3.7.02

Parlant de secrets: quand j'ai rencontré O', c'était en rencontrant Script, et cela n'est pas secret, ce qui l'est c'est où O' se trouvait à ce moment-là, et donc moi, et donc Script, d'où les deux-tiers de pseudonymes dans cette histoire, et le plus drôle est que je ne sais toujours pas pourquoi c'est un secret, elles ne me l'ont pas dit et je ne l'ai pas demandé, mais pour autant que je sache ça l'est toujours et je suis donc tenu de le garder, voilà pourquoi cette intro est longue à chier, c'est la faute à O' et c'est à elle que vous adresserez vos réclamations.



Ce qui m'amène quand même, on s'en doutait, à mon sujet. Cette O', j'en ai parlé déjà, ça fait un bail qu'elle figure dans mes rares Liaisons Dangereuses. Hier (le jour d'avant?), elle a changé le titre de son Journal. Cela s'appelle dorénavant L'Immédiate.





J'ai lu la première entrée: à vue de nez, c'est bien le même sensuel tissu de mots en lettres minuscules issus du même diable de petit vicieux machin de bonne femme trop douée pour sa santé, c'est souvent beau à hoqueter quand on se souvient de respirer, c'est étranger à l'expérience des hommes et expurgé de celle des femmes mûres, c'est O' qui s'enseigne à elle-même à écrire, voilà ce que je pense, malgré qu'elle pourrait en remontrer à à peu près tout le monde que je connais, comme si O' savait ce qu'elle ignore encore et le chemin de sa destination, j'en suis pas sûr mais j'ai le sentiment très fort qu'elle fait des pompes. Son Journal n'est pas un agenda quotidien comme le mien, pour tout dire c'est un roman, mais je la suspecte d'avoir switché de titre pour marquer son intention de se lancer dans les vraies choses (ce qu'elle observe, ce qu'elle en pense, où ça se passe). Si c'est ça, alors allez-y: en cliquant sur ce lien, vous assisterez à la naissance d'un écrivain.



D'autre part, Annie me manque comme d'habitude, et ce soir, ce sont ses conseils dont l'absence se fait le plus cruellement sentir. Pas des conseils, vraiment, mais la façon qu'elle avait de comprendre que je ne comprenais pas toujours mon gars, ni mon devoir, ni ma propre perplexité. Et de m'aider à m'en pardonner.



That's it, folks. Go home to your loved ones. Show's over for now...
D'ici, de mon bureau, j'embrasse tout mon minuscule et précieux univers. Ma vue, ma tévé, mon lit, mon frigidaire, ma bibliothèque et mon Kevin endormi sur le sofa dans un drap léger de coton propre, un micro-ventilo calculé pour lui flatter la couenne à l'air chaud charrié, ses derniers mots ont été merci de veiller sur moi et il s'en est allé dans la paix temporaire qu'il fréquente si peu.



On a bu sans abus. La visite de JC l'a troublé autant que moi, en un sens, en plusieurs. L'a obligé à se re-situer, se redéfinir, se redire ce qu'il est, cet homme et cet enfant, et, n'est-ce pas, l'un n'est pas la suite de l'autre avec une évidence aussi aveuglante qu'on l'aimerait croire.



En regard de la loi du silence qui règne dans ma famille, l'omertà sicilienne fait figure de note de service, au pire d'aimable consigne. Tout me crie de me taire sur mon fils et ce qui me remue et m'empêche de dormir ce soir. Je l'ai fait, me taire, toute ma vie en cette matière. Ma famille est-elle fière?

2.7.02

Mon fils sort à l'instant. Déconcertant. Kevin est allé faire un tour dans le Parc pour nous laisser aborder en privé les sujets délicats, s'il en est. Or, selon monsieur mon kid, il n'en est pas. Qu'il vive à nouveau ses journées dans la rue n'est pas un sujet délicat. Qu'il dorme ses nuits au Refuge de Bigras n'est pas un sujet délicat. Qu'il croie en l'Atlantide, les bases lunaires états-uniennes secrètes et le troisième oeil de Lobsang Rampa n'est pas un sujet délicat. Tout baigne, papa, t'en fais pas.



Il jasait avec Kevin et j'étais bien content, ça sonnait rationnel au début et Vigneau, comment dire, si je l'avais connu comme mon aîné, disons à vingt ans, qui sait les sommets que j'aurais atteints aujourd'hui? Je veux dire: ça me semble un beau cadeau à faire, un cadeau de père, à faire à mon petit, de le mettre en rapport avec un Kevin (qui, est-il besoin de le préciser, ne se trouve pas sous le pas d'un cheval, sauf en fin de cuite au festival western de St-Tite).



Ils partagent un soyeux souvenir de jeunesse: une série animée japonaise intitulée Les Cités d'Or, historiquement située au temps de Cortez. Or, cette merde criminelle est rediffusée ces jours-ci à Radio-Canada, et nous en avons subi un épisode à trois heures et demie. J'ai tout compris. Des frégates armées à l'énergie solaire, des Olmèques extra-terrestres, des enfants du soleil, des tatouages héréditaires mystiques, en veux-tu du nippon en voilà. Quand je pense que ma mère interdisait à JC de regarder les Simpson's, de crainte que ça ne lui pollue l'esprit. Et tout ce temps je me croyais un père, sinon adéquat, du moins vigilant! Résultat, toute conversation cartésienne ou constructive avec mon fils est impossible, un esprit brillant a été bâti sur des fondations de sable avec du bois rongé par les termites. Il a vingt ans! Que pourrais-je faire pour le redresser à vingt ans? C'est pas juste. Il valait tellement mieux.
Kevin a laissé la peinture en plan avant de tomber de l'échelle et le voilà ici, prenant soin de sa petite bière. Le boulot c'est bien beau, mais faut pas virer fou.
Justine passée en coup de vent, les bras chargés de bouteilles. Le mécénat prend de nombreux visages, y compris les plus jolis, et quand il se déhanche, ma foi, ça ne gâche rien.
Sur toutes les chaînes, les bulletins de nouvelles ne sont qu'avis de chaleur accablante. Si vous voyez en ville un type qui me ressemble et qui a l'air de s'en payer une tranche, ce ne sera pas moi. Je reste dans un rayon d'un mètre de mon ventilateur en zappant jusqu'à ce que je trouve des nouvelles fraîches.

1.7.02

Visite de Kevin, suivi d'Éric. La bière se met à bouillir dans les verres avant qu'on les cale.
Premier juillet. Cela divise l'année, comme une raie une coiffure.

(John Steinbeck,

L'hiver de notre mécontentement)



Ce lundi gluant comme la gaine d'algues des sushi, doux comme le vin juif. Je me demande parfois si l'on vieillit vraiment, des jours tels que celui-ci.
Rien à signaler. Vraiment rien. J'aime ça comme ça.

