2.9.04

Bouteille à la mer

Gigi: contacte-moi. Need your help.

Petite pub pour parasites

Marie-Françoise Taggart a failli être Nelly Arcan dix ans avant Nelly Arcan. Elle ne manquait pas de talent ni de goût pour le kodak (lequel le lui rendait bien, faudrait être Ray Charles pour en disconvenir). L’ambition la brûlait, ainsi qu’une vive et flambante joie quand elle jouait avec les mots. Il lui manquait juste les couilles. Les couilles, certaines en ont, les autres en veulent, et celles-ci tantôt s’en inventent ou bien s’en font prêter, ou tantôt tentent de s’en voler.

Je l’ai aimée, j’étais bien jeune. Elle ne fut pas la seule à ne pouvoir me voir à travers ma mince gloire, mais elle fut la première. Entre le soir où elle vint me dire son admiration éperdue au Salon du livre et celui où elle s’enfuit pieds nus dans la neige en serrant son manuscrit par-devers elle, hurlant que je voulais le lui voler, il ne s’est guère passé que quelques mois.

Je me suis inspiré d’elle, entre autres passantes, pour créer le personnage de Marie-Raspberry Scott, dont la première incarnation remonte à 1992, dans une chanson bien connue écrite pour Dan Bigras. Plus tard, dans mon roman Valium, ma créature refait surface : elle y tient le beau rôle, et pas une ligne ne la dépare. Aucun détail ne peut laisser deviner l’identité de celle qui m’a servi de modèle. Marie-Françoise est protégée, libre de poursuivre sa vie de façon publique ou privée, sans qu’on puisse m’accuser de l’avoir exploitée ou marquée en tant que jeune écrivain en herbe. Plus tard, elle publie d’ailleurs un premier roman que je m’abstiens loyalement de commenter.



Voilà cependant que j’apprends, après toutes ces années, la parution prochaine d’un autre titre (Baisée) chez Lanctôt, signé Marie-Raspberry Scott, et dont le communiqué précise, au cas où on ne pigerait pas la référence, qu’il parle de moi. Lisez plutôt:

Baisée
de Marie Raspberry Scott
Une jeune narratrice raconte sa rencontre avec un écrivain de la relève, Réjean Milrats, dans le Montréal littéraire de la fin des années quatre-vingt, et l’idylle qui s’ensuivra. Marie Raspberry croit vivre le bonheur parfait lorsqu’elle emménage avec son nouvel amoureux. Tous deux sont épris de littérature. Or, voilà qu’apparaît un jour Josyane, femme fatale, qui se dit être aussi la blonde de Milrats, et dont l’irruption bouleversera le bonheur pas toujours tranquille des deux jeunes écrivains. Ce roman, qui contient quelques scènes érotiques fort belles, nous entraîne dans la bohème du Montréal underground, avec ses petits dealers de drogue, ses écrivains paumés, ses anges et ses démons en quête de sensations fortes et d’extases perpétuelles. On ne pourra s’empêcher de trouver quelques similitudes entre le poète Milrats et le fameux écrivain maudit qui s’est fait remarquer, au cours des dernières années, aussi bien par son style direct que par ses frasques éthyliques.

Sous le pseudonyme de Marie Raspberry Scott se cache une écrivaine qui en est à son troisième roman.


Tu parles qu'elle se cache. Entéka : j’ai bien hâte de lire ça, mais je ne laisserai pas Marie-Françoise Taggart faire accroire que Marie-Raspberry Scott a écrit ce roman. Marie-Raspberry Scott écrira des romans si j’en décide et pas autrement. C’est mon personnage, ma création, je suis seul à pouvoir en disposer. Imaginer qu’un bas-bleu et un éditeur peu scrupuleux puissent faire comme si cet aspect élémentaire du droit d’auteur n’existait pas! C’est ce qu’on verra, Nom de Nom...

31.8.04

Pot-au-feu à la Mistral

Le moment venu, filez à Saint Pierre un tupperware rempli de ce truc et vous entrerez au Paradis sans faire la queue comme les ploucs et les Païens.

L'idée de base me vient de Gilles Vigneault via Guillaume: trois heures à trois cents. C'était la seule recette dont il parvenait à se rappeler. Le principe est que la pièce de viande la plus raide du supermarché vous fondra dans la bouche si vous vainquez sa résistance au four à raison de trois heures à trois cents degrés Fahrenheit. Le mieux, c'est le bas de palette.

