28.5.03

Dominique passée partager sa joie et sa fierté. Le livre de Lili, fraîchement sorti des presses, c'est aussi un peu le sien, qui dirige la collection Sex-Libris. Et elle a trouvé une amie en prime. Moi qui les ai présentées, je ne suis pas mécontent non plus...
Je reprends vie d'heure en heure. Bientôt, j'affronterai la nécessité d'entamer un nouvel ouvrage pour me pardonner le dernier. Ainsi va la vie que j'ai choisie.
Massif sommeil réparateur. J'essaie de me remettre en forme pour le lancement de Lili demain soir. Faut aussi que je fasse ravauder mes culottes. Lundi, en montant dans l'Oldsmobile de CGDR, le fond s'est fendu tout du long.

27.5.03

Extinction de voix...



Lancement monstre. Ni trop de monde, ni trop peu. Certaines invitations ne se sont jamais rendues, ou arriveront la semaine prochaine. Les bureaux de Trait d'union au square Saint-Louis, sous une pluie battante nelliganienne, formaient un cadre délicieux. Tous les employés se sont démenés pour faire de l'événement un sujet de conversation dans les chaumières et les lofts.



Mes invités, variés, se sont détendus après quelques bières, au son d'une musique de jazz diffusée par l'ordinateur de Sophie. Des couples se sont même brièvement formés. Une quinzaine de personnes se sont étonnées de l'absence de Kevin. J'ai dû leur rappeler que c'est un personnage de roman.



Le cinq à sept s'est terminé vers dix heures, quand j'ai mis les traînards dehors (y compris moi-même), au vif soulagement des gens de la maison qui devaient tout remettre en place.



Après quelques pichets à la brasserie Cherrier avec sept ou huit fidèles, je suis rentré vers minuit (Cendrillon ravie mais crevée de fatigue) avec Fred et CGDR.

26.5.03

Hans a embrayé en marche arrière, écrasé le champignon: la bagnole s'est dégagée en grinçant de la camionnette qui venait de nous coincer de biais au feu rouge, puis a décrit une longue élégante arabesque, traversant deux voies et un terre-plein. L'un des six sauvages était à terre, se tenant le genou, les autres se précipitaient vers nous, battes au poing. J'ai gueulé: «Pousse!» Hans a demandé: «Pousse quoi?» J'ai corrigé: «Fonce, pas pousse. Fonce!» Il a rembrayé en première, il a foncé: j'ai vu l'un des gars se mettre en position comme si on était une balle arrivant du monticule, et au passage il a fait voler le pare-brise en éclats, juste devant moi.



Maintenant, je récolte les particules de plexiglas au creux des plis de mon pantalon, bien content qu'on ne soit ni à la morgue, ni à l'hosto. Ils nous ont pris pour d'autres, mais qui?



Soirée avec Chantal encore plus chouette que désiré: elle, Hans et moi jasant au Bunker autour d'une pizza kurde jusqu'à minuit.



Lancement cet après-midi.



25.5.03

Entrevue à seize heures avec Chantal Guy de La Presse. Conservé un sweet souvenir de notre première, il y a trois ans.



Puis je verrai Hans, qui a grand besoin qu'on lui change les idées. Moi aussi, d'ailleurs, à bien y penser.

24.5.03

On m'offre un caniche pompon de la Barbade. Une espèce de rat frisé qui encule des fouines et s'étourdit d'aboiements ridicules tout au long de sa vie de chien sans jamais soupçonner sa réelle, dérisoire nature de caniche pompon de la Barbade (Il s'imagine en Labrador). Intéressant. Même qu'il chie partout et constamment à juteux petits coups désopilants. Tout cela serait une telle, une si nette amélioration sur le comportement de mon défunt chien-saucisse, un tel progrès, enfin, que j'hésite à refuser...



Cette race-là, cependant, est affligée de quelques tares héréditaires rédhibitoires, dont les chiffres sur l'incidence du cocufiage canin au Canada témoignent avec une incontestable autorité: 23% des caniches pompons de la Barbade sont pédés sans le savoir et 97% sont cocufiés dans les six heures suivant l'accouplement. Là encore, le chien-saucisse était bien pire (ses statistiques pâtissaient de sa fâcheuse tendance à s'éprendre de levrettes toujours disposées à sucer six éboueurs dans la benne en échange d'une escalope avariée).



M'encombrer d'une autre de ces créatures artificielles qui me mordra la main demain? C'est un pensez-y-bien.
Mon chien-saucisse était si doux, si fidèle, un modèle de zèle et de modération, intelligent, retenant tout et si affectueux qu'on aurait cru qu'une âme éclairait ça de l'intérieur. Puis il est allé se rouler dans quelque ruelle avec la première bâtarde infectieuse qui lui a fait des chaleurs et il m'est revenu enragé. Cette nuit, j'ai mis dix heures à en venir à bout, de ce damné petit roquet qui m'aboyait aux chevilles en faisant mine de vouloir mordre, cependant que sa chienne prenait de grands airs en décrivant de prudents cercles autour de nous tout en me pissant sur les godasses. Il n'y avait plus ni amour ni haine dans les grands yeux bruns de mon vieux clébard, qu'une sorte de vilaine fièvre rabique, aveugle et stupide et sourde. Dix heures pour l'épuiser, puis je l'ai laissé dans sa niche avec l'autre vérolée, à ronger des os de mouton volés dans le voisinage. Je ne veux pas le voir crever. Je préfère le tenir pour mort déjà. S'il y a un paradis des chiens-saucisses, sûrement on lui fera de la place, ne serait-ce qu'en souvenir du temps où il imitait si bien les grands dogues de race.



Mon chien est mort. Il n'a jamais valu grand-chose, évidemment, mais il n'empêche que je m'y étais attaché. Petit pincement au coeur, comme chaque fois qu'un de mes chiens vire fou et qu'il finit dans un sac à vidanges ou une forêt d'automne, ses tourments abrégés par une balle de .22. Mais bon, ça ne m'a jamais empêché de dormir, sauf le premier peut-être, il y a trente ans. Quand ils arrivent les babines moussantes d'écume, on n'a guère le choix de les rayer de sa vie



Ce que je fais par la présente. Next!

22.5.03

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Me sens méchant. N'ai pas envie d'éprouver de la commisération pour les gros-culs. Surtout s'ils sont adolescents. On s'apitoie, on les soudoie, on dit qu'on veut qu'ils nous tutoient, mais leur nez est trop fort pour leur face et l'ouragan d'hormones qui les chamboule en fait des fous, des malades mentaux, temporaires pour la plupart, comme les femmes en ménopause, mais dérangés quand même, et privés de raison.

21.5.03

Mario a obtenu 67 sur 70 en théorie. Reste l'examen pratique, le 10 juillet. On devrait arriver à Sorel vers la mi-octobre.



MMF (Monsieur Mon Fils) m'a apporté 10 exemplaires de Vacuum et on a jasé avec la voix du sang. Des nerfs, aussi, mais du sang surtout. Ces temps-ci, l'un de nous forme un poing et l'autre l'enserre de ses doigts, résumant nos sentiments comprimés.



Mario est en train de repasser l'examen de conduite. On ira peut-être visiter son Sorel de légende après tout.



Doublevé l'écolo a trouvé un ingénieux moyen de préserver les forêts des incendies: les céder à l'industrie pour qu'elle les rase.

20.5.03

Retour de l'X-périence. J'ai peut-être subi une mutation depuis la dernière fois: fallait me voir engouffrer le pop corn assaisonné de Jean-Christian qui me dégoûtait tant auparavant.



Fait changer la serrure du Bunker, plutôt que de le rebaptiser Moulin.
Passé voir BL, qui attire mon attention sur le caractère sibyllin, voire franchement inquiétant de mon entrée d'hier. Ce que je voulais dire, c'est qu'il n'y aura pas de second tour au cirque de l'amour. Voilà.



