un défilé aux visages indistincts. La nuit comme un long, absurde et cruel procès.

13.7.03

Kerouac n'a pas été le seul écrivain franco-américain à révolutionner les années 50. On oublie trop souvent (Marie) Grace (de Repentigny) Metalious, l'auteur de Peyton Place: huit millions d'exemplaires vendus, davantage que Gone with the wind. Le Canada en avait interdit l'importation...



Elle est morte à trente-neuf ans d'une cirrhose du foie, dans la misère et l'alcool bon marché.
Les feux du Portugal faisaient dur. On aurait dit l'exposition d'un savoir pyrotechnique pré-Marco Polo, la technologie de la Lusitanie. Musique pop et sirop. Suis parti avant la fin.



J'avais monté une assiette de pâté à CGDR, qui me l'a rapportée nettoyée vers minuit. Lui, très ému: «T'es le seul qui ait jamais fait ça pour moi dans le building...»



Faut croire que j'étais bien tombé, cette fois.

12.7.03

guig.gif



L'autre soir, au dépanneur, quand Mario m'a fait remarquer que la photo de Guillaume en couverture de L'Actualité (à l'intérieur, on trouve un portrait puissamment brossé de Montréal telle qu'elle peut se frotter au poitrail d'un homme) était une pièce montée au Photoshop, je me suis rebellé: Guig ne m'aurait jamais menti, et il m'avait affirmé avoir passé deux heures à Dorval pour obtenir la bonne prise...



J'ai dégainé mon cell et j'ai appelé Guig: à travers les bruits de fond du bar où il faisait bombance, je l'ai entendu confirmer l'altération: à l'intérieur du magazine, cependant, il n'y a pas de triche.



Il a ajouté qu'il venait de parler avec Marie-Sissi, laquelle l'avait appelé pour étoffer son article de fond sur ma pomme. «J'ai été fair», il m'a dit. Fair. Pour lui ou pour moi? J'ai grincé des dents. Et s'il gardait les bons morceaux?



Hans vient de m'appeler, après avoir conversé une demi-heure avec MSL, et je suis rassuré. Hans et Guig se sont toujours contrebalancés dans mon existence, dans mon coeur et mon esprit, même et y compris le soir où ils m'ont sauvé la vie.



Invité Hans à partager mon pâté chinois (purée patates et carottes). Se trouve qu'il participe à un triathlon demain. Un triathlon? Un triathlon. Juste l'épeler, ça m'essouffle.



Invité Guig. «Sorry, qu'il s'excuse, je suis déjà en route vers un autre souper. Raincheck?»



J'ai réalisé qu'il me causait en conduisant.



«T'es pas fou? Tu te rends compte de ce qu'on me ferait, s'il t'arrivait quelque chose au volant pendant que tu me parles?»



Il a rigolé; il a lâché, nonchalant: «Ca serait bon pour toi!»



Putain de merde... J'aurais le coeur brisé à vie pour cet imprudent qui s'imagine que j'ai besoin qu'il crève pour me faire une réputation.



«J'ai mis des carottes dans les patates», ai-je ajouté, découragé. Il a dit, très cool: «Oui, moi aussi je fais ça». Capable de me contester jusqu'à mon pâté chinois.



Mario est passé me porter du tabac. J'étais à la bibliothèque. Merci du fond des poumons.
Beau samedi maussade, parfait pour rattraper le temps perdu cette semaine, puis le doubler.

11.7.03

Mal aux cheveux. Hier, dégustation de Black Bull avec Mario, qui avait les pieds ronds en rentrant à Longueuil. On fêtait l'obtention de son (second) permis de conduire...

10.7.03

Les pauvres ont grise mine parce qu'ils lessivent leurs fringues pâles et foncées en une seule brassée.
Indice d'insatisfaction à la hausse: les ventes d'alcool au Canada augmentent pour la quatrième année consécutive. En tête: le Québec et le Yukon. Le Yukon!

9.7.03

1900, mon film favori de tous les temps: une grossière et superbe algarade communiste, et Depardieu et De Niro, et Olmo sauvant la vie d'Alfredo, né en même temps que lui, en affirmant que le patron est mort. Juste le genre de symbolisme taillé à la hache qu'on reprochait à Steinbeck. A la fin, ils se tiraillent comme les vieillards dans un film de Dom Camillo...



Ce qui est toujours surprenant, évidemment, c'est que les acteurs n'aient pas vraiment vieilli ainsi que se le représentait le maquilleur. Je ne sache pas non plus que les logiciels de vieillissement virtuel du FBI, destinés à identifier d'anciens fugitifs, connaissent un grand succès. Le fait est qu'on ne sait pas ce qui s'en vient, et que notre face en est la première surprise. Exception à la règle: en regardant la mère, on a une assez bonne idée d'à quoi ressemblera la fille.
Lunch avec Turgeon et ma trouvaille pour Graal, venue spécialement de l'Ile d'Orléans pour prendre langue.



Souper avec mon père et mon fils, moi dans le rôle du Saint-Esprit.



