11.6.02

Ça vous excite, le fouteballe?



Les nerfs!



Ah, elle est jolie, l'Europe unie. Nostalgie de guéguerre et d'irrigation du colon Africain. Une grosse Mancelle braille et cinq Danois triomphants se fichent malpoliment d'elle. L'Amérique Latine se lamente, et c'est pas sur les forêts d'Amazonie...



Vous nous faites chier! Vous méritez pas le nom d'Hommes! Fouteballe, merde, gang de cons, gang de caves, gang de gangs!



Suckers...
Le concierge fait la tournée du building pour découvrir ce qui a bien pu se passer vendredi soir. Sacré mystère!



Annie a tout lavé le plancher, elle dit que ça lui fait du bien de travailler plus du corps et moins de la tête, moi je dis qu'elle est équilibrée. On ne l'avait encore jamais accusée de ça.
Aujourd'hui, Memory Babe se plante pire que jamais. Memory Babe, c'est le sobriquet de mon ordinateur, en hommage à Jack Kerouac, qui en était affublé étant petit. Les Français ont traduit ça par môme mémoire. Paraît que Ti-Jean K. se souvenait de tout. Je connais. Ça porte à boire. Mais je digresse, là: donc, mon ordi crashe pire qu'un coucou de l'American Airlines et je ne suis pas loin de croire que les choses iraient plus rondement si je tapais mon Journal sur ma vieille Underwood avec du papier carbone avant de vous le livrer à pied à domicile.

10.6.02

J'ai une sorte de boulette de viande qui me sort derrière l'épaule droite depuis un ou deux ans ou peut-être trois. Une partie du méchant dans mon corps qui s'exprime. Kevin préconise de la brûler à l'alcool isopropylique 70%, vous vous rendez compte? J'endors le méchant du dedans au tord-boyaux et, dès qu'il me fuit, qu'est-ce que je fais? Je le rattrape et je le finis à l'alcool à friction.
Faudrait finir par parler des vrais problèmes. Comment se fait-il qu'on puisse envoyer une sonde sur Mars et qu'on n'ait toujours pas inventé un ventilateur muni d'un câble d'alimentation de plus d'un mètre de long? Après ça, comment se surprendre que je sois un tantinet casanier? Qu'on aère cette insulaire cité-fournaise ou qu'on ne me cherche plus dans ses rues!



Kevin dort dans la chambre d'amis, angélique sous la moustiquaire. Annie engraisse la matinée, repoussant le moment d'écrire ce qu'elle appelle sa page de trivialités (lire: ce qui s'est vraiment passé).

9.6.02

Là, on vient de passer deux heures à essayer de se dérider, sans succès. On a convié Coluche, Desproges, Lemire, Rock et Belles Oreilles, Yvon Deschamps et Robin Williams, du petit calibre au gros canon, nommez-le, on l'a écouté. Et puis rien. On n'a pas pouffé. Le rire nous est resté dans la trachée. Annie pense que ça a peut-être quelque chose à voir avec le fait qu'on boit de l'eau. Kevin incline à croire au bris de sono. Pour ma part, je penche pour le dimanche, tout simplement. C'est pas un jour drôle.
A fallu tirer J-C du lit, pas une mince tâche quand on est occupé à ne pas s'énerver. Annie a écrasé le champignon et on est arrivés chez ma mère pile à l'heure. Guère de bonne humeur, maman, parce que d'impécunieux amoureux des plantes lui en avaient piqué deux des siennes la nuit dernière.



Au retour, on a ramassé Kevin chez lui avant d'aller reconduire mon fils. Toute la jeunesse ardente et nue de Montréalville s'ébattait sur le flanc doux de la montagne au son des tam-tams, entourée de flics bleus et surplombée d'un mince nuage de boucane, bleue.

8.6.02

La gloire du matin s'est poursuivie tout le jour, comme une encre riche s'étendant par capillarité sur un buvard.



Le marché Jean-Talon! Renvoi aux sources symboliques des plus anciennes communautés humaines. Mer de visages sains et souriants pleins de pluie, de soleil et de campagne. Un sac de terre, un sac de tourbe de crevettes (de méthane). Pots de petites fleurs aux coloris savamment choisis par mon amour. Elle en a même inventé un: violet volatil. Puis les nourritures terrestres: prosciutto de l'Ontario, prosciutto parme, fromage de chèvre, Saint-André coulant, baguettes fraîches, calissons d'Aix (une gourmandise, autrefois distribuée comme hostie à l'office commémorant annuellement la grande peste provençale de 1630), chocolat noir, bordeaux grenat. Et ces prunes sucrées, ces tomates mûres, ce maïs de Californie, ces patates grelots, ces asperges grasses et le sein doux d'Annie tendre tendre comme un sot-l'y-laisse!



Dolce vita.
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Descendu chez fiston avec Kevin pour lui transmettre l'invitation de sa grand-mère à un bbq dominical. L'exiguïté de ses pénates nous a fait préférer le balcon; là, dans le soleil excessif de sa jeunesse triomphante, s'éployait le tatoo de divin volatile, prenant l'air sur les omoplates de mon kid. Ça ressemble à un géoglyphe de Nazca.



Plus tard en soirée, au Bunker, la tribu a joué à Le rouge et le noir, une sorte de Trivial Pursuit littéraire. Ça volait bas; Mario menait mais s'est retiré à mi-course devant l'inflation des décibels. Lui parti, ne restaient plus que K, Annie et moi: on a continué un peu, se querellant comme des chiffonniers, avant de décider de tout foutre ça par la fenêtre dans un grand éclat de rire. Les cartes blanches virevoltèrent joliment depuis le septième étage jusque dans la ruelle. Kevin nous a relu le chapitre IX des Raisins de la colère avec des sanglots dans la voix.

7.6.02

Virée au dépanneur. Sur Mont-Royal, le macadam est fermé à la circulation automobile pour la vente de trottoir, et l'asphalte est pavoisée d'oeuvres versicolores apparues durant la nuit. On forme un singulier duo, K me faisant la lecture et moi le guidant comme un aveugle, le détournant des arbres et des dos d'âne, lui frôlant l'épaule quand une voiture approche.
Je raconte à Annie que je comprends la dépendance au jeu: j'en ai souffert quinze jours en 1983, après que Natali s'en fut allée. Deux semaines durant, dans une sombre taverne de Rosemont, j'ai nourri de trente sous un insatiable, imperturbable bandit manchot. Puis plus rien. Ça m'est passé comme une fièvre.



Elle dit: «Il ya des gens, aussi, qui font cet effet-là...»



Kevin lit Les raisins de la colère avec ravissement, s'interrompant pour triturer le Petit Robert (quelle est la différence entre être métayer et prendre à fermage?).



Annie fait une entrée dans Les carnets rouges, puis retourne à Cet amour-là, de Yann Andréa. En principe, elle travaille dans 19 minutes, mais tout porte à croire qu'elle s'en fout.



Et moi? Je suis très occupé à être moi.