Rencontré Tabra. Lui ai fourni l'explication prosaïque de mon silence en chansons. Simplement, on ne m'en demande pas. Revoilà.



Cet après-midi, mon fils m'emmène au cinéma avec sa première paye. On va voir X-Men, que je lui ai fait connaître en BD quand il était petit. Je crois qu'il veut aussi m'offrir un pantalon pour le lancement.

19.5.03

Annie, toujours une longueur en avance sur moi en matière d'internet, m'a refilé un truc pour améliorer dramatiquement mon classement Google: il s'agit d'utiliser sur ma page tous les mots-clés dissimulés dans les méta-balises (ex: Journal, journal, écrivain, auteur, site, officiel, Circius, littérature, roman, livre, Québec, Vortex, Violet, Vamp, Vautour, Valium, Sylvia, Vago, Julien, writer, books, novel). M'en vais essayer...
Fool me once, shame on you. Fool me twice, shame on me.



Il n'y aura pas de seconde fois. Je n'ai pas la foi qu'il faut pour refaire un tour de piste. C'est bien triste, mais c'est comme ça.

18.5.03

Week-end avec Annie, comme si l'année écoulée n'avait été qu'une seule longue nuit (arctique). Méchant party hier, j'en ai perdu mes clés. Bertrand a conté une joke dégueulasse et Mario s'est littéralement étouffé de rire, au point de nous effrayer. Kevin ramassait derrière Cynthia, qui s'affairait à la cuisine. Le voisin n'a pas trop regimbé.

16.5.03

Passé quatre heures avec Kevin, lui ai remis son exemplaire de Vacuum, avec une dédicace nulle (un renvoi à la prochaine page impaire, où il est déjà imprimé à jamais que le livre lui est à moitié dédié), et on débouchait pour fêter ça quand le second dédicataire, Mario, sentant la mousse froide depuis Longueuil, nous a envoyé par courriel une première mouture de swish publicitaire. S'est alors engagé le plus fantastique tango à trois, au cours duquel nous avons échangé des idées et construit sur icelles; Kevin est rentré aux Catacombes ravitailler Cynthia et nous sillonnions toujours la cité d'ordinateur en téléphone en télépathologiques cervelles, Mario, Kevin et moi, jusqu'à obtenir en quelques heures et de façon réelle exactement ce que nous concevions. C'est très rare et très exaltant, cela suppose une confiance aveugle et sourde, un abandon entier, cela génère le sentiment d'enchâsser son coeur d'enfant faible dans son corps d'homme fort, sommé par un crâne abritant trois cerveaux. La sensation est planante, un méchant fix, et déprimante ensuite, car on a entrevu ce que le monde vient très près d'être, parfois, du côté du sublime.



Hier, Fred m'a confié qu'il se réconciliait avec son violoncelle. Il le fait réparer par un luthier, il coupe ses cheveux, il vient me voir. Tous ces gens qui ont appris à jouer d'un difficile instrument dans leur enfance le rejettent un jour; certains l'embrassent à nouveau plus tard, et alors ils savent, ils savent avec certitude qu'ils sont en bonne voie de faire leur paix avec tout le reste.
Étrange, indolore et soudaine grosseur à l'aine, du côté où je charrie mon cellulaire. Mes couilles craignent le cancer et s'évertuent à me convaincre qu'elles peuvent encore se rendre utiles.



Reçu les caisses de livres. Tous s'entendent pour les déclarer magnifiques, les plus beaux que la maison ait produits. Je n'ai d'yeux que pour la couverture qui frise malgré le rabat, pourtant là pour empêcher ça.



Ce trimestre encore, suffisamment de mes chansons ont tourné à la radio pour finir de payer le loyer. Il va même en rester pour rembourser Kevin et Cynthia, qui mangent du riz depuis lundi.
Fred est arrivé avec l'éclipse. Je lui ai donné le premier exemplaire du bouquin que nous étions à corriger la dernière fois qu'il est venu. On a causé tranquillement comme autrefois. Sweet.



Il m'a régalé de l'histoire du tournage des pubs pour le porc du Québec, qu'il réalise. Lui ai parlé du projet de Domi. Hello Dolly, j'aurais fait une bonne marieuse.

15.5.03

Ce soir, éclipse totale de la lune. Une rare occasion de ne rien voir du tout, de 23:14 à 00:06.



Journée fertile. CGDR m'a emmené au palais de justice dans l'Oldsmobile de sa mère, hospitalisée après une crise cardiaque. J'ai eu du mal à trouver la bonne salle d'audience, et c'est finalement mon fils, croisé dans un corridor, qui m'a conduit à bon port. Pierre avait amené presque tout son personnel, mais quand il devint évident que la cause ne serait pas entendue ce matin, il a renvoyé tout le monde (au bureau). Je suis revenu bouffer au Bunker. Parcourant le ICI d'aujourd'hui, suis tombé sur la recension d'Origines par Michel Vézina, qui a aussi lu Vacuum sur épreuves et n'a pas eu l'heur de goûter. Sa dernière ligne (à propos d'Origines): «À lire cent fois, pluôt qu'un seul Vacuum». Ha! C'est le risque qu'on court à publier deux livres en même temps: qu'un critique encense le premier et cale le second avant même sa sortie.



Retour au palais après le lunch. Pierre venait de recevoir les premiers exemplaires de Vacuum et m'en avait apporté un. Vraiment superbe. J'étais un peu déçu parce que j'aurais aimé prolonger l'attente jusqu'à demain, tel que prévu. Le désir est tellement mieux que sa résolution.



Ce que devait aussi se dire Turgeon quand le juge-en-chef a annoncé, peu avant dix-huit heures, que la Cour rejetait son appel... Encore une de gagnée pour les quincaillers.



Mais ce gars-là, Pierre, c'est un pitbull déguisé en lévrier: il parle déjà de saisir la Cour Suprême.



J'aurai quand même appris deux nouveaux mots: potestatif et léonin, comme dans une clause potestative et léonine.

14.5.03

Mercredi saturnien.



Vendredi, les premiers exemplaires de Vacuum arrivent. L'impression que l'imprimeur a un peu salopé la couleur.



Demain matin, sept ans après la première fois, serai à nouveau du côté de Pierre Turgeon en Cour Supérieure pour la résolution de son affaire contre Réno-Dépôt. Grands dieux, remettre les pieds dans un palais de justice sans y être obligé...



Hélène se démène formidablement pour moi dans l'ombre, plus efficace à elle toute seule qu'une armada d'attachées de presse. Les vieilles amitiés sont le sel de la vie.



13.5.03

Depuis que le purin de porc a mauvaise presse, ces fumiers de fonctionnaires agro-alimentaires appellent cela du lisier. Je parie que ça pue tout autant. Ce que Shakespeare disait de la rose s'applique aussi, dans l'esprit, aux excréments du cochon.
Kevin appelle au Bunker pour réconforter Mario. «Mario? Il est parti.»



«Ah bon! qu'il dit. Et comment il prend ça?»



«Oh, réponds-je, tu connais Mario: c'est difficile à dire... »



«Bon! fait l'autre, je vais lui écrire.»



C'est une belle et bonne tribu que j'ai là.
Passé en coup de vent au lancement des Forges, au Saint-Sulpice. Ramené Mario. Il digère le refus de Triptyque.
C'est épuisant de ne rien faire. Là, il pleut à verse et je suis convoqué à la sécurité du revenu, alors faut que je vende des bouteilles pour payer l'autobus. Au retour, va me falloir un timbre pour poster ma demande de bourse, mais je n'ai plus que des bouteilles pleines. Résultat: va falloir en vider six de plus. Deux heures d'ouvrage, rien que pour ça.

