22.7.04

Virus

Pat a attrapé la fièvre. La fièvre du blog. Il poste comme un malade avec sa candeur cruelle habituelle, n'épargnant personne et surtout pas lui-même, entrelardant le tout de tendresses fugaces.

20.7.04

Pas sérieux

Je n'entretiens pas sérieusement ce lieu. Je vois Guig, Hans, et je n'en parle pas. Je cuis dans un four de velours et je n'en pipe mot. JF débarque avec l'envie de boire et on n'a pas un rond, puis Dominique survient avec deux caisses de 24, et motus!

Hier, barbecue avec Sophie, Kevin et Cynthia dans le jardin des Catacombes.

18.7.04

Comme un saumon qui charrie sa chair rose en remontant aux sources

Comme un saumon qui charrie sa chair rose en remontant aux sources, incontinent mais sans malice, instinctif et princier, plein d'expérience, impatient sourcil, souffle succint, comme enfin cette bête belle qui ne se mangera qu'à l'issue d'un noble et généreux combat, je suis reparti dans le temps, cherchant ce qu'elle écrivait, et comment. Prêt à endurer une dose de déception, de relecture éclairée, de propos fades et pondérés. J'aurais coupé, oui, coupé mon senestre annulaire contre l'assurance de parcourir à nouveau ses vieux posts avec l'infrangible joie si rare en lettres. Mais rien ne me laissait soupçonner que j'en reviendrais encore plus troublé, ravi, full planche groupie que la première fois, ni d'autant plus fâché qu'elle s'y mette ou non selon son caprice, ni d'autant plus en christ d'être un poisson qui, goûtant l'hameçon, n'en peut plus de prier Poséidon: «Que je grimpe, que je fasse surface, que je sois repêché, que l'on me jette au fond de la chaloupe et qu'on m'assomme avec la rame, une fois pour toutes!»

Y a pas à dire: elle sait écrire, la petite mère, quand tel spectre l'en empêche ou que tel autre l'en supplie et que ses démons la défient et que je suis ailleurs que là tout à la fois. On croirait pas, en la lisant, le collier d'excuses qu'elle peut vous enfiler dans le cul comme autant de perles rares avant de le retirer d'un coup sec, juste pour ne pas écrire.

Bien certain, ça ajoute au plaisir, d'avoir à sévir en fin de compte. Au plaisir, et au danger. Celui, parmi plusieurs, de me lasser à force de lui expliquer ce qu'elle sait déjà depuis avant qu'on se connaisse, soit: ce qu'est la littérature, la place qui lui revient dans ma zone, les devoirs qu'elle engendre et la ligne au-delà de laquelle je n'en discute pas davantage.

Et donc, je crois qu'aujourd'hui elle écrira. Que moi aussi. Que nous devons chaque jour lire ou écrire ou dessiner quelque chose au même chef que nous faisons l'amour et entretenons nos maisons et mangeons: pas de défaites, pas de ratiocinations, pas de faux-fuyants qui tiennent: vivre, s'aimer, créer comme axe tridirectionnel de notre histoire. Je n'attends pas d'elle ce qui est exigé de moi: mon métier n'est pas le sien. Mais le sien n'est pas ce à quoi nous avons communié; nous n'en partageons ni le langage, ni les silences éloquents. Notre contrat repose sur l'art et ce qu'il cimente entre deux sensibilités, deux perceptions soeurs, deux conceptions voisines; notre baiser scelle une entente esthétique et une entente éthique. Je préfère me priver de la sauter que me priver de la lire: c'est énormément dire, si vous saviez. Je veux jouir de son esprit comme je jouis de son corps et je ne barguignerai pas sur ce chapitre, cette inestimable marchandise, tous ces fruits juteux qui mûrissent en elle dans le verger de sa cervelle.

17.7.04

Cassonade et vin suisse

Faulkner est monté hier avec un vinier offert par un obscur chanteur de l'helvète underground. Puis, avec Sophie, on s'est livrés aux exquis, aux ineffables arcanes de la consolation. Pendant ce temps, là-haut, CGDR se remettait péniblement d'une nuit d'écriture avec Éric Lapointe.

16.7.04

Neverending story

Boudin, orgueil, frousse et territorialité: finalement, c'est une histoire ordinaire. Et ancienne. J'ai horreur des histoires ordinaires et anciennes. Been there, done that. Vais faire une sieste.

Trouble in paradise

Me suis chicané avec ma souveraine soyeuse pour une brosse à dents et un parapluie.

15.7.04

Royaume

J'aimerais pouvoir écrire que j'avance péniblement dans mon roman, mais ce serait un damné mensonge. Je n'avance pas du tout, et c'est loin d'être pénible. L'été se passe entre un ventilateur qui me souffle dans le cou et Sophie qui m'insuffle la vie. Ève et Adam au paradis, dégustant des nectarines et du bleu danois entre deux plongées profondes au royaume de la Connaissance.

