7.10.12

Mêmes animaux

Moran lancera son prochain album, intitulé Sans abri, mardi prochain.

Comme les précédents, il comprend une pièce de mon cru écrite spécialement pour lui: Mêmes animaux. La voici.





Mêmes animaux
Christian Mistral


Ce que je voudrai t’enseigner,
Ce n’est pas tant ce que je sais
Que ce que je sens nécessaire
Pour que la vie soit un repas,
Un banquet riche, un festin gras
Depuis l’entrée jusqu’au dessert…

Je t’apprendrai le goût des mots,
Celui qu’ils auront eu pour moi
Sur les papilles de mon cerveau,
Toutes les saveurs de l’émoi ;
Toi la prunelle de mes yeux,
Petite fille ensemble allons
Là où la voix a feu et lieu,
Là où les sons sont des ballons.
T’apprendre le goût de ta langue
Parce que c’est la mienne aussi,
Voilà ce dont j’aurai envie
Avant qu’elle ne soit exsangue ;
Les appétits de la parole
Seront ton plus bel héritage :
Je les ai reçus en partage
Et tu sauras cette faim folle…

Je n’aurai pas beaucoup d’argent
À te laisser en trépassant
Mais tu garderas mes repères,
Les verbes et les vers de ton père.

Je te conterai des histoires,
Des vraies, des fausses, d’autres aussi,
Quand tu auras peur dans le noir,
Et de la nuit, et de la vie.
Je te dirai le goût des mots,
Celui qu’ils ont eu dans ma bouche,
Pour que tu saches quelle est ta souche,
Toi et moi : mêmes animaux !

12.9.12

La chefferie du parti libéral du Québec

Danger: Raymond Bachand teste ses appuis. Qu'un leader aussi charismatique, au magnétisme sexuel aussi agissant sur les foules, avec une telle maestria de l'imagination populaire, qu'un homme de cette trempe songe au pouvoir fait déjà trembler tous ses éventuels adversaires et me fait chier dans mes culottes.


Les sondages à l'interne le donnent déjà gagnant, à condition que la jambe de bois de Lucien Bouchard ne se présente pas.


6.9.12

Johnny Bee: les mots

Il est bien des choses. Entre autres, un grand écrivain.

Les mots
Jean Barbe


Bien sûr, leur chambre est un bordel sans nom et souvent ils préfèrent l’usage de leurs doigts à celui de la fourchette. Bien sûr, il faut leur rappeler matin et soir de se brosser les dents, et s’il n’en tenait qu’à eux, ils se conteraient la plupart du temps d’une diète composée exclusivement de chips au vinaigre, de bonbons et de crème glacée pour les temps chauds.
Mais ils s’intéressent à des choses qui ne sont pas de leur âge et, hier soir, mon fils m’a demandé de choisir pour eux des films d’Alfred Hitchcock, qu’il ne connaît pas encore, mais dont il sait qu’il est un grand du passé. Et Kubrick aussi. Il voudrait voir The Shinning.
– C’est d’après un livre de Stephen King, non ? – Oui. – Comme La ligne verte ? C’était tellement bon, La ligne verte.
C’est l’aîné. Il aura 13 ans dans deux semaines et déjà il m’arrive aux sourcils.
Bien sûr, il se chicane avec sa soeur, et parfois ça dégénère. Sans doute ont-ils appris un peu tôt l’art du sarcasme et de la dérision. Ils savent mettre les mots dans la plaie, frapper juste et sec, au défaut de l’armure, dans le noeud fragile des contradictions de l’autre. Ils font mal, les mots, quand ils sont affûtés, choisis pour blesser.
Mais ils savent aussi bercer, soigner, panser, soulager, les mots, quand ils se font doux et caressants avec la même précision. Et mes enfants se blessent parfois et s’entendent pourtant à merveille, et s’aident et s’aiment et savent aussi se le dire.
Et ils le disent non pas avec des mots que je leur ai mis en bouche, mais avec des mots qu’ils ont lus et compris.
Les mots de leurs lectures.

