6.7.02

Mario s'est joint à nous pour la séance cinoche.



L'autre soir, juste avant de se faire expulser du Café Central avec son chum Eddie, Kevin est tombé sur Éric Drouin qui l'a chargé de me transmettre un message. «Quand ma mère est morte, je ne m'en serais pas sorti sans Christian.» À la question de savoir pourquoi il ne me le disait pas lui-même, Éric a répondu que ça le plongerait dans l'embarras. Alors voilà, c'est fait. De rien, Éric.
Kevin m'a proposé par courriel une journée bière/cinéma (il veut voir Un homme d'exception en VHS). C'était si foutrement original que je me suis empressé d'accepter. Vais aussi essayer de trouver Rue de la sardine, d'après Steinbeck.
Dans une heure, on met en vente les billets pour le show de Supertramp au Centre Molson. Je n'ai jamais de ma vie assisté à un concert rock, mais si j'avais du pognon, j'irais voir et entendre celui-là. J'irais me replonger pour une couple d'heures dans les affres et les délices de mon adolescence glorieusement torturée. Retrouver en pensée les visages des filles aimées qui ne m'aimaient pas, et celui de celle qui m'aima. J'irais, faire la file en ville pour acheter un billet, un seul, parce qu'on est toujours seul avec son passé. Le passé, c'est donc aussi du luxe, faut du pognon pour se l'offrir.

5.7.02

Ce week-end, les flics de Virginia Beach inaugurent leur nouveau joujou: un réseau de caméras reliées à un système de reconnaissance des traits. Comme de juste, les plaisanciers y vont des âneries habituelles proférées chaque fois que Gros Frère enfle davantage: «I think it's a good idea!», «If it's there to protect us, I'm all for it!», et la classique «If you're not doing anything wrong, then you've got nothing to worry about!»



Tas d'infâmes faquins. Chair à dictature.



La banque de données contiendra, outre des faces de "terroristes", les fiches anthropométriques bertillonnées de fugitifs et de fugueurs. Fugueurs, c'est à peu de chose près ce que nous étions, Nat's et moi, quand nous aboutîmes à Virginia Beach en juillet 1981. S'ils avaient eu ce système-là, on ne se serait pas mariés. On n'aurait pas non plus conçu notre fils une nuit tiède sur la plage.
D'abord, on a manqué d'électricité à cause de feux de forêt à la Baie James. Goodbye ma crème glacée au chocolat. Ensuite, c'est Blogger qui suspend la publication pour cause d'entretien du serveur. J'écris ceci sans savoir quand je pourrai le mettre en ligne. Et moi qui craignais de manquer de jus pour mes jérémiades.



Suis sorti marcher ma ville, tête légère sous ses cieux spacieux. Arrêté chez XYZ, prendre mon courrier, rapporter le clavier et souhaiter de bonnes vacances à tout le monde. Un biais par la bibliothèque et zoum! à la fruiterie, où j'ai fait le plein de nectarines. Si jamais j'ai une fille, je l'appellerai Nectarine. Nectarine Mistral. Quelqu'un sait-il si c'est bon pour la santé d'en dévorer huit d'un coup?



eworldmusic.com vend des chansons en ligne, à l'album ou à la pièce. Dont celles de Mario Peluso, y compris celles que j'ai écrites pour lui. Mario n'est jamais pressé de souligner la contribution de ses paroliers. En cela, il ne diffère pas de nombre d'autres chanteurs. Ne trouvant mon nom nulle part, j'ai écrit aux administrateurs de ce site, qui se sont empressés de corriger l'omission. Tout à leur honneur.



Bon, eh bien, j'ai mis la main sur le dernier roman de William Kennedy, Roscoe, et je vais de ce saut dans mon lit m'y plonger.
Il ne fait plus assez chaud pour me plaindre. Manque de pot: je n'ai rien d'autre à dire.

4.7.02

Vingt-trois ans que je fume. Serait temps d'arrêter. J'étouffe, par tous les diables!