12.7.04

La part du lion

Maxime Catellier me fait l'honneur de me dédier un puissant poème.

La part du lion


À C.M.

La fatigue est la cadence du vampire

obus du trouble à contre-pleur
la marge sent la viande
les fées noires tendres
tailleuses
du requin dans la gorge
Malaxeur

un prince fou dévore
dans sa patte un génie s'étripant
presque roi
toi ton château l'ombre flagelle en somme
le coeur tremblant des mesures saignées
le piano droit des formes

quand irons-nous chanter en pleurant
dans les cercles où chasser n'a plus de nom
dans les nuits perpétuelles dans les nuits bues?

Perles, cuvée 2004

Comme chaque année à cette époque, Claude André m'envoie les perles collectionnées parmi les réponses aux examens du Bac sur tout le territoire de la France. Voici les meilleures:

Les égyptiens transformaient les morts en momies pour les garder vivants;

Les amazones étaient comme des femmes, mais encore plus méchantes;

Les empereurs organisaient des combats de radiateurs;

César poursuivit les gaulois jusqu'à Alesia car Vercingetorix avait toujours la gaule;

Clovis mourut à la fin de sa vie;

Charlemagne se fit chatrer en l'an 800;

Les mauvais elèves étaient souvent décapités;

Quand les paysans avaient payé leurs impôts, ça leur faisait un gros trou aux bourses;

La mortalité infantile était très élevée, sauf chez les vieillards;

Les enfants naissaient souvent en bas âge;

Jeanne d'Arc n'aimait pas trop qu'on la traite de pucelle;

L'armistice est une guerre qui se finit tous les ans le 11 novembre;

Les nuages les plus chargés de pluie sont les gros cunnilingus;

Les américains vont souvent à la messe car les protestants sont très catholiques;

La Chine est le pays le plus peuplé avec un milliard d'habitants au km carré;

Pour mieux conserver la glace, il faut la geler;

Le passage de l'état solide à l'état liquide est la niquéfaction;

Un kilo de mercure pèse pratiquement une tonne;

La climatisation est un chauffage froid avec du gaz, sauf que c'est le contraire;

Autrefois les chinois n'avaient pas d'ordinateur car ils comptaient avec leurs boules;

Les fables de La Fontaine sont si anciennes qu'on ignore le nom de l'auteur;

Les français sont de bons écrivains car ils gagnent souvent le prix Goncourt;

Les peintres les plus célèbres sont Mickey l'ange et le homard de Vinci;

Le chien, en remuant la queue, exprime ses sentiments comme l'homme;

Les lapins ont tendance à se reproduire à la vitesse du son;

Pour faire des oeufs, la poule doit être fermentée par un coq;

Grâce à la structure de son oeil, un aigle est capable de lire un journal à 1400 mètres;

Les calmars géants saisissent leurs proies entre leurs gigantesques testicules;

Les escargots sont tous des homosexuels;

L'artichaut est constitué de feuilles et de poils touffus plantés dans son derrière;

Le cerveau des femmes s'appelle la cervelle;

Après un accident de voiture, on peut être handicapé du moteur...


Sarah, la compagne de Claude, jamais en reste, m'envoie cette bonne blague:

Le petit Sylvain vient de se faire prendre par son papa en train de boire de l'alcool en cachette. Le papa a décidé de lui faire une leçon de morale. Il entraîne Sylvain dans le jardin, emmenant avec lui un verre de whisky et un verre d'eau. Il prend un ver de terre et le laisse tomber dans l'alcool. Puis il prend un autre ver et le laisse tomber dans l'eau. Le lombric dans l'eau reste vivant alors que celui du whisky se tord sur lui-même quelques instants et meurt. A la fin de l'expérience, le papa demande :
- Alors Sylvain, quelle leçon tires-tu de ce que je viens de te montrer ?
Et Sylvain lui répond fort justement :
- Heu, ça montre que quand on boit de l'alcool, on ne risque pas d'avoir des vers...

9.7.04

Prolégomènes à ma poésie pour toi

Ton cul, mon coeur, ton cuistre
Étendu pour le compte,
Après que tu l’aies bouché
Si superbement,
L’embrasse.

Quand j’emplis le palais de tes joues,
Tu m’avales en réfléchissant...

Tu m’as mouché, j’en suis content
(toi et le grand Petit Robert);
J’en suis si fier, c’en est marrant :
Je te sens prête à recevoir.
Je sais qu’on va enfin pouvoir
Parler de prose et progresser.

