19.4.03

Jésus est-il vraiment ressuscité, ou est-ce que Pâques n'est qu'un très vieux poisson d'avril?
Hier, Mario m'a apporté deux copies papier de son roman Accroires, une pour Kevin, l'autre pour moi. Il en a remis une troisième à Bertrand Laverdure, rencontré dans le métro. La machine littérature tourne. Ai recommandé au Lemoine de se reposer deux ou trois semaines avant qu'on s'enfonce les dentiers dans sa prose.

18.4.03

Passé la nuit dans le cosmos du manuscrit de Mario, livré tout chaud, cinquante mille mots sur écran cathodique, les yeux me sortent de la tête et le coeur me sort du thorax, il a travaillé comme une bête et c'est bon, je crois, je pense, je me fais pas confiance, pas encore, il a besoin que je sois impitoyable et sans passion pour être sûr que j'aime ce que j'aime, enfin la tribu de nous trois s'y mettra, lui pis moi pis le Madelinot, on va fesser dans le tas de texte et voir ce qu'il a dans les tripes et essayer de le décrisser phrase à phrase et s'il tient par dieu on fêtera le roman de mon pote.
Jasmin, cette grise guenille de fils de pute, évoquant mon livre dans son Journal web: «Origines (Trois-Pistoles, éditeur) du jeune batteur de femme, Christian Mistral. Des aveux, une confession, un conte fou.» Pour lui, Guillaume Vigneault sera toujours le fils de Gilles, et moi l'enfant de mes condamnations. J'ai si hâte qu'on soit tous morts depuis cent ans, histoire de mesurer ce qui reste.



En attendant, j'aurais aimé qu'il me dise ça ce week-end à Québec, au lieu de me faire des yeux de poisson mort. Il serait revenu avec les idées plus claires sur ce que je suis disposé à battre si on m'y force.
Le Éric s'est résigné à s'endormir sur le sofa, vu que je refusais de le laisser sortir dans cet état. Le Kevin s'est gréé d'un clavier flambant neuf («lactescent», m'écrit-il) et ça m'est d'un grand réconfort, car je ressentais les premières morsures du manque. Sa passion exigeante pour Cynthia conjuguée à sa récente incapacité de m'écrire me causaient un certain désarroi, et je crois que c'est ce qui l'a poussé à abréger sa phase retour au Moyen-Âge: peut-être aussi s'ennuie-t-il de mes lettres, car quelle que soit la technologie employée, il faudra toujours donner des nouvelles pour en recevoir.



La Dominique est passée. On a parlé bizness. En partant, elle a demandé: «Vas-tu écrire que je suis venue?» J'ai répondu: «Oui, bien entendu.» Elle a poussé un soupir exaspéré: «Je vais encore recevoir quatre e-mails demain avec l'extrait de ton Journal et un point d'interrogation ou d'exclamation ou quelque chose, quatre crétins qui s'imaginent que je suis pas au courant!»



C'est ta faute, je réplique. T'as qu'à leur dire de se mêler de leurs affaires. C'est quoi, que tu leur dis?



Je leur dis rien, elle avoue. Ou alors je leur raconte que tu as créé un personnage, moitié moi, moitié fiction.



Ah bon, je rétorque. Alors, y a pas de problème.

17.4.03

Jean-Christian semble abattre du bon boulot chez Trait d'Union, ce qui m'emplit de fierté et de satisfaction. Il a appris un nouveau mot: népotisme.
Rogers a enregistré une hausse de revenus de 16% dans sa division sans-fil au cours du premier trimestre. Directement attribuable, j'en suis sûr, au paiement de ma facture.



Le constant report de la sortie de Vacuum (dernière date: mi-mai) m'irrite fort, surtout parce qu'on ne m'en avise pas et que je dois sans cesse aller aux renseignements.



Je m'en lave un peu les mains en me plongeant dans la lecture de Chesapeake, par James Michener.

15.4.03

Il m'écrit, sous le titre Petite rectification: «Je t'envoie ce mini-courriel pour te dire que Éric McComber a publié un roman chez Triptyque intitulé Antarctique, et non un recueil de poésie, ergo, il doit donc être considéré comme un romancier. Mais je comprends que l'on puisse aussi utiliser le terme de "poète" comme Aristote l'utilisait dans sa Poétique. Je te laisse le bénéfice du doute.»



