On m'offre un caniche pompon de la Barbade. Une espèce de rat frisé qui encule des fouines et s'étourdit d'aboiements ridicules tout au long de sa vie de chien sans jamais soupçonner sa réelle, dérisoire nature de caniche pompon de la Barbade (Il s'imagine en Labrador). Intéressant. Même qu'il chie partout et constamment à juteux petits coups désopilants. Tout cela serait une telle, une si nette amélioration sur le comportement de mon défunt chien-saucisse, un tel progrès, enfin, que j'hésite à refuser...
Cette race-là, cependant, est affligée de quelques tares héréditaires rédhibitoires, dont les chiffres sur l'incidence du cocufiage canin au Canada témoignent avec une incontestable autorité: 23% des caniches pompons de la Barbade sont pédés sans le savoir et 97% sont cocufiés dans les six heures suivant l'accouplement. Là encore, le chien-saucisse était bien pire (ses statistiques pâtissaient de sa fâcheuse tendance à s'éprendre de levrettes toujours disposées à sucer six éboueurs dans la benne en échange d'une escalope avariée).
M'encombrer d'une autre de ces créatures artificielles qui me mordra la main demain? C'est un pensez-y-bien.
Mon chien-saucisse était si doux, si fidèle, un modèle de zèle et de modération, intelligent, retenant tout et si affectueux qu'on aurait cru qu'une âme éclairait ça de l'intérieur. Puis il est allé se rouler dans quelque ruelle avec la première bâtarde infectieuse qui lui a fait des chaleurs et il m'est revenu enragé. Cette nuit, j'ai mis dix heures à en venir à bout, de ce damné petit roquet qui m'aboyait aux chevilles en faisant mine de vouloir mordre, cependant que sa chienne prenait de grands airs en décrivant de prudents cercles autour de nous tout en me pissant sur les godasses. Il n'y avait plus ni amour ni haine dans les grands yeux bruns de mon vieux clébard, qu'une sorte de vilaine fièvre rabique, aveugle et stupide et sourde. Dix heures pour l'épuiser, puis je l'ai laissé dans sa niche avec l'autre vérolée, à ronger des os de mouton volés dans le voisinage. Je ne veux pas le voir crever. Je préfère le tenir pour mort déjà. S'il y a un paradis des chiens-saucisses, sûrement on lui fera de la place, ne serait-ce qu'en souvenir du temps où il imitait si bien les grands dogues de race.
Mon chien est mort. Il n'a jamais valu grand-chose, évidemment, mais il n'empêche que je m'y étais attaché. Petit pincement au coeur, comme chaque fois qu'un de mes chiens vire fou et qu'il finit dans un sac à vidanges ou une forêt d'automne, ses tourments abrégés par une balle de .22. Mais bon, ça ne m'a jamais empêché de dormir, sauf le premier peut-être, il y a trente ans. Quand ils arrivent les babines moussantes d'écume, on n'a guère le choix de les rayer de sa vie
Ce que je fais par la présente. Next!
Me sens méchant. N'ai pas envie d'éprouver de la commisération pour les gros-culs. Surtout s'ils sont adolescents. On s'apitoie, on les soudoie, on dit qu'on veut qu'ils nous tutoient, mais leur nez est trop fort pour leur face et l'ouragan d'hormones qui les chamboule en fait des fous, des malades mentaux, temporaires pour la plupart, comme les femmes en ménopause, mais dérangés quand même, et privés de raison.
Mario a obtenu 67 sur 70 en théorie. Reste l'examen pratique, le 10 juillet. On devrait arriver à Sorel vers la mi-octobre.
MMF (Monsieur Mon Fils) m'a apporté 10 exemplaires de Vacuum et on a jasé avec la voix du sang. Des nerfs, aussi, mais du sang surtout. Ces temps-ci, l'un de nous forme un poing et l'autre l'enserre de ses doigts, résumant nos sentiments comprimés.
Mario est en train de repasser l'examen de conduite. On ira peut-être visiter son Sorel de légende après tout.
Doublevé l'écolo a trouvé un ingénieux moyen de préserver les forêts des incendies: les céder à l'industrie pour qu'elle les rase.
Retour de l'X-périence. J'ai peut-être subi une mutation depuis la dernière fois: fallait me voir engouffrer le pop corn assaisonné de Jean-Christian qui me dégoûtait tant auparavant.