12.5.03

Tous ces dommages à mes molaires, tous ces travaux de voirie qu'elles requièrent, je les dois à une petite fille qui me courait après il y a trente ans. La fuyant de reculons, j'ai pivoté sur moi-même et suis entré en violent contact avec le rétroviseur extérieur du camion paternel, me cassant une palette. Laquelle on répara, mais depuis j'hésite à m'en servir pour trancher la bidoche, préférant la broyer avec les dents de derrière. Et voilà le résultat.



Le voisin siffle et tape dans le mur chaque fois que je reçois des visites, et je m'asseois sur mes mains, je me répète comme un mantra: «Je suis un bon et doux géant, je suis un bon et doux géant, je suis un bon et doux géant (en probation)...»

11.5.03

On s'est installés côte à côte au soleil dans le parc, au milieu des familles pique-niquant et des effluves fumés des barbecues improvisés. Je lisais la bible de sa proposition télévisuelle et Dominique prenait des notes. C'était vraiment très bon et seule une fillette jouant magnifiquement du violon, puis l'arrivée de la pluie ont pu m'en distraire.

10.5.03

Visite de Kevin et Cynthia. Elle, à K: «Faut qu'on aille s'acheter du linge; au rythme où on le déchire...»

9.5.03

Bonsoir Monsieur Mistral,



J'ai bien aimé le dernier ajout à votre journal à propos de votre fils. J'ai donc décidé de partager ce petit bout de texte qui m'avait fait chaud au coeur avec ma mère. Après l'avoir lu, ma mère est revenue me voir les yeux emplis de larmes, ce qui m'a vraiment étonnée (voyez-vous, ma mère est une grande sensible, mais elle ne vous aime pas beaucoup). Je l'ai questionnée, je me demandais si elle ne s'était pas trompée de texte, puis elle m'a dit: «Ce grand plouc à chapeaux étranges a raison, il n'y a pas meilleure drogue que nos enfants.» Elle m'a fait un calin puis s'est retirée. Oui, elle a dit «plouc», j'ai pensé censurer, et puis à quoi bon...



Je tenais à partager ce moment avec vous.



Plouc. Holy Mary, mother of God. Synonyme de pedzouille: personne naïve et ignorante des usages de la ville. Si seulement c'était vrai...
Combien de fois l'opportunité de sauver la vie d'un être humain en quelques secondes nous est-elle offerte? Hélène et Bernard me font part de cette pétition électronique qui a déjà fait ses preuves par le passé. En diffuser l'adresse et en appeler à la conscience de mes lecteurs, c'est bien le moins que je puisse faire, moi qui aime dormir sur mes deux oreilles.
Cure de sommeil et plaies de lit.

7.5.03

Quotidiennement, je lis quelques journaux intimes publics, quelques weblogs (jamais pu faire la différence, qui s'estompe à mon sens d'heure en heure: le blog est-il toujours tenu d'offrir une orgie de liens vers ailleurs?). Parfois, rarement, j'écris un petit mot au diariste, mais je dois faire preuve de prudence, car cette intervention suffit souvent à changer ce qui suit. Mécanique quantique: l'observateur modifie le comportement de la particule observée du seul fait qu'il l'observe.



Les journaux des jeunes gens me font souvent passer par tout un nuancier d'émotions violentes. Je veux tout à la fois les secouer comme des pruniers et les ceindre de mes bras brûlants, les embrasser dans une puissante étreinte protectrice et leur rompre les reins. Petits crétins. Leur enseigner à ne pas se mutiler. Les retenir de se suicider. Leur indiquer des raccourcis, leur enseigner que non, Plume n'est pas un génie, ni Leloup un dieu, ni leurs parents de naïfs tyrans. Les convaincre que ça va passer, qu'ils en riront plus tard, que la vie vaut son poids de saletés.



Mais pour m'éclater vraiment, je me drogue de mon fils. Comme je l'ai toujours fait. Si on peut se geler à l'amour et à la stupéfaction, je suis un junkie heavy duty. Hier soir, je lui ai préparé un festin sans même m'en rendre compte, en sifflant, j'ai oublié de manger, tout à ma joie de le regarder engouffrer, on a jasé, jasé, je l'ai raccompagné à pied jusqu'au métro Papineau sous la pluie sans réaliser une seule seconde que j'existais, comme une mamma sicilienne dans un corps de minotaure, nul être au monde ne m'a jamais libéré du poids de ma propre importance à part lui, ni sa mère que j'ai aimée jusqu'au délire, ni la mienne qui a gouverné ce que je suis, ni mes amis fabuleux, ni Dieu.



Je suis revenu lentement, m'insinuant félin entre les gouttes chaudes, et je m'ennuyais d'Annie, je me disais: chaque heure de mai te la rappelle, et c'est ainsi pour elle aussi, et n'est-ce pas suave que vous choisissiez de ne pas vous voir alors que vous le désirez, et que vous raconterez-vous tantôt quand vous vous écrirez?

6.5.03

Nuit blanche avec Éric. À six heures, les pigeons l'empêchaient de dormir et il a mis les bouts.



Dominique a donné un coup de baguette magique et a organisé la commandite de mon lancement.

5.5.03

Monté aux Catacombes embrasser mes tourtereaux. Eddy s'y trouvait, se remettant d'un nez cassé. De Max, on est sans nouvelles depuis une semaine. Kevin travaillait sur le manuscrit de Mario et Cynthia inventait des délices à la cuisine. Suis revenu avec un sac de succulentes surprises (fromage danois mariné, caribou aux pêches, foies de morues et feuilles de basilic, quignon de baguette, une poire et un bout de gingembre, une tête d'ail, des carottes et du persil, et une mixture chaude mystérieuse à l'arôme délicat et un billet de banque plié en forme de petit bateau). La tribu avait besoin d'un peu de douceur sororale qui sent bon, et ne le savait pas.



Avant de partir, j'aperçois le réveille-matin que j'ai offert à Kevin pour son anniversaire et qui a fonctionné une semaine («On n'a plus rien pour cinq dollars, de nos jours!»). Je m'exclame: «Comment, tu l'as pas encore jeté?»



«Ben non, répond-il. Il marche.»



«Il marche? T'as suivi mon conseil et tu l'as lancé par terre, ou ta première idée qui était de le passer sous l'eau?»



«Ben, dit-il, d'abord, je l'ai lancé par terre. Sans résultat. Puis, je l'ai balancé aux ordures et, plus tard en soirée, j'ai entendu tic-tac tic-tac. Alors je l'ai repêché dans le riz et le poisson et là, finalement, je l'ai passé sous l'eau.»



Cinquante ans après, on vient de rendre publiques les transcriptions des infâmes audiences à huis-clos de Joe McCarthy. Le moment n'aurait pu être mieux choisi. Jamais depuis lors autant de parallèles n'ont pu être tracés avec sa politique de destruction de la dissidence, jamais autant que maintenant.
Powerlunch avec Turgeon, rue Prince-Arthur. On a couvert les dix points de l'agenda avant que le poulet parmigiana n'arrive sur la table.
Pas d'hier que les idéologues trafiquent la langue. Dans Les Chouans, au lendemain de la Révolution Française, Sophie Marceau en institutrice interroge ses élèves: «Et quand vous jouez aux cartes, comment appelle-t-on maintenant le roi de coeur?» Et les petits d'ânonner: «Le pouvoir exécutif de coeur!»

4.5.03

Printemps sorcier: le Mario est amoureux lui aussi. Passé en coup de vent cet après-midi, reparti aussitôt pour arriver chez lui à l'heure, l'heure de l'émission de radio de l'objet de sa flamme, laquelle l'ignore encore, mais il monte une campagne napoléonienne pour la conquérir. Sais plus quoi faire avec ces mecs. Vingt-cinq ans ou cinquante, la sève leur noie le ciboulot.
Marché jusqu'au Marché de la poésie. Ai informé Sophie que j'annulais les plans pour le lancement au Quartier-Latin et qu'on déménageait le tout aux bureaux de Trait d'union, où je serai commandité par Molson, et pas à hauteur de quatre caisses comme ce que proposait Boréale. Je ne vais pas inviter des gens et leur demander de payer leur écot.