Il me laisse, à moi, le bénéfice du doute. C'est si délicat de sa part que je n'ai guère le choix d'en faire autant, et c'est pourquoi je tais son nom. Peut-être a-t-il trop bu. Peut-être a-t-il soupé de fruits de mer avariés. Il doit avoir une bonne raison pour faire semblant de croire qu'il faut avoir publié un recueil de poèmes pour être poète, et que la publication d'un roman fait d'un homme un romancier à l'exclusion de toute autre qualité, et que je vais tolérer sans réagir incontinent qu'on intervienne ainsi dans ma relation avec la langue française. La Poétique d'Aristote, calvaire. Bénéfice du doute, indeed.
Rouge orage hier sur l'anti-pays. Dimanche, Gaston L'Heureux m'avait déjà fourni des chiffres semblables, qu'il tenait de Bernard Derome, et Gaston soudain portait bien mal son nom...



Enfin, l'épouse du nouveau Premier Ministre n'est pas vilaine à regarder.



Quant à la campagne d'Irak, elle est à peu près finie, et si Bush peut se retenir un mois d'avaler la Syrie, je pourrai peut-être mener ma propre campagne pour Vacuum en paix.



Samedi, au stand, un caméraman s'est campé derrère moi, un genou en terre. J'ai dû m'y reprendre à trois fois avant qu'il consente à me révéler pour qui il travaillait: Mario Dumont et son entourage approchaient, et on espérait tourner du métrage pour les infos de six heures. J'ai décliné, éberlué: ou bien ma cote remonte, ou bien Mario savait déjà qu'il allait perdre big time et se fichait de tout.



En retournant à l'hôtel, j'ai croisé McComber, à qui j'ai dit en blaguant que j'étais là incognito. «Moi, répondit-il, je serai toujours incognito».



«On sait jamais, Éric, ça pourrait changer!» lançai-je avant de m'éclipser. Le lendemain, j'apprends que le poète était passé au Canal Nouvelles pour avoir refusé de serrer la main de Mario. Depuis le matin, trois adéquistes l'avaient déjà insulté en plein Salon. Le début de la gloire.



Le plus drôle, ce week-end, c'était quand Michel Chartrand venait nous visiter. Jasmin et lui commençaient à s'engueuler gentiment à propos de Nathalie Rochefort et soudain cent, cent cinquante personnes s'agglutinaient devant le stand (Victor-Lévy: «Vous savez, on a aussi des livres!»). Kevin, parti chercher de la bière, revenait et, voyant ça, craignait que j'aie créé un esclandre...



Sitôt Chartrand parti, la foule s'évaporait et Jasmin retournait à la lecture de mon livre et moi à celle du sien.

13.4.03

Glorieux week-end à Québec, sobre et serein, avec Kevin. Salon du livre. Stand Trois-Pistoles. N'avais pas apporté mon chapeau, ni K sa pipe, pour laisser toute sa place à VLB. Belles longues périodes avec Guillaume. Comme dit Kevin, «on sentait que ce n'était pas la première fois». Bons brefs moments avec Solène et Louis. Chambre d'hôtel telle qu'à Paris. Rencontré de bons lecteurs.



Relu Origines. La maïeutique du dernier tiers, articulée par Kevin, demeure la meilleure part.



Pas vu Pénélope. Vu, par contre, Sylvie Pierron, ma doctoresse en littérature, qui m'a apporté la transcription de notre entretien du 6 février. Drôle et pas con.

10.4.03

Cette semaine, le travail sur Vacuum a vraiment merveilleusement progressé, grâce surtout à Sophie Ginoux qui s'est investie above & beyond the call of duty, allant jusqu'à blanchir une nuit pour réviser les corrections des révisions et traquer les espaces trop larges ou pas assez et harmoniser la typo de la première à la dernière page. Pour finir, ce matin, elle a suggéré qu'on utilise un papier crème et une couverture satinée lustrée. Ça va être beau en tabarnak.



Descendu à pied dans le Vieux-Montréal, étourdi, allégé par cette superbe journée d'avril. Livré ma demande de bourse au CALQ. Au retour, acheté Un amour de Swann et Le Rouge et le Noir. Le vent tourne du bon bord, on dirait bien.