J'en ai fait hier à Sophie qui n'aime pourtant d'autre viande rouge que la mienne. N'a interrompu ses louanges que pour me témoigner sa gratitude...

Tranchez épais: patates, carottes, oignons. Alitez dans un grand plat de fonte. Mouillez d'une boîte de soupe aux tomates et d'un filet de sauce soya. Sommez avec la bidoche qui fera son propre jus. Parsemez-là de base de soupe à l'oignon, de poivre, d'ail en poudre et d'épices à chili, squeezez-y du ketchup et splashez un nuage de jus de citron. Enfournez.

Garanti, ça troue le cul.

30.8.04

Ego trip

Mon peuple fait un méchant ego trip à rebours. Envies de décrocher ma canne du mur et de varger à vastes moulinets dans le tas bêlant. En eux, l'humilité n'est plus une vertu, c'est un vice devenu. C'est à qui s'aplatira davantage: des brebis dans un concours de limbo. Je sais des cas qui aiment mes livres mais ne les lisent pas tant ma confiance en moi les insupporte. Je les connais depuis longtemps, nous allions à la petite école ensemble, déjà: fallait prendre soin de n'avancer pas trop vite, de peur de les perdre dans la brume. Foutu paquet de peaux molles, charognes de zombis, sépulcres blanchis!

26.8.04

Fantasme

Si le bon diable me prête vie, et si les anges reviennent se percher sur mes épaules pour me soupirer quoi écrire aux oreilles, je ferai pour elle un livre de lumière.

VOIR

Marie Hélène Poitras signe un intéressant papier (L'écrivain et son blogue ) dans le Voir d'aujourd'hui.

Voici le compte-rendu intégral de notre échange cyberépistolaire.


MHP: Depuis quand tenez-vous un blog, un journal d’écriture sur le web?

CM: Ma première entrée remonte au 31 mars 2002, dimanche de Pâques.

MHP: De quelle nécessité cet engagement a-t-il vu le jour?

CM: Celle de communiquer sans me battre physiquement et, paradoxalement, celle de régler des comptes avec le monde, d’agir directement sur lui, sans intermédiaires. Un soir, en proie à un profond désarroi, j’ai marché jusque chez mon fils, j’ai jeté son co-loc dehors, on s’est installés en famille dans un coin du foutoir et j’ai vidé mon sac en attendant la police, j’ai chialé comme un gosse, puis mon kid m’a parlé doucement de je ne sais plus quoi, sauf qu’à la fin j’avais décidé de me brancher.

MHP: Pourquoi écrire un journal « on line » et non pas tout simplement un carnet fermé? Désir de dévoilement?

CM: Je suis écrivain. Publier ce que j’écris m’est naturel. Demande-t-on au castor pourquoi il érige des barrages avec le bouleau qu’il abat?

MHP: Est-ce que cela nourrit votre pratique d’écriture, si oui en quoi, ou est-ce quelque chose qui se fait en parallèle de votre univers romanesque ou poétique?

CM: J’ai résolu ce problème en considérant le blog comme un livre à part entière; la première année, je l’ai bâti comme un roman, privilégiant quelques personnages forts et récurrents, fignolant la chute. Puis, je l’ai publié sur papier en l’intégrant à mon cycle romanesque. Ça a fait râler.

MHP: Est-ce que votre lectorat du blog diffère de celui qui achète vos livres?

CM: Le premier est aussi le second, mais pas l’inverse. J’estime qu’un dixième de mon lectorat-papier est aussi visiteur assidu de mon blog.

MHP: Quelles dispositions est-ce que ça demande, le fait de tenir un blog?

CM: Un engagement, comme tu l’as si bien dit. Au début, c’est fiévreux, puis la température baisse. D’une part, c’est addictif, d’autre part il arrive qu’on veuille fermer boutique. Ceux qui se lancent avant d’avoir répondu aux questions essentielles ne durent pas. Qui écrit (de toutes nos personnalités)? Pourquoi? Pour qui? Quelle sorte de rapport est-on disposé à entretenir avec le lectorat? Va-t-on lui permettre d’intervenir ou pas?

MHP: Diriez-vous que le blog est au roman ce que la télé-réalité est au télé-roman?

CM: On l’a suggéré dans le cas de mon livre Vacuum. On a parlé de roman-réalité. J’ai trouvé ça intriguant, sans trop savoir ce que j’en pense.