6.6.02

Retour de la pendaison de crémaillère des éditions Trait d'Union, au Carré Saint-Louis. Turgeon heureux, très présidentiel. Dominique Chénier en dangereuses formes.



Annie sirote un petit beaujolais pas piqué des vers en démontant mon ventilateur, celui qui gémit à fendre l'âme. Kevin descend sa Suprême en imprimant une page couverture couleur pour le manuscrit du roman d'Annie



On va se faire une de ces platées de vermicelli avec la sauce à Mario! La pasta non aspeta...
Kevin revenu rue Hutchison, pour finir de réparer le loquet. Annie sera contente d'économiser une porte neuve. Nous nous entendons, tous les trois, comme le sel, le citron et la téquila.
Écoute les monologues de Pierre Desproges. Rire jaune fondamental, grinçante intelligence d'outre-tombe. Fais gaffe toubib: j'ai piégé mes métastases! Souvenirs de Paris, de Valérie, de me faire bouffer les couilles quasi par le chien du chef quand ils nous a surpris dans les toilettes du restaurant ché plus lequel près d'une église ché plus laquelle...



Paris en juin: deux semaines suffisent pour se rappeler qu'on est bien chez soi, sauf si on est Parisien, cela va de soi.
Quarante-huit (bonnes) heures loin du Bunker. Serait temps de rentrer. Annie est partie travailler. Kevin a dormi chez lui, histoire de gérer son hôtel. Juin avance et toujours pas de livre à l'horizon. Faut que je fasse attention en traversant la rue.

5.6.02

Kevin et moi demandons grâce: Annie nous a gavés de civilisation sous forme de potage de poireaux marbré de crème fraîche, de grillades et de pommes de terre en robe des champs; quelque part entre les fraises et le fromage, ma ceinture cède.
Tout le mile-end fleure bon l'humus, la tourbe mouillée, le germinal. Annie travaille à son roman, excitée comme une puce sexy, et je picole gentiment à côté, tour à tour reprenant puis délaissant ma lecture. Dans la rue, les hassidim vaquent à leur vie avec un air de certitude tranquille, de conscience, de satisfaction séduisant. Les marchands de fruits s'agitent et le facteur tire la tronche en traînant de la patte: c'est jour de catalogues.
Tendre hier. Conciliation. Avec A, on s'est mitonnés mon premier bar-b-q de l'année, puis on a piraté des tounes de Claude Dubois et on les a jetées à la corbeille sans même les écouter, puis on a baisé sur une brave petite chaise qui n'avait vraiment l'air de rien.
I've dreamed of eden all my life

I find it more and more each day

Now everywhere I go across the land

I stand so proudly in the sun and say

I am home




Molly-Ann Leikin

East of Eden (An american hymn)

4.6.02

Sporadiquement, j'arpente mon territoire sans bouger de mon bureau, en consultant MontréalCAM. Je vais voir mes pingouins au biodôme, par exemple. À cette heure, ce qui frappe, c'est la quantité de camions au centre-ville, dans le Vieux-Montréal et, par extension, le Vieux-Port. Ces mastodontes innombrables irriguent les artères de la ville comme autant de globules rouges, charriant le boire, le manger, le papier-cul (ça, ce sont les globules blancs, je suppose). La cité s'éveille en pétant comme le proverbial géant assoupi et s'apprête à vivre sa journée.
Vous êtes-vous déjà installé à l'ordi avant d'être tout à fait réveillé? Soudain, une putain de corne de brume mugit de nulle part. Ça dissout le cérumen et ça chasse la chassie, c'est moi qui vous le dis.
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Je relis Sarek, d'Ann C. Crispin, un roman de trekker. C'est au violon que je me suis laissé brusquement happer par l'univers de Star Trek; confiné avec quarante voleurs dans une caverne froide, cacophonique et malodorante, le sommeil me fuyait et, couché à même le plancher de béton, j'ai trouvé refuge dans le rêve: la liberté de l'espace infini, la loyauté de personnages fictifs, la justice immanente d'un futur télévisé.
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Je suis là aussi. J'entends.

3.6.02

Roupillé on & off tout ce saint lundi comme une corde de bois.
Bertrand Laverdure annonce sur Graffiti que le texte de Mario paraîtra dans Moebius #94. J'appelle l'intéressé qui, stressé, se pointe dans l'heure. K et moi lui faisons fête. Arrive Éric Drouin, suivi de peu par Jean-Christian Mistral, ce grand fouet magnifique qui me ressemble en tous points, excepté le tatoo de faucon-dieu qui bleuit désormais toute l'ampleur trapézoïdale de son dos. Mon bébé, tatoué!

2.6.02

Kevin m'a réveillé en modulant une pétarade. Encore ivre d'hier, il a déjeûné comme a son habitude de deux hot dogs froids sans rien dedans et s'est recouché tout habillé. À chaque jour suffit sa cuite. On ne peut guère se soûler quand on est déjà soûl.



Bertrand n'est pas venu.



1.6.02

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Post Meridionem de musique et de broue. Kevin râle en silence et me zyeute et me checke au cas où je pognerais le cafard. À voir! Je m'en vais nous bouillir des fettucini, Alfredo, tandis que retentissent dans tout l'appartement les suppliants accents de Pagliacci.
Vu, dans l'ascenseur, ce graffito au feutre gras: C'est beaucoup plus propre! Bon concierge: on se le garde!



Mario appelle pour connaître l'origine d'une citation. Je la crois de Baudelaire, mais sans certitude. Lui recommande d'appeler Kevin, qui confirme, nomme le titre du poème et la page des Fleurs du mal où il se trouve.



L'un s'en vient avec de la bière, l'autre avec un sonnet à imprimer. Un samedi ordinaire.
3:30: visite de mon vieux Bertrand, engoncé dans un fuseau de cuirette. Allé danser au Passeport, à en juger par sa pochette d'allumettes. On a parlé du cancer de son père. On a parlé de son père. «C'est dur de le voir pleurer tous les jours. Depuis qu'il a accepté, c'est plus facile. J'aime m'en occuper. Ça me fait du bien...»



De ses cours de soudure. «À la fin de la journée, tu vois ce que tu as fait, c'est du solide!»



Du dernier roman de Louis, que je lui ai prêté et que je lui réclame. «C'est dur de lire quelqu'un qu'on connaît aussi bien. Même les tiens, j'ai de la misère, mais toi, je te connais trop.»



Il est reparti avec la nuit en promettant de revenir ce soir.

31.5.02

Exit Mario-des-Bois, venu me prêter de la thune et du tabac. Est arrivé trempé comme une vadrouille. Belle âme humide.



Quelques chapitres de son roman, Accroires, sont désormais lisibles en ligne.
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Plafond bas, ciel plombé, pluie flagellante et zébrures d'éclairs: atmosphère de Forêt Noire et de quête chevaleresque.
K parle de schizo-fiction et il a bien raison. A dit que j'écris plein de menteries et elle n'a pas tout à fait tort. Mais c'est plus que cela: c'est une cartographie de l'esprit, avec ses méandres et ses sous-bois et ses territoires accidentés. Ce lieu qui est mien, non pas qu'il m'appartienne, mais parce que je lui appartiens.