30.6.02

habeas corpus. Show me your body.
Me voici donc que je reviens de l'épicerie ouske je vais depuis cinq ans (et demi); l'y avait là un grand nazi de 17 ans étudiant en techniques policières un blond stagiaire pris par la nouvelle administration pour observer la clientèle et débusquer ceux qui volent à l'étalage. Pendant ce temps que vos impôts paient, les musulmans propriétaires sont à Bagdad pour dire adieu à leur grand-mère (ils sont 4 frères). Personne a songé à prévenir ce grand crétin du danger qu'il y a à tourner autour d'un vieux précieux client solide, spécialement si ce client c'est moi, anyway je lui câlice un coup de coude dans l'arête aryenne qui ne le sera plus jamais le sang pisse sur le pain Weston je continue mes petites courses et puis je paie en fronçant les sourcils de l'air de dire y a ti kekun ki veut me dire kekchose et puis je rentre avec ma crème glacée.
Elle m'a écrit un mail joli, gentil, féminin, explicatif, apologétique, noble et docile à la fois, je ne sais pas, je ne sais pas, je vais faire un tour dehors et respirer très fort.
Trente-sept ans. Gros. Cancéreux que ça ne m'étonnerait pas. Le miroir me renvoie une rotondité, une épaisseur bourrelée au-dessus du coude gauche. Et j'expectore (dixit Justine) avec de plus en plus d'inconfort, un point dans le dos, dans les sombres parages des poumons, et mon coeur crampe sans avertir, à moins que ce ne soit l'avertissement, mais je crains tant que toute ma force ne fonde au creuset de l'inquiétude, comme ma beauté s'estompe dans les résidus de tabac fumé et de bière bue.



Mon appareil respiratoire est une méchante machine métis en chemin vers Batoche, Riel et Dumont (Louis et Gabriel) associés dans un rêve, une action inexorables.
Ces maudites fleurs croissent et embellissent à vue d'oeil, à croire que le pot va craquer, on dirait qu'après un temps de choc et d'hésitation elles ont accepté la transplantation et décidé de vivre ici. C'était un beau cadeau, en fin de compte.
Elle a retiré de ses sites tous les liens vers ici, stalinienne, comme si je n'avais jamais existé. Or, phénomène comique, mon trafic a augmenté en même temps. Je débouche une quille à votre santé, qui savez vous servir de Google et des signets, et qu'elle s'étouffe dans le fiel.
Sacré paquet de courriels en retard. Justine qui voulait venir hier. Si elle peut aujourd'hui, j'aurai pas besoin de travailler pour me changer les idées. Ce qui me fait songer à ce pauvre Kevin qui va de job de déménagement en job de peinture quand il fait trente degrés à l'ombre. Pour gagner de quoi étudier l'Antiquité. Admirable et déconcertant, comme tout ce qui est grand.
Gare aux plaies de lit! J'ai du pain sur la planche. L'ouvrage va m'aider à placer tout le sordide épisode derrière moi. Toujours triste et fâché, autant l'un que l'autre je pense, le contraire serait surprenant, mais je n'ai qu'à ne pas perdre de vue qu'aucun bon moment des derniers mois ne mérite un souvenir attendri puisqu'ils émanaient du mensonge. Mon instinct, lui, ne mentait pas. Brave bête.
Dormi 24 heures. Un bon début. J'y retourne.

29.6.02

Ce Journal a une douzaine de semaines et son lectorat augmente de façon régulière, sans sursauts suspects, suivant une courbe qui suggère que nous avons affaire à du solide. Et je trouve ça franchement fascinant. Les outils de mesure de fréquentation propres au web n'ont pas encore d'équivalent dans l'édition traditionnelle, et ceux dont on dispose, quoique plus précis, détaillés et rapides qu'il y a dix ans, demeurent d'arides rapports comptables à l'usage de l'éditeur: leur principal intérêt est de permettre une gestion plus serrée des inventaires, se traduisant en fin d'exercice par de substantielles économies, notamment au chapitre des frais d'entreposage.



Bon, j'ai pas fermé l'oeil depuis 85 heures et l'incohérence menace...

28.6.02

Il y avait tant de cheveux déchus gisant sur le plancher du barbershop, un tas énorme et rondouillard, on aurait dit une petite bête, un gros tribble ou ce qui reste d'un chow-chow équarri dans un party goth.



C'était à moi, le tas entier, quoiqu'un peu moins déjà: la crinière de Christian, cavalièrement congédiée, donnant son show d'adieu. J'avais acheté une caméra jetable pour documenter les derniers instants de cette belle plante couleur de marrons rôtis au brasero, au cas où j'aurais le bon sens de ne plus attendre si longtemps la prochaine fois. Trois pépés attendaient leur tour en discutant restauration de baignoires.
Y a une garnotte dans ma bottine. Traduction libre d'une vénérable locution proverbiale sicilienne dont je situerais l'origine entre Alaric et Attila si je n'avais rien de mieux à faire ou qu'on m'offrait beaucoup d'argent ou si des fois sait-on jamais on le demandait gentiment. Quossé, on peut plus rêver? À défaut de dormir...



Une garnotte! Dans ma bottine...



Rustique image sépia, métaphore méditteranéenne mafieuse, à n'employer qu'à basse voix tout en frottant un bout de pain sur le rebord glissant et gras d'une vaste jarre d'huile odorante—une jarre en grès poreux pesant—et juste avant de vous verser un autre verre de ce vin rude aussi sec et accidenté que les environs d'Agrigente.



Dans le volet final de la trilogie Corléonienne, la chaussure est celle d'Eli Wallach et le caillou, c'est Pacino. Dans ce cas de figure, l'onctueuse et retorse charogne incarnée par Wallach aurait mieux fait de changer de souliers ou d'endurer son mal, à supposer que pareil choix existe dans un cosmos déterministe où Coppola est Dieu-le-Père (Deodaddy pour les intimes).



Y a donc une garnotte dans ma bottine qui m'a démangé tout le jour. Un mec que je connais même pas. Classique histoire de hiérarchie, de mâle alpha et de respect. Une peccadille, en vérité, mais fort utile à me distraire du réel objet qui me pèse, un tas étrange assez puant qu'elle a dompé par accident sur les restants de ma candeur. Équilibrage de la matière: cette masse de malice, de mensonge et de médiocrité me libère du poids de toute obligation, sinon de tout désir. Les règles du jeu m'ont été clairement, finalement révélées. Je suis doublement affranchi. So roll the dice, girl, cause daddy needs new shoes!!!
Ce matin, je suis malheureux. Ça ne m'arrive à peu près jamais, parce qu'en principe je ne crois pas au concept de bonheur (ni, par extension, en son contraire), mais il semble qu'un épuisement systématique, patient, délibéré, puisse générer les conditions propices à l'expérience d'états qui n'existent pas. Conséquemment, je m'observe ressentant ça, qui va passer très vite.



Viens de finir de visionner A beautiful mind. Ce Russell Crowe, à qui l'opinion unanime prête des vertus d'acteur superlatives, réhabilite la notion même d'opinion unanime, du moins à mes yeux, et mon regard est querelleur depuis vingt heures, rien n'y trouve grâce, rien que ce type qui joue comme ça ne se voit plus, comme ça ne s'est peut-être jamais vu: le critère jouer faux, jouer juste perd ses sens à ce spectacle, quand un mec nous la joue scène après scène de façons neuves, depuis les muscles du mâchoir jusqu'aux usages du regard inédits tous ne devant rien et qu'on est placé devant l'évidence qu'un répertoire est inventé. Anyway, à la fin, Nash, acceptant son Nobel, parle des "mystérieuses équations de l'amour".
Rien à faire, je dors pas. Ces enfoirés de gros lards de feignants de marchands de sable ont dû se foutre en grève, j'ai pas pris les infos ni ouvert un journal depuis mardi dernier, je sais plus rien, comment ça va chez vous? Le sommeil marche? Il fonctionne? C'est peut-être une grève sectorielle, c'est ça, mais bien sûr sot que je suis, le dodo est un service essentiel, comme la police et l'hôpital, ils peuvent pas priver de repos toute une ville en même temps, y aurait du sang dans les rues sous peu, y en a peut-être déjà, je sais pas, je suis pas sorti, je cherchais le sommeil dans mon lit.
J'aurais aimé pouvoir lui expliquer pourquoi je ne peux pas, ne dois pas, ne pourrais plus de toute façon jouer le jeu de l'amour, pourquoi ce doit être l'amour sérieux, celui des grandes personnes, ou rien du tout. Les grandes personnes savent la valeur de ce qu'elles ont et ne le compromettent pas à tout bout de champ au gré de leurs humeurs.