Fait changer la serrure du Bunker, plutôt que de le rebaptiser Moulin.
Passé voir BL, qui attire mon attention sur le caractère sibyllin, voire franchement inquiétant de mon entrée d'hier. Ce que je voulais dire, c'est qu'il n'y aura pas de second tour au cirque de l'amour. Voilà.
Rencontré Tabra. Lui ai fourni l'explication prosaïque de mon silence en chansons. Simplement, on ne m'en demande pas. Revoilà.
Cet après-midi, mon fils m'emmène au cinéma avec sa première paye. On va voir X-Men, que je lui ai fait connaître en BD quand il était petit. Je crois qu'il veut aussi m'offrir un pantalon pour le lancement.
Annie, toujours une longueur en avance sur moi en matière d'internet, m'a refilé un truc pour améliorer dramatiquement mon classement Google: il s'agit d'utiliser sur ma page tous les mots-clés dissimulés dans les méta-balises (ex: Journal, journal, écrivain, auteur, site, officiel, Circius, littérature, roman, livre, Québec, Vortex, Violet, Vamp, Vautour, Valium, Sylvia, Vago, Julien, writer, books, novel). M'en vais essayer...
Fool me once, shame on you. Fool me twice, shame on me.
Il n'y aura pas de seconde fois. Je n'ai pas la foi qu'il faut pour refaire un tour de piste. C'est bien triste, mais c'est comme ça.
Week-end avec Annie, comme si l'année écoulée n'avait été qu'une seule longue nuit (arctique). Méchant party hier, j'en ai perdu mes clés. Bertrand a conté une joke dégueulasse et Mario s'est littéralement étouffé de rire, au point de nous effrayer. Kevin ramassait derrière Cynthia, qui s'affairait à la cuisine. Le voisin n'a pas trop regimbé.
Passé quatre heures avec Kevin, lui ai remis son exemplaire de Vacuum, avec une dédicace nulle (un renvoi à la prochaine page impaire, où il est déjà imprimé à jamais que le livre lui est à moitié dédié), et on débouchait pour fêter ça quand le second dédicataire, Mario, sentant la mousse froide depuis Longueuil, nous a envoyé par courriel une première mouture de swish publicitaire. S'est alors engagé le plus fantastique tango à trois, au cours duquel nous avons échangé des idées et construit sur icelles; Kevin est rentré aux Catacombes ravitailler Cynthia et nous sillonnions toujours la cité d'ordinateur en téléphone en télépathologiques cervelles, Mario, Kevin et moi, jusqu'à obtenir en quelques heures et de façon réelle exactement ce que nous concevions. C'est très rare et très exaltant, cela suppose une confiance aveugle et sourde, un abandon entier, cela génère le sentiment d'enchâsser son coeur d'enfant faible dans son corps d'homme fort, sommé par un crâne abritant trois cerveaux. La sensation est planante, un méchant fix, et déprimante ensuite, car on a entrevu ce que le monde vient très près d'être, parfois, du côté du sublime.
Hier, Fred m'a confié qu'il se réconciliait avec son violoncelle. Il le fait réparer par un luthier, il coupe ses cheveux, il vient me voir. Tous ces gens qui ont appris à jouer d'un difficile instrument dans leur enfance le rejettent un jour; certains l'embrassent à nouveau plus tard, et alors ils savent, ils savent avec certitude qu'ils sont en bonne voie de faire leur paix avec tout le reste.
Étrange, indolore et soudaine grosseur à l'aine, du côté où je charrie mon cellulaire. Mes couilles craignent le cancer et s'évertuent à me convaincre qu'elles peuvent encore se rendre utiles.
Reçu les caisses de livres. Tous s'entendent pour les déclarer magnifiques, les plus beaux que la maison ait produits. Je n'ai d'yeux que pour la couverture qui frise malgré le rabat, pourtant là pour empêcher ça.
Ce trimestre encore, suffisamment de mes chansons ont tourné à la radio pour finir de payer le loyer. Il va même en rester pour rembourser Kevin et Cynthia, qui mangent du riz depuis lundi.
Fred est arrivé avec l'éclipse. Je lui ai donné le premier exemplaire du bouquin que nous étions à corriger la dernière fois qu'il est venu. On a causé tranquillement comme autrefois. Sweet.