30.5.02

Hier, au lancement, j'essayais de me remémorer pour Justine la substance d'une dissertation produite durant mon bref passage au cégep Rosemont, il y a vingt ans. Ça portait sur la symbolique du château chez Sade. Un peu plus tard, j'aperçois Heinz Weinmann, qui donnait le cours de littérature américaine. Or, il n'y a que dans ce cours que j'aie appris des choses utiles, entre autres que je détestais Faulkner et que, à l'instar de Zelig, j'étais incapable de finir Moby Dick.
Kevin revenu de chez sa maîtresse bien dérouillé, les idées claires. Pendant ce temps, toute une faune ronflante et bigarrée campe chez lui. Ça me fait tout drôle, le rôle de reposoir.



Il songe à aller travailler aux champs quelque temps. «Me refaire du muscle! Sortir de la ville! Rapporter des fruits et des légumes! Et du fric. Alors, cette schizo-fiction, ça avance?»
À force de tempêtes et de cajoleries, réussi à arracher une autre page érotique à Valérie (Venne). Résolu à ne pas lâcher cette garce de génie tant que je n'en aurai pas extrait un livre entier.

29.5.02

Mine de rien, j'ai scoopé Radio-Canada de deux jours à propos de la glace sur Mars, la planète rouge, rouge comme un bûcher de vanités...
Téléchargé Les colombes, par Lise Thouin, chanson-thème éponyme du film de Jean-Claude Lord. Après l'avoir vu, mes parents avaient acheté le 45 tours avant de s'enfermer dans la chambre à coucher. Quand je l'ai finalement visionné, c'était avec Louis Hamelin: on s'est ramassés tellement excités qu'on a failli téléphoner à Lise Thouin. Trente ans plus tard. Finalement, la raison a triomphé et on s'est plutôt chicanés sur le lieu du suicide d'Hubert Aquin, ce qui a réveillé Kevin dessoûlant sur le sofa. Louis beuglait: «Tu vas pas m'apprendre le lieu du suicide d'Hubert Aquin!»



Il avait raison...



Ne dessinez plus des colombes

Sur les murs recouverts de sang

Vous qui avez perdu le monde

En essayant d'être des grands

Ouvrez les cages des colombes

Ouvrez les coeurs de vos enfants

Ils sont le seul espoir au monde

Ils sont les seuls qui ont le temps...




Ce qui nous a calmés, Louis et moi, cette fois-là (notre vrai problème, c'était Irina), ce furent ces lignes stupéfiantes: les enfants dont la chanson parlait, c'était nous!
Chaste tour du chapeau: d'abord la bibliothèque centrale (soleil de plomb et pluie battante), ensuite la Nationale (lancement de L'Or, par André Petrowski, éditions Trait d'Union), enfin le vaste trou qui sera la Très Grande Bibliothèque.



Tout s'est admirablement passé, sinon que je n'ai cessé d'appeler Michel Lacombe Pierre. Cet excellent homme n'a même pas sourcillé.



L'infortunée Justine, un peu grise, voulait faire quelques pas avant de prendre le volant. Nous avons marché trois fois autour du pâté de maisons; à chaque passage devant la marquise du Quartier Latin, je remarquais qu'Infidélité passe dans deux salles.

Maman combat sa bronchite annuelle, «ce vieil ennemi» comme elle l'appelle. Et, pour la première fois de mémoire de fils, c'est la bronchite qui gagne et la cloue au lit.



Mario sort d'ici à l'instant. Je lui ai fait faire un voyage dans le temps à coups de mp3. Comme j'ai toujours envie d'aimer, Les enfants de l'avenir, Le temps est bon, Whiter shade of pale, L'oiseau, Killing me softly, Je suis cool, O sheriff o, J'entends frapper, Le début d'un temps nouveau...



Je lui raconte comment ma mère se mettait en rogne en entendant Gilles Valiquette déclarer que c'est pas sa faute «si le monde, c'est toute des pieds!»



Et quand, à douze ans, je suis rentré avec le 45 tours de Nanette, J'ai le goût de baiser, elle m'a fixé d'un air exaspéré. «Sais-tu au moins ce que ça veut dire?» elle a demandé. «Oui...» j'ai menti. «Bon, alors, tu peux le garder.» And that was that.



Mario, ses parents n'ont jamais fait la moindre remarque, il s'en rend compte seulement maintenant, comme de plein d'autres choses. Sauf la fois où sa mère a trouvé dans sa poche une note manuscrite l'enjoignant de rapporter son Revolver au cégep! Il lui a fallu un bout de temps pour la convaincre qu'il s'agissait de l'album des Beatles, emprunté à la sonothèque.



À celle qui se sert d'un anonymiseur pour me lire: je sais qui tu es.



Coup de fil de Mario: le petit chaperon gris s'en vient me porter de la sauce à spaghetti.
Vidéotron semble avoir rétabli la connection, qui s'interrompait dix fois par jour, à un niveau satisfaisant. Maintenant, c'est Blogger qui déconne. Le stress me coupe la chique. Je me sens comme un corsaire dont le vaisseau prend l'eau: il passe son temps à écoper.



Néanmoins, je parie qu'aujourd'hui sera un riche mercredi. Je me suis même laissé fixer un rendez-vous clandestin par Justine. Et j'ai une nouvelle ou un poème sur les monstres à torcher pour Moebius. Les monstres! Par les entrailles du Christ, ça me connaît.



Quelqu'un peut-il m'expliquer comment j'en suis venu à être coopté par la fameusemafia de Moebius sans même m'en rendre compte?



Avec Annie, tout semble bien fini. Du diable si je sais comment ça s'est produit.

28.5.02

Réussi, après dix-sept ans de vaines recherches, à remettre la main sur l'incomparable chanson (Ils reviendront) Les jours heureux de Charles Aznavour (vivement qu'on lui pardonne son succès et qu'on le reconnaisse pour ce qu'il est: un grand auteur).



Surtout, qu'on ne me demande pas comment j'ai fait. Si on vous interroge, dites que vous n'en savez rien. Dites qu'elle est tombée d'un camion, la chanson.



Assis sur mon balcon, je me laisse transporter de frissons par ces accents bouleversants qui évoqueront toujours pour moi mes années avec Maia. Et je songe que, où qu'elle soit, ça lui fait bien soixante-sept ans, maintenant. La plus belle créature de l'univers, quasiment septuagénaire.



Une lectrice, Ginette Desmarais, m'envoie gentiment cet éclaircissement: «Les rues de Montréal ont été orientées en tenant compte du fleuve plus que de la boussole. Nos rues nord-sud sont perpendiculaires au fleuve et nos rues est-ouest sont parallèles. Ça explique aussi l'orientation bizarre de certaines routes provinciales.»