J'ai mis des années à rassembler les morceaux de mes vies—la privée, la publique, la professionnelle, la platonique, la passionnée—, ceux-là que j'ai pu rescaper des décombres après le choc et l'après-choc sismiques qui ont brutalement tout envoyé valser. Si elle savait la terreur de glace que m'ont causée crescendo ses trois retournements, je crois absolument qu'elle ne s'y serait pas abandonnée. Mais elle ne le sait pas parce que je ne peux pas le lui faire comprendre. Terreur de glace, c'est ce que j'ai trouvé de mieux pour dessiner mon sentiment, mais ce n'est pas, hein, tant s'en faut, une explication très porteuse de sens et de nuances; c'est une approximation codée au moyen d'un langage commun dans le dessein de transférer l'information d'une mémoire à une autre, et c'est là un domaine où les humains sont désespérément moins efficaces que les ordinateurs.



J'ai pesé les choses. Dans ma balance telle qu'elle est maintenant, faite de l'alliage des métaux extraits de ma vie aux scories minées tout au fond de ma carrière; cette balance, elle penche résolument du côté de la sérénité. Le plus léger plateau contient pourtant tout mon désir d'elle et d'une belle grande intégrale permanente histoire d'amour, de celles dont les protagonistes ne connaissent jamais le fin mot parce qu'elles durent très précisément jusqu'au dernier soupir du dernier à mourir. Il contient, ce plateau, outre ce que j'ai [ ]







J'en peux plus. Pas capable de finir le paragraphe. Presque 72 heures. Toujours pas dormi sauf les clous que je cogne huit secondes à la fois. J'arrête là avant de foutre le feu—je m'assoupis un mégot à la main et la brûlure me réveille. Je veux plus avoir peur. Je m'en fous s'il faut que je m'enferme pour être à l'abri des désirs chaotiques du dehors. Liberté. De s'enfermer. Ça reviendrait à ça, en fin de compte? À qui nous incarcère, d'autrui ou de soi? Je vais mourir, mais quand? Dans dix minutes, dix jours, dix ans?

27.6.02

Vrac, vite vite avant que le livreur de broue n'arrive:



-Le concierge est venu poser les lattes de bois circonscrivant le périmètre-cuisine. Un boulot de quinze minutes, incluant la pause-bière tandis que se solidifie la colle-contact. Bilan fait, j'attendais depuis un an et demi, on m'a promis de venir vendredi prochain vingt-six fois plus ou moins et le concierge actuel est le sixième en succession directe depuis le premier qui m'a menti.



-Le maudit pot de fleurs prospère, les petites rouges arrêtent pas de périr et de renaître d'un jour à l'autre comme des phénixs végétaux narquois, moi j'arrose, j'ai pas le choix, je fais ça vite sans regarder, comme si ça pouvait m'empêcher de me mettre à les aimer.



-Hier soir, au Café Ludik: un bluesman à la voix chaude citron-miel-boisson forte, une voix de ponce de gin, de grog épicé, de vin bouilli. Patronyme Lutes, prénom je m'en rappelle pas.



-Même moment, même endroit: Patrick Coppens, poète que je qualifierai de fildefériste, because la façon dont il livre son show (rodé comme un moteur de Ferrari, adaptable à l'entier spectre des pistes, qu'il pleuve ou que l'asphalte fume): il flirte avec l'étroite et brumeuse frontière entre mettre les gens à l'aise et outrager leur égo. Il flirte, et il séduit. Plus tard, entre sa sortie de scène et mon entrée en icelle, il vient m'offrir une page autographiée; je ne saurais reproduire ici ce qu'il m'a écrit, sinon en le paraphrasant, vu que le papier est resté dans la poche-revolver de Vigneau, en tous cas c'était gentil et il était question de bosser duo un de ces jours. Un peu plus tard encore, il laisse tomber qu'il en est à sa 397ème performance. K n'est pas encore passé, il passera en dernier parmi les invités, avant la portion micro ouvert, anyway deux choses me viennent en tête à cette mention de 397ème: #1. Je songe que K en est à sa unième, et j'espère qu'il a ramassé quelques trucs en écoutant Coppens. #2. Je me réjouis d'avoir pu offrir ce raccourci à K en négociant un package deal avec Éric Roger, et je me réjouis que K, son orgueil bien placé, ait eu le bon sens d'accepter sans stériles états d'âme (ce matin, au téléphone, quand il m'a confié s'être réveillé sur un high naturel, je me suis réjoui encore. Il y a des jours qui sont comme ça, et moi, je suis encore mardi).



***



Vrac (suite), vite vite avant que les flashes ne s'enfuient (tous mes bons flashes se font la malle, ça la fout mal):



-Un blind pig sur la Main, milieu de la nuit dernière: ce nègre déjanté hallucine pire qu'une groupie de banlieue, me suit partout, me saute au cou, se jette sur mon chemin avec force gestes d'amitié; j'y réponds vaille que vaille, de dix secondes en dix secondes sa main s'élance et stoppe en l'air faut que je fasse la même affaire pour qu'on s'accouple en un high five, lequel échoue à tous les coups à cause de lui dix fois sur dix encore un mythe qui se dévisse, deux heures plus tard il est bien cuit on est assis de part et d'autre d'une table lamentable et il commence à me causer en phrases entières que j'entends pas—je viens de farcir le juke-box jusqu'à la fente avec toute la mitraille qui lestait ma poche de futal—on s'y reprend à plusieurs fois il se passionne pour son sujet j'aimerais tant en faire autant sauf que la seule chose que j'entends c'est la beuglante d'Éric Lapointe amplifiée par les haut-parleurs toujours est-il que ce con-là ce qu'il pensait ce qu'il disait c'est que j'étais un gars de gaffe un chef motard un Hell's Angel il voulait se faire pardonner pour les bêtises qu'il avait faites dans ce bar-là auparavant il s'était fait jeter dehors un mois plus tôt comme y en a mille sauf qu'il se croyait exilé une fois pour toutes et sans retour et quand il était revenu certain qu'on ne l'admettrait pas il était tombé sur le cul en ne constatant rien de tel et depuis lors depuis deux heures il était en proie à la peur irraisonnée qu'on épiait le moment de le châtier en bout de ligne il n'y tint plus il se plaça à la merci du plus gros sale aux cheveux longs qu'il trouva dans les environs persuadé qu'il s'agissait d'un chef de guerre d'un puissant homme et c'est ainsi qu'il se méprit qu'il fit erreur sur la personne en l'occurence c'était moi et non quelqu'un qui me ressemble et qui serait cet écrivain dont la rumeur dit tant de bien...
Clean cut, spic & span, looking good, feeling fine, king of the hood, sex on my mind, should go to bed until sunday screw the redhead sleep all the way got a nosebleed I wonder why I'm a bad seed don't even try don't talk to me get the fuck out bring an army but shut your mouth I need my sleep I count a sheep always the same old lousy game I want to dream I want to scream I need to lock my own white ass in a cell block and let it pass.
Salut la compagnie. J'écris pour énumérer brièvement ce sur quoi je n'écrirai pas maintenant, et pourquoi. Je n'ai pas fermé l'oeil depuis cinquante heures, voilà pourquoi. Lessivé, je n'écris pas plus de conneries que d'habitude, mais je les écris moins bien. Alors à plus tard, hein? Je causerai de la soirée d'hier au Ludik, de la fusquigécoraïque performance de Kevin Vigneau, poète, dont c'était le baptême du micro, sacrifiant sa cerise littéraire sur une scène de 2 mètres carré avec la noblesse et l'aplomb et le magnétisme effronté d'un ange chauve et chic. Il y aura quelque chose sur Justine, ce sujet délicat, sa robe de lin blanc et ses baisers pudiques émouvants à frémir. Et cetera et cetera et que sera sera. Et de Kevin encore, qui m'informe quelque part là-dedans du coup de fil d'Annie, reçu mardi de la semaine dernière. «J'ai pas eu le temps de t'en parler avant...», qu'il commence à avancer en guise d'explication, penaud, pas convaincu, puis renonçant à mi-phrase et attendant bravement l'explosion.



