31.3.02

Sué toute la sainte journée pour maîtriser Blogger, ce canasson rétif: le mettre en ligne en me concentrant sur le processus, et surtout pas sur le contenu, puisque somme toute j'ai toujours été contre le Journal comme genre (cette idée de dire la vérité! D'écrire sa vie pendant qu'on la vit!). Mais voilà, on dirait bien que ça marche, comme si j'avais percé de vastes apertures dans les murs et le plafond de mon studio, de béants jours livrés à tous les regards, et que je me tenais là, fier, si fier de savoir me servir d'un marteau-pilon...



Regardé Trudeau à CBC. Ça m'a rappelé qu'à mon âge, Bourassa était Premier Ministre du Québec. Me suis aussi demandé si le viril "Just watch me!", voire la loi des mesures de guerre, ne découlaient pas directement du "Trudeau la tapette" évoqué dans le Manifeste du FLQ et qu'il fut forcé de laisser diffuser. Demander son avis à Lanctôt.
Sais pas ce qui m'a pris de promettre à Script que j'apprendrais Pâques à New York par coeur pour le lui déclamer à son retour de la Grosse Pomme. Ferais mieux de m'y mettre.



LES PAQUES A NEW YORK

Blaise Cendrars



Seigneur, la foule des pauvres pour qui vous fîtes le Sacrifice

Est ici, parquée, tassée, comme du bétail, dans les hospices.



D'immenses bateaux noirs viennent des horizons

Et les débarquent, pêle-mêle, sur les pontons.



Il y a des Italiens, des Grecs, des Espagnols,

Des Russes, des Bulgares, des Persans , des Mongols.

Ce sont des bêtes de cirque qui sautent les méridiens.

On leur jette un morceau de viande noire, comme à des chiens.



C’est leur bonheur à eux que cette sale pitance.

Seigneur, ayez pitié des peuples en souffrance.



Seigneur dans les ghettos grouille la tourbe des juifs

Ils viennent de Pologne et sont tous fugitifs.



Je le sais bien, ils t’ont fait ton Procès ;

Mais je t’assure, ils ne sont pas tout à fait mauvais.



Ils sont dans des boutiques sous des lampes de cuivre

Vendent des vieux habits, des armes et des livres.



Rembrandt aimait beaucoup les peindre dans leurs défroques.

Moi, j'ai, ce soir, marchandé un microscope.



Hélas! Seigneur, Vous ne serez plus là, après Pâques!

Seigneur, ayez pitié des juifs dans les baraques.



La rue est dans la nuit comme une déchirure,

Pleine d'or et de sang, de feu et d'épluchures.



je descends les mauvaises marches d'un café

Et me voici, assis, devant un verre de thé.



je suis chez des Chinois, qui comme avec le dos

Sourient, se penchent et sont polis comme des magots.



La boutique est petite, badigeonnée de rouge

Et de curieux chromos sont encadrés dans du bambou.



Ho-Kousaï a peint les cent aspects d'une montagne.

Que serait votre Face peinte par un Chinois ? ...

Pâques, donc. Odeurs de résurrection. Hier, dîné chez maman pour les vingt ans de Jean-Christian. Surprise: le boss m'assigne un bout de la table, en co-présidence so to speak, et grand-mère s'assied au milieu, face au petit. Je tourne le dos à la fenêtre plein soleil et ma chemise noire chauffe; maman m'offre de me déplacer. Je décline. Ça fait trente-sept ans que j'attends cette place. Je la garde.

À mon fils, j'offre le canif monogrammé de grand-père, relié à une chaîne de montre représentant la famille. Grand-mère est touchée: cet objet, elle l'avait offert à Hector pour leurs fiançailles.