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Voilà, pas plus compliqué que ça. Je peux continuer à prétendre sans mentir que chez nous, le soleil se couche au nord.
Déjeûnons du reste du pâté. Mastiquant, absent, je m'avise soudain que ma fenêtre donne sur l'ouest. Depuis cinq ans, je vante ma vue sur le nord, pour l'incomparable qualité de ses couchers de soleil. L'axe nord-sud de Montréal n'est donc qu'une convention?



Hier soir, les nuages évoquaient un dragon qui, ayant avalé le soleil couchant, refluait en digérant.

27.5.02

Le steak haché grésille dans la poêle, empoissant la touffeur ambiante. J'ai vendu assez de livres pour un pâté chinois, quatre grosses bières et une tarte au citron. Kevin, arrivé en costume-cravate, comme pour défier la canicule, capitule; il tombe la chemise et roule des tiges.



Mario est passé imprimer la liste des jours fériés. Dans le monde. Entier. Si j'ignorais qu'il s'agit d'un travail à la pige, je mettrais ça sur le compte de son «génie pour le farniente»...
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Le canal D repasse l'épisode de L'homme de six millions dans lequel Jaime Sommers apparaît, vient près d'épouser Steve, est bionicisée et meurt d'une tumeur au cerveau.



Je ne l'ai plus revu depuis vingt-cinq ans, mais je me souviens comme si c'était hier soir des circonstances dans lesquelles je l'ai regardé la première fois. Quand ma mère est rentrée à la maison, j'avais le visage baigné de larmes; elle m'avait trouvé fiévreux et mis au lit séance tenante.



Je ne comprenais pas encore l'anglais, mais je pigeais déjà la tragédie.
Réveillé brusquement avec une variété d'érection matinale pour laquelle les Nippons connaissent des dizaines de noms différents. Rêve mué en cauchemar: venais de louper un rendez-vous avec July Balfus. July! Vingt ans plus tard, elle acceptait qu'on sorte un soir et je me retrouvais plutôt, je ne sais comment, au restaurant avec le petit de RBO...



Aujourd'hui, j'irai faire un tour du côté de chez XYZ. Voir à mes affaires.

26.5.02

Mon cher Mario est passé en coup de vent pour m'apporter une quille de Suprême. «Bonne inspiration, là! Je vais surveiller ça demain...»



Désolé, mon pote, mais je m'écrase avec Le Prince et je tète sans plus écrire. Je n'ai rien d'autre à dire, que merci.
Lecteur fort fâché après moi parce que j'ai parlé d'invention dans le Journal. Semble croire que je le floue. C'est pourtant tout le contraire, mais il faut croire que ça ne crève pas les yeux.
QaPlaH! Hosanna! J'ai dégotté en furetant rien moins que le scénario de Star Trek X: Nemesis. Quel délice interdit, quel plaisir j'éprouve à gâcher mon plaisir!



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Dans le même ordre d'idées, Mars Odyssey a trouvé de l'eau sur la planète rouge. La NASA l'annoncera jeudi.
Mario débarque. «Quoi de neuf?» lance-t-il, jovial.



«Pas grand chose», je dis. «Tellement peu, en fait, qu'il faut que j'invente des trucs à mettre dans le Journal. Pour tout dire, t'es même pas là!»



Il rigole. Je l'emplis de confiture d'abricots et lui donne la recette, celle d'Annie. On se sent Plateau en diable.
Cependant qu'au salon les filles dialoguent sur leurs vagins («Le mien, si c'était une vedette, ce serait Céline Dion: naturel, nerveux, diva!» «Le mien, il me rappelle Maria Callas!»), je fais quelques parties de backgammon à la cuisine avec C. Ce week-end s'étire, s'étire, ne finira jamais et c'est très bien comme ça. «Le mien a des airs de Michael Jackson...»



Très bien comme ça, parce que mes archives papier attendent depuis un an que je les classe et que j'ai décidé de m'y attaquer aujourd'hui.



C me parle d'E Ink, un surgeon du MIT qui développe un écran flexible très prometteur. Les pixels s'agglutineraient par électricité statique et seraient éclairés de l'extérieur, par la lumière ambiante réfléchie, comme un livre, ce qui permettrait d'emporter le support au soleil. Combiné à un chargement sans fil, ce bidule pourrait recevoir un roman ou un tout nouveau journal chaque matin. Restent l'écran à amincir (ils en sont à 6 mm) et la résolution à augmenter.

25.5.02

Éric Roger m'envoie un poème écrit pour moi en buvant une Bud à l'Île-des-Soeurs.



Petit poème pour Mistral




être béni dans l'anus royal



Je cherche un sourire

à mettre sur mes lèvres

le ciel a violé mon âme

j'emprunte un cierge

je le plante sur un nuage

vaut mieux avoir deux yeux

pour éclairer la réalité

nous sommes abstraits

dans ce pays d'amertume

il nous faut un Jack

l'éventreur

pour faire bouillir

nos coeurs meurtris

nous urinerons dans la

face cachée du ciel

pour faire apparaître

l'emblème hiérarchique

du règne royal

tu sais un peu comme on

nous le montre dans le

générique des épisodes

de Batman

nos reines nous conduiront

au meurtre

nos rêves exploseront comme

des bombes

je continue ce profond rêve

je me retrouve dans le monde

de Ulthar

non! je me vois plutôt

là où une princesse du nom

de Diana

s'est éteinte

Diana dans toute sa splendeur

mais coupable d'en savoir

trop concernant le règne

monarchique et diabolique

du pouvoir britannique.




(© Éric Roger 23 mai 2002)







Beau samedi. Une confiture d'abricots amers mijote sur le feu; je crois que j'ai peut-être mis trop d'eau. Si ça marche, je la foutrai dans le petit pot Mason que Marie-Josée a orné de fleurs peintes à la main avant de me l'offrir.



J'entame la lecture de L'hiver de notre mécontentement de John Steinbeck tout en regardant Abattoir 5 du coin de l'oeil.

24.5.02

Hier, Kevin s'est résolu à liquider quelques trésors qui lui tenaient tant au coeur qu'à la conscience... enfin, il ne serait pas prudent de ma part d'élaborer, so, anyway, on a traversé le Parc Lafontaine et un petit vent doux nous gardait secs; le bassin était plein d'eau, les pelouses de vieux, de guitaristes chevelus et d'indolents tatoués.



La nuit d'avant, mon vieux K avait failli se faire embarquer par les cochons pour une banale histoire de trouble de la paix publique. Son copain Ed, moins roublard et plus pur, s'est fait péter le crâne sur le toit du véhicule policier avant de disparaître à l'intérieur. On n'a su qu'en soirée si La Seigneurie d'office avait jugé opportun de le libérer. Kevin, ça l'a rassuré.



Et puis le timbre du Bunker a résonné, toutes les notes de mon code bien découpées, claires, propres et rythmées que c'en était une beauté, j'aurais pas fait mieux moi-même, c'est tout dire, et comme de juste c'était monsieur mon fils, JCM en personne, beau comme un demi-dieu grec (un tiers décathlonien, un tiers philosophe, un tiers bouc). Juste au moment où les traces de sa taille ascendante perçaient sous la peinture...