Le désennui
Ils n’étaient que de petites choses maladroites, bondissant partout sur leurs jambes boudinées, que déjà je leur disais :
– Je n’ai pas été mis sur terre pour vous désennuyer !
Ils étaient à l’âge où, en garderie, on ne leur laissait pas un instant de répit ; toute la journée planifiée, des activités aux demi- heures, pas question de les laisser trop longtemps contempler le ciel pour trouver des formes aux nuages. Alors, pendant les week- ends et les vacances, je m’efforçais de les désintoxiquer de ces horaires trop chargés qui deviennent comme une fuite en avant.
Je suis à cet égard décidément d’un autre temps. Ou d’une autre culture. Oh, mes enfants ont des activités, oui, cours de batterie, de natations, de nage synchronisée, de tennis. Mais jamais plus d’un à la fois, et, Bon Dieu, pas tous les jours, pas tout le temps !
Alors, forcément, parfois, ils ne savaient que faire, avec moi, en vacances, en week-end, à la campagne.
– Je n’ai pas été mis sur terre pour vous désennuyer !
Et je leur montrais les livres qui tapissent chez moi les murs et qui s’empilent en désordre un peu partout, et les livres qui me suivent toujours comme une meute fidèle. Et je leur racontais ce que m’avait dit, voilà près de quarante ans, une bibliothécaire émue en me tendant ma toute première carte d’abonné :
– Ceux qui aiment lire ne s’ennuient jamais.
Peut-être que ça n’a rien à voir avec ça. Peut-être que ça n’a rien à voir avec cette bibliothécaire, ni avec moi. Mais mes enfants lisent, beaucoup, d’abondance. Peut-être que ça n’a rien à voir. Mais le fait est que j’ai voulu qu’ils s’ennuient, parfois, afin qu’ils puissent apprendre à écouter le silence, le murmure de leurs pensées. Et dans l’espoir que, un jour, ils tendent la main vers un livre, pour ne plus le lâcher.

Penser, panser
Au cours d’une discussion, voilà quelques semaines, mon fils s’est soudain arrêté de parler. Nous attendions, ma fille et moi, en le regardant.
– Attendez un peu, je réfléchis à ce que je pense, a-t-il dit en guise d’excuse.
Nous avons éclaté de rire, sur le coup. Depuis, cette petite phrase ne cesse de m’impressionner.
Et voilà que nous pouvons partager les mêmes lectures, mes enfants et moi. J’ai lu les Hunger Games que ma fille a dévorés en quelques jours, et je viens tout juste de terminer le premier tome du Trône de fer dont mon fils a lu les 800 pages en deux semaines de vacances pourtant agrémentées de nombreuses expéditions et jeux et baignades…
Ce ne sont pas des livres simples même s’ils sont divertissants. Le trône de fer, surtout, qui est également une somptueuse série télé (Game of Thrones). S’y révèle toute la méchanceté humaine, sa cruauté, sa soif de pouvoir, sa complexité.
On y lit que les héros peuvent mourir avant la fin du premier livre et que les plus méchants savent survivre en se rendant indispensables. On y comprend qu’il n’y a pas de justice absolue, et que le chaos règne si on n’y prend garde. On y apprend que les convictions ne sont rien sans les actions qui les incarnent, mais que nos convictions peuvent se heurter à celles des autres, tout aussi légitimes.
Ce n’est pas un livre pour enfant. Justement.
Peut-être que ça n’a rien à voir avec moi. Peut-être.
Mais cette petite phrase, comme j’aimerais l’entendre plus souvent, à la télé, à la radio. Comme j’aimerais la lire plus souvent dans les journaux, sur le net.
Une toute petite phrase, qui nous permettrait peut-être d’échapper à la fuite en avant, à la bêtise de la simple réaction aux événements. Une toute petite phrase qui nous permettrait peut--être d’échapper à cette course folle, les deux mains sur le volant, qui ne conduit qu’à la désolation. Une toute petite phrase pour panser le monde et peut-être le guérir.
«Je réfléchis à ce que je pense.» La phrase de mon fils, qui a trouvé, dans les livres, les mots pour la dire.

29.8.12

Pour ben du monde, trop pour fitter dans le titre: Richard et les yankees.

Pour ce vieux Butch, ce sauvage du désespoir, qui prend les choses tellement à coeur et qui en a tant sur le coeur, et pour ce vieux Mac qui nous a saisi le coeur collectif un battement suspendu chacun puis la chamade alors que le sien si ample a failli oublier son boulot, pour Hamelin le lynx, Lamanque la panthère et Natier la femme-hibou, pour Vigneault le jeune et pour Vigneau le vieux, pour mon fils et pour Souhaïl et pour Charest et Marois et Legault et pour Caza et Danger et Terrible et monsieur Kim et Amir et la candidate moustachue et Martineau et Duchesneau et Parizeau et PKP et vous autres Tribaux dont vous savez que si je vous nommais tous on aurait l'air sectaires, pour tout le monde dans le monde, y compris les braves pitounes au Togo qui vont faire la grève du cul sept jours de temps pour renverser un régime corrompu, pour tout mon peuple humain qui est le tien comme le mien sauf les métèques à l'étage au-dessous ceux-là ont l'air louche et pis peut-être mon ex-belle-mère et tant qu'à y être BHL mais sinon c'est pour tout le monde, à une semaine des élections ici, à guère davantage avant des élections ailleurs, que le vote soit exprimé à la mine d'un crayon ou à la fleur d'un fusil.






