13.12.02

Eu connaissance de l'existence d'un mémoire de 122 pages récemment déposé à l'Université de Montréal par Maude Laparé: L'inscription du littéraire dans Vamp de Christian Mistral et La Rage de Louis Hamelin. Chargé Kevin de mettre la main dessus. Apprendrai peut-être quelque chose.

12.12.02

Le silence de mon enfant me tourmente, cela ne va pas nécessairement sans dire. Des tas de choses ne vont pas sans dire, quand on y pense; surtout les nécessités. Donc, le silence de ce petit salaud me blesse et je n'ai pas le caractère qu'il faudrait pour le dissimuler. Pas la force de faire semblant que je m'en fous, ce qui l'inciterait à changer de tactique au cas où. Il me manque et tant pis si ça lui fait plaisir.



Cela dit, m'est avis qu'il requiert un respect à sens unique que je suis bien incapable de lui donner. Je n'ai jamais donné de respect à personne. Petit, ma mère exigeait le respect et je refusais de le lui accorder, comme ça, à l'oeil. A fallu qu'elle le gagne, et aujourd'hui je serais bien en peine de nommer quelqu'un ici-bas que je respecte plus que ma mère. Alors, hein, moi qui ne pouvais même pas respecter ma propre mère gratis, je le ferais pour mon fils?



Au jeune poète qui m'écrit: Nous marchons ensemble quelque part le long d'un caniveau, avec des ailes qui nous font faire des bonds d'extase: Si nous marchons ensemble le long d'un caniveau (dedans, c'est toujours le long de), il ne saurait s'agir du même. Ainsi, je porte l'ancien anneau d'un citoyen romain, le même que ce citoyen portait, pourtant ce n'était pas l'ancien anneau d'un citoyen romain pour ce citoyen romain, c'était juste son anneau. Les caniveaux, c'est pareil. Quand on en part pour s'élancer, c'est un caniveau. Quand on y retombe après avoir léché les étoiles, c'est un autre caniveau. Même si c'est le même caniveau.

11.12.02

Yeux pleins d'eau et d'émotions démodées.



Demain, Kevin doit passer ses deux derniers examens, en plus de remettre une lettre au prof qu'il apprécie le plus dans laquelle il expliquera pourquoi il échoue à livrer la marchandise échue, et tout son subit affaissement me porte à croire que l'ancien gardien de but bantam s'apprête à donner son 50%. Certes, c'est toujours 50% de plus que ce que j'ai fourni moi-même à l'époque où j'ai décidé de tout laisser tomber, mais ça demeure moitié moins que ce que j'attends de lui.



De quel droit attends-je cela? Fuck! Du droit de celui qui aime. Du droit du raté sage. Du droit de celui à qui on n'a rien dit garçon et qui n'écoutait rien de toute façon. Du droit du mentor à qui on a menti autrefois et qui veut rompre le cycle et réparer.



Le soulagement! Le grand flatulent OUF!Je le connais intimement, cet allégement de l'être entier, quand on a décidé de larguer ses devoirs sans ameuter les populations... Mais le regret aussi, je le connais, ce germe d'incertitude attaché à la facilité, qui croît en un long doute rongeur visqueux, qui mine les fondations mêmes de la décision et des réussites ultérieures, le ferment du syndrome de l'imposteur!



D'une part, mon fils imite mes plus irritants exemples: partir, durcir, férir (les murs); le kid se fait une idée du métier d'homme loin de moi, il se guide sur des impressions romantiques et des souvenirs désincarnés.



D'autre part, Kevin constate tout de ma misère de visu, misère émotive, intellectuelle et financière, allant jusqu'à la partager de bon coeur, or qu'a-t-il trouvé à retenir des cent matins où je me suis levé pour lui percoler un café avant de rectifier sa cravate et le regarder partir pour l'école? Cet abruti sanguin de Madelinot du christ n'a rien trouvé de mieux à retenir que le goût de faire pareil et d'embrasser la misère romanesque.