Entre les deux, bocks à la terrasse d'une brasserie. Une belle blonde passe, traînant une voiturette chargée de toiles et de chevalets. Me fixe, s'arrête. «Tu es l'écrivain?» fait-elle. «Ca m'arrive», je réponds. «Moi, je peins. Des portraits. Sur Prince-Arthur. Oh, je veux te FAIRE! Viens, viens avec moi. Que je te FASSE!»

8.7.03

Me suis finalement résolu à faire venir un technicien de Vidéotron, avant la prochaine grève. Mon modem ne sait pas que celle-ci est finie. Anyway, j'en ai eu pour mon argent: ça ne m'a rien coûté. Il va faire un rapport...
Réalisé le second volet de mon entretien avec Marie-Sissi. Ou du sien avec moi, c'est selon. Ce coup-ci, sa beauté soufflante m'a aidé à me concentrer plutôt que de m'en empêcher. Marrant: j'ai beau cultiver le recul, on n'en a jamais assez. Preuve en est que jeune fille, m'apercevant dans la rue, elle me suivait à distance. Pas de danger que j'aurais regardé derrière moi. Aujourd'hui, je parie que c'est elle qu'un jeune homme suit.



XYZ a réédité Vautour dans sa collection de poche et m'offre gracieusement les 137 exemplaires restant dans la collection Typo. Vais faire des cadeaux. Tu parles d'une aubaine! 137 copies de mon meilleur roman!
Une perle subsiste

Sur le souvenir de ta joue

Je ne sais l'effacer

Au retour des plongeons

Dans le rêve où je nous

Retrouve

Une perle persiste

Un petit océan

De sel et de regrets liquides.

6.7.03

Les forces de l'ordre s'en sont donné à coeur joie cette nuit, en armures de plexiglas, à expulser du parc Lafontaine la centaine de manifestants qui y avaient planté des tentes pour réclamer des logements sociaux. Dans le ciel, cependant, des millions partaient en fumée d'artifices.

5.7.03

Bertrand est passé juste à temps, entre deux rendez-vous galants, pour qu'on monte assister aux pétarades italiennes émouvantes chez CGDR. La voix de Domingo, illuminée, m'a fait frissonner les omoplates.
Dormi sur la balcon, à la fraîche, dans les fientes de pigeon. Qui dit que ma vie n'est pas palpitante?

4.7.03

Mario m'enjoint d'arrêter de journaler, avec la même énergie qu'il mit jadis à me faire commencer. «Je te l'ai répété cent fois!», qu'il dit. Menteur.



Et il chiale après Kevin. Comme Eric. Comme tout le monde. Trouve que j'y suis allé trop fort. «Je m'ennuie de Kevin! Ouskilé Kevin? Si seulement toi et Kevin...»



Je lui réponds de fermer sa gueule, d'aller passer dix heures avec Kevin semblables à nos dernières et de revenir m'en parler, je lui dis que toute la peine qu'il peut éprouver ne se compare pas aux fissures dans mon coeur. Puis je le serre dans mes grands bras et j'embrasse sa face de berger anglais.



Guillaume a livré sa première repartie, savoureuse. Un second entretien est en train.
Mario doit passer chercher le second rapport de lecture de son manuscrit. Ca risque de le foutre en rogne pour dix jours encore. Faut du temps pour s'endurcir la couenne à ces choses-là, pourtant si arbitraires et ne reposant que sur des opinions souvent fondées sur la qualité de la digestion.

3.7.03

Tour du chapeau. Michel Vézina revient à l'assaut de Vacuum dans le Ici d'aujourd'hui, pour la troisième fois, chacune requérant plus d'espace. Je ne serais pas autrement surpris de faire l'objet d'un cahier spécial jeudi prochain. Cela dit, c'est une critique honnête et pertinente, et le fait que je ne sois pas d'accord ne lui enlève rien.
L'entretien par courriel avec Hans avance bien. Il s'y prête avec toute la générosité que je lui connais et davantage. Par ailleurs, j'attends toujours les réponses de Guillaume et Louis. J'espère qu'ils ne réfléchiront pas trop.

2.7.03

J'ai pris le parti de tout dire et tout montrer à Marie-Sissi, en souhaitant à voix haute qu'elle n'en rapporte rien, cependant que le magnétophone ronronnait. Cette envie mortifère de faire confiance et de se confesser, d'avouer, de s'expliquer, et qu'on nous protège contre nous même. J'ai dit des choses, par exemple, à propos de ma mère, que j'espère ne pas retrouver dans l'Actualité de septembre. J'ai dit des choses à d'autres propos dont je ne me rappelle pas au juste la teneur, et qui doivent être pires...
Et puis je fume. Je me mets en combustion. Je suis parti depuis vingt-deux ans et je vis toujours chez mes parents.
Les jours fuient en frôlant la catastrophe. Je dors seize heures par cycle en laissant tourner des documentaires sur Staline. Je suis marié à mon ventilateur. Je suppose plus de choses que je n'en sais. Je tousse. Je flotte sur la crête de réels illusoires. J'écris comme on se ronge les ongles.