9.4.03

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Jean-Philippe Gaudet a livré le logo de ma collection.



Maxime est à Bordeaux, Eddy s'est fait casser le nez dans une bagarre et Kevin ne sort du lit que pour me passer un coup de fil rassurant, avant d'y retourner rejoindre sa délicieuse.
Rassuré Laverdure au chapitre de mon appartenance politique. Je ne vote plus depuis l'instauration d'une liste électorale permanente. Je suis un libertaire.



Chez Trait d'Union, encore des corrections, et impossible de trouver un dictionnaire dans toute la boîte.



Revenant des bureaux du journal ICI, hier, j'ai eu envie de me payer la traite. Suis arrêté chez Blackburn où j'ai fait l'achat, pour deux dollars chacun, de La bonne chanson et autres poèmes de Verlaine, et des Poésies de Mallarmé. Érik s'est exclamé, ravi: «Retour aux sources?!»



Plus tôt, émergeant du métro, j'étais tombé sur Nathalie Rochefort qui distribuait sa documentation électorale. Je me suis présenté. «Oh! elle a dit, l'ami de Claude!»



J'en ai convenu, rappelant tout de même que j'étais aussi le père de Jean-Christian, qu'elle connaît depuis longtemps et qui était même parmi ses invités dans les tribunes de l'Assemblée Nationale le jour de son intronisation. Expression interloquée, puis grand éclat de rire: le kid ne lui avait jamais rien dit.

8.4.03

Sarah m'envoie les premières images de son ouvrage: la petite Noa, copyright 2003... Pour l'heure, elle ressemble un peu à son père un lendemain de brosse, mais pour elle, ça va s'arranger.



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Douce, destroy, divine et dingue, tour à tour et en même temps. Annie dans ses oeuvres. Hier elle écrivait sur moi, demain elle l'effacera. Flamme créatrice, elle appelle ça.



Créer comme crée la marée haute lorsqu'elle vient araser les châteaux de sable de vacanciers en Espagne. Créer comme crée le Joker en virée au musée de Gotham, avec du vitriol et des bombes aérosol. Créer, comme on en cause...







Ce matin encore, un lien vers une page d'intérêt littéraire local. Je ne les cherche pas, je tombe dessus comme ça, en chassant un autre gibier. Celle-là est vraiment mal foutue: on a dompé tous les textes en tas sur la même page, et j'ai honte de dire que c'est le fait de l'UNEQ, mais enfin, ils font de grands et douloureux efforts, depuis qu'on a mis cette chose en ligne, pour apprendre à diffuser l'écrit sur le Net selon un autre modèle que celui de Gutenberg.



Pour autant que je puisse en juger, ce fouillis est divisé en trois parties. La première est plate. La seconde est fascinante: il s'agit essentiellement de la conférence que donne Charles Montpetit sur la censure au Canada, avec une liste ahurissante de cas réels.



La dernière est le Mémoire présenté à la Commission des États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec par l'UNEQ en 2001. En voici un extrait, inespéré, désespérant:



Deuxième menace pédagogique, deuxième contradiction systématique avec l'esprit de la Loi 101 : le misérable mensonge de l'évaluation scolaire. Nous connaissons tous des professeurs auxquels on interdit de couler les étudiants qui ne savent pas écrire, nous avons entendu la plainte scandalisée des correcteurs aux examens de français, qui doivent appliquer des barèmes aberrants afin de diplômer les illettrés. En ces matières, celui qui dit la vérité passe pour un élitiste ou un snob qui méprise le peuple.



Un véritable jdanovisme règne en pédagogie : d'abord on érige en dogme le principe idéologique, ensuite on déforme la réalité, jusqu'à l'absurde, pour la rendre conforme à l'idéologie. Comme sous Staline où l'on enseignait que c'était des Russes qui avaient inventé toute la science moderne grâce aux lumières du matérialisme dialectique, on en arrive à formuler, au nom de principes généreux et faux, des aberrations comme celle que le système d'éducation devra produire cent pour cent de diplômés. Il suffirait pour y arriver qu'au lieu d'être mis en concurrence avec les autres, tout élève le soit avec lui-même ! Se prendre soi-même comme modèle, être évalué à partir de soi-même, tout notre héritage rationnel, toute notre culture, pour ne rien dire du simple bon sens, affirment que c'est la formule même de la folie.