Enfin, demain, il fera néanmoins de son mieux, parce que je le lui ai demandé et qu'il l'exigera donc de lui-même une dernière fois. Cinquante pour cent de son mieux, c'est encore assez pour obtenir la note de passage. Mais je songe à ces légions de doués qui décrochent chaque année, épuisés de solitude, écoeurés de ramer dans un carré de sable: la plupart ne prennent pas cette sérieuse tangente (cf. Petit Robert: Fig. Prendre la tangente, s'échapper par la tangente, se tirer d'affaire adroitement en éludant la difficulté par un faux-fuyant) entre deux sessions, dans la sérénité. La plupart plongent à deux semaines des examens finaux, écrasés par une réalité soudaine dont ils ne soupçonnaient ni le poids ni la sournoiserie. C'est une tragédie sans cesse renouvelée qui n'est pas reflétée dans les chiffres des ministères. Et merde!



Et merde...



Bon, eh bien, c'est comme ça, il veut être écrivain, qu'il le soit, mais alors qu'il soit bon, qu'il devienne le meilleur en second (pour le premier la place est prise), et qu'il ait la chance quand sa foi faiblira de trouver quelqu'un sur son chemin qui lui sera ce qu'il est pour moi.



Mon doux cousin est passé m'embrasser et glisser quarante dols dans mon poing.



Le monde est laid, mais tant qu'il reste du beau monde... Le monde est mauvais, mais tant qu'il reste du bon monde... Le monde est...



Ouais, bon, vous comprenez ce que je veux dire.
Hans m'informe que ma crise du logement est terminée. «C'est fou ce que les lettres Me devant un nom peuvent faire comme effet!»

10.12.02

Le destin de ma poésie est décidément de finir aux poubelles. Les Muses m'adressent de grands signes. Aujourd'hui, j'ai écrit à Vanasse, lui annonçant que je passerais reprendre le manuscrit de Fange et Furie pour le remettre à Bertrand Laverdure. Or, André, n'ayant pas de mes nouvelles depuis des semaines, venait juste de le confier à la récupération...



À quatorze ans, j'ai pédalé jusqu'au rang 30 pour remettre à Marie-Claude ma première plaquette imprimée à compte d'auteur, qui lui était dédiée. Luc, son frère, m'a avoué plus tard qu'elle l'avait brûlée dans la grange sitôt après mon départ.



Au moins, c'était sans la lire.
Rêve cochon dans un bureau. Décoinçage de petites secrétaires. Un bureau? Y ai travaillé deux semaines en 1983, à aiguiser des crayons, mais enfin, c'est étrange.
Flotte encore sur ma conversation avec Hélène. Me sens comme une jeunesse. Excité, terrifié, l'appétit renouvelé.



On a dormi au Bunker. K s'étonne de n'être pas plus abîmé par son absorption. La bagosse, boisson miraculeuse?

9.12.02

Travaillé tant soit peu à Origines, puis suis monté aux Catacombes à la rescousse de Kevin: l'animal se tuait à boire la bagosse tout seul.



Donné un coup de plonge dans la cuisine d'Augias. Mon pote en était à utiliser la porcelaine de sa grand-mère. Et tout en torchant j'ai compris pourquoi Léo, dans le temps, faisait de même pour moi: il voyait que la vaisselle sale était sur le point de me subjuguer, et il m'aimait.



C'est là qu'Hélène m'a rejoint sur mon vieux cellulaire pour me dire qu'elle venait de terminer la lecture du Journal en entier. Deux semaines qu'elle cherchait à entrer en contact avec moi, pas foutue d'utiliser le courrier électronique, moi qui commençais à croire qu'elle cherchait les mots qui me feraient le moins de peine, mais non, j'avais tout faux, elle adore, c'est son mot, j'adore, sacrée bonne femme de jugement sûr, et voilà, d'ici peu de grands changements sont susceptibles de survenir pour ma pomme!
Premier matin sans surcroît d'angoisse depuis deux semaines. Comme si j'avais oublié mes bagages dans mon sommeil. Envie de paraphraser Laetizia Bonaparte: «Pourvou qué ça doure!»

8.12.02

Hans sort à l'instant. Va s'occuper des administrateurs du building pour moi. Semble apprécier la bagosse de Kevin. Vais lui envoyer la recette.



«Comment te remercier?» ai-je demandé, gêné, et lui, laconique:«Écris!»
Mon coeur est un pain de plastic dissimulé sous un gibus calamistré.

7.12.02

Mon coeur est un chien roux qui ronge une mâchoire de mouton à l'ombre des palétuviers.