Sauf que c'est si gros, si hénaurme, si démesurément atypique, que j'éclate d'un rire falstaffien à en faire choir les guitares collées au plafond du Bistro à Jojo. Ce damné Madelinot, si parfait toujours, à s'aliéner les mortels ordinaires, venait tout de même de faire une boulette. Ironiquement, l'imperfection même qui le rendait plus humain ajoutait à son charisme zen. «Elle avait l'air de dire qu'il valait mieux vous séparer, des trucs comme ça. J'ai pas bien saisi, j'étais pas mal chaud...»



«J'espère qu'elle attendait pas de réponse?», je dis, goguenard. Il me dévisage un instant, puis éclate de rire à son tour. C'est pas drôle, mais qu'est-ce que vous voulez, ça fait du bien.



Bon, c'est pas tout ça, mon barbier m'attend pour ma coupe annuelle.



25.6.02

Retournement de fortune, dans le bon sens pour une fois. Les sous cinéma se sont posés comme une fleur dans ma boîte aux lettres. Enfin, pas précisément, parce que l'adresse était tant soit peu erronée, mais heureusement, mon facteur est aussi un fervent lecteur; il prend sa retraite à la fin de l'année et il va me manquer.



Mario compare ma vie à celle de Monsieur Magoo: chaque fois que je vais chuter dans le vide, une planche de salut se présente. De fait, j'étais à ça d'être débranché partout. Meilleure chance la prochaine fois, mauvais sort.



Mario vient chercher un peu de café et m'apporte un peu de tabac. Ce sacré vieux communiste et moi jetons les bases d'une nouvelle/ancienne économie: le troc solidaire.
marijuana.jpg

Hier, Éric arrive, gelé dur en dépit de l'extrême chaleur, sa selle de bécane à la main. D'ordinaire, sa tolérance au THC est si forte qu'il faut l'observer de près pour se douter qu'il a fumé, mais là, ses yeux sont des braises enfoncées dans leurs orbites et sa voix a baissé d'un octave. Je lui demande comment ça se fait. Il m'explique que, depuis qu'il s'est trouvé une bicyclette, il arrête chez tous ses copains entre l'appartement de sa blonde et le sien, le temps de tirer un petit joint. En bout de journée, ça finit par compter.



Sa guignolée personnelle, en quelque sorte. Vieux rituel convivial canadien-français remis au goût du jour. Quand il repart, il oublie sa selle et doit remonter la chercher.
Je constate avec plaisir qu'Annie a repris son Journal, cette fois sous la forme d'un blog plus traditionnel. En en étudiant la source, j'ai appris à surligner. En matière de codes et de bidouillage, Script a toujours une longueur d'avance.
Courriel de ma vieille Marie-Claude, aujourd'hui mariée en Belgique: «Je ne sais pas si tu reçois tes relevés de la Socan à la maison, si oui, tu devrais vérifier que tu as bien été payé par la Sabam sur ton Q2 2002 pour ta chanson Soirs de Scotch. Hier soir, ils ont fait un gros concert pour célébrer la St-Jean sur la Grand-Place à Bruxelles et dans leur medley, ils ont utilisé environ 40-45 sec. de ta chanson.»



Voilà que par ma faute, nous passons pour des soûlons à l'étranger!

24.6.02

Ça y est. Selon le Washington Post, le FBI a commencé à visiter les bibliothèques publiques, réclamant et obtenant la liste des livres empruntés par certains citoyens en vertu du Patriot Act. La semaine dernière, le jour même de l'arrestation d'un Musulman à Montréal, on pouvait voir et entendre aux nouvelles de cinq heures le zouf employé au club vidéo du coin énumérer les locations de cassettes du suspect.
Mario venait juste d'apprendre la démission de Stanley Péan de La Presse après qu'on eut refusé de publier son papier sur Denise Bombardier. «Je savais qu'elle était pesante, dit-il, référant à ces posters chez Renaud-Bray où on la voit en pyjama, mais c'est tout de même pas un auteur majeur!»



«N'en sois pas si sûr», réponds-je en déployant le doigt du milieu.



«Et Péan, dans tout ça? Qu'est-ce que t'en penses?»



«Ma foi, pas grand chose. Il y a quelques années, incarcéré à Bordeaux, le Bordeaux qui flanque la Rivière-des-Prairies, j'ai bénéficié d'une libération d'après-midi et je suis tombé sur lui dans le métro. «T'es pas supposé être en prison?» qu'il m'a dit, une pointe de déception dans la voix. Alors, Péan, tu comprends, depuis ce temps, c'est un peu mon négatif. Je veux dire: t'as été journaliste, tu sais comment ça marche. La rédaction a tout loisir de publier ou non. Qu'il fasse sa crise si ça lui chante, mais je partirai pas en guerre contre La Presse pour ça, et personne d'autre ne le fera.»



«Ton négatif?»



«Ouais. C'est drôle, hein?»



«Dans quel sens, négatif?»



«Dans tous les sens.»



«Alors oui, c'est tordant.»



Il y a quelque temps, j'ai accepté la pressante invitation d'Éric Roger à participer à sa mensuelle soirée Solovox, celle de ce 26 juin, au café Ludik. Pour l'occasion, j'ai exhumé quelques poèmes de jeunesse, en fait toute une pile, en fait un recueil entier, inédit. Fange et furie. Chaque fois que je les relis, je suis partagé entre la gêne et l'émotion. La plupart remontent à l'époque de Vamp: théoriquement, ils ne devraient pas être aussi mauvais qu'ils m'en ont l'air. Quoi qu'il en soit, je vais en roder quelques-uns mercredi soir, après quoi on verra bien s'il convient d'en faire quelque chose. Kevin doit également faire ses débuts sur scène, mais j'ignore toujours s'il y sera.
Quebec.gif

JF et Denis voulaient venir finir une bouteille de rhum, mais le courriel s'est égaré en chemin. C'est aussi bien. Plus de rhum pour moi. À seize ans, je suis tombé du deuxième étage sur le crâne au cours d'une cuite au Captain Morgan. Si je n'avais été si soûl, je serais mort assurément. Sauf que je ne serais pas tombé.