MHP: Patrick a déjà annoncé qu’il s’écœurerait un jour, et qu’alors il lâcherait tout…
Avez-vous déjà eu l’envie d’abandonner votre blog? Craignez-vous devoir l’enterrer avant de mourir?


CM: Patrick est rusé, c’est un écrivain professionnel qui a étudié les erreurs de ses prédecesseurs qui se sont pétés la gueule sur un monceau de promesses. Il sait qu’il ne faut pas en faire. Par ailleurs, j’espère vivre plus longtemps que la forme du blog, qui est transitoire comme tous les outils révolutionnaires.

MHP: Avez-vous une éthique de blogueur, y a-t-il des choses que vous n’oseriez écrire, trafiquez-vous les noms de ceux dont vous parlez? Y a-t-il une limite, une ligne que vous ne franchirez pas?

CM: Bien sûr. Qui n’en a pas? Longtemps, j’ai eu en exergue du blog une citation de Joyce : «Il faudrait pouvoir tout dire». On ne m’a jamais demandé de préciser, et il va de soi que je ne l’aurais pas fait.

MHP: Est-ce que vos lecteurs réagissent et vous écrivent?

CM: Ceux qui sont assez malins pour dénicher mon adresse le font. Je publie sporadiquement une circulaire à laquelle ils peuvent s’abonner gratuitement, et mon site officiel comporte un Forum très vivant. Au bout du compte, je corresponds régulièrement avec quelques-uns d’entre eux, quand mon histoire d’amour m’en laisse le temps. Mon histoire d’amour avec une blogueuse. Nous nous sommes découverts par ce biais l’an dernier. Je ne me souviens plus qui a écrit à l’autre en premier.

MHP: Quand, dans la journée, vous installez-vous pour alimenter votre blog?

CM: C’est comme aller pisser : quand l’irrésistible envie prend. Ou que le besoin se fait sentir.

MHP: Y a-t-il des règles tacites liées à l’expérience, et ici je m’adresse tout particulièrement à Christian, qui tient ses Quotidienneries depuis des lunes.

CM: Le blog est fascinant pour ça : les règles s’élaborent à mesure, l’univers est en expansion et si des lois le régissent, on ne les a pas encores découvertes.

MHP: Qui sont vos blogueurs-modèles?

CM: Je n’en ai pas.

MHP: La question à dix piastres : est-ce que ce que vous écrivez sur le blog est de la littérature, au même titre que ce que vous publiez dans vos livres?

CM: Assurément. À preuve, la paye est aussi pourrie. Dix piastres?

MHP: La chose la plus surprenante qui vous soit arrivée dans votre expérience du blog.

CM: Rencontrer Sakurako.

23.8.04

Carburer

Livré un texte à McComber pour un prochain numéro de Moebius. M'a paru très, très content. L'ennui, c'est qu'il m'en a coûté soixante-cinq dollars de carburant pour en gagner vingt. La littérature de haut vol est un sport ruineux.

17.8.04

Grand cru

Non, je ne parle pas de moi.

C'est de bagosse qu'il s'agit, à base de miel et de raisin blanc, tout un gallon, gracieuseté de Kevin, maître-brasseur. Ça fesse en chien. Titré à 20, 25 pour cent. Moelleux en bouche, un régal pour le palais. Je me soûle piane-piane, à petits galopins où viennent se noyer un moucheron après l'autre. J'y trouve mon compte de protéines.

Sophie sait toujours aussi bien m'aimer. Toujours mieux, toujours plus. Sa devise: Too much is never enough. On plane. La vita e bella.

14.8.04

Comptables et Petits Villages

Laverdure me refile le nom d'un comptable qui aime et sauve les écrivains du grand méchant gouvernement. Paraît que lui-même, Tony et Marie-Hélène n'ont eu qu'à se féliciter de l'avoir consulté. À voir.

Parlant de Bertrand, il vient tout juste de me révéler qu'il tient un blog depuis l'an dernier. Expérience intéressante et diablement originale: «Tout ça est assez rudimentaire, mais l'intéressant, dans ce projet, c'est qu'il suit, comme un log book de capitaine, toute la traversée éditoriale, toute l'aventure que représente la création d'une maison d'édition (aussi miniature soit-elle), semaine après semaine, englobant les discussions avec les auteurs, les prises de position éditoriales et les commentaires de l'éditeur sur le dossier de presse qui se constitue, petit à petit.»

13.8.04

O Canada!