Je lui ai montré où se trouvait mon testament. Il m'a donné l'assurance qu'il saurait s'occuper de mes affaires en cas de besoin. Je n'ai pas hâte de ne pas voir ça.



Plus tard, Éric Drouin est venu. Sûr qu'ils se passent le mot pour me foutre la crise cardiaque!



L'est monté m'acheter un sachet et n'y a pas touché. Si Éric peut faire ça, d'insoupçonnés possibles s'ouvrent à moi ce soir.

23.5.02

Circius, fort troublé, un tantinet colère, sollicite mes lumières: «Je la fais râler à fond, je lui fais la courte-échelle vers les constellations. Tout de suite après, elle se tire! Fâchée parce qu'elle se figure que je l'ai comparée à toutes les autres femmes. Elle venait de se dire pleine d'énergie. Moi, j'étais là, pantelant, contemplant le repos du guerrier. J'ai dit: C'est bien les femmes, ça. On est à moitié morts et vous pétez le feu. Elle a crié: Je suis pas toutes les femmes! J'étais trop crevé pour jouer. J'ai fermé les yeux et je l'ai laissée filer. Ai-je bien fait, selon toi?»



Tu rigoles? je dis. T'es une sorte de génie.

22.5.02

Elle m'a envoyé au vin tandis qu'elle vaquait aux légumes. On a siroté regardé la télé lu Sand et Nasar j'ai fumé elle a pris un bain chaud que j'avais fait couler pour son souple corps impatient j'ai mis de la musique on a mangé baisé oh elle m'a expliqué le sens premier du sens commun j'ai léché son clitoris sucré le dessert est un triomphe de la civilisation seuls les sauvages en entretiennent le soupçon.
La tête des gens, des femmes surtout, quand vous mentionnez que vous purgez périodiquement la mémoire de votre ordinateur de toutes traces de vos pérégrinations! Non pas qu'ils vous soupçonnent de dissimuler d'horribles secrets, au contraire: c'est de paranoïa qu'on vous taxe. Et bien sûr, le projet de loi qui forcerait les serveurs à conserver plus longtemps les courriels de leurs clients ne vise que les gros méchants terroristes. Cette idée du rien à cacher, rien à craindre est pernicieuse et sophistique. Qu'on se rappelle les saisies de livres en 1970, quand la Police Provinciale embarquait tout ce qui parlait de cubisme, croyant qu'il s'agissait d'une idéologie issue de la Havane! Si j'ai jamais à nouveau des ennuis avec la Loi, je ne veux pas qu'on se mette à interpréter rétroactivement mes goûts en matière de politique, de poésie et de pornographie (Non, pas d'hyperlien sur poésie: trop privé). Un procureur a bien déjà cité en preuve une entrevue que j'avais supposément accordée au Devoir sans se soucier de faire prêter serment à la journaliste.

21.5.02

Annie arrive juste à temps pour voir le soleil se coucher dans l'ancienne carrière Miron, qui devint un dépotoir.
Je devrais travailler à Origines. Le verbe devoir revient souvent aujourd'hui. Je devrais travailler mais le coeur n'y est pas, n'y est plus depuis longtemps, des années, or personne ne me croit quand j'affirme préférer laver la vaisselle à écrire. Avoir écrit, j'aime bien. Parfois, dans mes marathons de nuit soutenus au carburant blanc, je m'amuse vraiment, tout entier à la joie d'accomplir des prouesses, sans ce constant sentiment d'avoir mieux à faire ou d'oublier quelque chose. Sans, surtout, la compulsion de faire vite, de hâter le texte, de boucler la chose à dire en deux paragraphes, ce qui paradoxalement fait traîner toutes mes entreprises. D'auteur prolifique, je suis devenu celui qui livre au compte-gouttes, et le mieux est que j'intègre cette conception de moi-même le plus totalement possible. Or, alors même que j'écris ces lignes, je sais que cela est résolument hors de question. Je n'y croirai jamais. J'y crois, je change; je change, je crève.



Le fait qu'Origines soit une sorte d'essai où la fantaisie doit être réduite au minimum n'arrange pas les choses. Je vois la créativité qu'implique un tel effort mais je ne la ressens pas, pas suffisamment pour me porter, me faire éprouver l'apesanteur et la vélocité d'une flèche.



Ce journal, c'est autre chose. Longtemps je m'y suis refusé, incapable de substituer l'acte d'écrire à celui de vivre, certain que le processus ne pouvait déboucher que sur l'absurde. De plus, je tenais ce genre pour particulier en ce qu'il s'adressait à des lecteurs futurs; or, cela me créait une obligation de dépeindre la vérité, toute ma vérité, un exercice aussi périlleux que futile auquel je répugnais à me soumettre. Mais le fait de tenir un journal pour des lecteurs immédiats change la donne, à mon sens: c'est le vrai contre la vérité sélective, ou ce qu'on appelle aujourd'hui avec quelque abus l'autofiction. De plus, la seule perspective d'être lu et d'en jeter plein la vue me donne l'impulsion nécessaire à l'ouvrage quotidien. C'est comme ça. Il est de pires raisons d'écrire.



Enfin, il n'est pas impensable que la grâce, ce fuyant état propre à la vingtaine, ne revienne jamais que par bouffées intermittentes séparées les unes des autres par des intervalles de plus en plus longs, et que je me sois, en quelque sorte, volé à moi-même mes meilleures années. Cette idée ne laisse pas d'être profondément déconcertante.
Témoignage supplémentaire de mon sens aigu des affaires: la pile de comic books de Spiderman, tous des pièces de collection, achetés à prix d'or en 1992 et invendables il y a six mois à peine, je l'ai donnée à mon cousin juste avant d'apprendre la sortie du film.



Rien trouvé à vendre pour apporter mon écot aux agapes hebdomadaires des Poètes de Port-Royal. Ai dû décliner à regret.



Ma chevelure intolérablement chatouillarde. Aurais dû aller voir signor Perrazino, mon barbier, vendredi dernier tandis qu'il me restait des sous et qu'il offrait de m'attendre après la fermeture. Il m'aime bien, peut-être parce qu'il ne me voit qu'une fois par année.