À Radio-Canada, on diffuse des entrevues avec des fêtards de la Saint-Jean. Ils choisissent les plus débiles. Enfin, j'espère. Parce que si c'est les moins pires, y a de quoi déménager à Saskatoon.

23.6.02

Kevin sort d'ici à l'instant. Vêtu d'un t-shirt emprunté, sa chemise laissée dans une autre bagarre. Skinhead et débarbé. On a causé. Causé des causes, des conséquences. On s'est souri, serré la main. Il a lu une semaine de Journal, puis je l'ai envoyé dormir, car il se lève à six heures demain pour remplir un contrat de peinture. Il est reparti avec ses films. Rasséréné.
Kevin, mon chevalier rouge, vient d'appeler de Saint-Hyacinthe. Fort chaud, tout frère. Je n'ai jamais douté que nous surmonterions l'escarmouche. Maintenant, j'en suis tout à fait sûr.
Si on me demande, dites que je suis flambant nu entre deux ventilateurs, à lire The Bourne identity de Robert Ludlum tout en regardant du coin de l'oeil une version expurgée de la vie de Catherine de Russie.
Noël des campeurs ou cadeau de la Saint-Jean, appelez ça comme vous voulez, ce matin je vous offre Boîte à bijoux, une chanson inédite téléchargeable en format mp3. La musique est de JF Moran et Denis Coulombe, l'interprétation de Karine Lecault, qui la défend en ce moment même au festival international de la chanson de Granby.

22.6.02

Pâté chinois pour petit déjeûner. Ça fait un bon fond. Toujours révolté par ce qu'elle m'a écrit. J'attends patiemment que mon dégoût reflue.
Coup de fil de don José (Acquelin) autorisant l'usage de son texte avec enthousiasme.



J'apprends que je fais désormais partie du comité liberté d'expression de l'UNEQ. D'autre part, ils réclament une photo de moi en position d'écrire pour un diaporama en l'honneur de leurs 25 ans. Trouver une idée drôle.

21.6.02

Justine me chicane parce que j'ai séché deux jours (elle savait pas, pour la souris). Moi je songe à l'incendie de ses cheveux l'opulence dont elle comble le denim de ses robes et je me fais plaisir.



Justine loves to make a man horny

it makes her feel juicy


(Anonyme)
Reçu de Bertrand Laverdure: un exemplaire frais imprimé de Les chants de l'aube de Lady Day, par Danièle Robert, préface de Stanley Péan, publié chez Triptyque. Une splendeur de contenant! Le contenu, je ne l'ai pas absorbé encore, faut que je finisse mon roman de Star Trek.



Les folles sont si foutrement sexy! Le problème, avec les folles, c'est qu'elles ne savent pas qu'elles le sont. Elles s'en doutent, je pense, et ça les rend méchantes, mais autrement, c'est du bonbon.



J'en ai connu une, récemment, elle avait lu tous mes romans, mais du diable si elle ne s'indignait pas de me voir boire! Cette grotesque et virulente sangsue se figurait que mes livres s'écrivent tout seuls, et que le temps que je passe à m'enivrer tout en contemplant le plafond et en réfléchissant est du temps perdu. Perdu pour elle, s'entend.



Le comble, c'est que l'inénarrable cruche, cachée planquée creux sous trois épaisses couches de pseudonymes, craint toujours qu'on la reconnaisse. Encore faudrait-il qu'elle fût connue! Truman disait finement: «If you can't stand the heat, get out of the kitchen!», quand il ne disait pas «If you can't shit, get off the pot!»



Dangereuses, ces biches-là. «Fais-moi confiance! Quand vas-tu enfin me faire confiance?»



Hmmmph!
Ça parle au diable: de nouvelles fleurettes rouges ont surgi du pot d'Annie. Ça s'arrose, bordel.
Beaucoup de viande mise à bronzer sur l'étal vert autour du bassin du Parc Lafontaine. Quelqu'un travaille-t-il encore dans cette ville indolente et flemmarde? C'est beau à voir, je vous raconte pas, les forces vives de la nation, les masses laborieuses qui s'enduisent de lotion solaire.



Hey, I'm back!



Un aspect parmi cent de la curieuse nature des femmes: elles s'imaginent devoir passer avant la littérature. Même celles qui s'échinent à écrire avec toute l'émouvante (m)aigreur de leurs moyens, la face figée en un rictus de revanche; c'est tout dire.



Vous là-bas dans l'ombre, et vous ici, dans la lumière des premières rangées, je vous aime bien, vous savez...



Bon, trève de larmoieries; faut que je sorte acheter des tubes à cigarettes.
La Bibliothèque Centrale expose les cahiers de José Acquelin, de véritables objets d'art. J'y ai découvert un texte d'une époustouflante lucidité que je place dès maintenant en exergue d'Origines.
Deux jours d'absence forcée. Vous êtes toujours là? Ma souris m'a lâché. Celle en plastique et caoutchouc. Mais tout est arrangé, mon cousin JF Moran m'en a offert une autre et je remonte en selle tranquillement pas vite. Le temps de descendre une quille ou deux et je reviens en pleine forme!



En attendant, j'ai écrit des paroles pour JF, un texte sans refrain disponible sur Chansons.



19.6.02

Y a des gens, je vous jure, la liberté les fait râler (surtout la mienne).



Hier, quelqu'un que je ne nommerai pas (vu que je ne peux parler de rien ni personne) me demande de rester. À regret, j'explique que j'ai des choses à faire au Bunker. «Dans ce cas, SORS DE MA VIE!» hurle quelqu'un.



Ciel d'Afrique et pattes de gazelle! Quelle bonne occasion de réintégrer la mienne, pensé-je.



Sur le chemin du retour, une théorie de bagnoles klaxonnantes hérissées de drapeaux brésiliens applaudissait le nouvel état de choses. Au fait, quelqu'un connaît-il le résultat du match contre la Belgique?

18.6.02

Bon, ben, pas moyen de rapporter ces satanés films! Annie a appelé tous les clubs de la ville pour découvrir d'où ils venaient, sans succès.



Là, je l'accompagne à la bibliothèque pour effectuer son inscription. Une île, une ville. J'ai presque envie de pousser vers l'ouest, histoire de tâter de quelques public libraries westmountaises.
Étreinte matinale rapide et sweet. Sorti acheter du lait: deux hassidim venant de directions opposées se pressaient pour arriver à l'heure à la synagogue: le premier a fermé la porte au visage du second. J'ai eu l'impression qu'il lui jouait un tour.



Hier, on a beaucoup jasé du roman en chantier d'Annie, et tout marche rondement, mais je ne peux en piper mot. Je ne peux parler de rien ni personne.