Peut-être commencer par passer du format King Size au Régulier. Quelques années comme ça, et puis on verra.
Longtemps que j'avais pas mis le nez dehors. Aujourd'hui, un type est mort d'insolation en traversant la rue. Mais j'étais à court de popsicles. Le jardin devant le building est luxuriant, une véritable jungle amazonienne! Je me sens comme Rip Van Winkle.
Mario s'est tout de même arraché au confort relatif de sa chambre. Chez moi, paraît-il, c'est mieux. Moins pire, en tous cas. J'ai fait un pâté chinois. Faut être malade dans la tête, pour allumer le four. L'homme peut-il survivre sur une diète de bière et de popsicles à la banane?
Deux cents petits boutons de chaleur constellent mon torse comme ces dessins d'enfant faits de points numérotés à relier entre eux.



N'était la température, on se demande souvent de quoi on parlerait. Mes reins exigent sourdement, mais il fait bien trop chaud pour baiser à deux.



Mario m'appelle pour savoir si j'arrive à bouger. Lui, dort toute la journée devant le ventilateur. Il me parle du Théâtre de Verdure. Y est allé deux fois. Chaque année, je me dis que je devrais en profiter; j'ai qu'à traverser la rue, après tout. Faudrait une panne de télé.

3.7.02

Réveillé Kevin avec le mp3 de Daniel Boone et deux oeufs cuits durs. En partant, il a dit merci deux fois derrière moi, mais je n'ai pas su quoi répondre, ni n'aurais trouvé le coeur de le faire.
Parlant de secrets: quand j'ai rencontré O', c'était en rencontrant Script, et cela n'est pas secret, ce qui l'est c'est où O' se trouvait à ce moment-là, et donc moi, et donc Script, d'où les deux-tiers de pseudonymes dans cette histoire, et le plus drôle est que je ne sais toujours pas pourquoi c'est un secret, elles ne me l'ont pas dit et je ne l'ai pas demandé, mais pour autant que je sache ça l'est toujours et je suis donc tenu de le garder, voilà pourquoi cette intro est longue à chier, c'est la faute à O' et c'est à elle que vous adresserez vos réclamations.



Ce qui m'amène quand même, on s'en doutait, à mon sujet. Cette O', j'en ai parlé déjà, ça fait un bail qu'elle figure dans mes rares Liaisons Dangereuses. Hier (le jour d'avant?), elle a changé le titre de son Journal. Cela s'appelle dorénavant L'Immédiate.





J'ai lu la première entrée: à vue de nez, c'est bien le même sensuel tissu de mots en lettres minuscules issus du même diable de petit vicieux machin de bonne femme trop douée pour sa santé, c'est souvent beau à hoqueter quand on se souvient de respirer, c'est étranger à l'expérience des hommes et expurgé de celle des femmes mûres, c'est O' qui s'enseigne à elle-même à écrire, voilà ce que je pense, malgré qu'elle pourrait en remontrer à à peu près tout le monde que je connais, comme si O' savait ce qu'elle ignore encore et le chemin de sa destination, j'en suis pas sûr mais j'ai le sentiment très fort qu'elle fait des pompes. Son Journal n'est pas un agenda quotidien comme le mien, pour tout dire c'est un roman, mais je la suspecte d'avoir switché de titre pour marquer son intention de se lancer dans les vraies choses (ce qu'elle observe, ce qu'elle en pense, où ça se passe). Si c'est ça, alors allez-y: en cliquant sur ce lien, vous assisterez à la naissance d'un écrivain.



D'autre part, Annie me manque comme d'habitude, et ce soir, ce sont ses conseils dont l'absence se fait le plus cruellement sentir. Pas des conseils, vraiment, mais la façon qu'elle avait de comprendre que je ne comprenais pas toujours mon gars, ni mon devoir, ni ma propre perplexité. Et de m'aider à m'en pardonner.



That's it, folks. Go home to your loved ones. Show's over for now...
D'ici, de mon bureau, j'embrasse tout mon minuscule et précieux univers. Ma vue, ma tévé, mon lit, mon frigidaire, ma bibliothèque et mon Kevin endormi sur le sofa dans un drap léger de coton propre, un micro-ventilo calculé pour lui flatter la couenne à l'air chaud charrié, ses derniers mots ont été merci de veiller sur moi et il s'en est allé dans la paix temporaire qu'il fréquente si peu.