N.B. Il s'agira ci-dessous d'un copier-coller sous toutes réserves d'une transcription trouvée sur l'internet et transmultipliée par mille à l'identique, ce qui n'en garantit aucunement l'authenticité, ainsi que je suis tristement bien placé pour le savoir.

À deux endroits, je doute que ce soit bien ce que Richard chante, ait écrit, mais entre l'appeler à l'aube pour vérifier et courir le risque de reproduire des fautes, j'ai choisi de choisir, euh, ben, dans le milieu, c'est-à-dire de couvrir mes couilles en rédigeant cette notice. On n'appelle pas Desjardins le matin pour lui demander si la nuit dort dans un verseau ou un berceau, genre. D'un autre côté, on ne lui attribue pas des mots qui ne seraient pas les siens sans un modicum de précaution, enfin pas moi, j'aurais l'air con, sinon, à notre prochain tournoi de bowling-bénéfice pour le PPDA (Parti Pour le Droit d'Auteur, à l'intention des béotiens qui le savent pas).

CM



Les yankees

Richard Desjardins

La nuit dormait dans son verseau,
les chèvres buvaient au rio
nous allions au hasard,
et nous vivions encore plus fort
malgré le frette et les barbares.

Nous savions qu´un jour ils viendraient,
à grands coups d´axes, à coups de taxes
nous traverser le corps de bord en bord,
nous les derniers humains de la terre.

Le vieux Achille a dit:
"À soir c´est un peu trop tranquille.
Amis, laissez-moi faire le guet.
Allez! Dormez en paix!"

Ce n´est pas le bruit du tonnerre
ni la rumeur de la rivière
mais le galop
de milliers de chevaux en course
dans l´œil du guetteur.

Et tout ce monde sous la toile
qui dort dans la profondeur:
"Réveillez-vous!
V´là les Yankees, v´là les Yankees
Easy come, Wisigoths,
V´là les Gringos!

Ils traversèrent la clairière
et disposèrent leurs jouets de fer.
L´un d´entre eux loadé de guns
s´avance et pogne
le mégaphone.

"Nous venons de la part du Big Control,
son laser vibre dans le pôle,
nous avons tout tout tout conquis
jusqu´à la glace des galaxies

Le président m´a commandé
de pacifier le monde entier
Nous venons en amis.

Maint´nant assez de discussion
et signez-moi la reddition
car bien avant la nuit,
nous regagnons la Virginie!"

V´là les Yankees, v´là les Yankees
Easy come, Wisigoths,
V´là les Gringos!

"Alors je compte jusqu´à trois
et toutes vos filles pour nos soldats
Le grain, le chien et l´uranium,
l´opium et le chant de l´ancien,
tout désormais nous appartient
et pour que tous aient bien compris,
je compterai deux fois
et pour les news d´la CNN:
Tell me my friend,
qui est le chef ici?
Et qu´il se lève!
Et le soleil se leva.

Hey Gringo! Escucha me, Gringo!
Nous avons traversé des continents,
des océans sans fin
sur des radeaux tressés de rêves
et nous voici devant vivants, fils de soleil éblouissant
la vie dans le reflet d´un glaive

America, America.
Ton dragon fou s´ennuie
amène-le que je l´achève.
Caligula, ses légionnaires,
ton président, ses millionnaires
sont pendus au bout de nos lèvres.

Gringo! t´auras rien de nous
De ma mémoire de titan,
mémoire de ´tit enfant:
Ça fait longtemps que je t´attends.
Gringo! Va-t-en! Va-t-en
Allez Gringo! Que Dieu te blesse!

La nuit dormait dans son verseau,
les chèvres buvaient au rio,
nous allions au hasard
et nous vivions encore plus fort
malgré le frette et les barbares.

16.8.12

Djemila Benhabib, Jean Tremblay: se crucifier et se lapider à gogo

Laïc, agnostique ou athée? Rien de ces trois trucs-là n'est le même, et on n'a toujours pas abordé les différences religieuses.