7.7.04

Second début, enfin

Elle est venue se reposer ici, on a dormi ensemble pour la première fois. Considérant qu'on est amants depuis novembre, ça stupéfie. On fait ça de la même façon, en souveraineté-association: un oreiller sous le bras en guise de toutou.

6.7.04

Renouveau

Lundi midi, c'est life as usual, quelques heures plus tard la vie bascule. Ce soir, Kevin repeint le Bunker, je dépoussière mes livres et mes bibelots et Sakurako se repose dans ses nouveaux pénates du Vieux-Montréal, que nous avons baptisés jusqu'à l'aube.

3.7.04

Devoir

Michel Lapierre souligne avec éclat la parution de Vortex Violet chez Boréal, en une du Cahier Livres du Devoir ce week-end.

L'UNEQ et moi

De façon triplement atypique, j'ai attendu trois semaines avant d'envoyer la lettre qui suit, et j'ai consulté des gens, et je la publie.

Montréal, le 9 juin 2004

M. Pierre LAVOIE
Directeur général
UNEQ

Objet : votre troisième et dernier avis de renouvellement de cotisation, en date du 1er juin courant.


Monsieur,

Ayant beaucoup réfléchi, pesé, tergiversé, j’en suis venu à décider de ne pas renouveler mon adhésion à l’UNEQ cette année.

Cette expérience, à laquelle j’ai attendu douze ans après ma première publication professionnelle pour me prêter, aura duré le temps de deux cotisations. Je suis devenu membre pour un an parce que j’avais perdu un pari avec un vieil ami que je respecte infiniment. Je le suis demeuré une autre année pour preuve de ma bonne foi.

Franchement, je me sentais aussi, je me sens toujours une façon de dette envers les fondateurs de l’UNEQ : leurs revendications, les acquis arrachés de haute lutte comme par exemple le contrat-type ou le droit du prêt public, m’ont facilité la vie. C’est pourquoi je me suis toujours rendu disponible, membre ou pas : ainsi lors de l’inauguration de la Maison des Écrivains.

Mais le fait est que je ne me sens guère à mon aise dans cette structure de discours collectif. J’ai été choyé, si l’on veut : ma carrière s’est déroulée de telle manière que mes livres et leur auteur n’ont jamais manqué de reconnaissance ni d’influence, celle-là même qui permet de négocier fermement et de faire respecter ses droits. L’idée que des écrivains moins bien servis puissent voir d’un mauvais oeil que je bénéficie en plus de leur activisme solidaire m’est pénible. Par ailleurs, la dernière assemblée générale m’a confirmé dans mon malaise : on y a vu lutter toute seule une auteure régionale peu connue, qui revint bravement par trois fois au micro pour solliciter le concours de SON syndicat, chaque fois rabrouée, chaque fois enterrée par les arguties aiguisées d’un poète rompu aux arcanes du code Morin. Cette auteure n’en revenait pas : elle croyait vraiment que son cas particulier recevrait le soutien naturel de ses pairs.

Il était clair qu’elle, bien que démunie de chacun des moyens dont je dispose (notoriété, accès facile et régulier aux éditeurs et aux médias littéraires métropolitains, présence sur Internet, ambition agressive, illusions à néant et un certain talent inné pour la mythomanie), il ressortait clairement, dis-je, qu’elle n’avait pas là sa place. Tout comme moi et pour la même raison, au fond, puisque nous étions équidistants du centre, du noyau dur de l’UNEQ, dont nous ignorions tous deux de quoi au juste il était fait.

Au party d’huîtres, il y a deux ans, je me suis fait une chère amie et j’ai renoué, approfondi mes liens avec des camarades, et ce seul soir valait largement le montant de la cotisation. Le livret rose orangé sur la négociation du contrat, ça aussi, j’étais content de payer pour. Le maintien du site L’ÎLE m’apparaissait comme une chose bonne et utile, même si je grimaçais au fait que nous n’ayons pas accès aux documents à vendre nous concernant.

Maintenant, outre qu’il n’y a plus de party d’huîtres et que le coût du livret est amorti, je constate que l’ÎLE n’est guère plus qu’une coquille vide : à cette adresse, un lecteur curieux ne trouvera rien sur moi qui ressemble à un dossier de presse, pas même un renvoi à mon propre site officiel ni à mon blog, lesquels comblent cette lacune à mes frais.

Je me suis porté volontaire pour contribuer au comité sur la liberté d’expression, mais on n’a pas cru bon recourir à mes lumières. Je ne le mentionne que pour éviter qu’on assimile la présente aux récriminations de quelqu’un qui voudrait tout recevoir sans rien apporter en retour. Le fait est que je ne suis pas amer, que mes raisons sont celles-là sans plus, sinon aussi celle de l’argent : être à l’aise, j’aurais rempilé sans rouspéter, mais ma situation actuelle me force à faire des choix quand il est question de 101,23$, et je ne suis pas autrement fâché que ma gêne financière m’ait forcé à me pencher sur les considérations qui précèdent.