17.6.02

Vais rapporter les films de K au club vidéo, histoire de lui donner un coup de main et d'éviter que ça ne lui coûte le bras dont il aura besoin pour vilbrequiner les trous de vis dans les portes d'armoires qui doivent recevoir les boutons gris que sa grand-mère m'a offerts.
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Le film continue. J'ai renouvelé mon alliance avec la production. Je reviens sous la pluie (encore) et Annie nous touille des pâtes à la pâte de tomates. Elle regarde Eyes wide shut, sage et douce et paisible, tandis que j'admire ses jambes à travers une jupe hippie de coton mince. Let the sun shine in!
Annie m'a rendu responsable d'un peu plus de vie et de beauté: un héliotrope, un bégonia, des pensées plus un peu de verveine, tous plantés dans un gros pot. J'espère me montrer à la hauteur.



Ce matin, rencontre avec les producteurs de mon scénario. Annie me lit des bouts de Julien Vago. Moi, j'essaie de lire mon avenir dans le vol des goélands à ma croisée ouverte.

16.6.02

Soirée d'hier chez Annie, super souper, J-C était de la fête. Aujourd'hui, on rentre sous la pluie et on se fait sécher en regardant un film de gars bien sanglant et chaotique.

15.6.02

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Avec Kevin, on s'est descendu une bouteille de Havana Club en regardant Les raisins de la colère, puis on a commencé à se taper dans la gueule.



Annie est venue m'aider à retrouver mes lunettes et à éponger l'hémoglobine de Madelinot. De la grosse rouge qui tache. J'espère qu'il va bien. En tous cas, j'aurai appris qu'il possède un sacré punch (au rhum).



Tu parles d'un contrat de peinture! Peut-être le perroquet d'hier préfigurait-il ce party de pirates. Yo ho ho et une bouteille de rhum!

14.6.02

Hier, faisant la file à L'Échange de la rue Saint-Denis pour recevoir paiement des livres sacrifiés, je tombe face à face avec Éric Drouin, une cassette de Peter Gabriel à la main. Les yeux dans les yeux, trois longues secondes avant que sa face ne se fende d'un grand sourire. «Je viens d'en fumer un gros, dit-il. C'est pas moi qui te reconnais pas, c'est mon corps!»
Ajouté deux courts chapitres à Origines. L'un traite de clarté d'esprit, l'autre de transgression, et le plus drôle est qu'ils ne figureront pas à cet endroit dans le livre.
En pleine rue Rachel, je viens juste de croiser un bonhomme avec un perroquet vivant juché sur l'épaule, une grosse bête d'au moins trois kilos. La classe!
Mario passe travailler un peu sur ses sites. Il admire le vilbrequin de Kevin, une vieille chose déchue rachetée chez un chineur, de préférence à une perceuse, en hommage à son aïeul qui lui en apprit l'usage. C'était à l'époque où il bâtissait leur nid, à Catherine et à lui.
Aveuglé par le Voir (mauvaise idée de se frotter les yeux après lecture de ce canard-là).



Kevin venu hier pour me préparer un succulent souper et veiller un peu avec/sur moi. On a lu un article à mon propos du professeur Émile J. Talbot de l'Université de l'Illinois à Urbana-Champaign. Satisfaisant. Sauf le bout qui parle de Vamp, «bien accueilli par les critiques, même par ceux qui se disaient rebutés par la personne de l'auteur.» Quand je pense à tout ce avec quoi j'ai couché au début de ma carrière pour lancer la machine, toutes ces relations publiques privées, comme une starlette sur le sofa, toutes ces critiques que j'ai bien accueillies, même celles qui me rebutaient... Quand j'y pense, je me dis que ça valait la peine et la tétracycline.



K commence un contrat de peinture aujourd'hui. Quand il est parti, vers 22 heures, la lune s'est encadrée dans ma fenêtre, croissant froid juste pour moi.

13.6.02

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Enfin, il n'est pas inconcevable que [l'état de gr] la grâce, ce fuyant état propre à la vingtaine, ne reviendra jamais que par bouffées intermittentes séparées les unes des autres par des intervalles de plus en plus longs, et que je me sois, en quelque sorte, volé à moi-même mes meilleures années. Cette idée ne laisse pas d'être profondément déconcertante.



page manuscrite de yours truly, gentiment numérisée par son fils. Putain, j'espère qu'il l'a lue en passant.
Traversé le Parc Lafontaine: le lilas commence à puer sérieux.



Au chapitre des choses littéraires, rien à dire aujourd'hui, sinon que les billets d'opéra font d'excellents signets.
Regret, rancune ou nostalgie,

L'amour est une odontalgie.
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En tout cas, ne laissez personne vous dire que L'Elisir d'Amore est une comédie. Pour nous autres, tout au moins, ça s'est fini en drame.



Autre ordre d'idée (peut-être, peut-être pas): que pensez-vous d'un gars qui, sans le savoir, arrose son jardin et se mixe des martinis avec de l'eau mêlée de nitro-glycérine?



12.6.02

Fait l'amour comme on exerce un magistère. Les soupirs de ma douce tout parfumés de miel. Dormi comme une masse.



Ce soir, a night at the opera: on va voir et entendre Elisir d'Amore.

11.6.02

Kevin, lisant le dialogue ci-haut, rectifie: «Je sais que j'ai dit Les yeux grands ouverts au téléphone, au lieu de Les yeux grands fermés. Je le sais. Quand je pétarade, je pétarade, tu peux l'écrire, ça me dérange pas, mais quand je fais pas exprès pour me tromper, bon, c'est pas pareil, par exemple je dirais pas Les raisons de la colère, parce que je sais que j'ai raison quand j'ai tort de me tromper, tu comprends bien que loin de moi l'idée d'intervenir, mais quand même, faut être logique!»



Il médite un peu, se recueille, me fout un (fraternel) coup de pied sur le tibia: «Ben dis donc, j'ai l'impression que je viens de me passer un sapin...»
Kevin trouvait que quelque chose clochait dans le Bunker, sans trop pouvoir préciser quoi. On a cherché, cherché. Finalement, c'était le plancher. Propre.



Chez nous, le plancher colle, d'habitude, et il est terne, et on s'englue les pieds dessus. C'est à cause du style. Le style, il me pisse des doigts.
Reconduisant Annie à sa voiture, croisé une voisine dans la rue: «Bonjour, monsieur l'écrivain! Dites, j'ai besoin d'un conseil. Voilà: j'ai écrit un recueil de poésie que Stanké veut publier, et j'aimerais que nous prenions une demi-heure pour que vous me disiez ce que vous en pensez...»



Lui dis que je ne fais plus ça, pour personne. «Au moins, c'est franc!» lance-t-elle en tournant les talons.



-Attendez! Je vais vous expliquer pourquoi.»



S'arrête, se retourne, fixe le trottoir.



-Vous comprenez, je n'ai rien à y gagner et tout à y perdre. Si j'aime pas ça, je suis tenu de le dire et je perds un ami. Si c'est très bon, je l'ai dans le cul parce que je suis jaloux et que ça m'empêche d'écrire pour le reste de la semaine. Vous comprenez?



Ses yeux, adoucis. «Au moins, c'est franc...»



Et elle continue sa route vers le dépanneur, et je rentre au Bunker, une petite pince sur le coeur.



Mon Kevin qui appelle: «J'ai loué trois films! Tu veux les voir?»



-Sûr! C'est quoi?



-Ben, j'ai celui avec Polanski et Depardieu, c'est l'histoire d'un écrivain qui...



-Ouais, il meurt.



-Il meurt?



-Ben oui, quoi, il est mort.



-Parce qu'il se suicide?



-Il me semble. Tu sais, c'est comme L'auberge des morts subites, la pièce de Félix Leclerc. Ou Huis-Clos. Le gars est mort et il l'ignore.