Il m'a régalé de l'histoire du tournage des pubs pour le porc du Québec, qu'il réalise. Lui ai parlé du projet de Domi. Hello Dolly, j'aurais fait une bonne marieuse.
Ce soir, éclipse totale de la lune. Une rare occasion de ne rien voir du tout, de 23:14 à 00:06.
Journée fertile. CGDR m'a emmené au palais de justice dans l'Oldsmobile de sa mère, hospitalisée après une crise cardiaque. J'ai eu du mal à trouver la bonne salle d'audience, et c'est finalement mon fils, croisé dans un corridor, qui m'a conduit à bon port. Pierre avait amené presque tout son personnel, mais quand il devint évident que la cause ne serait pas entendue ce matin, il a renvoyé tout le monde (au bureau). Je suis revenu bouffer au Bunker. Parcourant le ICI d'aujourd'hui, suis tombé sur la recension d'Origines par Michel Vézina, qui a aussi lu Vacuum sur épreuves et n'a pas eu l'heur de goûter. Sa dernière ligne (à propos d'Origines): «À lire cent fois, pluôt qu'un seul Vacuum». Ha! C'est le risque qu'on court à publier deux livres en même temps: qu'un critique encense le premier et cale le second avant même sa sortie.
Retour au palais après le lunch. Pierre venait de recevoir les premiers exemplaires de Vacuum et m'en avait apporté un. Vraiment superbe. J'étais un peu déçu parce que j'aurais aimé prolonger l'attente jusqu'à demain, tel que prévu. Le désir est tellement mieux que sa résolution.
Ce que devait aussi se dire Turgeon quand le juge-en-chef a annoncé, peu avant dix-huit heures, que la Cour rejetait son appel... Encore une de gagnée pour les quincaillers.
Mais ce gars-là, Pierre, c'est un pitbull déguisé en lévrier: il parle déjà de saisir la Cour Suprême.
J'aurai quand même appris deux nouveaux mots: potestatif et léonin, comme dans une clause potestative et léonine.
Mercredi saturnien.
Vendredi, les premiers exemplaires de Vacuum arrivent. L'impression que l'imprimeur a un peu salopé la couleur.
Demain matin, sept ans après la première fois, serai à nouveau du côté de Pierre Turgeon en Cour Supérieure pour la résolution de son affaire contre Réno-Dépôt. Grands dieux, remettre les pieds dans un palais de justice sans y être obligé...
Hélène se démène formidablement pour moi dans l'ombre, plus efficace à elle toute seule qu'une armada d'attachées de presse. Les vieilles amitiés sont le sel de la vie.
Depuis que le purin de porc a mauvaise presse, ces fumiers de fonctionnaires agro-alimentaires appellent cela du lisier. Je parie que ça pue tout autant. Ce que Shakespeare disait de la rose s'applique aussi, dans l'esprit, aux excréments du cochon.
Kevin appelle au Bunker pour réconforter Mario. «Mario? Il est parti.»
«Ah bon! qu'il dit. Et comment il prend ça?»
«Oh, réponds-je, tu connais Mario: c'est difficile à dire... »
«Bon! fait l'autre, je vais lui écrire.»
C'est une belle et bonne tribu que j'ai là.
Passé en coup de vent au lancement des Forges, au Saint-Sulpice. Ramené Mario. Il digère le refus de Triptyque.
C'est épuisant de ne rien faire. Là, il pleut à verse et je suis convoqué à la sécurité du revenu, alors faut que je vende des bouteilles pour payer l'autobus. Au retour, va me falloir un timbre pour poster ma demande de bourse, mais je n'ai plus que des bouteilles pleines. Résultat: va falloir en vider six de plus. Deux heures d'ouvrage, rien que pour ça.
Tous ces dommages à mes molaires, tous ces travaux de voirie qu'elles requièrent, je les dois à une petite fille qui me courait après il y a trente ans. La fuyant de reculons, j'ai pivoté sur moi-même et suis entré en violent contact avec le rétroviseur extérieur du camion paternel, me cassant une palette. Laquelle on répara, mais depuis j'hésite à m'en servir pour trancher la bidoche, préférant la broyer avec les dents de derrière. Et voilà le résultat.
Le voisin siffle et tape dans le mur chaque fois que je reçois des visites, et je m'asseois sur mes mains, je me répète comme un mantra: «Je suis un bon et doux géant, je suis un bon et doux géant, je suis un bon et doux géant (en probation)...»