Pour ma part, j'ai abjuré la foi catholique au début de la vingtaine, parce que l'idée d'avoir été coopté avant l'âge de raison m'enrageait, mais surtout parce que je ne croyais plus en Dieu. Or, quand on a mûri depuis le berceau jusqu'à l'adolescence avancée dans une certaine idée du divin, un contexte culturel, familial, personnel, rituel, paramétrés par le concept d'une Création, d'un sens à la vie et d'une suite à la mort, ne plus croire en Dieu est une infiniment pénible perte. Personnelle. Une peine d'amour sèche, sale et sciante. Ce vide, à la rigueur, peut toujours se combler à grands renforts d'intellect: une pelletée de philosophie par-ci, un gros tas de raison pure par-là. Mais la soudaine, insondable solitude, elle, ne se soigne pas. La nature, dont la science a démontré qu'elle a horreur du vide, ne remplit pas celui-là. Dieu n'est probablement pas affaire de nature, mais de culture, alors. Eh bien, justement...

On n'a cessé, ici, de condamner l'alibi des Yankees pour leurs guerres d'agression: instaurer la démocratie, l'économie de marché, l'égalité, la liberté!

Parce que, vrai, c'est un processus. Ça prend du temps.

Or, c'est pareil pour nous. Qu'est-ce qui presse tant? N'avons-nous pas abattu assez de nos symboles historiques dans l'hystérique feu de joie qu'allumèrent les Boomers dans la seconde moitié des sixties, un incendie qui leur a échappé et qu'ils ne se sont jamais souciés d'éteindre ensuite, un brasier criminel, qui a presque tout consumé ce qui les a précédés? De cette terre brûlée, calcinée, le printemps dernier nous a donné l'espoir qu'une nouvelle germination de bleuets pourrait surgir...

Il faut comprendre les Canayens choqués par l'intervention de Djemila Benhabib. J'ai l'impression qu'elle-même les a  compris. C'est un processus. Le crucifix, le drapeau, la croix du Mont-Royal, le reliquat de la foi de nos grand-mères, les églises immenses et magnifiques bâties partout sur notre territoire au prix d'efforts et de sacrifices inouïs: la Foi était vraie, authentique, nos parents n'étaient pas des imbéciles ni des victimes du Vatican sous la botte du clergé et de l'Union Nationale.

Jean Tremblay, ce qu'il dit, à mon avis, et qui a résonné sans conteste en un tas de monde comme un battant dans une cloche qui sonne les Vêpres, c'est: «Eh! Chose! La nouvelle! OK, OK, mettons que notre mère était une putain: c'est pas une raison pour que t'en jacasses sur le perron de la Cathédrale pendant qu'on procède aux funérailles en famille...»

15.8.12

Tintamarre et cacerolazo

Bonne fête, mon frère Kevin.

Ta race de monde a inventé la casserolade, anticipant sur le Chili de 1971 et le Québec de 2012.

Extrait de Wikipédia:

Le Tintamarre est une tradition récente, peut-être inspirée par l'ancienne coutume folklorique française du Charivari. En 1955, lors des commémorations du 200e anniversaire de la Déportation des Acadiens, l'archevêque de Moncton, Norbert Robichaud, a écrit à ses paroissiens : « Une fois la prière terminée, on fera pendant plusieurs minutes, un joyeux tintamarre de tout ce qui peut crier, sonner, et faire du bruit : sifflets de moulin, claxons [sic] d'automobile, clochettes de bicyclettes, criards, jouets, etc. ». Le journaliste de Radio-Canada, René Lévesque, était à Moncton et a décrit le tintamarre dans son bulletin de nouvelles : « Ici à Moncton et dans toute l'Acadie, c'est l'heure du tintamarre. Ça... c’est le joyeux tintamarre qui résonne... partout où il y a un descendant des déportés de 1755... Il y a également la musique militaire, la fanfare de l'Assomption de Moncton qui fait des flonflons avec ses cuivres. Il y a des petits enfants qui crient... Écoutez encore, c'est la vie de l'Acadie française en 1955, deux siècles après la mort qu'on prévoyait. »

Charest n'est pas une vile charogne

Vu qu'il n'est pas mort encore.

Legault n'est pas le trou du cul d'un trou du cul

Certes, il en a tout l'air, mais sans plus!

Une taxe de cinq cennes par cheeseburger

Ça fait combien? You do the maths, moi je sais pas compter.

Enfin, un peu. Juste assez pour savoir qu'on financerait l'instruction gratis, avec un restant.