3.4.10

Fisc, fisc rage

Le fisc québécois vient de saisir la totalité des droits d'auteur que Boréal s'apprêtait à me verser pour l'année écoulée. S'agit pas d'une fortune, juste de quoi payer le loyer du Bunker, changer de lunettes, emmener Emcée au TNM où l'on donne Huis-clos puis à La Banquise pour claquer les sous qui restent sur une frite partagée.

Rien donc qui soit la catastrophe, même pas une petite: aux étudiants en création littéraire qui aspirent à en faire métier, on devrait aussi enseigner les arcanes du loyer, comment jongler et avaler du feu et parcourir le fil de fer et voltiger de trapèze en malaise sans filet, conter fleurette aux femmes à barbe et se contorsionner comme une Chinoise prépubère et bonimenter comme un marchand d'huile de serpent: le Cirque du Soleil pourrait s'associer aux Facultés de Lettres, Laliberté serait enchanté, Péloquin un peu moins, héhé...

Bref, j'y suis rompu depuis longtemps, aux acrobaties de l'abri, je suis un funambule du logement, un magicien du vestibule et un Hercule d'appartement. À ce chapitre, donc, celui du chapiteau, je n'ai aucun souci.

Renoncer à voir la pièce avec ma douce m'écoeure en crisse, vu qu'on s'en faisait une fête depuis des mois, que je lui ai communiqué l'envie de voir et d'écouter, de découvrir et d'éprouver cette oeuvre que je connais intimement, qui a beaucoup compté pour moi, que j'ai aimée dans ma jeunesse de toute la virulence bouillant dans mon esprit alors et de toute la timide tendresse dissimulée dans les volutes de vapeur en flottaison sifflante entre l'intellect-alambic et le shack de mon crâne. Mais c'est pas ça qui troublerait Emcée, que l'huis reste clos ce coup-ci au TNM, elle ne poussera aucun soupir de déception, ses commissures n'esquisseront même pas un frisson vers le bas.

Les barniques attendront, tabarnak. J'ai le nez long, il reste de la place pour ajuster celles que j'ai à la bonne focale. Et pis les frites, on s'en fera. So fuck it.

14 commentaires:

Sandy P. a dit...

Assemblez quelques amis, achetez à rabais le texte du Huit Clos, et faites une représentation-maison, sous le grand chapiteau !

C'est votre Emcée qui sera heureuse.

Danger Ranger a dit...

Le fisc, c'est des saigneurs, au service des Saigneurs, comme chacun sait mais tolère comme des larves. On n'en sortira jamais: la nature humaine est telle que la masse cherche systématiquement à assimiler ou détruire toute exception, chacun de ses soldats renonçant ainsi en s'en vantant à la sienne propre, croyant même y être exceptionnellement pour quelque chose.

Délivrez-nous de cette engeance.

Mistral a dit...

Ça me rappelle la blague de Desproges à propos du journal Minute: je fais lire à Emcée la lettre du fisc et elle aura La Nausée et Les Mains Sales pour pas un rond!

Kevin a dit...

M'est avis que notre discussion d'hier a un peu de ces répercussions dont pouvons tous apprécier les perles : "le shack de mon crâne", merde, Christian, je t'aime.

Ma main,

Kevin

Mistral a dit...

Moé itou, brother.

Blue a dit...

Tout "cheval"de cet espèce peut nous faire tourner bourrique n'es-ce -pas mais ne t'as pas clos la langue pour autant pour notre plus grand plaisir, plus d'une perle dans ce concentré là!

Pat Caza a dit...

fisc fucking suck
hang on !

Yvan a dit...

Si dense que l'on pourrait
discuter chacun des sujets
abordés pendant de longues
minutes qui passeraient comme
des secondes.

Si le TNM est intelligent,
il ajoutera des supplémentaires
au-delà du 10 avril qui affichent
toutes "complètes".
La liberté n'est pas toujours
intelligente cependant,
souvent elle pose dedans
ou à sa surface pour contempler
sa propre image.

