31.7.02

B est passé, straight de l'école de soudure (après avoir réalisé sa première sculpture, un indien en érection, intitulée En rut vers la gloire!: le prof a décidé d'en faire la mascotte de la classe). Il prend l'avion ce soir pour Maliotenam, où l'on attend impatiemment ses talents d'artificier combinés à sa suicidaire absence de souci pour sa sécurité personnelle. Il va leur faire un feu du feu de Dieu!



Mario guette nerveusement l'horloge, histoire de ne pas louper son rancard avec ses deux costauds déménageurs (attendus demain entre midi et trois heures). Mes voisins de part et d'autre ont filé: hâte de voir sur quoi je vais tomber pour les remplacer. Deux d'un coup, c'est plus forçant à intimider.



Justine, tristounette, a demandé à venir faire un tour pour recharger ses batteries.



Remis à Vanasse le manuscrit retrouvé de Fange et Furie, mes poèmes de jeunesse; les relisant, j'hésite entre la haine et la détestation, mais je fais un bien mauvais juge en la matière. Quoi qu'il en soit, la collection Phrases détachées a été créée par XYZ pour accueillir Fatalis, le long poème que j'avais généré en état de grâce en testant ma nouvelle machine à écrire électrique...
Le fermier bolivien qui remplace la culture de la coca par celle du café ou de la banane voit son déjà maigre revenu amputé de 90%. Le marché de la banane est à la baisse. Je dis: laissons ce pauvre fermier revenir à sa culture d'élection et encourageons-le en consommant sa production! Peut-être aussi serait-il sain d'envisager la création de coopératives Coke équitable sur le modèle de celles qui canalisent l'exportation du café à juste prix.
Je fais ce qu'on pourrait qualifier d'esprit d'escalier par anticipation. Tout ce qu'on aurait dû faire, accomplir, réaliser, et auquel on songe le soir venu, trop tard, en gravissant l'escalier de chez soi. Sauf que moi j'y pense maintenant, avant. Et qu'en imagination, je ne monte pas l'escalier, je le descends, et c'est un escalier roulant vers les entrailles de l'existence naturelle, quelque purgatoire gris.

30.7.02

Depuis deux, trois jours, à tout propos, j'éprouve un satané vilain frisson le long de l'échine à l'idée de choses râpeuses comme des langues de chat ou des ongles qui crissent sur un tableau noir ou un pied de rhubarbe frotté sur les palettes du bas. C'est-y normal, docteur?
Mario arrive en jurant ses grands dieux qu'on ne l'y reprendra plus à boire. À croire qu'il y a un écho dans le Bunker.



La tabatière ressemble à la rivière Chaudière au mois d'août. On tire sur la même cigarette à petites bouffées précieuses.



Je mène une vie de sybarite, le luxe et le raffinement en moins.

Serait-ce si grave si je n'écrivais rien aujourd'hui? Oups! Trop tard.

29.7.02

Travail d'écriture ralenti par la nécessité d'écraser les papillons attirés par l'écran cathodique, semant ici et là de gras petits pâtés sanguinolents.



Déguste de grands verres d'eau glacée aromatisée à la menthe fraîche. La classe.
Marie-Josée m'a apporté de la rhubarbe: méchant flashback acidulé au jardin de grand-mère, ce temps de sucre blanc dans un godet d'aluminium...



Elle m'a aussi composé un bouquet de menthe sauvage, thym en fleurs et ciboulette. Des effluves dont le Bunker a bien besoin.
38 degrés à l'ombre. Faut-il s'étonner qu'on n'ait jamais découvert grand chose en Afrique? Que le Sud ait perdu la Guerre Civile? Fait trop chaud! J'ai fermé les rideaux pour m'isoler au frais, mais à travers l'épais tissu j'entends briller le soleil.



N'empêche, la météo, c'est bien pratique pour dépanner l'inspiration.