Quand le gouvernement fédéral a une idée en tête, il ne l'a pas dans le cul. Le fric qu'il me refuse de la main gauche, il me le réclame de la droite. Main gauche, main droite, outils de strangulation. Coup au foie, uppercut au menton... Mon éditeur m'informe que l'Agence des douanes et du revenu le somme officiellement de retenir mes droits d'auteur jusqu'à concurrence de 3 184 $. Sous prétexte que je n'ai pas produit de rapport d'impôts depuis vingt-cinq ans. C'est pas ma faute, j'ai pas eu le temps, j'allais m'y mettre justement, pas de farce!

11.8.04

Fatalis

Fatalis, mon livre-poème, est finalement disponible à nouveau, republié en ligne par la Fondation littéraire Fleur de Lys.

9.8.04

(Vlan!) Dans les bourses...

Dans sa grande sagesse, le Conseil des Arts du Canada vient à nouveau de me refuser une bourse.

Je ne dirai pas que ma vie en dépendait, ni mon bonheur avec Saku: ce ne serait pas vrai. Mais enfin, c'eut été bien de pouvoir payer le loyer, garnir le frigo, acquitter les factures de câble, d'internet et de téléphone, rembourser mes amis, éponger les frais de scolarité de mon fils, emmener ma blonde à Bordeaux, sauver mes incisives supérieures au moyen d'un traitement de canal, écrire en quiétude...

6.8.04

Soirées provençales

Hier, visite de cousin JF Moran avec de nouvelles moutures de chansons dans son sac à malice, dont Vers à soie que j'ai écrite pour lui et que j'offre aujourd'hui en primeur à mes lecteurs.

Saku et moi faisons du mois d'août un festival provençal improvisé. Nous passons nos soirées, entre deux étreintes passionnées, à visionner de vieux films de Pagnol et à nous lire à voix basse des Lettres de mon moulin. Le temps file, zou! je vous dis pas...

4.8.04

La fin du début

J'ai mis la dernière main au chapitre 10 de Goth, m'acquittant ainsi de mes joyeuses obligations envers le journal ICI. Bouclé en beauté, torché une chute puissante, ouverte et fermée à la fois. Suis si content d'avoir fini: Sophie et moi allons fêter ça avant que je ne réalise que je ne fais que commencer.

Allant faire le plein au dépanneur, j'entends la petite fille du rez-de-chaussée m'interpeller gaiement de sa fenêtre: «You're the guy who writes books!»

Yes. I guess I still am.

2.8.04

Nécessité récurrente

Il en est qui diraient, certains déjà disent que j'ai laissé un imbécile en sang hier sur le gazon des Catacombes, en plein centre de la cour de création. Qui dira mon dégoût de la violence et de sa nécessité récurrente?

29.7.04

Écran de fumée

Hier, feux d'artifice de clôture du festival (de feux d'artifice). Jean-Christian est venu. Avec Sophie, on est montés chez Christian-Gilles, qui a vue sur le sud. Quatre personnes dans le noir sur le balcon, trois Christian: mélangeant. CGDR a déménagé du 10ème au 8ème pour accommoder les projets hôteliers du propriétaire: la perspective sur le port en souffre. Anyway, le smog était si gras qu'on n'a pas vu grand-chose à part des lueurs bibliques stroboscopiques. Ça a donné le goût à Saku de danser pour moi, danser une danse de banshee concupiscente sur un air de Donna Summer en boucle.

Mardi, croisé Nathalie Rochefort à L'Esco. Obtenu sa permission d'utiliser son nom dans un épisode crucial de Goth, celui où elle invite des jeunes de la rue lors de son assermentation à l'Assemblée Nationale. J'espère qu'elle s'en souviendra: la rouge était plutôt joyeusement grise ce soir-là. Moi-même, n'ai-je pas oublié de souligner que Tony Tremblay nous a payé une tournée de shooters de Tequila?

28.7.04

Damon et Pythias

Kevin me manque. Pas trouvé le moyen de l'empêcher de se tuer à l'ouvrage.

Passé à L'Escogriffe hier avec Sophie. Peluso s'y produisait, puis Nick Landré, chacun interprétant une mienne chanson. Claude, une fois n'est pas coutume, est venu encourager son cousin. La place était pleine. J'ai toujours aimé cet endroit, à travers ses changements de nom, depuis qu'à quinze ans j'y voyais Gilbert Langevin monter sur les tables et délirer solide. Hier, Richard Gingras (le libraire du Chercheur de Trésor) et moi l'avons évoqué, puis on a causé de Kevin, un si bon client, et de la Bible en images.