On a bu sans abus. La visite de JC l'a troublé autant que moi, en un sens, en plusieurs. L'a obligé à se re-situer, se redéfinir, se redire ce qu'il est, cet homme et cet enfant, et, n'est-ce pas, l'un n'est pas la suite de l'autre avec une évidence aussi aveuglante qu'on l'aimerait croire.



En regard de la loi du silence qui règne dans ma famille, l'omertà sicilienne fait figure de note de service, au pire d'aimable consigne. Tout me crie de me taire sur mon fils et ce qui me remue et m'empêche de dormir ce soir. Je l'ai fait, me taire, toute ma vie en cette matière. Ma famille est-elle fière?

2.7.02

Mon fils sort à l'instant. Déconcertant. Kevin est allé faire un tour dans le Parc pour nous laisser aborder en privé les sujets délicats, s'il en est. Or, selon monsieur mon kid, il n'en est pas. Qu'il vive à nouveau ses journées dans la rue n'est pas un sujet délicat. Qu'il dorme ses nuits au Refuge de Bigras n'est pas un sujet délicat. Qu'il croie en l'Atlantide, les bases lunaires états-uniennes secrètes et le troisième oeil de Lobsang Rampa n'est pas un sujet délicat. Tout baigne, papa, t'en fais pas.



Il jasait avec Kevin et j'étais bien content, ça sonnait rationnel au début et Vigneau, comment dire, si je l'avais connu comme mon aîné, disons à vingt ans, qui sait les sommets que j'aurais atteints aujourd'hui? Je veux dire: ça me semble un beau cadeau à faire, un cadeau de père, à faire à mon petit, de le mettre en rapport avec un Kevin (qui, est-il besoin de le préciser, ne se trouve pas sous le pas d'un cheval, sauf en fin de cuite au festival western de St-Tite).



Ils partagent un soyeux souvenir de jeunesse: une série animée japonaise intitulée Les Cités d'Or, historiquement située au temps de Cortez. Or, cette merde criminelle est rediffusée ces jours-ci à Radio-Canada, et nous en avons subi un épisode à trois heures et demie. J'ai tout compris. Des frégates armées à l'énergie solaire, des Olmèques extra-terrestres, des enfants du soleil, des tatouages héréditaires mystiques, en veux-tu du nippon en voilà. Quand je pense que ma mère interdisait à JC de regarder les Simpson's, de crainte que ça ne lui pollue l'esprit. Et tout ce temps je me croyais un père, sinon adéquat, du moins vigilant! Résultat, toute conversation cartésienne ou constructive avec mon fils est impossible, un esprit brillant a été bâti sur des fondations de sable avec du bois rongé par les termites. Il a vingt ans! Que pourrais-je faire pour le redresser à vingt ans? C'est pas juste. Il valait tellement mieux.
Kevin a laissé la peinture en plan avant de tomber de l'échelle et le voilà ici, prenant soin de sa petite bière. Le boulot c'est bien beau, mais faut pas virer fou.
Justine passée en coup de vent, les bras chargés de bouteilles. Le mécénat prend de nombreux visages, y compris les plus jolis, et quand il se déhanche, ma foi, ça ne gâche rien.
Sur toutes les chaînes, les bulletins de nouvelles ne sont qu'avis de chaleur accablante. Si vous voyez en ville un type qui me ressemble et qui a l'air de s'en payer une tranche, ce ne sera pas moi. Je reste dans un rayon d'un mètre de mon ventilateur en zappant jusqu'à ce que je trouve des nouvelles fraîches.

1.7.02

Visite de Kevin, suivi d'Éric. La bière se met à bouillir dans les verres avant qu'on les cale.
Premier juillet. Cela divise l'année, comme une raie une coiffure.

(John Steinbeck,

L'hiver de notre mécontentement)



Ce lundi gluant comme la gaine d'algues des sushi, doux comme le vin juif. Je me demande parfois si l'on vieillit vraiment, des jours tels que celui-ci.
Rien à signaler. Vraiment rien. J'aime ça comme ça.