28.7.02

Les gens d'argent états-uniens, ceux qui en ont, ceux qui en veulent, ceux qui en veulent plus, tous ces obèses ignares sentent la vichyssoise chaude, s'égaillent comme des poulets décapités, pratiquent la pensée magique du désespoir. C'est beau à voir... Pour ma part, à supposer que je fasse bien attention, des efforts sans faille, que j'exerce une vigilance de tous les instants, j'ai confiance de réussir à ne pas devenir millionnaire. Jusqu'à maintenant, je ne me suis pas trop mal débrouillé.





Sophie Chiasson jpg


J'ai un brûlant crush adolescent sur Sophie Chiasson, Miss Météomédia. Vague de chaleur, mais rien d'accablant; humidex à la hausse.
Le pape homélise sous la pluie à Toronto. Je donnerais cher pour que ça me fasse quelque chose. Souvenir de mon émotion à l'annonce du décès de Paul VI: courant au-dehors, traversant le petit pont en criant pour avertir ma mère en promenade sur l'île: «Le pape est mort! Le pape est mort!»



Songé à détacher ce Journal d'Origines pour en faire au bout d'un an le quatrième tome de Vortex Violet: VACUUM!



Perplexe: mes fleurs dépérissent à fond de train. Peut-être cela a-t-il à voir avec l'habitude du voisin du dessus de laver son balcon à grands jets d'eau javellisée avant de domper le surplus chez moi?



27.7.02

Me suis esquivé à l'entracte. Remarquez, c'était réussi, dans le genre Kids in the hall. La tragi-comédie commençait à l'entrée, ou un type équipé de nichons impossibles à dissimuler s'efforçait d'écouler des t-shirts du Repercussion Theatre.
JF a découvert qu'on ne peut inscrire Boîte à bijoux au festival de la chanson de Granby parce que j'ai "atteint la notoriété". Ah, n'avoir rien fait de ma vie, ou l'avoir fait dans l'ombre, je sais pas, moi, quelque chose...



Bientôt, je vais prendre une de nos tounes et une caisse de 24 et JF va m'enregistrer en train d'essayer de chanter.
J'entends d'ici maman se marrer tristement: je n'ai jamais été insouciant.



Mario est passé. On a convenu d'aller voir Shakespeare in the park ce soir. Tout Willie en trois heures. Ou c'est abrégé, ou les acteurs parlent très vite.



Rêve de rapports honteux avec des créatures interdites. Succulent. Décadent. Ennuyant.



Les poils blancs drus de ma barbe me narguent crûment, me rappellent chaque matin davantage et sans la moindre compassion que je ne travaille pas assez, ni assez sérieusement. On a beau négliger le temps qui passe, lui ne risque pas de nous oublier. Inlassable, il s'occupe activement de notre pomme, la repeint, l'actualise, la met à jour comme une page web, un palimpseste d'où l'on aurait gratté la jeunesse et l'insouciance.

26.7.02

Ce vieux Mario, venu chercher du tabac, s'est endormi sur le sofa, ses lunettes dans le poing.



Marie Trintignant est magnifique. Je ne devrais pourtant pas être fou de ce visage, ces méplats accusés, ces yeux de biche blessée, ces os d'oiseau fragile. Mais elle n'a pas l'air du genre à écouter tous vos secrets pour vous les renvoyer à la face quand ça l'arrange. Autant dire qu'elle n'a pas l'air d'une femme.
Retour de chez JF. Monté à pied avec Kevin, revenu de même solo, un peu moins pauvre, un peu plus endetté.



Installé un bidule pour constituer une liste d'abonnements à une circulaire (pour newsletter) qui n'existe pas encore, mais qui servira à informer mes lecteurs privilégiés de mes apparitions, publications, inspirations, arrestations, etc...
Le traumatisme humain primordial: se situer dans l'orchestre cosmique, entendre la musique des sphères. Où suis-je? Depuis quand? Pour combien de temps? Quel jour, quelle heure sommes-nous?