Glorieux dimanche de mai.
Suis à lire quelque chose sur Pierre Péladeau. Bonne occasion de méditer sur les inégalités de l'existence. Ainsi, certains hommes n'ont pas de menton alors que d'autres en ont jusqu'à deux ou trois. Flagrante injustice.

3.5.03

Ma bonne belle douce Dominique est passée avant son rendez-vous avec Lili. M'a apporté de quoi boire et fumer, a acheté du chocolat pour elle-même. On a conspiré pour anéantir nos ennemis, j'ai requis son avis et on a tiré des plans et nous avons uni nos forces et c'était follement amusant malgré ma fatigue.
Passé la nuit aux Catacombes. Kevin et Cynthia m'ont réservé un délicieux accueil. Me sentais comme un grand-oncle d'Amérique de passage au vieux pays. KV était lui-même enfin, il a retrouvé son centre, je pense. Ce midi, tandis qu'il roupillait flambant nu sur son vieux lit de fer, j'ai mis une toune de Johnny Cash en sourdine, j'ai collé une bise sur la joue de Cynthia qui lavait la vaisselle en lui recommandant de la partager avec son mec, et je suis sorti dans le soleil et l'air frais par la porte de derrière.



Je me réjouis que mon ami ait trouvé son bonheur. J'ai la force de le faire. Je pense aussi qu'il n'y a plus assez de place pour moi dans son coeur et sa vie. Cette idée requiert de moi des forces supplémentaires.

2.5.03

Ce n'est pas, je suppose, demain la veille qu'on entendra le terme sur les ondes de Radio-Canada. Reste que états-unien passe lentement par osmose dans le langage et la conscience populaires. Éric Drouin, qui l'utilise de plus en plus, me racontait comment son frère, un homme d'ordinaire taciturne, s'est illuminé soudain comme un sapin de Noël en l'entendant prononcer ce mot. Une expérience qui m'est familière. Comme s'il répondait à un besoin inexprimé. Les gens comprennent tout de suite les profondes implications de cette limitation, de cette résistance, de cette reconquête d'une réalité. Ils se l'approprient avec enthousiasme, même s'il est mitigé par l'impression de transgresser, voire la crainte du ridicule. Encourageant.
Les tulipes sont sorties sous la pluie. Moi aussi.
Quelqu'un a laissé sur Graffiti, l'équivalent du Livre d'Or, un lien marrant: le texte de la toune de Renaud sur BHL et l'entartage.

1.5.03

Acheté hier un parapluie à un dollar, au grand soleil. Aujourd'hui, les conditions sont réunies pour l'essayer, mais j'ai pas trop envie d'aller dehors.

30.4.03

Tombé sur Martin derrière le comptoir d'un service gouvernemental. M'a demandé des nouvelles des bars où nous passions nos nuits, moi comme client, lui comme videur. Éric m'a appris hier qu'ils étaient fermés. J'ai décroché depuis deux ans, Martin aussi, un cas unique à ma connaissance: il a terminé ses études tambour battant et le voilà dans la fonction publique! Admirable.



Au retour, croisé une petite dame-sandwich qui faisait le trottoir vêtue de pancartes vertes plus grosses qu'elle: on y lisait ses coordonnées de même que son désir de trouver un emploi.
Constipé davantage? BHL vous soulage!



Quand on a les tripes nouées, de la fardoche dans le tunnel, quand on manque de pruneaux et qu'il faut qu'on se purge, quoi de mieux qu'une visite sur un site dédié à un type qui ne se prend pas pour la moitié d'une merde, ce en quoi il diffère d'opinion avec la plupart des gens intelligents, mais justement, il en fait un métier, du contre-pied dans le cul du bon sens, il a paraît-il «le rare don de nous faire penser et de nous aider à penser», rien que ça. Salopiau d'imposteur, creux torse glabre et colonne molle, fleuron de la France qui dépense, tique suceuse planquée dans la dépouille empaillée de Malraux, fumée secondaire de sa clope, puanteur des pieds de Sartre, philosophe de comic book, coeur de starlette et couille Potemkine.
Ces Français! On a bien fait de les inventer, autrement ils n'existeraient pas, et l'univers serait d'autant moins rigolo, dans le registre désespérant, et on n'aurait pour se gausser que ces bouseux d'États-Uniens, jour après jour, terne régime, jusqu'à la fin des temps de l'empire qui tait son nom...



Charlie Rose débarque à Paris: il invite sur son plateau Pascal Bruckner, Emmanuel Todd, Bernard-Henry Lévy et un type qui s'appelle Moisi. Et chacun de ces vaillants Gaulois d'expliquer à tour de rôle en anglais net et sans labeur comment l'empire honni est sur le point de s'écrouler.



On pouffe, on déglutit, on se dit: «Benjamin Franklin et Thomas Jefferson et Lafayette sont bel et bien dissous en dérisoire poussière, engloutis avec une ère où la langue française et son foyer naturel pesaient plus lourd qu'un pet de coq. Le jour où l'on rassemblera dans un studio quatre pointures intellectuelles yankees parlant un français convenable, peut-être alors sera-t-il temps pour ces pompeux messieurs hexagonaux de tenir pareil discours sans qu'il n'incite au mépris, ni ne suscite la compassion moqueuse, ni ne provoque le zapping et les spasmes du plexus solaire, si douloureux.



Depuis quand les derniers reliquats traumatisés d'une hégémonie déchue sont-ils habilités à prédire la chute prochaine des nouveaux maîtres? Seule une puissance ascendante concurrente a quelque crédibilité en cette matière. Mais ces Français, vraiment, ce qu'ils sont chou, avec leurs petites leçons clandestines honteuses d'anglais, et leur petit bout de langue rose qui cherche affolé un endroit où se poser près des palettes pour prononcer les th sans que ça sorte comme des z, sauf qu'ils n'y arrivent pas, jamais, le petit bout de langue glisse et l'haleine mentholée siffle entre les dents de devant tant et si bien que zi américane aimepayeure cane slip on it's tou irz tounaïte.

29.4.03

Visite de Don Jose Acquelin. Lui ai remis son exemplaire d'Origines, dont il signe le puissant exergue.
C'était l'une de ces soirées vacillantes enceintes de cent possibles, certains sans mémorables conséquences, d'autres aux fantastiques effets futurs. De ces soirées dont on se dit cependant même qu'elles se déroulent: «Je ferais bien de graver chaque détail dans ma mémoire, au cas où ça reviendrait sur le sujet quand nous serons très vieux.»



C'était Cynthia, Kevin et moi, et Mario jusqu'à ce qu'il retraverse le bras de fleuve, un peu après minuit, mais après c'était nous, nous au billard, nous au pichet, nous dans le Parc assassinant Amazing Grace et nous flairant la patrouille avant qu'elle ne nous entende et nous nous taisant en choeur. Nous rentrant au Bunker et Kevin montant chercher chez Steve ce qu'il y avait remisé au frais, puis nous trois à nouveau, et cette fille à qui j'avais décidé de ne pas faire de cadeaux, parce qu'elle n'en aurait pas besoin et qu'elle n'en voudrait pas si elle les méritait, et qu'il ne fallait en aucun cas lui en faire si au contraire...



Bref, savoir ce qu'elle a dans le ventre, savoir si KV s'aveugle ou voit des inventions évanescentes, savoir si elle est intelligente par-delà le charme pétillant, savoir son caractère et sa carrure, si elle s'effrite sous la pression, savoir son coeur, son sérieux, son souffle et sa verdeur.