-Ah ben, ça parle au diable!



-Précisément. Enfin, ça dépend du point de vue.



-Je confesse que j'avais pas vu ça.



-Tu t'es endormi dessus.



-Même pas! J'ai aussi loué Reservoir Dogs!



-Ah! Là, c'est mêlant. Reservoir Dogs. Quand les gars s'entretirent, en triangle, il me semble qu'il manque une balle. J'ai jamais compris. J'ai eu beau rewinder, faire Pause, je pige pas.



-Tu piges pas quoi?



-Qu'il manque une balle.



-Il manque une balle?



-Me semble.



-J'ai pas vu ça.



-C'est quoi, l'autre film?



-C'est Les yeux grands ouverts.



-Eyes wide shut, de Kubrick?



-Yep!



-T'as fait exprès, ou quoi?



-Non. Exprès de quoi faire?



-Putain, c'est un autre film incompréhensible, il est même célèbre pour ça. Les trois que t'as loués, c'est ceux qui me rentrent pas dans la tête. Ceux-là et tous les James Bond.



-Bon, alors, je les apporte? Et puis le vilbrequin pour tes poignées de portes, j'y ai pensé, l'est dans mon sac...
Ma blonde me trouve trop smooth avec le monde (à l'envers!).
Ça vous excite, le fouteballe?



Les nerfs!



Ah, elle est jolie, l'Europe unie. Nostalgie de guéguerre et d'irrigation du colon Africain. Une grosse Mancelle braille et cinq Danois triomphants se fichent malpoliment d'elle. L'Amérique Latine se lamente, et c'est pas sur les forêts d'Amazonie...



Vous nous faites chier! Vous méritez pas le nom d'Hommes! Fouteballe, merde, gang de cons, gang de caves, gang de gangs!



Suckers...
Le concierge fait la tournée du building pour découvrir ce qui a bien pu se passer vendredi soir. Sacré mystère!



Annie a tout lavé le plancher, elle dit que ça lui fait du bien de travailler plus du corps et moins de la tête, moi je dis qu'elle est équilibrée. On ne l'avait encore jamais accusée de ça.
Aujourd'hui, Memory Babe se plante pire que jamais. Memory Babe, c'est le sobriquet de mon ordinateur, en hommage à Jack Kerouac, qui en était affublé étant petit. Les Français ont traduit ça par môme mémoire. Paraît que Ti-Jean K. se souvenait de tout. Je connais. Ça porte à boire. Mais je digresse, là: donc, mon ordi crashe pire qu'un coucou de l'American Airlines et je ne suis pas loin de croire que les choses iraient plus rondement si je tapais mon Journal sur ma vieille Underwood avec du papier carbone avant de vous le livrer à pied à domicile.

10.6.02

J'ai une sorte de boulette de viande qui me sort derrière l'épaule droite depuis un ou deux ans ou peut-être trois. Une partie du méchant dans mon corps qui s'exprime. Kevin préconise de la brûler à l'alcool isopropylique 70%, vous vous rendez compte? J'endors le méchant du dedans au tord-boyaux et, dès qu'il me fuit, qu'est-ce que je fais? Je le rattrape et je le finis à l'alcool à friction.
Faudrait finir par parler des vrais problèmes. Comment se fait-il qu'on puisse envoyer une sonde sur Mars et qu'on n'ait toujours pas inventé un ventilateur muni d'un câble d'alimentation de plus d'un mètre de long? Après ça, comment se surprendre que je sois un tantinet casanier? Qu'on aère cette insulaire cité-fournaise ou qu'on ne me cherche plus dans ses rues!



Kevin dort dans la chambre d'amis, angélique sous la moustiquaire. Annie engraisse la matinée, repoussant le moment d'écrire ce qu'elle appelle sa page de trivialités (lire: ce qui s'est vraiment passé).

9.6.02

Là, on vient de passer deux heures à essayer de se dérider, sans succès. On a convié Coluche, Desproges, Lemire, Rock et Belles Oreilles, Yvon Deschamps et Robin Williams, du petit calibre au gros canon, nommez-le, on l'a écouté. Et puis rien. On n'a pas pouffé. Le rire nous est resté dans la trachée. Annie pense que ça a peut-être quelque chose à voir avec le fait qu'on boit de l'eau. Kevin incline à croire au bris de sono. Pour ma part, je penche pour le dimanche, tout simplement. C'est pas un jour drôle.
A fallu tirer J-C du lit, pas une mince tâche quand on est occupé à ne pas s'énerver. Annie a écrasé le champignon et on est arrivés chez ma mère pile à l'heure. Guère de bonne humeur, maman, parce que d'impécunieux amoureux des plantes lui en avaient piqué deux des siennes la nuit dernière.



Au retour, on a ramassé Kevin chez lui avant d'aller reconduire mon fils. Toute la jeunesse ardente et nue de Montréalville s'ébattait sur le flanc doux de la montagne au son des tam-tams, entourée de flics bleus et surplombée d'un mince nuage de boucane, bleue.

8.6.02

La gloire du matin s'est poursuivie tout le jour, comme une encre riche s'étendant par capillarité sur un buvard.



Le marché Jean-Talon! Renvoi aux sources symboliques des plus anciennes communautés humaines. Mer de visages sains et souriants pleins de pluie, de soleil et de campagne. Un sac de terre, un sac de tourbe de crevettes (de méthane). Pots de petites fleurs aux coloris savamment choisis par mon amour. Elle en a même inventé un: violet volatil. Puis les nourritures terrestres: prosciutto de l'Ontario, prosciutto parme, fromage de chèvre, Saint-André coulant, baguettes fraîches, calissons d'Aix (une gourmandise, autrefois distribuée comme hostie à l'office commémorant annuellement la grande peste provençale de 1630), chocolat noir, bordeaux grenat. Et ces prunes sucrées, ces tomates mûres, ce maïs de Californie, ces patates grelots, ces asperges grasses et le sein doux d'Annie tendre tendre comme un sot-l'y-laisse!



Dolce vita.
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Descendu chez fiston avec Kevin pour lui transmettre l'invitation de sa grand-mère à un bbq dominical. L'exiguïté de ses pénates nous a fait préférer le balcon; là, dans le soleil excessif de sa jeunesse triomphante, s'éployait le tatoo de divin volatile, prenant l'air sur les omoplates de mon kid. Ça ressemble à un géoglyphe de Nazca.



Plus tard en soirée, au Bunker, la tribu a joué à Le rouge et le noir, une sorte de Trivial Pursuit littéraire. Ça volait bas; Mario menait mais s'est retiré à mi-course devant l'inflation des décibels. Lui parti, ne restaient plus que K, Annie et moi: on a continué un peu, se querellant comme des chiffonniers, avant de décider de tout foutre ça par la fenêtre dans un grand éclat de rire. Les cartes blanches virevoltèrent joliment depuis le septième étage jusque dans la ruelle. Kevin nous a relu le chapitre IX des Raisins de la colère avec des sanglots dans la voix.