Soumettre des ignorants à de faux examens, qu'on corrige ensuite de manière à en laisser passer le plus grand nombre possible, afin de justifier les programmes, les pédagogues et le ministre, puis se faire péter les bretelles de quatre-vingt-cinq pour cent de réussite en français – sans oublier de dénoncer les Anglais qui écrivent « stop » au coin de la rue ! – cela dure depuis vingt ou trente ans, la guéguerre contre l'anglais servant à maquiller la défrancisation des francophones. Ceux qui tiennent en otage la jeunesse, le ministère et presque toute l'Université, ceux qui définissent les programmes et forment les maîtres, ceux qui président encore eux-mêmes aux réformes qu'exigent continuellement, depuis trente ans, les désastres successifs de leurs politiques, hypothèquent gravement l'avenir du français au Québec.



Il convient de le répéter, car c'est si gros qu'un véritable mur de surdité semble empêcher d'entendre cet avertissement vital : les patrons de l'éducation travaillent pour la culture amnésique mondialisée, contre le patrimoine conquis par la Révolution tranquille.



Jdanovisme? What the fuck is that? Le Trésor de la Langue Française ne le recense même pas, mais un Trotskyste repenti le connaîtrait... Anyway, je n'en reviens pas de lire ça dans un document de l'UNEQ. Peut-être y a-t-il moins de membres enseignants, Boomers et social-démocrates que je l'ai toujours cru, ou alors ils rêvent aussi d'encre rouge, à temps perdu...

7.4.03

Arpentant Mont-Royal avec Éric, on est tombés sur Falardeau. Comme chaque fois, on s'est mis à s'insulter chaleureusement; tandis qu'on se serrait la main, il jetait des regards anxieux alentour, faisant mine de s'inquiéter qu'on le voie avec moi.



J'ai mal aux dents j'ai mal aux dents c'est lancinant j'ai mal aux dents.
Dix-neuf états US ont triplé la taxe sur la bière pour aider à financer l'effort de guerre. À terme, ça devrait contribuer à la rendre impopulaire.
Julie a démissionné vendredi midi, sans prévenir. C'est un coup dur. Je m'étais pas mal démené pour elle. Mais, comme le disait mon vieux prof Adrien Leblanc, il faut faire confiance aux gens. Une phrase que je n'ai comprise que bien plus tard, mais qui a changé ma vie. On peut se mettre à l'abri des déceptions en se méfiant a priori de tous, mais ça nous fait passer à côté de ceux, la minorité, qui ne nous baiseront pas la gueule.



Suis passé voir Guillaume au Boudoir vendredi soir. L'ai embrassé sur le front en partant.



Steve a voulu à tout prix parier avec moi. Prétendait que Yves Desgagnés incarnait Abel dans Race de monde. Je savais bien qu'il s'agissait de Jean-Luc Montminy. L'ai prévenu trois fois de ne pas insister. Voulait gager 100$. Finalement, j'ai remené l'enjeu à 40$ et on est descendus au Bunker pour consulter Internet. Il est remonté en boudant. Sans réaliser qu'il venait de gagner 60$...
Découvert ce renseignement passionnant sur le site de l'ANEL:



De 1940 à 1947, 21 millions de livres ont été imprimés en français, au Québec. Dans l'introduction de son ouvrage Les tribulations du livre québécois en France, Josée Vincent, membre du Groupe de recherche sur l'édition littéraire au Québec (GRELQ) de l'Université de Sherbrooke, rappelle cet épisode singulier : « Paralysée par l'occupation allemande, la France ne peut plus approvisionner ses marchés extérieurs en livres. Les éditeurs québécois profitent de cette occasion unique pour se lancer à la conquête d'un public mondial. Presque du jour au lendemain, des livres québécois sont diffusés aux États-Unis, au Mexique, en Argentine, en Algérie, etc. Par contre, les liens directs avec la France sont rompus. Seuls les Français exilés en Amérique du Nord entretiennent des relations avec le milieu du livre au Québec. Lorsque l'armistice est signé en 1945, les Québécois détiennent un quasi-monopole de l'édition francophone.»



Est-il utile de préciser que ça n'a pas duré?