Quel soulagement, alors, quelle joie sans partage, de découvrir en elle beaucoup de ce qu'il avait dit et plus encore dont il n'avait pas parlé et de la voir ne presque rien casser, puis rester calme cette fois, sa voix sans fièvre et son visage résolu à prendre petits et grands drames comme ils viennent, en grappes ou un à la fois, puis écouter quelques chansons encore inconnues d'elle avec d'avides oreilles et d'attentives expressions et s'offrant ainsi à l'insu avec force et confiance et laissant même ses traits trahir la joie et le plaisir de découvrir.



Ainsi donc, c'est bel et bien une femme pour lui, et c'est réglé dans mon esprit. Elle est à l'évidence éprise de ce Vigneau et lui-même est fou d'elle, fou imprudent, fou fataliste, il ne voit pas comment l'aimer autrement qu'en lui donnant tout, c'est ainsi qu'il conçoit la chose, et je me fâche, je dis tu mens, je dis on ne saurait donner que ce qu'on est, et c'est déjà beaucoup, mais offrir une version raffinée sophistiquée de soi-même c'est tricher, nonobstant la chevaleresque intention sous-jacente, c'est donner moins que tout, c'est donner du vent d'Espagne, de ceux dont on fait les châteaux, c'est semer le germe de votre fin alors même que vous commencez, et vous serez très malheureux, toi surtout, et tous deux croirez que l'autre l'a trahi. Or, ton vrai visage est si séduisant, ton amour pour tes livres rares et ce qu'ils t'ont coûté et toutes ces histoires qui te dessinent et que tu tais parce qu'elles te gênent... Laisse-la tomber amoureuse de tout ce que tu es. Fais un acte de foi, maintenant, au début. Pose une fondation solide. Apprends de tes erreurs passées. Donne-toi une chance. Et annule l'abonnement à Blockbuster avant que le mec qui a trouvé ton portefeuille se monte une collection de DVD à mes frais.

28.4.03

Roulé des cennes noires.



Dernières dates officielles pour la sortie de Vacuum: réception des livres le 22 mai, lancement le 27. Me sens comme dans un cauchemar, quand on court vers un horizon qui recule. Avec un peu de chance, et de patience, je ne serai pas forcé de venir à résipiscence d'avoir attaché mon étoile aux fortunes de cette maison.
Les vivres manquent et la tabatière est vide, mais la disette ne m'effraie plus depuis longtemps. Il se passe toujours quelque chose, l'opéra ne finit pas, la grosse femme se râcle la gorge mais jamais ne chante...



Mario s'est amusé avec son nouveau logiciel et m'a créé une pub animée pour Origines, «maintenant disponible en librairie». En espérant que ce soit vrai.

27.4.03

Le Vigneau des grands soirs nous a torché hier une manière de sauce à la diable dont les accents me chantent encore en bouche plus de douze heures plus tard. Voyons voir: il a pris du ketchup, de l'eau, un filet de bière pour la mousse, de la poudre à poutine, du poivre, du paprika, des épices à chili, des épices à bifteck, de l'ail et de l'oignon, le tout mêlé en une mixture d'un beau brun roux profond qui fait palpiter les patates! J'en refais derechef, et j'ajouterai du cocktail de légumes, de la moutarde sèche et de la base de boeuf. Vais m'en mettre plein la gueule pour pas un rond.
Passé la soirée à sacrifier, avec Kevin, les cadeaux de Dominique. Vers le douzième cadeau chacun, on regardait Forrest Gump, on s'est mis à brailler comme des mules et ça nous a fait du bien, et on se relançait le rouleau de papier-cul. On épongeait nos saintes faces et on se préparait à mordre dans le roman de Mario. On était de gluants et amicaux rouages de la machine littérature. «J'ai frisé, a-t-il dit en se tordant une mèche autour du doigt, t'as remarqué?»

26.4.03

Après vérification approfondie auprès de Christine, une libraire de ses amies qui a interrogé son ordinateur magique, Aphane m'informe que mon livre Origines n'est pas encore officiellement sorti, mais sera sur les rayons bientôt. C'est une sorte de bonne nouvelle.
La pneumopathie pandémique va faire qu'on prendra bientôt la température des passagers dans les aéroports internationaux. Déjà qu'on les fouille à nu depuis le 11 septembre, pourquoi pas tant qu'à y être leur enfoncer un thermomètre dans le cul?



Finalement, le seul inconvénient de l'aviation commerciale, c'est les passagers.
À nouveau rêvé que je gamahuchais Chantal Pary au-dessus d'un précipice tandis que son chum, un noir acteur de cinéma, me piquait mes meubles.

25.4.03

La quatrième fois était la bonne: j'ai poireauté, patient, trois heures durant pour voir un gentil docteur, portrait craché d'Henry Kissinger, lequel en trois minutes m'a rédigé une ordonnance, puis une recommandation avant de procéder à l'ablation d'un polype qu'il m'a déposé au creux de la paume dans l'odeur de chair grillée. En plus, il ne m'a pas compté l'anesthésie.



Reste à me décider à aller chercher mes timbres nicotinés. La pharmacie est juste en face du magasin de tabac.
Visite-éclair de Hans et sa fille Fauve. Cette petite sort vraiment de l'ordinaire. M'ont offert un calepin noir et une mignonnette de Johnnie Walker. Hans a publié sa première nouvelle dans la revue l'Embarcadère sous le nom de plume Félix Daoust. N'est pas encore prêt à me la montrer. Grand timide.
Encore aucun cas de SRAS (Syndrome de Détresse Respiratoire Aigu Sévère, quelle appellation grotesque et pléonastique, et par-dessus le marché il manque une lettre!) répertorié au Québec; seule sévit toujours l'épidémie d'acronymes désincarnés. En France, on parle plutôt, et plus simplement, de pneumopathie.
Plongé dans la saga des derniers Valois. Dallas, à côté, c'est les Télétubbies.

24.4.03

Selon mes espions (Mario), Origines est distribué de façon assez atroce. Ni Renaud-Bray, ni la librairie du Square, ni le Parchemin ne l'ont en stock, et les commandes affluent. Le coup d'encensoir de Fugère n'aura servi à rien.
J'approchais des bureaux de Triptyque, où j'allais montrer à Laverdure la toile de Kevin que j'espère utiliser en couverture de Fontes, quand un facteur motorisé m'a interpellé pour me demander où se trouve la rue Christophe-Colomb. Quiconque attend un chèque urgent par le truchement du courrier serait bien avisé de ne pas retenir son souffle.



Me suis cogné le nez pour la troisième fois à la porte d'une clinique fermée. Les dieux veulent que je fume.



Ai acheté le premier maïs de l'année, gonflé, doré...
Tintin doit se retourner dans sa tombe belge. On arrête des reporters aux bagages bourrés de trésors pillés en Irak.



Il a neigé ce matin. Vais faire un saut chez Trait d'Union avec Dominique; au retour, cette protectrice des arts va s'arrêter au magasin de bière Molson.



Avril ne m'inspire rien que de très ordinaire.

23.4.03

Journée mondiale du livre et du droit d'auteur! On a beau annoncer de la neige pour cet après-midi, voilà une fête qui ne me plonge pas précisément dans l'esprit de Noël. De la neige un 23 avril, misère. Dire qu'hier, Mario a tout astiqué mon ventilateur.



Suis davantage excité par l'annonce d'un faisceau de preuves semblant démontrer qu'un certain Fred Fielding serait Deep Throat.

22.4.03

Allé voir Catch me if you can avec Mario. Ce Frank Abagnale Jr m'avait donné de bien vilaines idées il y a vingt et quelques années, une façon de nourrir ma jeune femme enceinte, qui m'avaient foutu dans une merde bien grasse, mais heureusement on m'avait jugé au tribunal juvénile, qui avait tenu compte de l'influence du livre sur mon esprit délicat.