Plongé dans la lecture accélérée d'A beautiful mind, de Sylvia Nasar: K doit le rapporter à l'Université jeudi matin. J'alterne avec des siestes où je rêve de John Nash sous les traits de Russell Crowe, malgré que je n'aie pas vu le film. Certains épisodes me rappellent celui dont Guigui m'a tiré il y a quelques années. Si l'intelligence est la capacité de faire des liens entre des choses qui n'en ont pas entre elles à priori, qu'en est-il lorsque ces liens sont visibles d'un seul individu?
L'administration États-Unienne publie sa liste annuelle d'ennemis, qui s'allonge comme de juste. Jamais, ni sous Reagan, ni sous Bush Sr, je n'ai senti cette pression de l'État pour se muer en entité Orwellienne. Le seul espoir est qu'à force de crier au loup, les profiteurs de guerre se discréditeront aux yeux de l'opinion, mais c'est compter sans leur capacité à produire au besoin un loup du néant comme le magicien tire un lapin d'un chapeau.
Dans Le 6e sens, le gamin qui voit des revenants explique au psy qu'auparavant, il dessinait des choses telles qu'un garçon à la gorge tailladée par un tournevis. L'école, alarmée, ayant convoqué sa mère à une réunion au cours de laquelle celle-ci a fondu en larmes, le petit s'en tient désormais à dépeindre «des gens qui rient, des ciels bleus. Ils font jamais de réunions pour des ciels bleus...»



Annie noircit son cahier dans le lit. Une jambe croisée sous elle et l'autre, nue sur la couette, la plus enchanteresse vision qui soit. La voilà qui saute dans ses jeans et file au boulot. Le ciel est bleu. On n'aura pas de réunion.

20.5.02

Visite de Mario. Les oreilles devaient lui bourdonner.



Je fais une sieste, je me réveille, j'ai faim, je mange, ça m'endort, ô vices circulaires!
Salutations à vous, amis pirates qui êtes aussi des fans de Céline! Saviez-vous que vous pouvez contourner la technologie Key2Audio de Sony avec un simple marqueur à pointe de feutre? Non, vous ne le saviez pas. Noircissez simplement le rebord brillant qui contient la piste emplie de fausses données destinées à égarer l'ordinateur, et brûlez, brûlez, BRÛLEZ! En prime, votre Mac ne se plantera plus, en tous cas pas pour cette raison. Évidemment, ça ne marche pas avec les disques dont j'ai écrit tout ou partie des paroles.



Suggestion: faites provision de marqueurs avant qu'on les interdise aussi.
Ajouté des définitions à mes Liaisons.



Mario, grippé, se tenait en quarantaine sans trop s'ennuyer parce qu'il prenait de mes nouvelles par le biais de ce journal. Ce que je me demande, c'est comment il en prenait des siennes.
Je sais toujours quand j'ai dormi dur et hors du temps parce que ma montre prend du retard. C'est la Tissot de mon grand-père, un modèle rarissime qui se remonte tout seul au mouvement du poignet grâce à un micro-balancier qu'on entend si on agite le boîtier près de l'oreille.



Au réveil, je remets ma montre à l'heure mais je demeure si calme au cours des quelques centaines de minutes suivantes qu'elle en reperd encore cinquante.



Surprenant ce qu'une douche, des chaussettes neuves et un slip frais sorti de sa boîte peuvent faire pour le moral.



Tout de même, ce matin, mon inquiétude d'élection a trait au silence des productrices de Julien Vago. La rencontre prévue au début de mai n'a toujours pas eu lieu et j'essaie de préparer mon coeur à l'échec. Hemingway, Faulkner, Fitzgerald ne sont-ils pas revenus d'Hollywood la queue entre les jambes et tristes à mourir? Le cinéma fait des dégâts.

19.5.02

Me prépare une salade. Y tranche un avocat. Morceau tombe à terre. Le ramasse, l'essuie. Suis un gars. Morceau, le même, tombe dans l'évier. Signe des Cieux? Doigts glissants? Le ramasse, l'essuie. Doute: chance et charisme revenus? Mange le morceau: frappe du dur, sablonneux, croûté. Le recrache et le jette aux vidanges. Mieux vaut errer du côté de la sécurité.



Si seulement j'avais fait preuve du même bon sens, flushé mes morceaux d'avocats lors de mes procès et pris en charge ma propre santé.
Je rêve de posséder l'endroit où je vis, d'y installer deux frigidaires et de me tirer une balle brûlante dans le crâne.
On légalisera les drogues, cela fait-il le moindre doute? Dépêchez-vous, je veux voir ça de mon vivant et le temps presse. Dépénalisez! Tancez vos cochons! Collectez des taxes! Grouillez-vous, foutu tas de pervers fascistes pissous!
Ma chance, ou est-ce mon charisme? n'ont pas duré toute la semaine. Le gros lot m'a échappé. Vu un vieux Québécois féliciter l'un des gagnants: «T'as frappé de l'huile?»



Savoureux.
Le Timor Oriental devient aujourd'hui la plus jeune Nation du monde. L'entière Humanité serait pardonnée de se sentir nouvelle Mère.



Putain, ça devrait nous donner des idées.
Elle a besoin de solitude et moi aussi, pourtant nous sommes bien ensemble. La plupart des gens considèrent la solitude à deux comme une calamité; pas moi. Nous trouverons peut-être le moyen de vivre cet état, de sentir nos présences et partager l'espace tout en pouvant lire ou écrire ou manger en parallèle avant de nous transverser. Peut-être, peut-être pas.

18.5.02

Mitraillé des mails toute la sainte nuit blanche, autant de décharges de chevrotines chaudes ciblées nickel, ô quelle ardente et louche joie un gars prend-il à fabriquer ses propres cartouches! Les parfumées, les gorgées de peinture et les pleines de poison, les édulcorées, les artificières, les bourrées de gros sel, les destinées au petit gibier, les douces comme flèches de Cupidon, les comme de mous pétards mouillés...



Les bruyantes, éclairantes, explosives, les sifflantes, amusantes, incisives, et les bourrées de petit plomb coquin, celui-là même qui la chatouille jusqu'au fin fond de ses doux reins!
kevin oisif au sang tout ce travail toute cette peinture créative et d'entretien toute cette construction de son site et tout ce temps qu'il me consacre tout cela n'est rien en regard de ce qu'il faut qu'il accomplisse pour lui-même confronter le réel ingrat le soumettre et lui tordre le bras le réel et puis l'apprivoiser le réel avec des mots concrets des principes entiers des effets de manche et du sucre s'il faut car il faut ce qu'il faut et cet homme doit cesser de fuir les exigences de sa jeunesse vitale tout l'avenir écrasant somptueux qui s'ouvre à son talent ce haut mât de cocagne érigé devant lui oint de graisse de porcelet et au sommet duquel sont suspendues les récompenses de ce monde il n'est pas bien que ce gaillard vive si tôt la même vie que moi redescendu du mât je lui nuis je lui donne à croire que n'existent plus les marais de souffrance et les cloaques de solitude et l'effroi dur et le dégoût mou de soi pour moi ce bunker sage et sécure est l'aboutissement d'une longue violente usure pour lui c'est le début et c'est mal.



o' que je pastiche ici avec plus ou moins de bonheur lui a écrit enfin et tout me porte à croire que c'est très joli qu'il n'a rien perdu pour attendre. Il plane il cogne des clous il consent finalement à dormir c'est plus compliqué de le mettre au lit que de l'en tirer il marmonne réveille-moi quand il sera temps à temps je veux dire à temps pour qu'on passe une journée qui nous ressemble...



je le rassure d'accord une demi-heure.