7.6.02

Virée au dépanneur. Sur Mont-Royal, le macadam est fermé à la circulation automobile pour la vente de trottoir, et l'asphalte est pavoisée d'oeuvres versicolores apparues durant la nuit. On forme un singulier duo, K me faisant la lecture et moi le guidant comme un aveugle, le détournant des arbres et des dos d'âne, lui frôlant l'épaule quand une voiture approche.
Je raconte à Annie que je comprends la dépendance au jeu: j'en ai souffert quinze jours en 1983, après que Natali s'en fut allée. Deux semaines durant, dans une sombre taverne de Rosemont, j'ai nourri de trente sous un insatiable, imperturbable bandit manchot. Puis plus rien. Ça m'est passé comme une fièvre.



Elle dit: «Il ya des gens, aussi, qui font cet effet-là...»



Kevin lit Les raisins de la colère avec ravissement, s'interrompant pour triturer le Petit Robert (quelle est la différence entre être métayer et prendre à fermage?).



Annie fait une entrée dans Les carnets rouges, puis retourne à Cet amour-là, de Yann Andréa. En principe, elle travaille dans 19 minutes, mais tout porte à croire qu'elle s'en fout.



Et moi? Je suis très occupé à être moi.

6.6.02

Retour de la pendaison de crémaillère des éditions Trait d'Union, au Carré Saint-Louis. Turgeon heureux, très présidentiel. Dominique Chénier en dangereuses formes.



Annie sirote un petit beaujolais pas piqué des vers en démontant mon ventilateur, celui qui gémit à fendre l'âme. Kevin descend sa Suprême en imprimant une page couverture couleur pour le manuscrit du roman d'Annie



On va se faire une de ces platées de vermicelli avec la sauce à Mario! La pasta non aspeta...
Kevin revenu rue Hutchison, pour finir de réparer le loquet. Annie sera contente d'économiser une porte neuve. Nous nous entendons, tous les trois, comme le sel, le citron et la téquila.
Écoute les monologues de Pierre Desproges. Rire jaune fondamental, grinçante intelligence d'outre-tombe. Fais gaffe toubib: j'ai piégé mes métastases! Souvenirs de Paris, de Valérie, de me faire bouffer les couilles quasi par le chien du chef quand ils nous a surpris dans les toilettes du restaurant ché plus lequel près d'une église ché plus laquelle...



Paris en juin: deux semaines suffisent pour se rappeler qu'on est bien chez soi, sauf si on est Parisien, cela va de soi.
Quarante-huit (bonnes) heures loin du Bunker. Serait temps de rentrer. Annie est partie travailler. Kevin a dormi chez lui, histoire de gérer son hôtel. Juin avance et toujours pas de livre à l'horizon. Faut que je fasse attention en traversant la rue.

5.6.02

Kevin et moi demandons grâce: Annie nous a gavés de civilisation sous forme de potage de poireaux marbré de crème fraîche, de grillades et de pommes de terre en robe des champs; quelque part entre les fraises et le fromage, ma ceinture cède.
Tout le mile-end fleure bon l'humus, la tourbe mouillée, le germinal. Annie travaille à son roman, excitée comme une puce sexy, et je picole gentiment à côté, tour à tour reprenant puis délaissant ma lecture. Dans la rue, les hassidim vaquent à leur vie avec un air de certitude tranquille, de conscience, de satisfaction séduisant. Les marchands de fruits s'agitent et le facteur tire la tronche en traînant de la patte: c'est jour de catalogues.
Tendre hier. Conciliation. Avec A, on s'est mitonnés mon premier bar-b-q de l'année, puis on a piraté des tounes de Claude Dubois et on les a jetées à la corbeille sans même les écouter, puis on a baisé sur une brave petite chaise qui n'avait vraiment l'air de rien.
I've dreamed of eden all my life

I find it more and more each day

Now everywhere I go across the land

I stand so proudly in the sun and say

I am home




Molly-Ann Leikin

East of Eden (An american hymn)

4.6.02

Sporadiquement, j'arpente mon territoire sans bouger de mon bureau, en consultant MontréalCAM. Je vais voir mes pingouins au biodôme, par exemple. À cette heure, ce qui frappe, c'est la quantité de camions au centre-ville, dans le Vieux-Montréal et, par extension, le Vieux-Port. Ces mastodontes innombrables irriguent les artères de la ville comme autant de globules rouges, charriant le boire, le manger, le papier-cul (ça, ce sont les globules blancs, je suppose). La cité s'éveille en pétant comme le proverbial géant assoupi et s'apprête à vivre sa journée.
Vous êtes-vous déjà installé à l'ordi avant d'être tout à fait réveillé? Soudain, une putain de corne de brume mugit de nulle part. Ça dissout le cérumen et ça chasse la chassie, c'est moi qui vous le dis.
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Je relis Sarek, d'Ann C. Crispin, un roman de trekker. C'est au violon que je me suis laissé brusquement happer par l'univers de Star Trek; confiné avec quarante voleurs dans une caverne froide, cacophonique et malodorante, le sommeil me fuyait et, couché à même le plancher de béton, j'ai trouvé refuge dans le rêve: la liberté de l'espace infini, la loyauté de personnages fictifs, la justice immanente d'un futur télévisé.
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Je suis là aussi. J'entends.

3.6.02

Roupillé on & off tout ce saint lundi comme une corde de bois.
Bertrand Laverdure annonce sur Graffiti que le texte de Mario paraîtra dans Moebius #94. J'appelle l'intéressé qui, stressé, se pointe dans l'heure. K et moi lui faisons fête. Arrive Éric Drouin, suivi de peu par Jean-Christian Mistral, ce grand fouet magnifique qui me ressemble en tous points, excepté le tatoo de faucon-dieu qui bleuit désormais toute l'ampleur trapézoïdale de son dos. Mon bébé, tatoué!

2.6.02

Kevin m'a réveillé en modulant une pétarade. Encore ivre d'hier, il a déjeûné comme a son habitude de deux hot dogs froids sans rien dedans et s'est recouché tout habillé. À chaque jour suffit sa cuite. On ne peut guère se soûler quand on est déjà soûl.



Bertrand n'est pas venu.



1.6.02

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Post Meridionem de musique et de broue. Kevin râle en silence et me zyeute et me checke au cas où je pognerais le cafard. À voir! Je m'en vais nous bouillir des fettucini, Alfredo, tandis que retentissent dans tout l'appartement les suppliants accents de Pagliacci.
Vu, dans l'ascenseur, ce graffito au feutre gras: C'est beaucoup plus propre! Bon concierge: on se le garde!



Mario appelle pour connaître l'origine d'une citation. Je la crois de Baudelaire, mais sans certitude. Lui recommande d'appeler Kevin, qui confirme, nomme le titre du poème et la page des Fleurs du mal où il se trouve.



L'un s'en vient avec de la bière, l'autre avec un sonnet à imprimer. Un samedi ordinaire.
3:30: visite de mon vieux Bertrand, engoncé dans un fuseau de cuirette. Allé danser au Passeport, à en juger par sa pochette d'allumettes. On a parlé du cancer de son père. On a parlé de son père. «C'est dur de le voir pleurer tous les jours. Depuis qu'il a accepté, c'est plus facile. J'aime m'en occuper. Ça me fait du bien...»



De ses cours de soudure. «À la fin de la journée, tu vois ce que tu as fait, c'est du solide!»



Du dernier roman de Louis, que je lui ai prêté et que je lui réclame. «C'est dur de lire quelqu'un qu'on connaît aussi bien. Même les tiens, j'ai de la misère, mais toi, je te connais trop.»



Il est reparti avec la nuit en promettant de revenir ce soir.