Passé par Trait d'Union. Joie de voir mon fils y travailler dans la joie. De savoir où le trouver quelques heures par jour.
Mario: «Faut qu'on maigrisse, Christian. L'autre jour, dans le métro, je vois un de ces jeunes salopards en train de remonter l'escalier roulant descendant, à reculons! Je l'aurais étranglé, si j'avais pu l'attraper...»
Pas mis le nez dehors de toute la fin de semaine. Suis sage comme un mort.

21.4.03

Passé la nuit en rêve à extraire des tacots des eaux glauques de la Richelieu.

20.4.03

Une chance que mes amis (Phaneuf, Lemoine, Laverdure) ont la radio et qu'ils l'écoutent, sinon j'ignorerais encore que Jean Fugère a chaudement recensé Origines à R-C ce matin.



Finalement vu La dernière tentation du Christ. À Paris, en 1989, les intégristes incendiaient les cinémas et j'avais remis l'expérience à plus tard.



Bush joue au jeu du shah et de la Syrie.



19.4.03

Jésus est-il vraiment ressuscité, ou est-ce que Pâques n'est qu'un très vieux poisson d'avril?
Hier, Mario m'a apporté deux copies papier de son roman Accroires, une pour Kevin, l'autre pour moi. Il en a remis une troisième à Bertrand Laverdure, rencontré dans le métro. La machine littérature tourne. Ai recommandé au Lemoine de se reposer deux ou trois semaines avant qu'on s'enfonce les dentiers dans sa prose.

18.4.03

Passé la nuit dans le cosmos du manuscrit de Mario, livré tout chaud, cinquante mille mots sur écran cathodique, les yeux me sortent de la tête et le coeur me sort du thorax, il a travaillé comme une bête et c'est bon, je crois, je pense, je me fais pas confiance, pas encore, il a besoin que je sois impitoyable et sans passion pour être sûr que j'aime ce que j'aime, enfin la tribu de nous trois s'y mettra, lui pis moi pis le Madelinot, on va fesser dans le tas de texte et voir ce qu'il a dans les tripes et essayer de le décrisser phrase à phrase et s'il tient par dieu on fêtera le roman de mon pote.
Jasmin, cette grise guenille de fils de pute, évoquant mon livre dans son Journal web: «Origines (Trois-Pistoles, éditeur) du jeune batteur de femme, Christian Mistral. Des aveux, une confession, un conte fou.» Pour lui, Guillaume Vigneault sera toujours le fils de Gilles, et moi l'enfant de mes condamnations. J'ai si hâte qu'on soit tous morts depuis cent ans, histoire de mesurer ce qui reste.



En attendant, j'aurais aimé qu'il me dise ça ce week-end à Québec, au lieu de me faire des yeux de poisson mort. Il serait revenu avec les idées plus claires sur ce que je suis disposé à battre si on m'y force.
Le Éric s'est résigné à s'endormir sur le sofa, vu que je refusais de le laisser sortir dans cet état. Le Kevin s'est gréé d'un clavier flambant neuf («lactescent», m'écrit-il) et ça m'est d'un grand réconfort, car je ressentais les premières morsures du manque. Sa passion exigeante pour Cynthia conjuguée à sa récente incapacité de m'écrire me causaient un certain désarroi, et je crois que c'est ce qui l'a poussé à abréger sa phase retour au Moyen-Âge: peut-être aussi s'ennuie-t-il de mes lettres, car quelle que soit la technologie employée, il faudra toujours donner des nouvelles pour en recevoir.



La Dominique est passée. On a parlé bizness. En partant, elle a demandé: «Vas-tu écrire que je suis venue?» J'ai répondu: «Oui, bien entendu.» Elle a poussé un soupir exaspéré: «Je vais encore recevoir quatre e-mails demain avec l'extrait de ton Journal et un point d'interrogation ou d'exclamation ou quelque chose, quatre crétins qui s'imaginent que je suis pas au courant!»



C'est ta faute, je réplique. T'as qu'à leur dire de se mêler de leurs affaires. C'est quoi, que tu leur dis?



Je leur dis rien, elle avoue. Ou alors je leur raconte que tu as créé un personnage, moitié moi, moitié fiction.



Ah bon, je rétorque. Alors, y a pas de problème.

17.4.03

Jean-Christian semble abattre du bon boulot chez Trait d'Union, ce qui m'emplit de fierté et de satisfaction. Il a appris un nouveau mot: népotisme.
Rogers a enregistré une hausse de revenus de 16% dans sa division sans-fil au cours du premier trimestre. Directement attribuable, j'en suis sûr, au paiement de ma facture.



Le constant report de la sortie de Vacuum (dernière date: mi-mai) m'irrite fort, surtout parce qu'on ne m'en avise pas et que je dois sans cesse aller aux renseignements.



Je m'en lave un peu les mains en me plongeant dans la lecture de Chesapeake, par James Michener.

15.4.03

Il m'écrit, sous le titre Petite rectification: «Je t'envoie ce mini-courriel pour te dire que Éric McComber a publié un roman chez Triptyque intitulé Antarctique, et non un recueil de poésie, ergo, il doit donc être considéré comme un romancier. Mais je comprends que l'on puisse aussi utiliser le terme de "poète" comme Aristote l'utilisait dans sa Poétique. Je te laisse le bénéfice du doute.»



Il me laisse, à moi, le bénéfice du doute. C'est si délicat de sa part que je n'ai guère le choix d'en faire autant, et c'est pourquoi je tais son nom. Peut-être a-t-il trop bu. Peut-être a-t-il soupé de fruits de mer avariés. Il doit avoir une bonne raison pour faire semblant de croire qu'il faut avoir publié un recueil de poèmes pour être poète, et que la publication d'un roman fait d'un homme un romancier à l'exclusion de toute autre qualité, et que je vais tolérer sans réagir incontinent qu'on intervienne ainsi dans ma relation avec la langue française. La Poétique d'Aristote, calvaire. Bénéfice du doute, indeed.
Rouge orage hier sur l'anti-pays. Dimanche, Gaston L'Heureux m'avait déjà fourni des chiffres semblables, qu'il tenait de Bernard Derome, et Gaston soudain portait bien mal son nom...



Enfin, l'épouse du nouveau Premier Ministre n'est pas vilaine à regarder.



Quant à la campagne d'Irak, elle est à peu près finie, et si Bush peut se retenir un mois d'avaler la Syrie, je pourrai peut-être mener ma propre campagne pour Vacuum en paix.



Samedi, au stand, un caméraman s'est campé derrère moi, un genou en terre. J'ai dû m'y reprendre à trois fois avant qu'il consente à me révéler pour qui il travaillait: Mario Dumont et son entourage approchaient, et on espérait tourner du métrage pour les infos de six heures. J'ai décliné, éberlué: ou bien ma cote remonte, ou bien Mario savait déjà qu'il allait perdre big time et se fichait de tout.



En retournant à l'hôtel, j'ai croisé McComber, à qui j'ai dit en blaguant que j'étais là incognito. «Moi, répondit-il, je serai toujours incognito».



«On sait jamais, Éric, ça pourrait changer!» lançai-je avant de m'éclipser. Le lendemain, j'apprends que le poète était passé au Canal Nouvelles pour avoir refusé de serrer la main de Mario. Depuis le matin, trois adéquistes l'avaient déjà insulté en plein Salon. Le début de la gloire.



Le plus drôle, ce week-end, c'était quand Michel Chartrand venait nous visiter. Jasmin et lui commençaient à s'engueuler gentiment à propos de Nathalie Rochefort et soudain cent, cent cinquante personnes s'agglutinaient devant le stand (Victor-Lévy: «Vous savez, on a aussi des livres!»). Kevin, parti chercher de la bière, revenait et, voyant ça, craignait que j'aie créé un esclandre...



Sitôt Chartrand parti, la foule s'évaporait et Jasmin retournait à la lecture de mon livre et moi à celle du sien.