ses yeux s'arrondissent il pouffe tout rouge épuisé il s'allonge en sécurité sur le sofa mauve qui prend décidément la forme de sa vigoureuse carcasse il répète une demi-heure une demi-heure elle est bien bonne.



hier il parlait d'un job de travailleur de parc ça consiste à s'asseoir sur un banc de square de treize heures jusqu'à vingt-et-une et à s'occuper des jeunes délinquants et le coeur m'a manqué car enfin qui s'occupe des vieux délinquants? mais bien sûr ce serait excellent qu'il travaille qu'il nage de cette session universitaire vers la suivante comme s'il s'agissait d'îles de ses chères Îles et l'été est un océan sirupeux plein de pièges de subtiles sirènes d'agaces-pissette de soupçons intimes de crises de coeur de crises de foi je suis conscient de chipoter comme une tapette ou une mère-poule mais est-ce ma faute si mon fils n'est pas là pour subir le surplus passionné de mon anxieuse affection? je suppose que ça l'est quand on y pense.



ce soir k me lit tout aussi fasciné que séduit un passage de tropique du cancer cependant que je grince comme une porte de grange à la vue des ficelles faciles que miller tisse trame tresse je le sais je le fais mais je me serais si bien passé de prendre henry en flagrant délit de tricher je me serais contenté comme je le fais depuis quinze ans du souvenir de mes éblouissements mon dernier dieu titube et tombe et c'est ce jeune prodige qui lui fauche innocemment ses pieds d'argile c'est justice je suppose je suppose je suppose.



ensuite je lui lis quelques pages de vamp et il est pris d'un soudain très pénible hoquet.



presque trois heures annie écrit qu'elle a eu froid plus tôt ce soir satin et soie dors bien mon ange en miel dors dur somnole tiède mon délicat chaperon rose pense à ton loup ton loup-marin grand méchant loup-marin dentu qui te phoque sweet qui te phoque doux..



17.5.02

Vraiment vanné.



Dispersé l'avance de la SOCAN entre diverses créances, privilégiant les plus urgentes (amis et gros méchants fournisseurs de télécom).



Me farcis enfin le chanfrein. Christ, ça fait du bien.



Suis passé à la librairie acheter un bouquin symbolique (de l'interruption de l'hémorragie de ma bibliothèque). Ai choisi Le Prince de Machiavel. Manque de pot, Blackburn décide de m'en faire cadeau. «Tu peux pas faire ça, enfoiré!» protesté-je. «C'est symbolique! Faut qu'il me coûte quelque chose!»



«Pas question!» qu'il dit, l'oeil noir et pétillant. «Celui-là, je te le vends pas. Celui-là, c'est un cadeau. Achète-t'en un autre.»



Et c'est ainsi que, Gros-Jean comme devant, j'ai acquis Hamlet, l'histoire d'un second prince: à cause d'un troisième.

16.5.02

Je demande à K comment on se sent au haut de l'échelle; il me répond que je devrais le savoir. Oh, je dis, moi, tu sais, c'était deux semaines en 1988, c'est loin déjà, mais toi, toi qui es neuf?



Il pose son pinceau et vient lire l'entrée qui précède. Il me dit que j'ai réussi à transcender l'anecdote, à distiller le sucre de notre vérité. Ça me fait flancher, venant de lui, je l'aime tant et si propre est son jugement. Je réplique que c'est pas surprenant, qu'on s'y connaît, en alambics.
Hier, sommes passés au party des vingt ans d'Arcade. Claudine Bertrand plus jeune qu'alors. Kevin reconnaît trois de ses proffes, Annie une. «L'écriture au féminin! snappe-t-elle en sortant. Imaginez seulement qu'on sous-titre une revue L'écriture au masculin! Ouhhh! Ça m'énerve!»



Souper de crevettes. On s'est passé Ali. Annie et K se sont réconciliés. Il repeint aujourd'hui sa salle à dîner, baptisée Jeune Afrique (don't ask!). On a piqué de la bonne peinture. Quand K sort acheter de la bière, rue Bernard, il se sent comme dans un film. «Tu te rends compte, l'exotisme! Des Îles à Hochelaga, à Paris, à Parc Extension, au Plateau, à la rue Hutchison!»



Il peint, donc, tandis que je pirate des chansons sur le net comme un DJ boucanier, juché sur l'escabeau il gueule ses demandes spéciales et je pitonne mon Réal, pitonne full planche et je ne fournis pas. Quand, sur sa suggestion, je télécharge L'oiseau de René Simard, je me mets à chiâler et à rire en même temps, et Kevin me serre le genou très fort (Sylvie Leblanc, qu'es-tu devenue? Nous avions six ans et nous aimions très fort!) Plus tard, c'est son tour sur A toi par Joe Dassin, et Cat n'est pas loin...



L'amour est un mythe merveilleux, un mythe de Sisyphe, constamment à recommencer. Moi, par exemple, je pose mes lèvres sur les traces pâles à ses poignets et, même si j'ai déjà vu ça, ou peut-être parce que, je garde par-devers moi mes questions.



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15.5.02

On se passe La mort d'un commis-voyageur, version Volker Schlondorff. Je l'ai déjà écrit, Willie Loman, c'est mon-grand père. Une vie de démarchage à dormir dans des chambres d'hôtel sur son pantalon glissé entre matelas et sommier. Sans faux-pli. À la fin, existant dans le passé. Croyant en l'Amérique. En Dale Carnegie. En son produit.
Recouché, relevé. Kevin chante: «Quel beau mystère, quel chant joyeux, Paix suuur la Terre et dans les Cieeeux!»



Rêvé de lui, sa soeur et Catherine. Dans le rêve, c'est sa soeur qui est écrivain et pas Cat. Or, voilà-t-il pas qu'il a rêvé de nous aussi: s'en allait faire un mauvais parti à un type qui avait manqué de respect à sa frangine quand il me vit traverser le champ à sa rencontre au ralenti dans mon duster noir. Western.



Voilà. Il l'a rêvé il y a à peine dix minutes et c'est déjà publié; quelqu'un en France, à en croire mon compteur, est en train de le lire. Kevin dit: «T'imagines-tu le trip que Breton et ses potes se seraient payé avec un bidule pareil?»



Il dit aussi que si les observateurs internationaux visitent les prisons de Cuba, ils seraient bien avisés d'inclure celle de Guantanamo Bay. «C'est la pire de l'île!»
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Monotype 5

(© Kevin Vigneau 2001)




Kevin Vigneau m'a fait cadeau de l'original de ce tableau, ce monotype, numérisé ici en noir et blanc. Je l'ai accroché tout de suite. Sa composition est parfaite, sans parler de l'effet qu'il me fait. Il me rappelle que vivre d'art, de livres, de vin, de tabac, d'omelettes au mozzarella, de l'amour d'une jolie femme et de l'amitié de deux ou trois bonshommes est un insondable privilège.