6.12.02

Petit courriel de Justine:



Christian, j'ai une demande spéciale. J'aimerais une page de ton journal qui ne soit dédiée qu'à l'amour. Rien d'autre que l'amour. Celui que tu n'as pas, celui qu'on t'a donné, qu'on veut t'enlever, que tu as oublié, que tu caches, dont tu rêves... Pour toutes les femmes qui te lisent. Pour toutes celles qui n'osent pas te le demander. Un cadeau d'avant Noël.



Je veux bien essayer, Justine, ma douce. Mais sais-tu bien ce que tu demandes?



Enfin, allons-y. J'ai aimé et j'ai été aimé. Il faudra que je parle au passé parce que je n'éprouve plus les choses comme avant, avec confiance et advienne-que-pourratisme, et l'innocence qui est de l'ignorance bienheureuse.



Quand le ciel juridique m'est tombé sur la tête, j'ai commis l'erreur de protester que j'aimais les femmes, et on m'a cruellement tourné en dérision pour cela. Or, le temps a passé et force m'est de reconnaître que je ne les aime plus autant qu'avant, en grande partie parce qu'elles s'aiment rarement elles-mêmes.



Mais bon, j'ai aimé, hein, faut pas croire. Aimé si douloureusement que l'émail de mes dents se fendillait comme un vitrail de cathédrale dans un tremblement de terre. Et puis légèrement, béat, en d'estivales orgies de chair joyeuse et aussi parfois l'hiver, engoncé avec elles dans la chaleur du foyer.



Celui que je cache, je n'en parlerai pas. C'est toi, celui que je cache! Et puis je suis un drôle d'écrivain, car j'ai appris très tôt à ne rien mettre par écrit des choses de l'amour. Plus homme qu'artiste, disons.



Celui dont je rêve trempe mon lit la nuit. À mon âge, c'est pas mal.
J'ai de drôles de cauchemars, qui sont aussi des rêves.



Il faut comprendre que K et moi jouissons de cette rarissime faculté d'ordinaire réservée aux vieux couples et aux jumeaux: pouvoir lire l'esprit de l'autre, le deviner, l'anticiper, le ressentir.



Or, j'onirise que ma bouche est scellée et que l'on me calfeutre et que Kevin comprend juste à travers mes yeux qu'il faut me tirer de là quoiqu'il advienne.



Comment Moïse et le buisson ardent communiquaient-ils vraiment? Cette chose suppliait-elle cet homme de l'extraire de sa condition?



5.12.02

Dormi dix-huit heures pour apaiser le nerf de ma molaire. Réveillé avec une plaie de lit. Can't get a break.

4.12.02

Signifié à Éric qu'il était temps de se lever et de marcher. De partir. Que le Saigneur me pardonne: je n'ai plus le gros coeur. Comme celui de Kevin, je veux dire. L'ai eu. Ne l'ai plus. S'est racoutillé comme peau de chagrin.
Doublevé (bouche) avalera-t-il l'Irak d'ici au jour de l'An?



CNN précise que les USA se réservent le droit de ne pas tenir compte de l'absence de preuves accablantes de weapons of mass destruction dans les chaussettes de Saddam: les USA détruiront tout en masse anyway.

3.12.02

Après que j'eus désinfecté le petit orteil d'Éric (irrité au sang par frottement, et ce grand bébé craint déjà la bactérie mangeuse de chair), puis appliqué un diachylon (emplâtre agglutinatif employé comme résolutif), il m'a aidé à procéder à la cérémonie de concoction du pâté chinois (épluchant douze patates et un oignon) que Kevin viendra dévorer avec nous vers vingt heures, sitôt sorti du focus group où il va gagner 35$ en pérorant sur les vices et vertus d'un nouveau jus (d'orange).
Écrire l'histoire d'un homme qui aime la littérature, la bière et la liberté.
Long lost week-end tordu comme un trombone. Temps de remettre le pied à l'étrier. Saut dans la douche. Sali le savon.



Comme chaque fois que j'interromps le Journal quelques jours, l'indice de fréquentation grimpe en flèche. La tribu s'inquiète. Moins j'écris, plus j'ai de lecteurs!



Éric récupère sur le divan, en pleine dépression post-party. Moi connaître. Par coeur.