S'il existe une fondation de l'Eau,
à quand la fondation de la Lettre?
Il en aurait aisément les moyens
pour compenser ses voltiges
stellaires ignorantes
de la vie quotidienne
d'un artiste écrivain,
musicien,cinéaste,peintre,
sculpteur,scénariste,acteur.
Autants de fondations nominées.

Mais encore...
Ce serait déjà ça de pris,
à défaut de tout régler.

Le plumitif a dit...

Non mais c’est quand même beau de voir l’indéfectible zèle avec lequel l’État de droit ou de raison ou de je sais pas quoi au juste mais de fait, en tout cas, où nous marinons béatement veille à une contribution juste et équitable de chacun au maintien du bouillon qui ramollit juste ce (et ceux) qu’il faut pour que les plus patentes aberrations deviennent trop nuancées, trop complexes pour être simplement envisagées parce que voyez-vous madame chose et monsieur machin, là, on a pas le temps de niaiser, y faut créer de la richesse, pis ça presse, mais on va quand même prendre le temps de ramasser ce qui vous reste de garnottes vu que y a pas de petit profit (juste de petites gens comme ki disent)…

Ce qu’on devrait surtout apprendre à ceux qui veulent faire le métier d’écrivain, c’est qu’un métier, ben, c’est d’abord un métier tout court avant d’être celui d’écrivain ou de n’importe quoi. Quand on rémunère quelqu’un pour qu’il rapporte plus que ce qu’il coûte à celui qui le paie, ça, c’est une job (ouain, c’est comme ça que ça marche icitte, job c’est féminin, mandez moé pas pourquoi, icitte c’est d’même, point final). Un métier, c’est autre chose, dans un certain sens en tout cas, mais ce sens-là n’a plus cours dans notre économie – ou sinon en la considérant d’un point de vue très élargi mais qui n’est manifestement pas celui d’un ministre des finances, exemple; bref, c’est peut-être un peu chien, ou dur en tout cas, mais le sens véritable de ce que c’est que d’être écrivain ne surgit que quand l’écrivain en question ne peut plus compter sur son talent pour s’en tirer sans trop se fouler. C’est quand écrire pour répondre à une commande, si subtile et dissimulée soit-elle, dont il attend un nanane social le mène dans un cul-de-sac, celui-là même qu’il est au plus profond; c’est quand il n’y a plus d’autre issue que celle qu’il doit inventer (puisqu’on parle de Sartre…) et qu’il persiste à écrire pour la créer, cette issue, qu’on ne parle plus d’une job, ni même d’un métier, mais de littérature (sans majuscule ni rien non plus là – y s’agit pas de remplacer une divinité par une autre quand même)…

Bon, ça se peut que je collectionne les lieux communs et que je parle à travers mon chapeau d’idéaliste à la con (heu… plutôt une calotte en fait, anyway…) mais tout ça pour dire que je me demandais quand vous disiez, dans un commentaire plus bas, n’avoir plus un livre comme Vamp en vous, si vous vouliez simplement dire qu’une certaine incarnation de Mistral appartenait désormais au passé ou que vous ne sentiez plus en vous l’ardeur d’écrire aujourd’hui un Vamp qui correspondrait à celui que vous êtes devenu. Mais là, en quelques mots – même si ça n’a apparemment aucun rapport, vous venez de m’assurer que la deuxième éventualité n’en est certainement pas une.

(sans être devin, y a quand même des forces tranquilles - qui ne l’ont d’ailleurs pas toujours été - qui ne mentent pas, me semble, non?)

Mathyas Lefebure a dit...

On appelle ça un "fisc fuck".

Mistral a dit...

LYES!!! J'aurais aimé y penser, à celle-la!

'nique a dit...

Mince consolation je l'avoue, mais ce Huis-clos était de l'ordre du tout juste passable. Pascale Bussière était ignoble à souhait.

J'aime mieux me la jouer dans ma tête en lisant le texte, bien honnêtement.

Mistral a dit...

LYES! Merci, ça fait du bien!

Les extraits télévisés m'avaient en effet donné cette impression...

'nique a dit...

L'extrait télévisé était bien meilleur, puisqu'il avait le net avantage de ne pas durer plus d'une heure. ;)