Enfin, votre lettre se termine sur l’espoir que je continuerai «de faire partie de la grande famille des écrivaines et des écrivains québécois», juste après le rappel du montant de ma cotisation en souffrance, ce qui me touche et m’offre la joie de vous rassurer sur ce point : je compte bien continuer, que mon nom figure ou non à l’annuaire de l’Union, en formulant le voeu fervent que d’aucuns persisteront à me reconnaître cette qualité en dépit de mon apostasie.

Cordial et allié de coeur,



Christian MISTRAL




c.c. Bruno ROY, président.

Wild one

Brando mort, qui reste-t-il d'aussi vaste et dément, d'aussi puissamment original et personnel pour toute la durée du combat? De Niro et Depardieu tournent trop, tournent tout, Pacino n'en peut plus, Gabriel Arcand ne tourne pas ou si peu et si tard. Brando mort, je mesure toute la distance entre le monde du Tramway nommé Désir et le nôtre: dans l'un, Blanche DuBois est une curiosité fragile, dans l'autre, elle est la norme implacable, et on peut se réjouir que les Stanley Kowalskis épais et monstrueux tels que décrits par Tennessee Williams soient en voie de disparition, mais on peut aussi s'affliger que le Stanley sensible et dur tel qu'incarné par Brando n'ait pas fait davantage de petits. Un monde empli de Blanche DuBois est un asile d'aliénés. Un monde privé de Marlon Brandos est une froide machine à feindre l'aliénation. Pour n'avoir pas pu se résigner à ce que le cinéma le rende étranger à lui-même, il demeurera une sorte de fou dans le souvenir des siècles.

1.7.04

Le rat dans la bergerie

Avant de répondre à ceux qui veulent savoir si j'écrirai sur des sujets politiques, j'attends qu'on me dise si la loi sur la littérature haineuse s'applique à Stéphane Dion. Qu'on m'accuse de couardise si l'on veut, mais le fait est que mes affaires vont plutôt bien ces temps-ci et qu'avant de traiter publiquement quelqu'un de mangeux de graine, de licheux de cul, de courtisan castrat invertébré, d'homuncule et de crachat sur la face de la Création et de larbin pervers et de pustule sur la peau de la Terre, je préfère prendre quelques précautions élémentaires.

30.6.04

Side lines...

Ce qui m'inspire confiance en l'avenir littéraire de notre culture, c'est que la nouvelle mouture d'écrivains ne se planque pas dans l'enseignement pour gagner sa croûte. Catellier, poète et critique pigiste, vend des légumes à l'ombre d'une strophe de Gérald Godin. Vigneau repeint des bureaux de poste. Vigneault sert de la gnôle. Et Marie Hélène Poitras, romancière et journaliste pigiste, est cochère. Cochère!

Elle m'écrit: Je suis passée très vite à vélo à côté de toi toute à l'heure, j'avais rendez-vous, puis ensuite je me suis dit que j'aurais du arrêter au moins pour te dire que là, les lundis, dans le Vieux-Montréal en calèche, je conduis un petit trotteur américain, il est tout petit mais c'est le plus rapide et il a un ego hallucinant, il veut pas qu'on le dépasse, que ça soit un cheval ou un truck, ça le met en crisse on dirait, et quand on est pris sur une rouge, il danse sur place, comme s'il attendait le signal du début de la course, c'est mon préféré, il me donne des montées d'adrénaline, et si tu te pointes en fin de journée, vers 19h45-20h, je peux te ramener jusqu'à l'écurie, un lieu inspirant et glauque, sombre, avec des chiens méchants, des roulottes, des chats effrayés, des mauvais esprits pris dans les poutres du garage, un lieu infect qu'il vaut la peine d'arpenter.

Si je rate ce coche-là, je suis celui qui n'est pas assis à l'orchestre quand on fait danser les couillons. Les lieux, je les ai toujours visités d'abord, romancés ensuite. C'est la première fois qu'un écrivain m'offre de mettre les pieds dans un endroit esthétisé a priori.

29.6.04

Parlons Net

L'embargo est levé sur le bref entretien que j'ai accordé à OldCola à propos de la pratique du blog.

La paix du castor

Visionnant une copie piratée de Fahrenheit 9/11, mon fils de 22 ans en sécurité à mes côtés, contemplant ces petits gars tués ou estropiés pour enrichir une poignée de vieux salopards qui lèchent leur peigne avant de carder leurs cheveux gris, je me suis surpris, nonobstant l'issue des élections fédérales, à me réjouir d'être né en Canada.