13.4.03

Glorieux week-end à Québec, sobre et serein, avec Kevin. Salon du livre. Stand Trois-Pistoles. N'avais pas apporté mon chapeau, ni K sa pipe, pour laisser toute sa place à VLB. Belles longues périodes avec Guillaume. Comme dit Kevin, «on sentait que ce n'était pas la première fois». Bons brefs moments avec Solène et Louis. Chambre d'hôtel telle qu'à Paris. Rencontré de bons lecteurs.



Relu Origines. La maïeutique du dernier tiers, articulée par Kevin, demeure la meilleure part.



Pas vu Pénélope. Vu, par contre, Sylvie Pierron, ma doctoresse en littérature, qui m'a apporté la transcription de notre entretien du 6 février. Drôle et pas con.

10.4.03

Cette semaine, le travail sur Vacuum a vraiment merveilleusement progressé, grâce surtout à Sophie Ginoux qui s'est investie above & beyond the call of duty, allant jusqu'à blanchir une nuit pour réviser les corrections des révisions et traquer les espaces trop larges ou pas assez et harmoniser la typo de la première à la dernière page. Pour finir, ce matin, elle a suggéré qu'on utilise un papier crème et une couverture satinée lustrée. Ça va être beau en tabarnak.



Descendu à pied dans le Vieux-Montréal, étourdi, allégé par cette superbe journée d'avril. Livré ma demande de bourse au CALQ. Au retour, acheté Un amour de Swann et Le Rouge et le Noir. Le vent tourne du bon bord, on dirait bien.

9.4.03

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Jean-Philippe Gaudet a livré le logo de ma collection.



Maxime est à Bordeaux, Eddy s'est fait casser le nez dans une bagarre et Kevin ne sort du lit que pour me passer un coup de fil rassurant, avant d'y retourner rejoindre sa délicieuse.
Rassuré Laverdure au chapitre de mon appartenance politique. Je ne vote plus depuis l'instauration d'une liste électorale permanente. Je suis un libertaire.



Chez Trait d'Union, encore des corrections, et impossible de trouver un dictionnaire dans toute la boîte.



Revenant des bureaux du journal ICI, hier, j'ai eu envie de me payer la traite. Suis arrêté chez Blackburn où j'ai fait l'achat, pour deux dollars chacun, de La bonne chanson et autres poèmes de Verlaine, et des Poésies de Mallarmé. Érik s'est exclamé, ravi: «Retour aux sources?!»



Plus tôt, émergeant du métro, j'étais tombé sur Nathalie Rochefort qui distribuait sa documentation électorale. Je me suis présenté. «Oh! elle a dit, l'ami de Claude!»



J'en ai convenu, rappelant tout de même que j'étais aussi le père de Jean-Christian, qu'elle connaît depuis longtemps et qui était même parmi ses invités dans les tribunes de l'Assemblée Nationale le jour de son intronisation. Expression interloquée, puis grand éclat de rire: le kid ne lui avait jamais rien dit.

8.4.03

Sarah m'envoie les premières images de son ouvrage: la petite Noa, copyright 2003... Pour l'heure, elle ressemble un peu à son père un lendemain de brosse, mais pour elle, ça va s'arranger.



noa.jpg
Douce, destroy, divine et dingue, tour à tour et en même temps. Annie dans ses oeuvres. Hier elle écrivait sur moi, demain elle l'effacera. Flamme créatrice, elle appelle ça.



Créer comme crée la marée haute lorsqu'elle vient araser les châteaux de sable de vacanciers en Espagne. Créer comme crée le Joker en virée au musée de Gotham, avec du vitriol et des bombes aérosol. Créer, comme on en cause...







Ce matin encore, un lien vers une page d'intérêt littéraire local. Je ne les cherche pas, je tombe dessus comme ça, en chassant un autre gibier. Celle-là est vraiment mal foutue: on a dompé tous les textes en tas sur la même page, et j'ai honte de dire que c'est le fait de l'UNEQ, mais enfin, ils font de grands et douloureux efforts, depuis qu'on a mis cette chose en ligne, pour apprendre à diffuser l'écrit sur le Net selon un autre modèle que celui de Gutenberg.



Pour autant que je puisse en juger, ce fouillis est divisé en trois parties. La première est plate. La seconde est fascinante: il s'agit essentiellement de la conférence que donne Charles Montpetit sur la censure au Canada, avec une liste ahurissante de cas réels.



La dernière est le Mémoire présenté à la Commission des États généraux sur la situation et l'avenir de la langue française au Québec par l'UNEQ en 2001. En voici un extrait, inespéré, désespérant:



Deuxième menace pédagogique, deuxième contradiction systématique avec l'esprit de la Loi 101 : le misérable mensonge de l'évaluation scolaire. Nous connaissons tous des professeurs auxquels on interdit de couler les étudiants qui ne savent pas écrire, nous avons entendu la plainte scandalisée des correcteurs aux examens de français, qui doivent appliquer des barèmes aberrants afin de diplômer les illettrés. En ces matières, celui qui dit la vérité passe pour un élitiste ou un snob qui méprise le peuple.



Un véritable jdanovisme règne en pédagogie : d'abord on érige en dogme le principe idéologique, ensuite on déforme la réalité, jusqu'à l'absurde, pour la rendre conforme à l'idéologie. Comme sous Staline où l'on enseignait que c'était des Russes qui avaient inventé toute la science moderne grâce aux lumières du matérialisme dialectique, on en arrive à formuler, au nom de principes généreux et faux, des aberrations comme celle que le système d'éducation devra produire cent pour cent de diplômés. Il suffirait pour y arriver qu'au lieu d'être mis en concurrence avec les autres, tout élève le soit avec lui-même ! Se prendre soi-même comme modèle, être évalué à partir de soi-même, tout notre héritage rationnel, toute notre culture, pour ne rien dire du simple bon sens, affirment que c'est la formule même de la folie.



Soumettre des ignorants à de faux examens, qu'on corrige ensuite de manière à en laisser passer le plus grand nombre possible, afin de justifier les programmes, les pédagogues et le ministre, puis se faire péter les bretelles de quatre-vingt-cinq pour cent de réussite en français – sans oublier de dénoncer les Anglais qui écrivent « stop » au coin de la rue ! – cela dure depuis vingt ou trente ans, la guéguerre contre l'anglais servant à maquiller la défrancisation des francophones. Ceux qui tiennent en otage la jeunesse, le ministère et presque toute l'Université, ceux qui définissent les programmes et forment les maîtres, ceux qui président encore eux-mêmes aux réformes qu'exigent continuellement, depuis trente ans, les désastres successifs de leurs politiques, hypothèquent gravement l'avenir du français au Québec.



Il convient de le répéter, car c'est si gros qu'un véritable mur de surdité semble empêcher d'entendre cet avertissement vital : les patrons de l'éducation travaillent pour la culture amnésique mondialisée, contre le patrimoine conquis par la Révolution tranquille.



Jdanovisme? What the fuck is that? Le Trésor de la Langue Française ne le recense même pas, mais un Trotskyste repenti le connaîtrait... Anyway, je n'en reviens pas de lire ça dans un document de l'UNEQ. Peut-être y a-t-il moins de membres enseignants, Boomers et social-démocrates que je l'ai toujours cru, ou alors ils rêvent aussi d'encre rouge, à temps perdu...

7.4.03

Arpentant Mont-Royal avec Éric, on est tombés sur Falardeau. Comme chaque fois, on s'est mis à s'insulter chaleureusement; tandis qu'on se serrait la main, il jetait des regards anxieux alentour, faisant mine de s'inquiéter qu'on le voie avec moi.