14.5.02

On regarde un documentaire sur les exactions de la CIA. Me reviennent les mots de ma mère: «Les Américains sont devenus riches en se mêlant de leurs affaires.» Où diable est-elle allée pêcher ça?



Grand-mère disait:«Coeur qui soupire n'a pas ce qu'il désire, coeur content soupire souvent.» Celle-là non plus, je la comprends pas.



Maman, encore: selon les circonstances, elle me servait soit «Et si ton copain se jetait du haut d'un pont, tu le ferais aussi?» ou alors «Si cent soldats marchaient dans une direction, tu marcherais dans l'autre!»



Je m'étonne vraiment de ne pas être plus mêlé que ça.









Rien de particulier. C'est, en soi, particulier. Je sape ma soupe en regardant la mouille froide cingler la ville cependant que Kevin, le nez en l'air, compte sur ses doigts les femmes qu'il a lues. Il est bloqué à cinq.
Kevin se tient les côtes, il hennit ce salaud à force de se foutre de moi, il dit: «Quoi? QUOI?»



Je répète: Annie avait un mignon bouton au milieu du front et je lui ai dit qu'elle s'était déguisée en hindoue.



«T'es fou? Elle était... enfin, tu sais bien... elle était visitée par les Indiens, quoi! Il leur sort des boutons de partout, ces jours-là, grands dieux, il faut pas...»



«Je sais, je sais, il faut pas en parler, sauf que j'y ai pas pensé, j'ai pas pensé à mal, j'ai dit la première affaire qui...»



«Qui quoi? Kesta dit ensuite?»



«J'y ai dit le truc du dentifrice.»



Il s'est levé, il a hurlé (de rire dubitatif): «Le truc du dentifrice?!»



«Ben, ouais! Ça fonctionne! Les top models s'en servent! T'as un bouton, tu mets de la pâte à dents, y sèche, y tombe!»



Là, Kevin, il se tenait les côtes flottantes, il bramait de rire à mes dépens. «Ta blonde, elle utilise des savons Druide, Christian! Ça vaut trois piasses le pain! Du dentifrice, franchement...»



Je m'empoigne le crâne, le frappe trois fois sur mon bureau. «OK! OK! Lâche-moi...»

13.5.02





M'ennuie.

Me tape le canal météo. Précipitations mouillées pour demain, cocotte.
Sur le Forum, y a un abonné qui s'appelle Pastis et qu'en a marre de causer tout seul. Cherche quelqu'un pour s'ostiner. Semblable abjecte solitude me fait peine. Allez, quelqu'un, un bon geste: je vous demande pas d'aider un vieillard à se laver ni rien. Gagnez votre ciel, peuchère!
Même pas midi, déjà je m'offre une sieste grasse. Chanson finie, l'effort de vie se récompense par une ration d'inconscience.
Je planche sur un texte de chanson, une ânerie pour une interprète velléitaire qui me l'a demandé et à qui je n'ai pas le coeur de dire qu'elle n'arrivera vraisemblablement jamais à rien. Me croirait-elle, de toute façon? Bien sûr que non. Alors elle l'aura, son texte, son démo et son désenchantement. Je suppose que c'est encore préférable au regret de n'avoir jamais rien tenté.

12.5.02

Regarde Le bûcher des vanités. L'avais lu à Parthenais, en préventive, à l'ombre, tandis que ma carrière tombait en cendres au dehors. Sherman McCoy se croyait sans un ami au monde. En cela aussi, il se trompait.
Plein de dumplings et de canard laqué.



Croisé Hans, hors d'haleine sur son vélo, une jointure écorchée. S'est remis à la boxe.



Croisé Véronique et sa bergère allemande bébé. Véro, danseuse exotique, amatrice de matelots et seule femme en ville à pouvoir me faire rouler sous la table à coups de tequila.



Ma sweet Annie a les lèvres engourdies...
Ajouté quelques clichés à ma tribu en photos. Vais flâner dans Chinatown avec Annie tandis que les grévistes s'amusent à cisailler les câbles de fibre optique.
Y en a plus que marre. Le câble me lâche à répétition. Je me fais l'impression d'être un cadre qui lutte vaillamment pour sortir le journal malgré le sabotage et les piquets. Ou peut-être un scab. Le pire, c'est quand la grève devient le sujet. Heureusement que je m'en tape, du sujet.
Réveillé (encore) par une (fausse) alerte d'incendie. Comme une grande pulsation stridente du building. Quel extraordinaire moyen de rencontrer mes voisins, si j'en avais la moindre envie!

11.5.02

Mario est passé en début d'après-midi. J'ignore pourquoi au juste, mais j'ai cru comprendre que c'était pour tousser sur mes meubles. En tous cas, je lui ai fait de la soupe et lui ai refilé des Halls mentho-lyptus. Il a dit: «La dernière fois que j'ai lu ton journal, tu racontais que je t'avais apporté du papier de toilette. Bon Dieu, ils diront pas que t'évites les vrais sujets!»



C'est toi qui m'a refilé l'idée, j'ai dit. Les contingences de l'écrivain et tout ça. Viens pas te plaindre maintenant.

Ajouté une chanson inédite au site, pour remonter Annie qui souffre d'un gros mal de partout. Écrit ça pour Louise Forestier en 1990. Projet avorté.



Aussi une page de liens, Liaisons dangereuses,accessible à partir de celle-ci ou de Vacuum.



Saloperie de grève à Vidéotron: mon modem flashe pire qu'une disco. Bien envie d'aller voir s'il fait beau chez Bell; paraît qu'ils sont mucho sympatico. Et combien vous pariez que la facture de ces enfoirés va se poser comme une fleur au jour et à l'heure dans mon pigeonnier?
Une joke de K: c'est un petit Madelinot qui entre en trombe dans la cuisine. «Maman, maman, j'ai vu deux airplanes



Sa mère le tance vertement. «Kevin, tu sais qu'il faut dire avions. Allez, recommence et fais attention.»



Le gamin, penaud, s'exécute de mauvaise grâce. «Maman, maman, j'avions vu deux airplanes



Bon, eh bien, maintenant que vous êtes détendus, TAM TADADAM! Je suis autorisé à révéler l'URL du site de Kevin Vigneau. LIBER est très spécial et très beau, je trouve. Comme dit O', «Il écrit bien, le bougre!» Et un rapide coup d'oeil révèle qu'il ne peint pas que des salles de bains.

10.5.02

Carole David est une douce et vieille amie. Pour une raison ou pour une autre, je ne me suis jamais montré tout à fait à la hauteur avec elle. Quoiqu'il en soit, elle appelle ce que je fais le pari du journal. Perspicace en diable. Sans parler qu'à force de lire entre les lignes, elle finira par me donner l'impression de doubler ma production!
Quand Dominique est venue mercredi, c'était les bras chargés de cadeaux: son livre d'abord, plus quarante-huit bouteilles de bière "pour mes ouvriers" (Kevin, en l'occurence) et des certificats pour vingt-quatre autres. Ce soir, je passe à travers la Heineken, mais j'ai pas le coeur à la luxure.