J'ai mal aux dents j'ai mal aux dents c'est lancinant j'ai mal aux dents.
Dix-neuf états US ont triplé la taxe sur la bière pour aider à financer l'effort de guerre. À terme, ça devrait contribuer à la rendre impopulaire.
Julie a démissionné vendredi midi, sans prévenir. C'est un coup dur. Je m'étais pas mal démené pour elle. Mais, comme le disait mon vieux prof Adrien Leblanc, il faut faire confiance aux gens. Une phrase que je n'ai comprise que bien plus tard, mais qui a changé ma vie. On peut se mettre à l'abri des déceptions en se méfiant a priori de tous, mais ça nous fait passer à côté de ceux, la minorité, qui ne nous baiseront pas la gueule.



Suis passé voir Guillaume au Boudoir vendredi soir. L'ai embrassé sur le front en partant.



Steve a voulu à tout prix parier avec moi. Prétendait que Yves Desgagnés incarnait Abel dans Race de monde. Je savais bien qu'il s'agissait de Jean-Luc Montminy. L'ai prévenu trois fois de ne pas insister. Voulait gager 100$. Finalement, j'ai remené l'enjeu à 40$ et on est descendus au Bunker pour consulter Internet. Il est remonté en boudant. Sans réaliser qu'il venait de gagner 60$...
Découvert ce renseignement passionnant sur le site de l'ANEL:



De 1940 à 1947, 21 millions de livres ont été imprimés en français, au Québec. Dans l'introduction de son ouvrage Les tribulations du livre québécois en France, Josée Vincent, membre du Groupe de recherche sur l'édition littéraire au Québec (GRELQ) de l'Université de Sherbrooke, rappelle cet épisode singulier : « Paralysée par l'occupation allemande, la France ne peut plus approvisionner ses marchés extérieurs en livres. Les éditeurs québécois profitent de cette occasion unique pour se lancer à la conquête d'un public mondial. Presque du jour au lendemain, des livres québécois sont diffusés aux États-Unis, au Mexique, en Argentine, en Algérie, etc. Par contre, les liens directs avec la France sont rompus. Seuls les Français exilés en Amérique du Nord entretiennent des relations avec le milieu du livre au Québec. Lorsque l'armistice est signé en 1945, les Québécois détiennent un quasi-monopole de l'édition francophone.»



Est-il utile de préciser que ça n'a pas duré?



6.4.03

Dominique m'écrit que Réginald l'éreinte dans La Presse d'aujourd'hui. Elle a l'air de prendre ça comme une grande fille. Le Martel peut y aller fort quand il est d'humeur à enfoncer un clou.



Les journalistes tombent comme des mouches en Irak. Pourtant, la qualité de l'information n'en souffre pas: elle est aussi mauvaise qu'avant.



Claude et Louis-Étienne sont arrivés dans la nuit de vendredi à samedi. À voir la tête du premier, on aurait pu croire que c'était lui qui venait d'accoucher. Le second m'a demandé une chanson pour son prochain album.



4.4.03

CNN frôle le fond. Diffusant un vidéo de Saddam Hussein paradant présumément dans Bagdad, et sous-entendant qu'il s'agit d'un sosie, la chaîne sous-titre: «Selon les services de renseignement US, Saddam veut que les Irakiens pensent qu'il est toujours vivant». Tu parles d'une vie éternelle! Continuer à mener la guerre après sa mort, à désirer, à vouloir.



À force de vouloir le beurre et l'argent du beurre et les pis de la vache, ces cons de Yankees s'enfoncent: on ne peut à la fois prétendre avoir tué un homme et lui prêter une vivante volonté post-mortem sans lui conférer une aura d'immortalité qui reviendra nous mordre le cul.
Trente pages à revoir et j'ai fini, faut encore que je me douche, à deux heures je vais rencontrer les gens d'Édipresse avec Pierre et Lili Gulliver: montrer des visages humains à ceux qui distribueront nos livres aux multiples coins du Québec. On sonne sans le code à la porte du Bunker: je choisis d'ouvrir. C'est un messager qui me livre les premiers exemplaires d'Origines. Pas le temps d'ouvrir la boîte! La boucle est presque bouclée.



Dominique est malade, au lit et seule, prise aux poumons.
Richard Chamberlain en Blackthorne indigné (Shogun): «Est-ce que j'ai l'air d'un de ces maudits sodomites? Mes coutumes intimes, Madame, n'incluent pas les garçons!»



Ça, c'est un acteur! Aussi crédible que Sean Connery déguisé en Japonais dans un James Bond.
Mon dépanneur ammanite, penché sur La Presse, le front soucieux, me demande la signification de l'expression canard boiteux.



À l'heure qu'il est, fiston doit être en grande conversation avec Turgeon, qui a peut-être un boulot dans ses cordes à lui proposer. Le népotisme est un jeu dangereux.



Mon héritier a écrit à Pénélope pour lui offrir d'aller spinner à l'Odyssée. Devrait y avoir un club goth qui s'appelle l'Oedipe.
Noa André est née hier en soirée, toute menue, toute légère, toute pleine d'avenir, lequel comme chacun sait est très léger. Coup de fil du père pour annoncer la nouvelle, sa voix comme s'il avait les flics aux trousses.



Bunker transformé en ruche, en une sorte de Correctorium moyenâgeux: Kevin, Mario et moi, sprintant toute la veillée pour terminer la révision. Vers minuit, je déclare forfait et je tombe endormi, suivi de Mario une heure plus tard, et Kevin finit tout seul au son de nos ronflements eurythmiques, penché sur la pile de papier jusqu'à l'aube. Première fois dans l'histoire littéraire qu'un personnage corrige l'oeuvre tandis que l'auteur dort. Réminiscences de Citizen Kane.



À travers tout ça, Fred Desjardins a débarqué, première fois en deux ans, vraiment au pire mauvais moment, et dans un triste état, mais de l'amitié plein les lèvres et des branches de laurier plein les bras.



Éteint le téléphone pour ne pas être réveillé. Rêvé qu'il sonnait, me suis levé pour y répondre.

2.4.03

Soixante heures et le compteur tourne toujours comme un derviche overdosé. Éric campe ici en attendant de trouver la fortitude de passer sa première nuit dans la chambre qu'il a louée hier. Le Vigneau nouveau est arrivé puis reparti: entre les deux, il a roupillé quasi un tour d'horloge sur le divan désoeuvré, cuvant son idylle toute neuve, puis s'est levé échevelé, le regard soûl et la cervelle inefficace, en amour, en amour, en amour, bon à rien qu'à nous enfiler d'inoffensives âneries qui me laissaient décarcassé, rongeant mon frein, enseveli. Et encore, s'il n'y avait que ça, mais l'infâme scélérat s'entête à me manger davantage de saucisses que de pains à hot-dogs, ce qui n'est rien moins, à mes yeux, qu'un iconoclaste assaut vicieux contre l'équilibre et l'harmonie, un crime crapuleux envers l'équation cosmogonique, sans parler que ça me fiche à tous les coups une intarissable épistaxis.



Et le boulot s'empile, implacable et sans coeur, la couleur de l'avalanche obscurcit ma vision cependant que l'air s'empuantit de malsaines senteurs.

1.4.03

Ça a fait un an hier que je nourris cette chose, ce journal, ce roman, ce blog.



Aujourd'hui, lunch avec Turgeon. Je prendrai du poisson d'avril.
Une heure durant, cette page a été remplacée par un blog en espagnol. Un bogue de blog. Et Kevin d'appeler, affolé, craignant qu'on m'ait kidnappé ou quelque chose. Il garde l'oeil ouvert, celui-là, et le bon. A abattu cent pages d'ouvrage sur les épreuves, restent cent-soixante et quelques. Il a beau avoir tout lu à mesure, en plus de le vivre, il ne s'était jamais tapé le Journal au complet, d'une seule traite. Ce n'est que maintenant, avec le recul, qu'il peut comprendre à fond pourquoi je parle de roman. Même pour lui, il y a une limite à la capacité d'embrasser abstraitement la globalité de mes concepts avant d'être confronté au tangible résultat.